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« Bien que culturellement mieux préparées, les organisations régionales sont presque toujours handicapées par une approche biaisée au profit d’une partie, par des divisions internes, par un manque effarant de moyens » [1]

Ghassan Salamé

Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance ivoirienne, décède en décembre 1993. Une bataille de succession s’ouvre entre trois hommes : Henri Konan Bédié[2], Alassane Dramane Ouattara[3], Laurent Gbagbo[4]. Entre les trois acteurs du champ ivoirien vont se cristalliser ambitions, alliances, et contre alliances. En décembre 1999, Robert Guéi arrive au pouvoir par un coup d’État. Les élections ont lieu en octobre 2000. Après invalidation des candidatures de deux poids lourds, Laurent Gbagbo se présente tout seul, face à Robert Guéi, et remporte le scrutin. Une crise politique s’ouvre en Côte d’Ivoire, aux relents politiques, ethnicistes[5], et pouvoiristes. Pour comprendre les logiques profondes de cette crise, il faut remonter le temps long de l’histoire post-coloniale ivoirienne. En bonne place, la décolonisation de l’économie a constitué le point de rupture entre la France et la fille aînée de la Françafrique[6]. La politique d’immigration du père de l’indépendance[7], la quête du pouvoir, et les enjeux pluriels à l’œuvre, sont des facteurs probants d’explication de la survenance et de la rémanence de cette crise[8]. Dès septembre 2002, on note les premières actions de la diplomatie intergouvernementale africaine, avec notamment la CEDEAO[9]. L’organisation Ouest africaine crée un Groupe de contact le 29 septembre 2002, et décide de l’envoi d’une force de paix en Côte d’Ivoire. La France prendra le relais en organisant, du 15 au 24 janvier 2003, la Conférence de Linas Marcoussis ; et du 25 au 26 janvier, la Conférence des Chefs d’État de Kléber. À côté de ces deux initiatives, l’ONU[10] s’investit en renforçant ainsi la perte de monopole par les médiations africaines. Comment comprendre dès lors l’extraordinaire capacité de résistance de la crise face à cette flopée de médiations ? Quels sont les tenants et aboutissants de l’efficacité relative des médiations africaines au cours de la période considérée ? Telles sont les questions qui vont baliser notre réflexion autour d’une double analyse.

I. L’analyse des ressources et de l’architecture des médiations africaines

Il s’agit de penser les médiations africaines comme des construits normatifs et politiques, lesquels ont une forme précise, et s’appuient sur des équipements.

I.I Les ressources juridiques et politiques

Les médiations africaines devaient s’appuyer sur un socle qui fonde à la fois leur légalité et leur légitimité. C’est ainsi que des instruments juridiques à divers niveaux autant que l’assise socio culturelle feront sens.

I.I.1 Les outils techniques et normatifs

Le bloc de normativité qui fonde l’action des médiations africaines est révélé au plan international, régional, sous-régional, et national.

Les instruments juridiques internationaux servant de base à ces médiations sont notamment la Charte de l’ONU et les Conventions. La Charte précise, dans son chapitre VIII relatif aux accords régionaux, que les OIR peuvent jouer un rôle dans le domaine du maintien de la paix :

« Aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies. »[11]

En sus, les différends de cet ordre peuvent être soumis au Conseil de sécurité qui encourage leur solution pacifique par des organismes régionaux (les OIR)[12]. Sur le point précis de l’application des sanctions, une collaboration est de mise entre les OIR et l’ONU[13]. Toutefois, malgré cette collaboration, le Conseil de sécurité est prééminent. La Charte énonce :

« Le Conseil de sécurité doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisagée en vertu d’accords régionaux par des organismes régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. »

S’agissant des conventions, tout dépend de la nature juridique de la crise. Selon qu’elle est considérée comme conflit armé international ou non international, la Convention de la Haye du 18 octobre 1907 et le Protocole additionnel numéro 2 aux Conventions de Genève de 1949 serviront de socle. Le droit régional se double du droit national et sous-régional pour appuyer la légalité des médiations africaines[14].

