À la faveur de la crise des dettes souveraines, le vocabulaire politique s’est enrichi d’une nouvelle expression jusqu’ici réservée aux seuls économistes : « la règle d’or ». Celle-ci consiste à inscrire dans la constitution une obligation de respecter des plafonds de dépense publique. L’Assemblée nationale a ainsi adopté le 12 juillet 2011 une proposition de loi visant à inscrire une telle disposition dans la constitution française. Sa vocation est de contraindre tant le pouvoir législatif que le pouvoir exécutif à assurer l’équilibre des finances publiques en imposant un niveau maximum de dépenses publiques. Les parlementaires confiraient ainsi au conseil constitutionnel le soin de veiller à ce que l’État reste en capacité d’honorer ses engagements financiers dans le temps. La volonté d’assurer la solvabilité de l’État est louable et nul ne songerait à la contester. Il est toutefois possible de s’interroger sur les modalités de sa mise en œuvre au travers de la règle d’or. En effet, la politique économique vise d’une part à assurer le financement des biens et services publics et d’autre part à prémunir les sociétés contre les chocs résultant des déséquilibres macroéconomiques. Dans le cas des économies ouvertes avec liberté de circulation des capitaux – comme l’économie française – l’ajustement aux déséquilibres macroéconomiques tels qu’un déficit structurel de la balance commerciale peut en théorie emprunter trois voies : la variation de la valeur de la monnaie, la variation du taux d’intérêt ou la compensation par un surcroît de dépenses publiques. Le passage à un régime de changes fixes avec l’adoption de l’euro a eu pour effet de rendre impossible tout ajustement par la valeur de la monnaie. De même, l’indépendance de la Banque de France a privé les gouvernants de la possibilité de procéder à des ajustements par les taux d’intérêt. Les responsables politiques français ne disposant plus d’aucune possibilité d’ajustement aux chocs par la détermination des taux de change ou des taux d’intérêt, le niveau des dépenses publiques est devenu le seul instrument de pilotage de la politique économique française. Il a notamment permis d’atténuer les effets des déséquilibres continus des échanges avec l’extérieur qui se traduisent par une diminution de la capacité de financement de la nation. Cette fonction de stabilisation s’est muée en fonction de stimulation économique avec pour corollaire un accroissement de l’endettement public. Le solde budgétaire n’a eu ainsi de cesse de se dégrader au cours des dernières années. Le déficit budgétaire représente au moins de 2% du PIB depuis 2006 et a atteint des profondeurs encore inédites à la faveur de la crise depuis 2009 comme l’illustre le graphique ci-dessous. Par ailleurs, les réformes fiscales adoptées à l’entame de la mandature de Nicolas Sarkozy ont eu une incidence négative sur l’évolution du solde budgétaire. La dégradation de la conjoncture économique a donc plus fortement impacté la France que d’autres pays qui avaient décidé de constituer des excédents budgétaires en phase haute du cycle économique. Ainsi, les pays nordiques ont mené une gestion plus prudente de leur politique économique réservant le recours au déficit budgétaire aux phases basses du cycle économique. Le graphique n°2 permet d’illustrer l’impact de ces différentes approches sur la trajectoire des finances publiques. La Suède et la Finlande ont dégagé des excédents budgétaires leur permettant de diminuer leur niveau d’endettement public en 2007 et en 2008. La Suède continue de poursuivre une politique de désendettement faisant chuter de près de 10 points le niveau de sa dette publique entre 2007 et 2011. De même, le Danemark et la Finlande ont réussi à maintenir leur niveau d’endettement public en dessous de 50% du PIB en dépit d’une progression …
VariaChronique
La règle d'or ou le triomphe de l'irresponsabilité politique[Record]
- Cyril Coulet
Online publication: Aug. 23, 2019
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