Abstracts
Résumé
Le Théâtre de la Renaissance d’Oullins organise pour la troisième saison un cycle de débats de société, « Consonances », en partenariat avec le musée des Confluences. En lien avec le spectacle {Orfeo} et {Cendrillon}, des questions se posent. Mythes et contes appartiennent à un patrimoine sans âge et sans pays. En traitant des mystères de la vie humaine en termes cosmologiques pour les mythes ou de la psyché individuelle ; pour les contes, ils nous laissent entrevoir un scénario commun universel : celui de la quête du héros qui ouvre un espace d'expression aux angoisses humaines.
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Anne-Claire Huby – Bonsoir à tous. Laureline Amanieux a travaillé sur la question des mythes et du héros. Dans son ouvrage Ce héros qui est en chacun de nous, La puissance des Mythes, elle évoque également les contes. Pour commencer, nous pourrions faire un point sur ce que l’on entend par mythe et par conte. En effet, dans un cas comme dans l’autre, il y est question de héros, mais vraisemblablement pas exactement de la même manière.
Laureline Amanieux – Il existe effectivement une différence entre le conte et le mythe. Le conte est d’abord un récit merveilleux avec des personnages très stéréotypés. En général, ces aventures finissent bien et proposent une leçon de morale. Transmis oralement et particulièrement dans les foyers, le conte était souvent destiné à la jeunesse. Il pouvait permettre aux enfants de grandir psychologiquement : passer d’un âge dépendant à la maturité.
Selon Mircea Eliade[1], le mythe est davantage un récit fabuleux qui met en scène des êtres divins ou des demis-dieux. Il s’intéresse au domaine du sacré et aux grandes questions de l’humanité, notamment celles des origines ou des mystères de l’univers. Il peut même fonder des croyances religieuses. Paul Ricœur[2] définit le mythe comme un « récit qui raconte ce qui sans lui ne pourrait pas se dire. » Par exemple, on ne sait pas comment le monde est né ou comment le mal a pu advenir dans un monde créé par un dieu bienveillant. Ce sont de telles contradictions que le récit mythologique essaye de raconter.
Dans mon livre Ce héros qui est en chacun de nous, La puissance des Mythes, je présente surtout de la vision de Joseph Campbell[3], c’est un penseur américain, grand spécialiste des mythologies et des religions. Selon lui, le mythe est une métaphore. Ce n’était pas quelque chose de faux, comme une illusion naïve. Il est vrai que l’on a tendance à utiliser le mot « mythe » de cette façon en disant « c’est un mythe » pour « c’est un mirage ». Pour lui, le mythe ne devait pas non plus être relié à une vérité historique. Il entendait aussi bien par mythe les mythologies anciennes que les religions. Il disait que le mythe n’est ni vrai ni faux, mais c’est une métaphore, une image de nos vies, de nos sociétés, une image des mystères de l’univers.
Maintenant, les points communs ! Il est vrai que dans les contes, comme dans les mythes, un héros doit accomplir une quête. Dans le conte, la quête est souvent matérielle. Prenons comme exemple Le Petit Poucet : le héros doit résoudre la question très pragmatique de la survie. En effet, il est abandonné dans la forêt avec ses frères par ses parents ; il doit trouver de l’argent pour pouvoir sortir sa famille de la misère et donc régler un problème familial. De manière générale, cela peut être aussi une princesse qui doit trouver l’amour. Des questions plus prosaïques ou concrètes sont donc en jeu.
En revanche, dans le mythe, la quête du héros est souvent plus spirituelle. Il ne s’agit pas d’un trésor matériel, mais davantage d’un message précieux qu’il faut ramener pour sauver sa société ou l’humanité pour la délivrer d’une souffrance morale ou psychologique.
Anne-Claire Huby – Pourriez-vous nous présenter un peu plus votre travail ?
Laureline Amanieux – Je vais vous parler la quête du héros dans les mythes et un peu dans nos vies. Vous pourrez alors me poser des questions plus précises, surtout sur la partie psychologique.
En France, nous avons des références anthropologiques et mythologiques, notamment les chercheurs Mircea Eliade ou Claude Lévi-Strauss. Les anglo-saxons, eux, ont pour référence Joseph Campbell, grand professeur de mythologie et de religion comparée dans l’État de New York. Il a comparé les mythes du monde entier afin de montrer leur impact dans nos vies et dans la société. Sa pensée a influencé des millions d’individus, aussi bien des universitaires que des politiciens (la mère de Barack Obama avait comme livre de chevet Puissance du mythe de Joseph Campbell), ou des écologistes. Il a également influencé de façon très inattendue, des cinéastes hollywoodiens : George Lucas a écrit entièrement la saga de Starwars à partir de ses travaux sur les mythes.
Je me suis aperçue, en résidant quelques années aux États-Unis, que Joseph Campbell est une référence dans tous les milieux (artistiques, académiques ou même chez mon coiffeur...). Il appartient vraiment à la culture populaire, et sa pensée aide les gens dans leur vie quotidienne. C’est pourquoi j’ai voulu lui consacrer un livre pour la présenter en France.
J’ai intitulé ce livre Ce héros qui est en chacun de nous parce que Joseph Campbell était surtout célèbre pour une théorie qu’il a publiée en 1949, Le héros aux mille et un visages[4] . En comparant les mythes entre eux, il a montré qu’il existait un scénario commun à tous les mythes et toutes les religions du monde entier : le scénario de la quête du héros, sorte de structure universelle qui serait produite par l’inconscient collectif.
Joseph Campbell a été très influencé par les travaux du psychologue Carl Jung, créateur du concept de l’inconscient collectif. Il a appelé ce scénario de la quête du héros : un « monomythe ».
En quoi consiste-t-elle ? Il s’agit d’un voyage initiatique en trois étapes, dont le but est de transformer la vie du héros ou de l’héroïne (« héros » est à prendre ici comme terme générique) et la société. Le principe est le suivant : le héros possède mille et un visages en fonction des cultures, des sociétés, des époques. Un même personnage accomplit toujours un parcours avec plusieurs étapes.
Je vais vous décrire une partie des étapes en les illustrant par le mythe d’Orphée, et particulièrement tel que Claudio Monteverdi l’a mis en scène dans son opéra l’Orfeo.
Tout d’abord, pour Campbell, dans les mythes, tout héros reçoit un appel de l’aventure. Campbell pense que l’aventure du héros ne dépend pas de sa naissance, qu’elle soit extraordinaire comme certains héros mythologiques (demi-dieu) ou ordinaire (simple mortel). Cela ne dépend pas de sa condition d’origine ou sociale, mais d’un appel qui est soit une nécessité intérieure d’aller accomplir une quête, soit imposé au héros.
Dans l’Orfeo de Monteverdi, Orphée est d’abord présenté dans son monde quotidien. Dans l’acte I, Orphée épouse Eurydice. Ce moment est décrit comme très heureux, très joyeux. Tous ses vœux sont comblés. Au début de l’acte II, une messagère arrive et lui annonce la mort d’Eurydice, mordue par un serpent. À partir de là, Orphée décide de partir en quête pour retrouver son épouse décédée.
L’appel de l’aventure est souvent quelque chose de très négatif dû à une tragédie, un accident. Face à cela, le héros réagit en quittant son monde ordinaire pour trouver un élixir manquant à sa vie. Parfois, on tente de l’empêcher de dire « oui ». Parfois, le héros mythologique va refuser l’appel par peur de l’échec ou par égoïsme. Et dans ce cas-là, l’appel se répète plusieurs fois jusqu’à l’acceptation par le héros. Si le héros persiste dans son refus, l’aventure s’arrête là.
Par exemple dans l’Ancien Testament, dans la Bible, Yahvé demande au prophète Jonas d’aller dans la ville de Ninive pour y faire régner l’ordre. Jonas a très peur des habitants de Ninive. Il accepte mais finalement s’enfuit par bateau dans la direction opposée. Il s’agit là d’un exemple de refus de l’appel de l’aventure qui va, évidemment, avoir des conséquences.