Au plan continental ou régional, citons l’Acte constitutif de l’Union Africaine et le Protocole portant création du Conseil de paix et de sécurité (CPS)[15]. L’attachement de l’UA[16] aux idéaux de paix est ainsi proclamé :

« Conscients du fait que le fléau des conflits en Afrique constitue un obstacle majeur au développement socio-économique du continent, et de la nécessité de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité. »[17]

Le CPS, créé par l’Acte constitutif, est un « organe de décision permanent pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits »[18]. En outre, la PADSC[19] intègre la Commission, le groupe des sages, le système d’alerte rapide, et la force africaine prépositionnée. Le 31 janvier 2005, est adopté un Pacte de non agression et de défense commune de l’UA[20].

Au plan sous-régional, mention doit être faite du Traité instituant la CEDEAO du 28 mai 1975. Cette organisation est la première du genre en Afrique, spécialisée dans la garantie de la sécurité de sa zone. Le Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité collective est adopté le 24 juillet 1998 à Banjul. La CEDEAO dispose aussi d’un Conseil de médiation et de sécurité.

Au plan national, la constitution ivoirienne est complétée par des lois. Ici, les médiateurs sont confrontés au problème de la hiérarchie des normes, entre la loi fondamentale et les accords de paix, et entre celle-ci et les résolutions du Conseil de sécurité (CS) de l’ONU. Les ressources juridiques ont plus d’effectivité lorsqu’elles s’adossent aux ressources politiques.

I.I.2 Les repères politiques et sociologiques

La dynamique de l’intégration en Afrique de l’Ouest explique pour partie la mobilisation rapide de la CEDEAO[21]. L’effet domino peut justifier le fait que, craignant des effets pervers de la crise dans la zone UEMOA[22], les États voisins manifestent leur solidarité. C’est donc un réalisme qui s’ajoute à l’ontologie solidariste des aires africanistes[23].

Le patrimoine traditionnel est par ailleurs un révélateur du fondement endogène d’une culture de la paix[24]. Dans les sociétés africaines, la stabilité était garantie par les institutions, des pratiques et des rites qui assuraient la coexistence pacifique entre les peuples. En cas de différend, recours était fait à la conciliation. La pratique des alliances matrimoniales permettait d’instaurer le dialogue entre des ennemis. Faiseurs de paix, les médiateurs africains se sont inspirés du modèle de l’arbre à palabre. Pour Antoine Zanga (1987 : 21-24), la palabre est un phénomène total dans lequel s’imbriquent la socialité, l’autorité ancestrale, la sagesse et le savoir des anciens[25]. Le médiateur traditionnel devait avoir des qualités éprouvées : l’âge, la sagesse, la connaissance des coutumes, la neutralité, l’objectivité, l’éloquence. Certains peuples envoyaient des « émissaires » auprès des chefs ayant une grande renommée, en vue de solliciter leurs médiations. C’est dans ce sens qu’il convient de lire l’envoi incessant, par Laurent Gbagbo, des plénipotentiaires auprès de ses homologues dès 2002.

Au plan politique, il s’agit pour les Africains d’autonomiser leurs capacités en matière de règlement des conflits. Leur implication est désormais entière. Avant d’en référer à d’autres acteurs, ils engagent eux-mêmes les négociations. Toutefois, ce déploiement de la diplomatie africaine, dans son versant intergouvernemental, n’a pas toujours l’efficacité escomptée. Thabo Mbéki n’a-t-il pas reconnu :

« En tant qu’Africains, nous devons admettre ouvertement que nous n’avons pas réussi à aider les Ivoiriens à mettre un terme à la crise dans leur pays… Et pourtant, cette crise est précisément le type de défi qui requiert des solutions africaines. »[26]

Deux années auparavant, il déclara, à l’occasion du forum économique de l’Afrique australe à Durban :

« Les perceptions de l’Afrique sont négatives depuis trop longtemps. Si nous n’arrivons pas maintenant (à inverser la tendance)[27], cela créera l’impression que nous sommes incapables de résoudre nos problèmes, et nous ne pouvons pas nous le permettre. »[28]

Les deux principales médiations africaines ont des formes spécifiques et usent des équipements distincts.

I.2 Les formes et les équipements des médiations africaines

Quatre (04) formes de médiations sont présentes. Leur capacité à se faire accepter par les parties repose sur quatre (04) autres sources de pouvoir.

