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Depuis les attentats du 22 juillet, des concerts et des manifestations pacifiques ont été organisés au cours de l’été dans de nombreuses villes suédoises en solidarité avec le peuple norvégien. Les jeunesses social-démocrates suédoises se sont largement mobilisées avec notamment l’organisation de concerts sur l’une des places principales de Stockholm. Solidarité et sérénité, tels sont les deux mots-clés que l’on pouvait retenir de ces événements. Si les peuples scandinaves sont habitués au consensus, ils le sont aussi dans la douleur. Au-delà de l’enquête liée à l’attentat, les partis politiques norvégiens ont subi une hausse des adhésions, ce qui est une bonne nouvelle. Jens Stoltenberg, le premier ministre norvégien visé par cet attentat, connaissait en septembre dernier une popularité en hausse avec 94% d’opinions satisfaites. Il a su imposer son leadership et trouver le style permettant aux Norvégiens de se rassembler pour refuser en bloc le terrorisme. Il a réagi humainement, sans instrumentaliser cette compassion. C’est une question de kairos comme disent les Grecs, c’est-à-dire de « moment opportun » pour trouver le ton juste. Savoir trouver le ton juste en affrontant les circonstances, c’est ce qui caractérise l’éthos des hommes d’expérience.
La réponse aux attentats est bien politique, c’est celle du débat à un moment où l’Europe va mal (la Norvège n’en fait pas partie), avec l’absence de perspectives collectives pour régler une crise qui est loin d’être finie et qui en appellera d’autres si le capitalisme financier n’est pas attaqué à sa source. L’auteur des assassinats d’Utøya souhaitait décimer les futures têtes de la social-démocratie norvégienne, il honnissait ces valeurs et leurs représentants. C’est un modèle de stabilité économique et politique qui se trouve fragilisé. Il était essentiel que le Premier ministre norvégien incarne ce refus pacifique et cette intransigeance des valeurs sociales et politiques de la Norvège. Dans le jardin des émotions collectives, la compassion est importante car elle accompagne une forme de dignité collective. C’est l’une des rares occasions où la représentation politique coïncide avec une logique d’incarnation.
Il n’existe pas de relation de cause à effet entre la situation économique et politique des pays et le terrorisme. Toutefois l’agrégation des peurs peut amener ces courants ultraviolents à se radicaliser encore plus. Le débat politique suédois a été marqué au mois de juin dernier par les résultats du sondage World Values Survey révélant qu’une partie des jeunes répondants suédois ne privilégiaient plus forcément l’idée de démocratie. Un quart d’entre eux estimaient que le problème le plus important était l’emploi, bien avant la nature du régime politique. Crise économique et terrorisme sont deux défis pour la stabilité des modèles nordiques. Avec des finances publiques saines et des ressources importantes, ces pays se sortiront sans trop de problèmes de cette longue crise. En revanche, reste à savoir si la nécessité d’une meilleure sécurité collective altérera le pacte social de ces pays.