Ensuite, une fois l’appel accepté, le héros part et franchit le seuil d’un monde inconnu, extraordinaire, radicalement différent de son univers ordinaire. Cela peut être représenté par les profondeurs d’un océan qu’il faut traverser, par un désert ou une forêt obscure. Dans la mythologie celte, les chevaliers en quête du Graal doivent traverser une forêt sans sentier. C’est typiquement le chemin du héros.
Au seuil de ce monde extraordinaire, le héros rencontre un gardien positif ou négatif. Dans Orfeo, il est question des Enfers dont le gardien est Charon, le fameux passeur des Enfers. Pour y entrer, Orphée doit réussir à l’endormir avec son chant.
Vient la route des épreuves. Le héros subit une série d’initiations, de tests. Il rencontre un grand ennemi. Dans Orfeo, c’est le Destin, cruel envers le héros et sa femme. Orphée doit aussi convaincre Pluton, le dieu des morts, de lui rendre Eurydice. Il l’obtient à une condition : que son épouse marche derrière lui et qu’il ne la regarde pas avant de rejoindre le monde des vivants.
Car le héros doit surtout vaincre ses propres peurs intimes et ses passions. Quand Orphée remonte hors des Enfers, Eurydice le suit, mais il doute, il subit la peur qu’elle ne soit plus derrière lui, un excès d’amour impatient envers elle. Il se retourne et hélas, voit sa femme disparaître aussitôt. Découragé, Orphée retourne seul sur Terre.
Mais là, il faut mentionner la réécriture de la part de Monteverdi du mythe. En effet, dans le livret de Striggio et dans les versions anciennes du mythe, notamment celle d’Ovide dans Les Métamorphoses, Orphée meurt atrocement lacéré par des Ménades, ces servantes du dieu Dionysos, car il s’est détourné des femmes. Ce dénouement tragique n’était pas du goût de l’époque : Striggio dut modifier la fin du livret.
Dans l’Acte V d’Orféo, de retour sur terre, Orphée demeure inconsolable. La folie s’empare de lui et il s’en prend aux femmes qu’il juge impitoyables et perfides. Son père, le dieu Apollon, descend sur un nuage. Il reproche à son fils d’avoir été l’esclave de ses passions. Orphée ne retrouve pas Eurydice, mais il apprend à modérer son amour trop intense pour elle. Il est alors emmené au ciel par Apollon et devient un immortel. Donc, pour tout héros mythologique, il s’opère bien une transformation : c’est une seconde naissance, une re-naissance.
Et seulement après, le héros reçoit son élixir : Orphée peut contempler Eurydice à travers les étoiles… Il a rejoint sa bien-aimée, mais d’une autre manière que celle souhaitée au départ ! Souvent, la quête du héros doit évoluer en cours de route.
Ce sont les grandes étapes brièvement résumées que vous pouvez retrouver dans chaque mythe. Campbell ajoute que bien des héros reviennent dans leur société d’origine pour partager l’élixir avec la société : la quête n’est plus alors individualiste, mais elle devient altruiste.
Anne-Claire Huby – C’est très intéressant. Ce que vous évoquez en rapport avec le mythe d’Orphée se retrouve dans d’autres civilisations, parfois de manière inattendue.
On l’observe ainsi en Amérique latine, notamment chez les Mayas dont on a conservé un seul texte à caractère cosmogonique : le Pop Wuh[5]. Ce texte raconte quelque chose d’équivalent. Le point de départ est différent. Il s’agit pour le héros Hunahpu de vaincre des êtres malfaisants. Il ne s’agit pas ici d’un seul dieu comme pour Orphée, ce n’est pas Pluton, mais de toute une série d’êtres qu’il faut éliminer pour, une fois remonté de Xibalba[6] (l’Enfer en Amérique du Sud), pouvoir débarrasser la Terre de ces êtres malfaisants et permettre la création du premier homme, « l’Homme de maïs » pour les Mayas.
C’est ici exactement le même principe : il y a non pas un chemin difficile mais le choix difficile d’un chemin. Pour le héros, des chemins de couleurs différentes se présentent à lui. Il doit trouver la couleur correspondant au bon chemin qui le mènera vers les Enfers. Là, il n’y a pas un gardien unique comme Charon, mais des fausses représentations des dieux (des statues) que le héros ne doit pas confondre avec les êtres vivants, sans quoi, il perd toute crédibilité, il se fait ridiculiser. Et d’emblée, il a perdu.
C’est une manière évidente de montrer à quel point il y a des archétypes dans toutes les civilisations, des motifs récurrents (descente souterraine, remontée et franchissements d’épreuves...).
Laureline Amanieux – On voit bien qu’entre le mythe grec d’Orphée et ce mythe maya, il existe des similitudes.
Prenons maintenant l’exemple d’une héroïne. En effet, il n’y a pas uniquement des héros qui partent en quête, il y également des déesses, des grandes héroïnes. Dans la mythologie sumérienne, 2 500 ans avant Jésus-Christ, la déesse Inanna[7] décide de descendre aux Enfers. Dans les fragments des textes de cette époque, on ne connaît pas avec certitude la raison pour laquelle elle descend aux Enfers. On pense qu’elle veut rendre visite à sa sœur Ereshkigal, reine des Enfers, pour assister aux obsèques du mari de sa sœur. Mais c’est peut-être aussi pour la défier ! En effet, Inanna, comme Aphrodite chez les Grecs, est la déesse de la Fertilité, de la Lumière, de l’Amour, elle a tout pour elle, tandis que sa sœur est obligée de rester aux Enfers, dans l’ombre, sans jamais pouvoir en sortir.
Mal lui en prend : elle va devoir traverser les sept portes de l’Enfer. À chaque passage, l’épreuve est d’enlever un de ses vêtements ou bijoux. Elle arrive ainsi nue devant sa sœur qui la condamne à mort, la tue, et accroche son cadavre à un poteau. Inanna va devoir rester trois jours et trois nuits durant dans cette mort et dans cette obscurité avant de pouvoir être délivrée par des dieux.
Secourue, elle renaît et ressort des Enfers, mais elle doit y envoyer quelqu’un à sa place. Elle va voir sa meilleure amie qui pleure car elle la croit morte et porte son deuil. Inanna décide que ce ne sera pas cette meilleure amie merveilleuse et fidèle. Elle va donc voir son meilleur ami, éploré, triste. Elle décide également de ne pas l’envoyer à sa place. Finalement, elle va voir Dumuzi, son mari, tranquillement en train de se reposer sous un arbre fruitier. Il se moque totalement de la situation de sa femme.
Aujourd’hui, elle le retrouverait devant la télévision, affalé, pas du tout inquiet. Elle le choisit donc pour la remplacer aux Enfers. On voit bien en quoi les mythes, contrairement aux contes, ne sont pas reliés à une morale. On en tire éventuellement un message, un enseignement, mais les dieux et les divinités peuvent être injustes. Comme la vie.
Anne-Claire Huby – C’est certain. Et pourtant, la parenté entre le mythe et le conte nous saute aux yeux. En tout cas, on la perçoit même si l’on n’a pas toujours tous les moyens pour se l’expliquer. Dans cette sagesse, quelle est la place des contes où ces personnages eux aussi répondent à l’appel de l’aventure ? S’ils ne nous permettent pas de répondre à des questions philosophiques, ils sont plus prosaïques.
Ils nous aident néanmoins avec une forme de sagesse que j’aurais envie de mettre en parallèle avec celle des saints. De la même manière que l’on se voue à un saint peut-être plus facilement qu’on ne s’en remet à la divinité supérieure, on pourrait se demander s’il n’y aurait pas une sorte de rapport avec le conte : ce serait davantage du domaine de la question, de la demande que l’on peut formuler auprès d’un saint.