I.2.1 Les types de médiation

Nous avons une médiation institutionnelle et une médiation individuelle d’une part, une médiation collective et une médiation militaire d’autre part.

La médiation institutionnelle est celle qui se fait par une personne ou plusieurs qui en reçoivent mandat. Mais elle peut aussi être conduite par un organe permanent d’une organisation. C’est le cas du Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix, et de la sécurité de la CEDEAO. Avec son Conseil de médiation et de sécurité, il est chargé d’autoriser les interventions de la CEDEAO dans tout conflit interne se déroulant dans un État membre. En sus, elle est attestée par le CPS de l’UA. La médiation individuelle est menée par un individu au nom d’une institution. Les Chefs d’État et les présidents en exercice des organisations internationales constituent ses témoins. Dans la crise ivoirienne, Thabo Mbéki représente cette forme de médiation. La médiation individuelle est supposée conduire plus facilement les pourparlers, du fait notamment de la facilité de contact entre les parties. En plus de l’ancien président sud africain, citons les cas de Gnassingbé Eyadema, John Kufuor, Abdoulaye Wade, Omar Bongo Odingba.

La médiation collective est celle dans laquelle des États décident de se regrouper en formation collégiale. Le cadre de l’organisation internationale est son lieu privilégié. Le Groupe de contact de la CEDEAO en est une illustration. Lorsque, le 26 octobre 2002, la CEDEAO décide de déployer une force pour contrôler le cessez-le-feu signé à Bouaké le 17 octobre, et que l’ECOMOG se mobilise, il s’agit d’une médiation militaire. Cette forme de médiation est conduite par un personnel militaire. Son but est de s’interposer entre deux camps opposés, de surveiller le respect des accords politiques, ou de veiller à ce que les forces ou groupes armés antagonistes restent immobiles. Les charges militaires de la CEDEAO ont été exécutées par la MICECI[29]. C’est dans cette optique que ses troupes ont assuré la protection des ministres de l’opposition dès le 1er avril 2003. Les militaires de la CEDEAO passeront finalement sous le commandement de l’ONU le lundi 05 avril 2004. Envisageons à présent l’étude des sources de pouvoir de ces médiations.

I.2.2 La base des pouvoirs des médiations africaines

La médiation de l’Union Africaine et celle de la CEDEAO ont pour source de pouvoir la légitimité et la référence.

Par la légitimité, le médiateur persuade sur la base du droit dont il dispose, du fait de son appartenance à l’OI. Le médiateur de l’Union Africaine tire ses ressources de son appartenance à l’Union et de son acceptation par les parties antagonistes. Perçu comme légitime, il a plus de marge de manœuvre pour conduire les pourparlers dans le sens qu’il souhaite. Il en va de même pour la médiation de la CEDEAO.

La référence signifie que le médiateur entreprend une relation de proximité avec les parties. Cela crée une atmosphère de confiance et de compréhension mutuelle. La CEDEAO s’est beaucoup appuyée sur ce critère en tant qu’organisation proche de la Côte d’Ivoire. Pour leur part, les Chefs d’État ont une source de pouvoir différente. La récompense et la coercition sont les sources de pouvoir des médiations des Chefs d’État agissant à titre ponctuel dans le cadre de l’UA et de la CEDEAO.

Par la récompense, le médiateur a la capacité d’offrir des bénéfices en contre partie des décisions prises par les deux parties antagonistes[30]. Le médiateur use de ces ressources pour formuler des propositions assorties de promesses. La médiation du Président du Togo a fait usage de cette ressource de pouvoir, lorsqu’elle invitait les différentes parties à observer le cessez-le-feu du 17 octobre 2002. La médiation du Président du Ghana John Kufuor semble également s’inscrire dans ce registre. Il en va de même du Président du Mali qui, le 3 décembre 2002 à Bamako, a réuni ses homologues ivoirien et burkinabè.

La coercition par contre repose sur un chantage, sur une contrainte imposée par le médiateur. Celui-ci peut menacer les parties de se retirer si celles-ci restent campées sur des positions de non recul. Il peut même leur annoncer qu’il portera le problème devant la presse ou leur imposer des délais. Pendant un temps, le médiateur de l’Union a utilisé ce moyen. Par la voix du ministre des affaires étrangères de l’Afrique du Sud, on a appris que la médiation de Thabo Mbéki était « terminée »[31]. Abdoulaye Wade l’a fait en déclarant devant la presse que les Burkinabés étaient moins bien accueillis en Côte d’Ivoire que dans les pays européens.

