VariaChronique

Marcher encore pour que rien ne change ?De l’urgence de rénover notre démocratie[Record]

  • Dominic Desroches

Ce qui devait arriver arriva. À force de négligence et d’arrogance, à force de mépris et de dénis de démocratie, vient un temps noir, une dépression, un climat orageux qui incitent certains indignés à agir avec force. Ces « indignés », ce sont des étudiants de collèges et d’universités en grève depuis dix semaines qui, non sans raison d’ailleurs, en viennent à penser que la seule solution pour être entendus des autorités québécoises en déroute se trouve dans la violence. Depuis plus d’une semaine déjà, les médias acteurs rapportent plusieurs actes de vandalisme. Ces médias répètent en chœur les propos du gouvernement qui dit ne pas vouloir céder à l’intimidation. Ces médias, répétant le discours du gouvernement, voient du « boycott » dans la grève et laissent entendre que les leaders sont irresponsables, comme des pirates. Ils publient un sondage qui fait croire que l’appui à la grève étudiante diminue. Pis encore : ils invitent les étudiants à cesser leurs manifestations, de même qu’à condamner au passage la violence dont sont victimes les étudiants et les professeurs. On le voit bien : ce gouvernement cherche, et c’était déjà écrit depuis le début du conflit, à diviser le mouvement étudiant en isolant la CLASSE (la Coalition large pour une association syndicale étudiante), la frange la plus radicale des associations étudiantes. Il récupère les actes de violence ciblés pour rendre illégitime la démocratie étudiante. Il multiplie les arrestations et on assiste au déploiement progressif de la police anti-émeute sur les campus. La grève coûte déjà beaucoup plus cher que ce que la hausse des frais de scolarité décrétée aurait permis d’amasser dans les coffres du gouvernement. Voilà pourquoi, face au mépris de certains éditorialistes téléguidés et autres chroniqueurs de droite patentés – c’est bien connu, les médias sont des acteurs qui campent du côté du statu quo et leur objectivité consiste à dire que rien ne doit changer – les associations étudiantes protègent leurs assemblées et reçoivent encore l’appui de professeurs, de parents et de syndicats. Leur cause est juste, le temps politique travaille pour elles et le mouvement s’inscrit déjà dans l’histoire moderne du Québec. Nous sommes entrés dans la « tempête d’Avril 2012 » : le navire du gouvernement libéral vogue lentement vers son naufrage, lequel entraînera avec lui des étudiants, des institutions, mais aussi une bonne partie de la population composée de parents, de professeurs et d’employés qui sont des victimes collatérales du conflit. Ce naufrage prévisible, dans la violence croissante, s’expliquera très bien. Quand le gouvernement ne gouverne plus, quand le capitaine fait porter sa responsabilité aux autres, que la ministre de l’Éducation veut que la CLASSE condamne la violence alors qu’elle ne condamne pas celle de ses policiers, la peur peut se transformer en courage et l’action devenir saccage et destruction. Quand le gouvernement incite à la violence pour diviser et que la matraque devient fétiche, la démocratie est mise à mal. En invitant les étudiants à retourner en classe malgré la grève et en appuyant les injonctions et les directeurs paniqués contre la majorité démocratique, le gouvernement montre qu’il est irresponsable. Il cherche des affrontements et des altercations avec ses forces de l’ordre pour justifier son inaction. Il joue la provocation et cherche à mater la colère des jeunes indignés. Que dire d’un Premier ministre qui, au Palais des congrès, se moque des étudiants qui manifestent et fait des blagues ? Est-il digne de la plus haute fonction politique quand, devant les PDG des grandes minières, il rit de la jeunesse qui manifeste ? Le gouvernement ne veut pas négocier avec les étudiants. Pourtant, il a …