Laureline Amanieux – Et le mythe serait davantage relié aux dieux et aux divinités. C’est vrai que le conte est plus proche de nous. Et dans mon livre, j’ai choisi d’illustrer la quête du héros à partir du Petit Poucet de Charles Perrault, parce que ce conte nous touche particulièrement. Le petit Poucet est le septième des frères, le plus fragile, le mal-aimé, jamais reconnu par sa famille. Et pourtant, c’est lui qui à chaque fois, va résoudre les difficultés, trouver des solutions alors que ses frères sont passifs face à l’abandon de leurs parents. Il a des talents surtout psychologiques.
En général, le héros rencontre des alliés au cours de sa quête, voire un mentor qui l’initie. En revanche, le Petit Poucet ne rencontre pas de mentor. Il est laissé à la solitude et doit se débrouiller seul. Il va trouver en lui, dans son intelligence, dans son esprit, des façons de régler leurs problèmes.
Je le trouve très proche de nous car il nous renvoie à ce héros présent au fond de chacun de nous, c’est-à-dire à cette partie de nous qui va essayer de chercher tous les talents enfouis au fond de nous, pour faire face à des tragédies, des accidents, des situations difficiles, et résoudre le problème.
Anne-Claire Huby – Pour abonder dans votre sens, je pourrais rappeler l’existence dans la littérature hispano-américaine d’une adaptation de ce personnage du Petit Poucet à partir du conte d’Édouard Laboulaye[8], en France aussi au 19e siècle, qui s’intitule Poucinet et non Le Petit Poucet. Les schémas narratifs sont identiques.
José Martí[9], connu comme homme politique et pour avoir œuvré pour la libération de Cuba à la fin du 19e siècle, est aussi de manière plus étonnante, l’auteur d’une revue illustrée pour la jeunesse qu’il destinait aux enfants des Amériques. Dans cette revue, il réadapte pour ce public-là bon nombre de contes européens et notamment Poucinet de Laboulaye, qu’il a transformé en Petit Doigt.
Dans son conte, je pense qu’il a été intéressé par ce petit personnage qui, grâce à sa seule intelligence et à sa seule volonté, va pouvoir surmonter les différentes épreuves. Et finalement, il épousera la princesse, deviendra roi, un roi d’une équité à nulle autre pareille.
Ce qui, rapporté à la situation politique des toutes jeunes nations hispano-américaines, ou pas encore libérées de la couronne espagnole, avait évidemment un intérêt particulier en termes éducatif. Ce conte-là a une visée pédagogique, collective et pas seulement ce rôle de permettre à chacun de nous de trouver des réponses à des difficultés qui peuvent se présenter dans nos existences.
Les contes sont intéressants aussi parce qu’ils voyagent. On retrouve des éléments communs d’une culture à l’autre, d’une civilisation à l’autre. Ils peuvent être aussi délibérément importés (c’est le cas du Petit Poucet) pour servir à d’autres choses. Du coup, les enfants d’Amérique s’approprient ce conte-là sans savoir d’où il provient et lui donnent une nouvelle signification.
C’est comparable à certains spectacles contemporains, comme Cendrillon, dont on nous a proposé au théâtre d’Oullins une adaptation moderne et une relecture ébouriffante. Dans ce spectacle, le Prince charmant auquel rêvent toutes les petites ou jeunes filles, se trouve relu comme prince des cités. En effet, ce prince n’est pas forcément charmant. Et en le prenant littéralement, on peut apporter une nouvelle lecture et rendre actuel ce qui appartient pourtant à nos cultures depuis des siècles.
En quoi ces mythes et ces contes sont-ils encore aujourd’hui, pour nous, absolument nécessaires ?
Laureline Amanieux – Le conte et le mythe ont une fonction pédagogique, soit à un niveau individuel, soit à un niveau collectif. Joseph Campbell attribuait quatre fonctions à la mythologie.
La première fonction est métaphysique : les mythes cherchent à nous réconcilier avec la vie, avec la dimension tragique et monstrueuse de la vie, le fait que l’on vit en mangeant de la vie.
La seconde fonction est cosmologique : elle essaye de nous expliquer d’où vient l’univers, la vie, ou encore l’Homme.
La troisième fonction est sociologique : le mythe ou la religion peut donner à une société ou à un groupe culturel un ensemble de valeurs, de normes à respecter ou des interdits à ne pas transgresser. Il est vrai que ces normes évoluent avec les époques.
La quatrième fonction est psychologique, pédagogique, dans le sens où le mythe va nous aider à franchir des crises dans nos vies.
Pour Campbell, les trois premières fonctions du mythe ou de la religion ne sont plus aussi valides aujourd’hui. On le voit bien dans la Bible, la représentation du monde n’était pas une terre ronde, mais trois univers plats et superposés. Campbell dit que la science a pris le relais pour expliquer les origines de l’humanité. Les règles ne cessent d’évoluer dans nos sociétés contemporaines.
Finalement, pour lui, la quatrième fonction du mythe reste d’actualité. Le mythe était souvent relié à des rites initiatiques dans les tribus primitives. Aujourd’hui encore, il nous apprend à grandir, comme le conte, à passer de l’état d’enfant, d’adolescent, à l’âge d’adulte. Il peut aussi nous donner des clés, des solutions pour certaines crises de notre vie, qu’elles soient éthiques, affectives, ou nous aider à franchir le passage d’une vie active à la vieillesse, ou à apprivoiser la mort. Ce sont toujours de grands thèmes universels d’actualité.
Vous parliez de l’évolution et de la réinterprétation du conte. Il est vrai que les mythes ont besoin d’être sans cesse réécrits, de sans cesse évoluer. C’est le rôle des artistes, notamment. On le voit bien dans les exemples que vous avez mentionnés. Les artistes prennent d’anciennes histoires, d’anciens symboles mythologiques et vont essayer de leur redonner une résonance contemporaine pour que l’on puisse tous à nouveau accéder à ces grandes questions universelles et aux réponses que le mythe peut nous apporter.
Un mythe comme celui du Graal par exemple, est toujours d’actualité : nous sommes tous des chevaliers modernes dans les villes, cités ou banlieues, qui sont des grandes forêts de tours sans chemin. Il faut essayer de trouver notre chemin, de sortir des règles du groupe pour inventer notre propre mythe personnel, notre propre accomplissement à suivre.
Anne-Claire Huby – Tout à fait. C’est une question tellement vaste qu’il est parfois difficile de savoir exactement si nous sommes susceptibles d’aider à formuler des embryons de réponses à des questions sur le sujet des mythes, des contes, des spectacles que vous avez peut-être vus.
De la salle – À propos des contes de Perrault, j’ai été élevée avec ces lectures, qui m’avaient d’ailleurs assez traumatisée. J’étais fille unique. Mes parents m’ont eu tardivement, ma mère a été élevée chez les sœurs, mon père était militaire. Je dormais dans une grande maison. Et ces contes m’ont totalement traumatisée de 3 à 6 ans. Donc, mes enfants n’y ont jamais eu accès.
Laureline Amanieux – En fait, pour les enfants, il vaut mieux lire les contes de Grimm. Les contes de Perrault sont très cruels. Ils ont un double sens : ils sont à la fois écrits pour un public mondain, d’adultes, et pour les enfants. Ils peuvent donc être traumatisants si on les lit trop jeune.
Prenez l’histoire du Petit Chaperon Rouge, par exemple. Le Petit Chaperon Rouge est avalé par le loup, comme Jonas par la baleine. Sauf que Jonas va en ressortir au bout de quelques jours. Quant au Petit Chaperon Rouge, l’histoire s’arrête là, personne ne vient la délivrer dans la version de Perrault.