Le tableau ci-après résume les sources de pouvoir des différentes formes de médiation.  

Tableau 1

Bercovitch Jacob et Z. Rubin Jeffrey[32]

-> See the list of tables

Avec ces différentes sources de pouvoir, les médiations africaines vont mobiliser des stratégies qui oscillent entre statique et dynamique.

Kolb[33] définit une stratégie de médiation comme un plan général, une approche ou une méthode qu’un médiateur utilise pour résoudre un conflit, la manière dont celui-ci entend ménager le cas, les parties, et la solution. On distingue deux formes de stratégies : les stratégies de contenu[34] et la stratégie de processus[35]. D’autres typologies font ressortir les stratégies de communication, de facilitation, de manipulation, et de formulation[36]. Dans ce dernier cas, se trouvent presque toutes les médiations africaines. Ces médiations ont parfois fait usage de plusieurs stratégies à la fois. Ceci vient du fait que le médiateur opère à l’intérieur d’un système d’échange et d’influence. Il doit être capable de moduler ses stratégies selon le temps, les attitudes des parties, l’environnement externe à sa médiation.

En résumé, ressources et architecture des médiations africaines traduisent la diversité et l’éparpillement. Il s’agit en l’occurrence de l’un des éléments qui expliquent l’efficacité relative des médiations africaines. Toutefois, la richesse du patrimoine juridico-culturel, de même que celle des formes et instrumentaux n’explique pas tout. D’où la nécessaire analyse des facteurs complémentaires de l’échec relatif de ces médiations jusqu’en 2006.

II. L’analyse de l’efficacité relative des médiations africaines

Pour bien évaluer[37] l’apport des médiations africaines de 2002 à 2006, il est important de soumettre à examen critique les avancées et les reculades, et de voir comment la présence des médiations internationales constitue une sanction des mésaventures des médiations africaines.

II.1 L’évaluation des médiations africaines

Les principales médiations africaines ont pu négocier la sortie de crise par des accords de paix qui comportent néanmoins des limites.

II.1.1 Kaléidoscope des accords de paix africains sur la crise ivoirienne

L’accord de Lomé est signé dans un contexte où le premier cessez-le-feu était obtenu par la Conférence d’Accra I, le 17 octobre 2002. Cet accord est signé entre le gouvernement de Côte d’Ivoire et le MPCI de Guillaume Soro. Il porte sur la libération des prisonniers civils et militaires. Il comprend trois points, en l’occurrence :

  • la libération pure et simple des prisonniers civils et militaires ;

  • la création d’un Comité en charge de libérer ces prisonniers ;

  • la nécessaire collaboration entre le Comité et les autorités légales.

Les accords d’Accra ont des périodicités distinctes. Accra 1 intervient le 29 septembre 2002 « pour un arrêt des hostilités et une issue politique négociée de la crise militaire »[38]. Accra 2 est signé entre le 6 et le 7 mars 2003. Plusieurs parties prennent part aux travaux[39]. Accra 3 est adopté en Juillet 2004 en présence de 17 Chefs d’État. Tous les accords d’Accra affirment leur soutien à Marcoussis considéré « unanimement comme cadre de résolution durable de la crise ivoirienne »[40]. Ils affirment la nécessité de préserver l’intégrité du territoire qui est toujours partitionné pourtant. Avec Accra 3, on décide de l’opération DDR[41] selon le date line du 15 octobre 2004, ce qui sera bien sûr un échec. C’est aussi dans cet accord qu’est réglée la question de l’éligibilité à la Présidence de la République. Les parties ont décidé de s’astreindre à l’article 35 de la constitution. Dans son paragraphe 3, on peut lire : « Il doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine. »

L’accord de Pretoria est conclu sous l’égide de l’Union Africaine (UA) et comprend 18 points. La majorité des observateurs croyait que cet accord allait mettre un terme à la crise. Comme le dira Charles Maisonneuve, « Chacun veut croire que cet accord, après Marcoussis et les trois sommets d’Accra, est enfin le bon. »[42] Laurent Gbagbo dira lui-même, le 7 avril 2005 :

« Cet accord est avant tout un accord entre ivoiriens (…) on a bossé réellement, on a identifié les problèmes et on a cherché à les résoudre. »

Nous pouvons synthétiser ces accords dans le tableau ci-dessous :

Tableau 2

Edou M Alain Roger, Les médiations africaines dans la crise ivoirienne, mémoire de DESS, IRIC, mars 2007, p. 106 (remodelé).

