Quand on veut illustrer la place qu’occupe l’émotion dans la météorologie politique, on trouve dans le phénomène de la vague politique un thème riche. Une vague politique, comme celle vécue au Québec lors des dernières élections fédérales canadiennes du 2 mai 2011, peut s’expliquer à partir de ce que nous savons déjà du temps politique comme climat et ambiance. Dans ce texte, je proposerai quelques pistes pour comprendre ce phénomène important qui se produit dans les démocraties avancées et qui, avec l’entrée dans un monde global et numérique, prend une nouvelle signification. Je montrerai que la vague politique est une affaire de psychologie sociale et que son analyse implique la dynamique de groupe, la sociologie des médias mais aussi la climatologie politique. Rappelons tout d’abord quelques faits pour mieux concevoir ce qui a pu se passer lors de la soirée électorale canadienne du 2 mai dernier. Au Québec, les électeurs votaient souvent pour le parti libéral, un parti fédéraliste pancanadien. Mais depuis vingt ans, suite à plusieurs échecs dans la rénovation de la constitution canadienne – non signée par le Québec –, les Québécois ont majoritairement fait confiance au Bloc québécois pour défendre leurs intérêts à Ottawa. Il s’agit ici d’un parti indépendantiste du Québec, situé sur le centre gauche de l’échiquier, opérant dans le cadre fédéral canadien. Or, les tensions classiques entre les libéraux et les bloquistes ont permis le retour de l’autre grand parti national, le Parti conservateur. Après la fusion des partis de droite canadiens, le Reform et l’Alliance Canadienne, le parti conservateur a pris le pouvoir et a manœuvré durant trois mandats consécutifs sans majorité parlementaire. Si la gauche était active depuis un demi siècle sous la bannière du NPD, le parti néodémocrate, elle ne perçait pas dans l’électorat. Elle a bien fait élire quelques députés dispersés, mais sans plus. Quant au Parti vert, il était vivant, tout en demeurant sans force réelle à Ottawa. Lors de la session parlementaire de l’hiver dernier, le parti conservateur, surtout représenté dans l’ouest du pays, s’est retrouvé en élection à la suite d’une motion de défiance proposée par les libéraux. Cette motion reposait elle-même sur une motion de censure motivée par un « outrage au parlement » reproché au gouvernement par les partis d’opposition. La motion de défiance déposée aux Communes a été appuyée par 156 voix, soit l’ensemble des députés d’opposition, contre 145 voix des conservateurs. Ce geste a mené à la chute du gouvernement conservateur et a conduit le Canada dans une nouvelle campagne électorale dont l’enjeu était, cette fois, l’élection d’un gouvernement majoritaire. Après une quarantaine de jours de campagne, l’élection a eu lieu le 2 mai dernier. Au lendemain de l’élection, le Bloc québécois (qui avait 47 sièges au Québec) en a perdu 43 et s’est retrouvé, fort de plus de 20% des voies, avec 4 députés élus seulement. Le NPD (qui n’avait qu’un siège au Québec), recueillant une bonne partie des votes du Bloc, a obtenu 59 sièges ! Le NPD, un tiers parti, est alors devenu l’opposition officielle à Ottawa. C’est bien ce qu’on appelle, en météorologie politique, une « vague ». Cette vague orange – de la couleur du NPD – en provenance du Québec a déferlé sur le pays, mais elle n’a pas empêché l’élection d’un gouvernement majoritaire conservateur. Au niveau canadien, le parti conservateur trône avec 166 députés, le NPD en a 103, le parti libéral 34, le Bloc 4 et le parti vert 1. Analysons cette vague en précisant déjà qu’elle fut sans doute déterminée par un « micro climat » favorable au Québec puisque le NPD, à gauche, …