De la salle – Je pense que j’ai été très sensible. Je revois toujours l’illustration avec la grand-mère dans le lit et le loup. Mes enfants ont lu Tintin, ou d’autres bases comme celles-ci pour que cela soit ludique tout en étant moral sur certains aspects.
Ma fille professeur est tombée dans la mythologie. Je l’ai suivie grâce au recul des années. Je suis rentrée dans le jeu de la mythologie. Mais, je n’ai jamais voulu entendre parler des contes pour mes enfants car j’en avais un trop mauvais souvenir.
Laureline Amanieux – Je comprends. Je n’ai pas fait lire à mon fils Charles Perrault avant 11 ans, mais il a lu à 9 ans les frères Grimm. J’ai aussi apprécié les contes de Perrault lorsque je les ai lus adulte et que j’ai vu toutes les dimensions qu’ils cachaient. Même l’histoire du Petit Poucet de Perrault est très adulte. En effet, dans cette histoire terrible, le Petit Poucet fait tuer les sept filles de l’ogre à la place de ses frères et lui par leur propre père ! Même si Perrault met une moralité à la fin, le conte en lui-même est effrayant.
Les versions dont s’est inspiré Charles Perrault étaient orales. On en a maintenant certaines traces plus anciennes. Elles étaient encore pires. L’histoire du Petit Chaperon Rouge était encore plus monstrueuse, avec la description des os qui craquent et des dents dans de la soupe. Elle avait donc été atténuée malgré tout.
De la salle – Cela vient peut-être également de la personne qui vous le lit. Ma mère a été élevée chez les Sœurs jusqu’à l’âge de 21 ans. Elle ne m’a jamais adouci le texte en disant qu’il s’agissait d’une histoire. Elle me lisait cela « points sur les I et barres aux T ». Je me suis dit que jamais mes enfants n’auront de telles histoires entre les mains. C’est pareil que La Chèvre de Monsieur Seguin.
Laureline Amanieux – J’ai lu cette histoire quand j’étais enfant et elle m’a beaucoup marquée aussi. Il y a quand même une leçon très forte derrière, un apprentissage important. On voit tout de suite, en tant que petite fille, pourquoi on nous lit La Chèvre de Monsieur Seguin.
De la salle – Je me suis intéressée à la mythologie une fois adulte. J’y ai trouvé un autre charme. Il y avait une morale très forte. Il fallait toujours vaincre. Mais c’était plus guerrier, plus tonique, que de faire peur à un enfant de 3 ou 4 ans avec un loup habillé en grand-mère dans un lit, avec de grandes dents. Pourquoi Perrault ne s’est-il consacré quasiment qu’à cette écriture de contes ?
Laureline Amanieux – Dans une étude psychologique très intéressante et écrite, un grand spécialiste français montre comment on peut retrouver l’histoire et les angoisses personnelles de Charles Perrault à travers ces contes-là. On comprend mieux qu’il ait donné un tour aussi tragique aux contes.
Et comme je le disais précédemment, ces contes étaient aussi destinés à un public mondain, un public d’adultes. Dans Le Petit Chaperon Rouge, il écrit pour que les dames se méfient du « grand méchant loup », c’est-à-dire l’amant ou le courtisan. Pour un enfant, tout cela est difficile à comprendre.
De la salle – Était-ce destiné aux enfants à l’époque ?
Laureline Amanieux – Je pense que c’était un prétexte mais que cela a d’abord été destiné aux adultes. En revanche, les frères Grimm avaient comme projet de rassembler les contes folkloriques de leur nation. Ils les ont vraiment destinés à un public jeune et dans ce cas, ils ont énormément atténué et moralisé les versions anciennes.
De la salle – Il y a également Hans Christian Andersen.
Laureline Amanieux – Effectivement, avec La Petite Sirène.
De la salle – Que pensez-vous des fables, entre autres celles de La Fontaine ? Et que pensez-vous des courants de l’Heroic Fantasy qui nous viennent des États-Unis ou d’Angleterre ?
Laureline Amanieux – La fable, en tout cas pour La Fontaine, est vraiment un récit didactique, suivi d’une morale très forte. Elle est plus brève et plus courte que le conte. On y retrouve des éléments de merveilleux, et la quête du héros à l’intérieur, mais pour autant, ce genre est différent du mythe. De son côté, la mythologie dépasse la question du bien et du mal. Dans un mythe, les actes des personnages ne sont pas forcément éthiques ou ne nous transmettent pas toujours une morale.
La question pour l’Heroic Fantasy est différente. En effet, ce genre de littérature fantastique va beaucoup reprendre et réécrire les mythes. Beaucoup d’auteurs américains d’Heroic Fantasy connaissent parfaitement les étapes de la quête du héros mises en valeur par Joseph Campbell. Ils les appliquent, les réécrivent pour réinventer des histoires anciennes.
Grande lectrice d’Heroic Fantasy, j’aime énormément ce genre à cause des héros valeureux, investis dans une quête collective, qui doivent accomplir des exploits et qui ne se laissent pas vaincre par les obstacles. Ils sont prêts à faire des sacrifices. Cela peut transmettre des valeurs positives aux lecteurs.
Anne-Claire Huby – Les Fables de La Fontaine ont également un fort contenu politique.
Laureline Amanieux – En effet. Ces fables étaient destinées aux adultes avec un contexte politique et social en arrière-plan.
Anne-Claire Huby – C’est bien toute l’ambiguïté de ce type de textes qui en fonction du lecteur va recevoir une lecture pas du tout équivalente. Les animaux, les personnages apparemment complètement imaginaires, permettent cela, ainsi que cette projection avec la lecture, qui s’ensuit.
Les contes de Perrault sont effectivement traumatisants. Mais notre monde est violent par nature. Si l’on part du principe que le conte est une forme d’apprentissage, partir à l’aventure n’est pas dénué de dangers. Peut-être est-il souhaitable de ne pas les cacher.
On a aussi écrit des textes en psychanalyse sur les contes de fées et sur la nécessité qu’il y a, pour les enfants, à avoir peur. Après, c’est une question de degré. Cet élément-là ne doit pas être complètement édulcoré. Je trouve dommage que dans les dessins animés dont les enfants se nourrissent aujourd’hui, on ait toujours affaire à des héros gentils et à des méchants pas très méchants, sauf peut-être dans les jeux vidéos. Mais là, on entre dans un autre monde. Souvent, cet aspect-là aura été gommé dans les contes ou dans de nombreux dessins animés.
Laureline Amanieux – La question de l’âge est importante.
(S’adressant à l’intervenante de la salle) Quand votre maman vous a lu les contes de Perrault, vous étiez très jeune. Ces contes sont plus adaptés à des élèves de 6e ou 5e par exemple. Et là, effectivement, ils peuvent faire face à ces leçons particulièrement tragiques.
(S’adressant à Anne-Claire Huby) Mais je suis d’accord avec vous, il est très important que les enfants fassent cet apprentissage-là. Au bon moment !
Anne-Claire Huby – Tout à fait. Si vous lisez la version de Pinocchio de Carlo Collodi[10], vous verrez qu’elle est bien différente de celle de Walt Disney.
Ce paramètre-là est quasiment constitutif de ce type de récit, au moment où ils ont été écrits. Là, c’est au 19e siècle, une époque plus proche de la nôtre. C’est aussi une période durant laquelle on a commencé à se poser des questions sur ce qu’était la littérature destinée à la jeunesse. Et pourtant, ce n’est pas du tout une littérature uniquement de « pâquerettes » et de « gentils dinosaures ». Je caricature bien évidemment.