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Une autre question cruciale se pose avec l’intérêt des médiations africaines dans la crise. C’est ainsi que la médiation de l’Union Africaine a été désavouée. Les rebelles (forces nouvelles) ont jugé Thabo Mbéki très favorable à Laurent Gbagbo. Aussi a-t-on accusé ce médiateur de commercer avec le pouvoir ivoirien. Ce désaveu a été encouragé par la France. Jacques Chirac a en effet déclaré que Thabo M ne connaît pas l’Afrique de l’Ouest, et qu’il désespère les lenteurs de sa médiation. Cette bourde diplomatique va être corrigée par Bernard Besancenot en ces termes :

« Thabo Mbéki veut absolument se faire une idée complète du dossier. Il s’investit beaucoup. Les dernières discussions entre lui et Gbagbo ont duré plus de six heures d’affilée. Le dossier est difficile à appréhender. »[43]

À rebours, les partisans de L. Gbagbo soutenaient cette médiation. L’un d’eux écrivait : « La médiation sud africaine a recours à des méthodes plus efficaces avec notamment la constitution d’une équipe de juristes experts »[44]. À son tour, la CEDEAO a essuyé un sérieux revers, en étant taxée d’incapable, pour faire face aux défis mouvants de la crise. Or les Chefs d’États de cette organisation affirmaient : « Nous avons une parfaite maîtrise (…) du processus de paix en Côte d’Ivoire.»[45]

Cet angélisme était sans prendre en compte les relations tumultueuses que le Président ivoirien entretient avec ses pairs. Bien plus, la CEDEAO avait des problèmes, un financement mou, des

« capacités insuffisantes de planification, (…), des moyens logistiques quasi-nuls, et la dépendance quasi-totale de la force vis-à-vis des bailleurs de fonds. »[46]

Prkic et Marie Joannidis, tout en soulignant ses mérites, relèvent ses limites dans la gestion de certains conflits. Ils évoquent le cas du Libéria, et celui de la Sierra Léone[47]. Cette constatation faite, on peut mieux entrevoir les limites des médiations africaines.

II.1.2 Les limites des médiations africaines

La première grande limite que l’on note c’est la subsidiarité fonctionnelle et la valeur juridique des résolutions adoptées par l’UA et la CEDEAO.

Le principe de subsidiarité, propre aux organisations internationales, vient palier aux carences du principe de spécialité[48]. Il ôte à l’organisation tout pouvoir en dehors de sa compétence d’attribution[49]. Une organisation peut se délester d’une matière, d’un objet car n’entrant pas dans son champ de compétence. Marcel Sinkondo précise :

« Le principe de subsidiarité appelle l’organisation internationale à plus de modestie dans l’exercice de ses pouvoirs, que ces compétences soient exclusives ou partagées. Le principe de subsidiarité demande la complémentarité nécessaire dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive. »[50]

La compétence de la CEDEAO est limitée par la nécessité, non seulement d’informer l’Union Africaine sur toutes les actions qu’elle entreprend, mais aussi de soumettre ses décisions au CPS de l’UA. Les décisions de l’UA sont astreintes à la même exigence par rapport à l’ONU[51]. Étant donné que les règles universelles priment sur celles qui sont régionales, l’ONU a le droit d’être saisie par l’UA qui lui soumet un différend local, en vertu de l’article 52 de la Charte. Le Conseil de sécurité peut intervenir « avant même que les organismes régionaux aient épuisé leurs ressources de règlement pacifique des différends. »[52]

Les résolutions adoptées par l’UA et la CEDEAO dans le cadre de la crise ont une force contraignante amoindrie. Pierre-François Gonidec rappelle d’ailleurs que « les résolutions adoptées par les organisations internationales africaines sont totalement dépourvues de valeur juridique. »[53] Celles prises par les médiations africaines ont dès lors un caractère simplement incitatif, qui ne lie pas les parties. Comme nous avons souligné dans un précédent texte,

« elles sont interpellatrices et facultatives relativement aux parties de la crise. Sans effet immédiat sur le comportement des parties, ces résolutions ont alors simplement valeur de proposition. »[54]

Toutefois, elles ont une valeur politique et traduisent les efforts diplomatiques africains.

