VariaChronique

Le printemps politique des étudiants québécois[Record]

  • Dominic Desroches

Après un hiver plus chaud que d’habitude, voilà la société québécoise qui se met en mouvement. Ce mouvement en effet est l’œuvre des associations étudiantes qui organisent, depuis plusieurs semaines déjà, des activités originales et créatives contre le gouvernement libéral du Québec qui veut poursuivre le « dégel » des frais de scolarité commencé en 2006. Si le gel permettait à la majorité d’accéder à une éducation supérieure de qualité, le dégel des libéraux favorisera les mieux nantis, ce qui aura pour effet de faire reculer le Québec en le ramenant à l’époque où seule une élite accédait à l’université, s’appropriait les emplois prestigieux et le pouvoir politique. Dans ce texte, nous tenterons d’expliquer les raisons derrière le succès retentissant du « printemps » politique des étudiants québécois. Ce qui honore premièrement les étudiants de la nouvelle génération, c’est qu’ils ont su utiliser l’ambiance générale pour planifier une vague progressive de manifestations. Ils ont senti le vent et en tirent profit. Contrairement à leurs aînés qui devaient créer un climat politique d’exception, les étudiants actuels profitent de la mode de l’indignation mondiale, d’un gouvernement usé par le pouvoir, de leurs réseaux sociaux et d’une température extérieure plus chaude que la normale. Portés par une vague de chaleur sans précédent – il fera plus de 20 degrés Celsius pendant cette semaine cruciale de manifestations –, les étudiants espèrent la réussite de leur printemps intempestif, ils souhaitent faire reculer le gouvernement de Jean Charest, bien qu’ils doivent composer au quotidien avec des casseurs et des bloqueurs qui profitent de toutes les manifestations pour s’assurer d’un chaos minimal. Or, si on entend par l’expression « printemps politique » le réchauffement organisé du climat politique, la « grève » de 2012 sera marquante parce qu’elle se trouve en phase avec la météorologie politique. Elle pourrait être l’expression d’un moment charnière de l’histoire sociale du Québec contemporain. Pourquoi ? Parce que, pensé depuis l’été, le mouvement des associations étudiantes a semé ses graines en automne. Patient, il a prévu le « printemps » durant l’hiver et il récolte aujourd’hui un réchauffement politique qui, dépassant les seuls étudiants, englobe la société toute entière. Il est si fort, surprenant et résistant qu’il échappe aux médias, lesquels défendent un statu quo et un immobilisme qu’ils appellent à tort « objectivité ». De l’indignation du monde - du printemps arabe, de la Puerta del sol, des mouvements d’occupation jusqu’aux étudiants québécois engagés envers leur avenir –, les médias ne retiennent que la protestation et le dérangement dans la normalité, couvrant la manifestation familiale de dimanche dernier de la même manière que la fermeture d’une grosse usine ou une partie de football. Par leur refus de couvrir véritablement toute action concertée et particulière comme il se doit, les médias montrent leurs limites. Le printemps intempestif des étudiants déroute les politiciens ainsi que les médias nationaux parce que ceux-ci, habitués à décider seuls de l’agenda politique et des nouvelles qui devront masquer les enjeux vitaux d’une population affaiblie par l’asphyxie médiatique, refusent par principe de reconnaître tout mouvement collectif créatif. La seconde condition du succès des étudiants est l’attitude de fermeture d’un gouvernement qui gouverne pour ses amis. Pour les libéraux, il faut imposer aux étudiants une hausse progressive des frais de scolarité et ce, sans discussion. Si le budget le prévoit, c’est donc bon. Le slogan des libéraux est que tous, y compris les étudiants – qui sont les plus vulnérables et endettés de la population – doivent faire leur « juste part » dans le resserrement des finances publiques. Ce que les libéraux ne disent pas, c’est qu’au moment …