Laureline Amanieux – Il faut aussi préciser une autre chose sur le héros. Au 17e siècle, François de La Rochefoucauld a écrit la maxime suivante : « Il y a des héros en mal comme en bien. » Le héros n’est pas forcément porteur de valeurs positives. Si on définit le héros comme celui qui accomplit une quête, prêt à aller jusqu’à sacrifier sa vie pour sa cause, cela peut être aussi pour des motifs terrifiants ou terroristes. Le héros est au service d’une forme de bien subjective. Le héros d’une nation est l’ennemi d’une autre nation. Les questions du bien et du mal sont mises en jeu dans la mythologie. Mais on ne peut pas les trancher comme cela.
Anne-Claire Huby – Non. En revanche, on les met en scène. On amène évidemment le lecteur ou le spectateur à s’interroger sur le bien fondé de ce qu’il considère être le bien et le mal. Dans Star Wars (La Guerre des étoiles), le personnage de Dark Vador est intéressant de ce point de vue-là.
Laureline Amanieux – Le personnage de Dark Vador est un personnage magnifique. Il représente le tyran et va pourtant être capable de retrouver au fond de lui-même de la compassion, de pouvoir changer et finalement, il sauve son propre fils et l’humanité.
Anne-Claire Huby – Son parcours est tout à fait unique pour ces questions-là.
De la salle – Il existe aussi des contes folkloriques, régionaux, à mon sens porteurs de règles et de bon sens commun. Que pensez-vous de ce type de contes-là ? Quels sont les critères d’un « bon » conte ?
Laureline Amanieux – Je connais moins la question des contes folkloriques ou régionaux. Je ne pourrais pas vous répondre très précisément. Avez-vous une histoire en particulier ?
De la salle – Non. Mais il est vrai que cela véhicule un bon sens commun. J’en connais quelques-uns. Je m’intéresse assez au sujet. C’est la lutte entre le bien et le mal. Les contes sont un peu manichéens.
Laureline Amanieux – Les contes folkloriques sont des contes davantage destinés aux adultes, par rapport à ceux des frères Grimm ou directement réécrits pour la jeunesse. Je crois qu’ils avaient surtout pour enjeu de véhiculer oralement une mémoire collective, à une époque où les gens ne savaient pas lire et écrire.
De la salle – Les contes sont pour adultes, d’après ce que vous disiez précédemment...
Laureline Amanieux – On parlait des contes de Perrault. C’est un cas très particulier. Je crois qu’il y avait des contes folkloriques à l’intérieur des corporations. Par exemple, les agriculteurs se racontaient des contes liés aux rituels agricoles. Ou à l’intérieur de certains groupes d’adultes, des contes folkloriques circulaient et permettaient d’initier ceux qui entraient dans le groupe. C’était une tradition ancestrale, pour exprimer les normes à respecter. Elle aide chacun à s’intégrer en somme : ces contes socialisent.
De la salle – Je parlais des contes traditionnels, au temps du Moyen Âge, de nos grands-parents.
Anne-Claire Huby – Je peux peut-être apporter un élément de réponse à votre intervention. En Espagne, il existe une abondante littérature de ce type, la littérature exemplaire. On appelle donc cela des Exemplum, pas des contes ni des fables. Et ces « exemples » transcrits par écrits très tôt (on en trouve la trace dès le 14e ou 15e siècle) avaient pour objectif, par la transmission orale (la plupart des gens ne savaient pas lire), de permettre à chacun de trouver des solutions concrètes à des questions concrètes. Cela pouvait être des histoires relatives à la manière dont il convient de semer le grain, ou dont il faut se méfier des beaux parleurs, ou à la manière d’apporter des solutions pour affronter les temps de disette, que peut-on imaginer comme type de secours, etc.
Peut-être est-ce à cela que vous faites référence. Effectivement, c’est quelque chose de très ancien. C’est vraiment lié à cette transmission orale et à cette nécessité de participer à l’éducation de chacun et la nécessité d’apporter des solutions, pas uniquement spirituelles ou psychologiques, mais sur des questions extrêmement pratiques. Le conte a cette particularité de se retenir aisément parce qu’il est court, que sa formulation est claire. Par voie de conséquence, on peut le transmettre facilement.
Ces contes-là aussi ont toute leur place dans la littérature pour les folkloristes parce qu’ils permettent non seulement ensuite à leur tour de nourrir d’autres textes, mais aussi de transmettre des traditions d’une civilisation à l’autre, d’un pays à l’autre.
Les contes auxquels je faisais référence en Espagne sont connus sous le nom de « Calila e Dimna ». Ils proviennent de contes de Perse que l’on a pu retrouver. Ils sont passés par l’Espagne avant de traverser les Pyrénées et de se répandre à travers toute l’Europe. Donc, on arrive à retracer ces cheminements et expliquer pourquoi on a effectivement des structures de conte répétitives d’une civilisation à l’autre. A priori, il n’y avait pas de raison pour qu’à cette période-là, on retrouve des histoires absolument identiques dans des zones du monde aussi éloignées. Ce qui est très intéressant dans ces cas-là, c’est que souvent ces exemples font appel à des éléments de la vie quotidienne et notamment à des aliments. Et c’est là que l’on perçoit l’adaptation nécessaire à chaque fois.
En effet, selon nos cultures et selon les aires géographiques, nous ne disposons pas des mêmes ressources naturelles : quand on n’a pas de sucre, on a du miel ; quand on n’est pas une culture du riz, on est une culture du blé ou du maïs. Et c’est ainsi que finalement, on se rend compte bien longtemps après, quand on peut disposer d’un corpus ou d’un ensemble de textes important, que l’équivalent du grain de maïs pour un Maya va être un grain de blé pour un Européen, ou un grain de riz pour un Oriental.
Finalement, nous ne sommes pas si différents les uns des autres. Nous avons beaucoup plus d’éléments en commun que d’éléments différents. Et c’est en cela que l’étude des contes et des mythes est aussi passionnante. C’est-à-dire se reconnaître mêmes différents, ou différents mais mêmes. On peut jouer dans les deux sens.
Laureline Amanieux – Vous parlez de la possibilité d’une diffusion, d’un cheminement des histoires. Et l’autre théorie avancée par les chercheurs lorsqu’il n’y a pas de diffusion, lorsque l’on ne sait pas comment expliquer les similitudes entre les contes et les mythes dans les différentes cultures, est celle de l’inconscient collectif.
Pour Jung, l’inconscient collectif serait une sorte de réservoir d’images universelles dans lesquelles les différentes cultures iraient puiser et qu’elles adapteraient à leur propre groupe. C’est comme si l’ensemble des cultures humaines étaient connectées à un vaste réseau internet et allaient puiser des thèmes universels qu’elles vont adapter, et auxquels elles vont donner un déguisement, un visage différent selon le contexte local.
Pour Jung, on va retrouver des archétypes à travers les mythes du monde entier, c’est-à-dire que le héros correspond à votre ego, l’ennemi à l’ombre, l’ombre étant tous les aspects inavoués de votre personnalité, tout ce qui est négatif en vous ou selon vous, en fonction de l’éducation reçue, tout ce qui a été refoulé, et que vous devez affronter pour pouvoir réussir votre quête intérieure personnelle.
Dans la théorie de Jung, tout n’est pas négatif dans votre ombre. On parlait de Dark Vador qui va devenir un personnage positif. Dans tout ce que vous voyez de mauvais en vous, de maléfique, il y a quelque chose à aller chercher, un talent enfoui.
Dans le Petit Poucet, le petit garçon va réussir à vaincre l’ogre et lui voler ses bottes de sept lieues. Dans la version de Charles Perrault, le Petit Poucet garde ces bottes de sept lieues et va les utiliser pour devenir un messager du roi, des courtisans et transmettre des lettres d’amour. Il garde un élément de l’ogre, personnage pourtant négatif. C’est un aspect très intéressant de son travail psychologique.
L’autre thème de cette conférence, c’est que « la sagesse ne jaillit pas d’elle-même ». Dans un conte folklorique, on écoute une histoire qui nous enseigne quelque chose. On voit bien que cela se fait au terme d’une histoire, d’une écoute. Pour Jung et pour Campbell, il faut aller ainsi chercher la sagesse enfouie au fond de nous ou au fond d’une histoire, pour pouvoir l’adapter dans notre vie.