La deuxième grande limite renvoie au manque de cohésion des médiations africaines. Elles sont nombreuses, et la recherche des dividendes politiques amène les médiateurs à vouloir trouver tout seul, et en premier, la solution miracle. C’est ce que Bipoun Woum appelle la « personnalisation du règlement des conflits »[55]. Cette situation accroit la capacité de dilatoire des acteurs qui ont plusieurs solutions possibles à eux proposées. L’identité des médiations africaines, au demeurant, reste éclatée. La multiplication des initiatives a été un facteur de dispersion d’énergie et de prolongement de la crise.

La dernière limite que nous pouvons relever a trait à la hiérarchie normative. Il s’agit de situer les accords de paix et les résolutions du CS de l’ONU par rapport à la constitution ivoirienne. Expression d’un rapport de force conjoncturel, les accords de paix ont parfois été en porte à faux avec la constitution. Laurent Gbagbo parlera même de coup d’État constitutionnel avec l’accord de Marcoussis. Les accords de paix légitiment la catégorie des partisans, et induisent un partage du pouvoir nécessaire pour sortir de la crise.

Sur le point des résolutions du CS, la réponse est nuancée. En même temps que la constitution est au sommet de l’édifice au plan interne, il faut tenir compte de la légalité de crise. Dans la pratique, il n’est pas toujours évident de trancher sur la prééminence de l’un sur l’autre. Ceci est conforme à l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de 1971 sur l’affaire de la Namibie :

« On a soutenu aussi que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sont rédigées en des termes qui leur confèrent plutôt le caractère d’une exhortation que celui d’une injonction et qu’en conséquence, elles ne prétendent ni imposer une obligation juridique à un État quelconque, ni toucher, sur le plan juridique, à l’un quelconque de ses droits. Il faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution du Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire. »

Lorsque l’on parle de résolution du CS, il s’agit au vrai de souligner l’action de la médiation internationale. Dans le cas de la crise ivoirienne comme ailleurs, se pose avec acuité la question des interrelations entre celle(s)-ci et les médiations africaines. Plus fondamentalement, il est question de répondre à la question de savoir si la présence des médiations internationales en Côte d’Ivoire au cours de la période considérée marque l’échec des médiations africaines.

II.2 Médiations africaines et médiations internationales : déclassement ou complémentarité ?

Les médiations internationales répertoriées en Côte d’Ivoire sont celle de la France et celle de l’ONU. En même temps qu’elles marquent le caractère infructueux des démarches africaines, elles sont un révélateur de la logique de complémentarité.

II.2.1 L’implication des médiations internationales comme sanction de l’inefficacité des médiations africaines

L’ONU intervient en Côte d’Ivoire en vertu de l’article 38 de la Charte qui dispose :

« Le Conseil de sécurité peut, si toutes les parties à un différend le demandent, faire des recommandations à celles-ci en vue d’un règlement pacifique de ce différend. »

L’article 39 précise que cette intervention peut précéder l’épuisement des initiatives régionales. Mais elle fait écho au régionalisme selon Vellas[56], dans la mesure où les compétences des OIR[57] sont préservées dans le domaine du maintien de la paix. La médiation onusienne est aussi basée sur les résolutions[58] du CS qui ont

« valeur obligatoire à l’égard de l’organisation comme vis-à-vis des États. Mais c’est au niveau de (leur) exécution que peut apparaitre la volonté politique des États. »[59]

La présence de l’Onu est matérialisée par L’ONUCI[60]. Celle-ci a été créée par la résolution 1 528. L’ONUCI a succédé à la MINUCI[61]. Il comprenait 5 762 contingents, 88 officiers d’état major, 192 observateurs militaires et 218 membres de la police civile. L’ONUCI a eu un mandat décliné en neuf points qui vont de l’observation du cessez-le-feu, à l’opération DDR, en passant par l’appui aux opérations humanitaires et la sécurisation des zones d’activité des forces internationales.

