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Le Congrès du parti social-démocrate suédois de mars dernier a permis de choisir un nouveau président, Håkan Juholt, et de renouveler le bureau national. Ce Congrès extraordinaire fait suite à la décision de Mona Sahlin de céder sa place à la tête du parti après la déroute électorale de septembre dernier. Depuis, une commission de crise s’est réunie et a rendu un rapport expliquant l’érosion du vote social-démocrate. Le parti qui n’a plus que 100 000 membres a subi un net déclin depuis le début des années 1990 et la transformation du système social suédois (vague de privatisations, décentralisation du système avec gestion de l’éducation et de l’emploi par les communes…). Le parti a perdu son identité et l’équation syndicats – fédérations d’éducation populaire – fort secteur public – État-providence n’existe plus. Les électeurs font moins confiance aux Sociaux-démocrates qu’aux Conservateurs et la tendance est durable. Quelle est alors l’attitude de la nouvelle direction social-démocrate face à cette situation qui rappelle celle d’autres pays européens ?
Nous avons en fait un retour aux sources et une volonté de renouer avec les valeurs fondamentales de la social-démocratie. « Croissance et équité » (Tillväxt och Rättvisan), telle était la devise du Congrès qui n’a rien eu de révolutionnaire. Pas de rénovation à la française avec la transformation des procédures et l’introduction d’une plus forte démocratie interne. Non, au contraire, le nom de Juholt a été proposé par le comité électoral et l’audience composée de représentants régionaux et locaux élus par leurs sections respectives pour voter n’a fait qu’approuver oralement ce choix. Håkan Juholt, originaire du sud de la Suède, est parlementaire depuis 1994 et connaît parfaitement les rouages de l’appareil. Deux stratégies s’imposaient au nouveau bureau, soit tenter de coller aux nouvelles préoccupations de l’électorat (adaptation aux souhaits de la majorité des électeurs), soit réaffirmer une ligne idéologique claire. Les deux stratégies peuvent se révéler antinomiques même si la plupart des partis souhaitent avoir un juste milieu entre le pragmatisme (primat de l’évolution sociétale) et l’idéologie (primat des valeurs et des idées). Håkan Juholt n’a pas encore lancé de programme politique, puisque l’objectif était de recueillir des idées fortes sur les transformations à concrétiser en phase avec le socle de valeurs social-démocrates. Le Congrès a été traversé par la nécessité de formuler des questionnements simples et adéquats : comment passe-t-on d’une société industrielle à une société de connaissance ? Quelles sont les nouvelles solidarités à inventer pour demain ? Comment concilier qualité pédagogique et égalité des chances à l’école ? Comment profiter de la richesse migratoire du pays pour créer des emplois et avoir davantage de relations économiques extérieures avec les pays d’origine des populations migrantes ?
Le parti est vieillissant (le plus jeune parlementaire social-démocrate a 37 ans) et a besoin de laisser la place à une nouvelle génération. En même temps, ce changement ne doit pas éloigner le parti des valeurs de base : les solutions concrètes proposées aux problèmes de société devront respecter cette loi. Juholt a été qualifié par la presse de « sauveur » (räddaren) c’est-à-dire celui qui pourrait enrayer le déclin. Les inégalités sociales ont progressé, l’accès au logement et aux services publics de base révèlent des logiques de ségrégation et tout le défi est de proposer des mesures pouvant réintroduire de la mixité et de la cohésion sociales. Olof Palme avait su à la fin des années 1970 faire du parti social-démocrate le pivot des transformations de la société suédoise alors même qu’une partie des pays occidentaux mettait à l’épreuve des programmes néolibéraux ; il avait su trouver une troisième voie dans un contexte géopolitique marqué encore par la guerre froide. Håkan Juholt fait le pari qu’en retrouvant une inspiration idéologique juste, les Sociaux-démocrates pourront reconquérir l’électoral populaire et gagner la confiance des classes moyennes. Pour cela, il faut compter sur ses propres forces et la formule de gauche plurielle à la suédoise (alliance du Parti de Gauche, des Verts et des Sociaux-démocrates) n’est plus d’actualité. Les idées politiques se monnaient et la stratégie d’alliance aurait pour inconvénient de mettre en avant les faiblesses de la social-démocratie. Si ce parti veut retrouver une orientation et rester un repère pour la majorité des Suédois, il doit redevenir lui-même et adapter les valeurs fondamentales aux nouveaux défis de la société de demain (relation entre le défi écologique et une société plus égalitaire).
Le mode de scrutin proportionnel à un tour a également une influence sur cette stratégie, puisque le parti social-démocrate suédois n’est pas confronté à la problématique des primaires propre aux systèmes politiques d’inspiration présidentielle. À l’inverse du PS français, les Sociaux-démocrates ne se rénovent pas, ils réaffirment leurs valeurs traditionnelles.