De la salle – Que pensez-vous du livre des Mille et Une Nuits ? Pouvez-vous les mettre dans le genre du conte ? Il s’agit là d’une structure narrative très complexe, en même temps peut-être pas destinée aux enfants.
Laureline Amanieux – Je n’ai pas étudié dans mon livre Les Mille et Une Nuits. Comme vous le dites très justement, il s’agit d’une structure très complexe : ce texte rassemble des contes d’origine persane, arabe et indienne. Chaque fois, une histoire est racontée par l’héroïne-narratrice, mais la fin en est sans cesse retardée, ou le suspens est relancé par ce leitmotiv : « Ce qui vient d’être dit n’est rien à côté de la suite » ! Certains aspects des Mille et Une Nuits peuvent être destinés pour la jeunesse. Par exemple Sindbad le Marin.
Le personnage de la conteuse, la reine Shéhérazade, est très intéressant. On parlait des héroïnes magnifiques. En voilà une. Elle va volontairement se sacrifier. Le roi des Indes, Charyar, est devenu fou à cause de l’infidélité des femmes. Il tue ensuite chacune de ses épouses, dès le lendemain des noces. Shéhérazade, volontairement, choisit de devenir son épouse et d’arrêter sa tuerie tyrannique. Elle va réussir à le transformer, à le ramener dans un chemin bénéfique, uniquement en lui racontant des histoires ! Voilà un exemple de contes thérapeutiques ! La ruse qu’elle trouve est aussi artistique : Shéhérazade réinvente des histoires, et petit à petit, elle va vaincre la folie du souverain.
On peut également parler d’une réécriture télévisuelle de Shéhérazade : c’est la série de Yamina Benguigui, Aïcha. Une jeune fille des banlieues rencontre des problèmes contemporains. Elle veut absolument quitter la banlieue pour travailler à Paris. Elle n’y parvient pas. Elle est tiraillée entre sa culture d’origine orientale, traditionnelle, et la culture actuelle, française, plus libérée, sans compter ses désirs amoureux personnels. Pour s’en sortir, elle raconte des histoires, elle invente. La réalisatrice Yamina Benguigui parle d’Aïcha comme d’une Shéhérazade moderne. On est dans une époque de crise et on est tous obligés de pratiquer la « débrouille ». Donc, Shéhérazade est bien une héroïne des temps modernes.
Anne-Claire Huby – En littérature, je dirais que Les Mille et Une Nuits est le livre des livres. Pourquoi raconte-t-on des histoires ? Pour vaincre sa peur, pour repousser les limites du temps. On dit simplement que par la parole, construite à l’intérieur d’une narration, on repousse les limites de notre propre finitude, on va toujours un peu plus loin. En littérature, c’est la pierre de tous les édifices qui vont suivre.
Cette structure va être reprise dans le Décaméron[11] en Italie, ou l’Heptaméron [12] en France. C’est une manière d’enchâsser les histoires dans le cadre d’une situation. Celle de Shéhérazade est différente. Et à chaque fois, un événement, que ce soit la peste, un autre type d’enfermement dû à une autre cause en général violente, déclenche la parole et la nécessité d’enchâsser les contes les uns après les autres, dans une histoire que l’on voudrait sans fin, toujours pour repousser cette peur et cette limite.
Au « bout du bout », les questions que l’on se pose sont finalement peu nombreuses. D’où viens-je ? Que m’est-il permis d’espérer ? Où vais-je ?
Laureline Amanieux – Shéhérazade veut sauver sa propre vie et celles des autres femmes en racontant des histoires. Paradoxalement, pour réussir, Shéhérazade affronte la mort, elle va elle-même au devant de la possibilité de mourir. C’est très important dans la quête du héros dans les mythes. Celui-ci, à un moment donné, affronte la mort. Orphée va jusqu’aux Enfers et arrive à en ressortir vivant. Il dépasse la peur de sa mort pour accomplir sa quête.
De la salle – On voit beaucoup aujourd’hui de contes anciens adaptés au monde contemporain, et finalement peu de contes vraiment nouveaux et écrits aujourd’hui pour les gens actuels, avec des thèmes vraiment nouveaux. Est-ce parce que tout a déjà été dit ? Comment pouvez-vous expliquer cela ?
Laureline Amanieux – Tel que vous le formulez, il y a un aspect négatif : tout est dit, alors pourquoi continuer... Mais c’est ce que l’on disait précédemment sur la réinvention continuelle des contes en fonction de notre époque et de la société contemporaine. Si on suit la théorie de Jung, tout est déjà présent dans l’inconscient collectif. Les questions universelles sont toujours les mêmes, quelle que soit la culture, ou la société. À chaque époque différente ces thèmes universels vont être remaniés. Ce n’est pas pour cela qu’il n’y a pas une expressivité artistique. L’art consisterait alors à réinterpréter, et redonner une forme nouvelle.
Pour reprendre l’exemple de Charles Perrault, si vous n’étudiez pas le 17e siècle, vous manquez toute une dimension du conte, vous ne pouvez pas comprendre certains aspects du conte, parce qu’ils sont typiquement liés à la société mondaine, aristocratique de l’époque, avec Louis XIV régnant de façon absolutiste à cette époque. Derrière tout cela, il y a une contestation et une querelle littéraire des anciens et des modernes. Il est donc très important que le conte puisse être réécrit, réadapté. L’art du créateur est de faire briller les récits anciens pour la vie moderne et pour illuminer votre existence.
Anne-Claire Huby – Je suis tout à fait d’accord. La question n’est pas tant de savoir si on reprend des contes anciens. Les thématiques ne varient pas, contrairement à la réception. Effectivement, nous ne sommes pas au 17e siècle. Nous n’allons donc pas recevoir un conte écrit au 17e siècle de la même manière qu’au moment où il a été conçu. Il faut le réactualiser pour nous le rendre compréhensible, lisible, et visible au théâtre.
Et c’est là où cela devient merveilleux, on connaît l’histoire de Cendrillon. On connaît déjà l’histoire de tout film ou tout roman. L’histoire en elle-même ne nous intéresse pas tant que cela. Si on y réfléchit, on nous raconte toujours les mêmes histoires de rencontres, de ruptures, de rivalités, déjà toutes présentes dans les mythes.
Si on retourne au cinéma ou au théâtre, si on continue à lire des livres ou des romans et à y prendre plaisir, c’est qu’à chaque fois, cette trame nous est proposée sous un angle différent. Et c’est ce qui en fait tout le prix. Et là encore, je trouve intéressant qu’aujourd’hui des contes qui, par définition, étaient lus ou entendus, soient portés sur la scène théâtrale.
Cela montre bien qu’aujourd’hui, dans nos modes de réception, nous avons besoin d’une image. Nous vivons dans des sociétés tellement saturées d’images que pour réactiver ce que sont susceptibles de nous apporter ces textes, on a besoin de les associer à d’autres manières de les recevoir et donc d’associer l’image. C’est le cas pour ce Cendrillon à Oullins, on parle bien de la vidéo, d’associer la musique ou toute chose pas nécessairement imaginable, ni même souhaitable ou pensable à des époques antérieures. C’est pourquoi on a toujours plaisir à entendre l’histoire du Petit Poucet, de Cendrillon...
On nous raconte toujours les mêmes histoires. Ce n’est pas la trame en elle-même qui est intéressante. C’est comme ces lecteurs de romans policiers qui commencent par la fin car savoir qui est le meurtrier ou le criminel ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse, c’est la manière dont cela va être construit, traité.
De ce fait-là, les veilles histoires sont aussi des histoires neuves. Cendrillon ou Le Petit Poucet, cela nous parle, peut-être pas en termes de prince charmant, ou d’ogre. Ce ne sont pas ces mots-là que l’on va utiliser, mais l’image n’est pas si différente.
