VariaChronique

La droite canadienne installée sur un trône[Record]

  • Dominic Desroches

Le parti conservateur, qui ne s’est pas noyé dans la « vague orange » de protestation qui a déferlé sur le Québec lors des élections fédérales de 2011, s’est donné un gouvernement majoritaire à Ottawa et se montre déterminé, plus que jamais, à revoir l’image du Canada. Face à des partis politiques fragilisés, le gouvernement est désormais seul aux commandes. Or, nous tenterons ici de répondre au défi consistant à présenter le travail récent de la droite au Canada. Nous verrons que le pays, qui connaît des réformes, n’emprunte pas le chemin de Barack Obama aux États-Unis. Les gauches canadienne et québécoise semblent impuissantes face à une droite qui se croit installée sur un trône dans le manoir canadien, lequel ressemble de plus en plus, disons-le, à une haunted House. La situation politique actuelle au Canada, en deux mots, nous oblige à élaborer une « politique spectrale » attentive aux conflits du passé non résolus. Pour le comprendre, rien ne vaut le rappel de quelques anecdotes récentes. Car toute la politique conservatrice mise au point par le gouvernement de Stephen Harper – prononcez « Harpeur » – doit maintenant apparaître comme le reformatage de l’identité canadienne construite sous les libéraux. D’abord, un premier pas important a été franchi lorsque les conservateurs ont remplacé, sans consulter personne, les œuvres de Pellan, exposées dans l’édifice des Affaires étrangères à Ottawa, par un portrait de la reine mère, Elizabeth II ! Or, ils avaient un plan : ils avaient invité Kate et William à venir fêter leur mariage et ils voulaient rattacher le pays à l’auteur de Hamlet, non sans revaloriser un rapport à la monarchie. Pour que la duchesse et le duc se sentent à la maison dans le manoir canadien en juillet, on a retiré Pellan des murs de la réception de l’Édifice Lester B. Pearson des Affaires étrangères – il y était depuis une quarantaine d’années – afin d’y placer un portrait de la reine. Ici, la politique spectrale est d’une aide appréciable pour expliquer ce geste car il ne peut s’expliquer en dehors de l’histoire du Canada. Ce déplacement de tableaux est loin d’être anodin : placer, déplacer ou replacer un portrait de la reine, ce n’est pas que symbolique ou cosmétique, c’est faire apparaître ce qui n’est plus présent, c’est faire exister à nouveau le passé, c’est donc créer un fantôme politique. La photographie d’une vieille dame anglaise est à la fois le médium et le message du spectre que les conservateurs veulent réanimer et imposer aux Canadiens. Mais ce n’est rien encore dans l’étude des politiques subtiles d’un gouvernement bien campé à droite… Un second pas accompagnait le premier. Les conservateurs, on a eu l’occasion de le dire, avait pour objectif d’inviter la duchesse et le duc de Westminster au Canada. L’idée, c’était de les inviter à venir fêter leur mariage médiatique au Canada en juillet dernier et de payer la facture. Si Kate et William ont fait d’Ottawa le lieu de leur nuit de noce diplomatique, bénie de Dieu, c’est sans doute parce que le jeune couple invité savait qu’il serait chez lui, dans le manoir canadien, comme dans une union avec le Canada, un pays qui veut faire apparaître ses racines anglaises. Le couple n’a pas reculé devant l’Histoire, il l’a assumée, avalisée. Il s’est présenté au Canada un peu comme dans un pays de la couronne britannique. « Apparitions », restes du passé, lumières blanches attirantes pour l’ouest canadien et terrifiantes pour l’est, Kate et William ont donné un excellent spectacle aux touristes. Spectres en visite, ils ont été logés à l’hôtel …

Appendices