Regardez toutes ces jeunes filles accros du vernis, des paillettes... Qui n’a pas rêvé un jour d’être princesse ou prince ? Pourquoi pas. Et pas forcément avec des paillettes.
Laureline Amanieux – Dans les films jeunesse actuels, je trouve le travail de Michel Ocelot[13] très intéressant. Dans Les Contes de la nuit, il met en scène deux enfants à l’intérieur d’un cinéma avec un metteur en scène. Ils choisissent un conte qui existe réellement, prennent le livre, lisent le conte et décident qu’il ne leur convient pas comme cela. La fillette trouve qu’elle n’a pas assez de rôle. Elle décide que c’est à la princesse d’aller sauver le prince et non l’inverse. Alors les deux enfants modifient l’histoire, la mettent en scène et la jouent.
On voit bien comment on peut se réapproprier la matière des contes du monde entier. En effet, Michel Ocelot a choisi des contes russes, ou d’Amérique latine... Il puise volontairement dans toutes les cultures. À partir de là, il recrée quelque chose de complètement différent qui va parler à notre époque où l’on a envie qu’il y ait davantage d’héroïnes, que la femme ait un rôle plus important.
Le psychanalyste et romancier belge Henry Bauchau[14] a réécrit les mythes grecs, notamment dans ses romans, Œdipe sur la route[15] et un Antigone[16] . Dans ce dernier, il fait d’Antigone une sorte de féministe, une femme qui s’oppose à la loi des hommes. Il s’agit là d’une réinterprétation contemporaine qui va résonner à notre époque et qui n’existait pas dans la version originelle, ou même dans la version d’Anouilh, auteur d’une autre Antigone pour s’opposer au nazisme, pendant la seconde guerre mondiale.
Les mythes sont souples comme des poèmes et on peut en permanence réinventer leur déroulement et leurs significations.
De la salle – Vous avez dit que, d’après le chercheur américain Campbell, le mythe avait quatre fonctions, et qu’aujourd’hui, persistait uniquement la fonction psychologique. Est-ce vrai pour toutes les civilisations ? N’y a-t-il pas des peuples qui continuent à avoir ces fonctions, en particulier la fonction métaphysique ?
Laureline Amanieux – En fait, les quatre fonctions peuvent continuer à fonctionner ensemble, dans certaines sociétés. Campbell voulait dire que celle qui allait, de toute façon, parler à tout le monde et continuer à être particulièrement importante, était la fonction psychologique. Mais il insistait beaucoup aussi sur la fonction sociologique notamment, qui peut toujours fonctionner. Par exemple, pour se référer à une religion, si vous suivez des valeurs propres à votre croyance quelle qu’elle soit, dans ce cas-là, la fonction sociologique est toujours extrêmement présente et active pour vous. Elle a un sens très fort. La fonction cosmologique des représentations de l’univers va être concurrencée par la science. Mais certaines tribus primitives vont continuer à croire à leur cosmologie propre.
Pour Campbell, la fonction métaphysique était très importante aussi, cette idée qu’il faut accepter que la vie est tragi-comique, qu’elle est une série de joies et d’horreurs, de souffrances et de bonheurs, et qu’on ne peut pas faire l’économie de la souffrance.
Campbell était très nietzschéen. Pour lui, la fonction métaphysique, c’est cette capacité chez nous de dire « oui » à la vie, de l’affirmer telle qu’elle est. Il était également spécialiste de la mythologie hindoue, asiatique, et bouddhique. Dans ces philosophies (ou religions), vous retrouvez fortement cette pensée. Par exemple, dans la mythologie hindoue, Kâlî[17] est la déesse de la création et de la destruction. Elle a un double visage et donne la vie comme la mort.
Elles nous enseignent au jour le jour, à accepter que la vie est violence, et que l’on ne peut pas la masquer. Au contraire, il faut essayer de trouver des solutions dans notre monde moderne pour transformer cette violence, pour en faire autre chose qu’une guerre continuelle entre nations, ou entre les êtres humains. Que va-t-on faire de cette violence ? Voilà une des grandes questions universelles que chaque mythe, chaque conte va poser, qu’il est fondamental que l’art réinterroge en permanence.
Les jeux vidéos vont mettre en scène constamment un héros face à des tueurs et des soldats, cette réécriture ne mène à rien par exemple, selon moi. En effet, elle ne fait que perpétuer un héros guerrier et un modèle de violence guerrière. Elle ne nous apprend pas à utiliser cette énergie guerrière, autrement, de façon pacifiste en somme.
Campbell parlait beaucoup des mythologies des sociétés anciennes fondées sur l’agriculture, où il y avait des sacrifices humains. On partait du principe qu’il fallait tuer. Plus on tuait et plus il y avait de vie. C’était le cas chez les Mayas et les Aztèques. C’est l’idée que pour qu’il y ait de la vie, il faut qu’il y ait de la mort. Il disait que vivre, c’est manger de la vie, vous vivez en tuant d’autres espèces et en les mangeant. Il y a donc une violence inhérente au fait d’être en vie. On vit sur la mort d’autre chose. La mythologie essaie de nous faire supporter ces vérités, de nous les faire accepter.
C’est pour dire que les première et quatrième fonctions sont fortes et posent encore des questions profondes.
De la salle – Le mythe comme explication du monde. J’ose imaginer nos premiers ancêtres. Déjà, nous, nous sommes là, mais que faisons-nous là ? Je trouve que c’était déjà d’une très grande violence. Nous, encore, nous avons la science, même si la science n’explique pas tout. J’ose entrevoir que pour les premiers hommes, cela devait être très violent. Je ne sais pas s’ils avaient une capacité cognitive aussi développée que la nôtre aujourd’hui.
On ne sait pas interpréter les peintures rupestres. Il est possible que cela soit une manière de se rassurer, de se raconter une histoire finalement.
Laureline Amanieux – Campbell parlait beaucoup des peintures rupestres et des sociétés fondées sur la chasse. Évidemment, on n’est pas sûr et cela reste des interprétations. Mais l’une des interprétations est que ces tribus-là, face à cette nécessité de tuer un animal, de provoquer la mort d’un animal, auraient créé un rite pour imaginer qu’elles redonnaient vie à l’animal. On en a des preuves notamment dans certaines tribus amérindiennes ; on suppose que cela s’est peut-être passé aussi au néolithique. Le chasseur tue un animal pour sa tribu, mais il va effectuer une certaine danse (comme la danse du bison dans les tribus amérindiennes). Si le rite est bien observé, le chasseur est alors persuadé que l’animal va renaître quelque part. Une loi disait qu’il ne fallait pas tuer plus d’animaux que nécessaire pour les besoins de la tribu. Sinon, ces derniers ne reviendraient pas et la tribu allait mourir de faim. Il y avait une pensée extrêmement écologique et économique derrière cela ! Il fallait juste tuer les animaux en fonction des besoins et pratiquer ensuite ce rituel pour déculpabiliser l’acte de les tuer. C’est cela qui est derrière. Ce rite est donc la mise en scène du mythe, l’aspect pratique du mythe. Et le rite était là pour permettre à cet acte d’avoir lieu d’une façon qui déculpabilise la collectivité.
De la salle – Faites-vous une différence entre les contes et les autres histoires ? À chaque fois que j’entends parler de conte, une histoire pas du tout caractérisée comme conte me vient en tête : Le joueur d’échec de Stefan Zweig. Je voulais donc savoir ce qui définit le conte, en deux mots.
Laureline Amanieux – Comme j’ai déjà répondu à la question précédemment, comment vous, Anne-Claire, y répondriez-vous ? Il serait intéressant d’avoir votre définition.
Anne-Claire Huby – Tout dépend du point de vue selon lequel on se place. En littérature, on pourra argumenter qu’un conte répond à une structure narrative donnée qui va faire intervenir un point de départ, une quête. Il va y avoir nécessairement un héros, des épreuves et plus ou moins une morale. Je dis « plus ou moins » parce que là, c’est en fonction des époques. À certaines périodes, la visée du conte était très didactique et très morale. Et là se pose la question de la différenciation du conte et de la fable. Parce que la fable aussi a en général une morale. Après, on vous dira par exemple que la différence est que la fable est en vers et le conte en prose.
À une époque plus contemporaine, on peut s’interroger sur la limite entre la structure d’un conte qui ne serait pas un conte à caractère traditionnel avec les personnages de héros évoqués précédemment, et la nouvelle. Et là encore, je vais passer par l’espagnol. En effet, il est difficile de traduire le terme « nouvelle » en espagnol. Il n’existe pas. On parle donc de cuento, de conte. Et pour arriver à répondre à votre question délicate, on va biaiser et on va dire qu’une nouvelle est un conte long (cuentos cortos), par rapport à un conte court (cuentos largos). La marge, la frontière est fluctuante.
Quand vous pensez « conte » pour le texte de Stefan Zweig, ce n’est pas si étonnant que cela. La structure de la nouvelle vous invite vraisemblablement à penser « conte » dans le cheminement, le parcours, les épreuves, les différents éléments qui la constituent.
Il est très difficile de répondre à cette question sans dire que j’entends « conte » quand je me place dans cette perspective-là. Je vais donc y affecter ce sens-là.
Vous allez me demander la différence entre un conte et une nouvelle ou un roman. Donc, on rencontre un nouveau problème pour trouver la différence entre une nouvelle longue et un roman court. Ce sont des « coupages de cheveux en quarante-douze » pour beaucoup de chercheurs. Parfois même, on s’étripe très violemment sur des questions qui peuvent sembler aussi futiles mais qui ne le sont pas autant. Au bout du compte, c’est une question générique : on s’interroge sur la nature du texte et sur son contenu, un peu comme la différenciation que vous avez pu essayer d’établir au départ entre le mythe et le conte. Le mythe serait plus à caractère cosmogonique et le conte peut-être plus pragmatique.
Je dirais : nouvelle ou conte, c’est comme vous le voulez. C’est plus une question de réception qu’autre chose. Pour échapper à la question, on peut tout simplement tomber d’accord sur le terme de « récit ». Comme cela, on reste plus neutre.
Martine Langlois – Pour finir sur une boutade, je voulais demander à Laureline dont le prénom ressemble un peu à Loreleï, si son prénom a influencé son métier ?
Laureline Amanieux – L’origine de Laureline est effectivement la sirène, la Loreleï. Mais elle est surtout une héroïne de bande-dessinée de science fiction très célèbre dans les années 70, Valérian et Laureline. Et comme je suis née en 1977, j’ai été une des premières à être prénommée comme l’héroïne qui était la première héroïne de bande-dessinée à avoir autant de caractère, autant de présence dans une histoire, à égalité avec le héros. Je pense que cela a dû jouer. Là, c’est dans la mythologie familiale et je pense que cela a influencé peut-être mon goût pour les héros et les héroïnes à caractère...
Appendices
Notes
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[1]
Mircea Eliade (1907-1986) est un historien des religions, mythologue, philosophe et romancier roumain. Il est considéré comme l’un des fondateurs de l’histoire moderne des religions. Savant studieux des mythes, il élabora une vision comparée des religions, en trouvant des relations de proximité entre différentes cultures et moments historiques.
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[2]
Paul Ricœur (1913-1925) est un philosophe français qui développa la phénoménologie et l’herméneutique, en dialogue constant avec les sciences humaines et sociales. Il s’intéressa aussi à l’existentialisme chrétien et à la théologie protestante. Son œuvre est axée autour des concepts de sens, de subjectivité et de fonction heuristique de la fiction, notamment dans la littérature et l’histoire.
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[3]
Joseph Campbell (1904-1987) est un professeur, écrivain, orateur, anthropologue et mythologue américain du 20e siècle, travaillant dans les domaines de la mythologie comparée et de la religion comparée et notamment pour sa théorie du monomythe.
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[4]
Essai de 1949. Le Héros aux mille et un visages (The Hero with a Thousand Faces), paru en français sous le titre de Les Héros sont éternels. Campbell y expose sa théorie du monomythe, affirmant que tous les mythes suivent les mêmes schémas archétypaux.
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[5]
Texte mythologique maya rédigé en quiché à l’époque coloniale. C’est le document le plus important dont nous disposons sur les mythes de la civilisation maya. Il s’agit d’une sorte de « Bible » maya (il comporte en effet des éléments similaires à ceux de la Bible) dont le contenu, remontant à la période précolombienne, relate l’origine du monde et plus particulièrement du peuple quiché, l’une des nombreuses ethnies mayas, dont le centre de rayonnement se situait dans la partie occidentale du Guatemala actuel.
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[6]
Nom du monde souterrain dirigé par les dieux de la mort et de la maladie. Le mot Xibalba signifie « lieu de la peur » ou « lieu des fantômes ».
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[7]
Inanna (Ishtar en akkadien) est considérée comme la fille du dieu ciel An ou Anu en Akkadien. Elle fait partie de la triade des dieux planétaires. Son symbole est l’étoile de Vénus et elle est la déesse de l’amour et par extension de la guerre. Elle dépasse son père et devient la déesse importante d’Uruk. Elle se présente comme une femme fatale et on lui prête plusieurs aventures amoureuses.
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[8]
Édouard René Lefebvre de Laboulaye, communément appelé Édouard Laboulaye (1811-1883) est un juriste et homme politique français. Député puis sénateur inamovible de la IIIe République, il insuffla l’idée d’offrir une statue représentant la « Liberté » aux États-Unis.
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[9]
José Julián Martí y Pérez (1853-1895) est un homme politique, philosophe, penseur, journaliste et un poète cubain. Fondateur du Parti Révolutionnaire Cubain, il est certainement l’homme le plus glorifié par le peuple cubain, qui le considère comme un héros national, le plus grand martyr et l’apôtre de la lutte pour l’indépendance.
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[10]
Carlo Collodi est le pseudonyme de Carlo Lorenzini, écrivain italien (1826-1890). Il est surtout connu pour être l’auteur du chef d’œuvre de la littérature enfantine, mondialement connu, Pinocchio.
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[11]
Le Décaméron (du grec δέκα, déca, dix, et ἡμέρα, hêméra, jour) est un recueil de cent nouvelles écrites en italien par Boccace entre 1349 et 1353. Cette œuvre allégorique médiévale est célèbre pour ses récits de débauche amoureuse, dont la gamme va de l’érotique au tragique.
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[12]
L’Heptaméron est un recueil inachevé de 72 nouvelles écrites par Marguerite de Navarre. L’ouvrage tire son titre du fait que le récit se déroule sur sept journées, la huitième étant incomplète.
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[13]
Réalisateur français né en 1943. Il réalise notamment 1998 : Kirikou et la Sorcière (1998), Princes et Princesses (2000), Kirikou et les Bêtes sauvages (2005), Azur et Asmar (2006), Les Contes de la nuit (2011).
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[14]
Henry Bauchau (1913) est un écrivain, poète, romancier, dramaturge et psychanalyste belge, de langue française.
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[15]
Paru aux éditions Actes Sud en 1990, dans la collection « Babel » n°54.
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[16]
Paru aux éditions Actes Sud en 1997, dans la collection « Babel » n°362.
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[17]
Kâlî, la « Noire » est, dans l’hindouisme, la déesse du Temps, de mort et de délivrance, mère destructrice et créatrice. C’est l’aspect féroce de la Devî, la déesse suprême, qui est fondamental à toutes autres déités hindoues.