La médiation de la France est illustrée par l’opération Licorne, la conférence de Marcoussis, et celle de Kléber. Elle comporte des enjeux qu’il convient de dégager par ailleurs.

La Côte d’Ivoire et la France ont signé un accord de défense le 24 avril 1961. Selon l’article 2 de cet accord, la partie ivoirienne peut demander une aide à la France pour sa défense et sa sécurité extérieure et intérieure. Au début de la crise pourtant, la France hésite à intervenir et encourage plutôt la CEDEAO, ce qui a accru les tensions entre les gouvernements des deux États[62]. Finalement, elle a déployé ses troupes du 43ème BIMA pour s’interposer le long de la zone de confiance. C’est grâce à cette intervention que les rebelles sont bloqués à Tiébissou, au sud de Bouaké. La résolution 1 446 du CS a entériné cette opération.

On ne saurait parler de la médiation française dans cette crise sans évoquer Marcoussis. Les négociations se sont déroulées du 15 au 23 janvier 2003 en présence de plusieurs partis politiques[63]. Laurent Gbagbo n’a pas pris part à ces travaux présidés par Pierre Mazeaud qu’assistait Keba Mbaye. Comme le souligne Thomas Hofnung :

« Prenant acte de l’échec des négociations menées par la CEDEAO au Togo depuis la fin octobre, l’ancienne puissance coloniale prend le risque de monter en première ligne. »[64]

Marc le Pape considère pour sa part :

« Le document de Marcoussis n’a évidemment pas à être considéré comme un constat neutre visant la vérité. Il s’agit d’un texte d’arrangement, de l’expression d’un rapport de force et d’un compromis entre des calculs politiques. »[65]

Marcoussis apparaît à bien des égards comme l’épine dorsale des médiations dans la crise ivoirienne. Même les médiations africaines ultérieures rappelleront leur attachement à son texte qui avait certains points :

  • la nomination d’un premier ministre de consensus ;

  • la formation d’un gouvernement de transition nationale ;

  • la nomination des ministres ;

  • la défense et la sécurité ;

  • la réintégration des militaires déserteurs de l’armée nationale ;

  • le statut des étrangers ;

  • la nationalité ;

  • le régime électoral ;

  • les médias ;

  • etc.

Les acquis de cette table ronde sont importants, mais quelque fois irréalisables et contraires à la constitution. Jean du Bois de Gaudusson considère ce texte comme :

« un accord politique à contenu juridique portant sur le système constitutionnel, il pose, et a posé, inévitablement des questions juridiques et provoque des controverses. »[66]

L’auteur va plus loin en écrivant :

« Les arguments échangés combinent, selon les protagonistes, la lettre et l’esprit de la constitution, la lettre et l’esprit de l’accord, l’analyse formelle et exégétique et l’analyse compréhensive et téléogénique. »[67]

La Conférence de Kléber s’est tenue à Paris les 25 et 26 janvier 2003. Une dizaine de Chefs d’État africains ont pris part à ce rendez-vous. Le but de cette assise était d’entériner les résolutions de Marcoussis. Ces deux accords vont être suivis par des manifestations de jeunes patriotes[68] en Côte d’Ivoire. Ces manifestations gigantesques dénonçaient à la fois un « coup d’État constitutionnel » contre le régime du président ivoirien, et un complot contre les intérêts des ivoiriens.

La médiation de la France interpelle quant à sa neutralité, dans le sens où la France a des intérêts en Côte d’Ivoire. En 2003, 147 filiales de groupes français et plus de 1 000 sociétés à capital majoritaire français sont présents en Côte d’Ivoire. Premier investisseur, la France représente alors 30 % du PIB ivoirien. La distribution de l’essence est à 35 % française, Air France détient 51 % de la compagnie Air Ivoire. Les entreprises françaises offrent un emploi stable à 36 000 Ivoiriens et presque 50 % de recettes fiscales[69]. Jusqu’en 1966, le ministre de l’économie est français[70]. En 2004, cette embellie des relations franco-ivoiriennes est stoppée net. L’armée ivoirienne bombarde une position française, des écoles françaises son saccagées, des femmes violées. Sur les 14 000 Français en Côte d’Ivoire, 8 300 repartent en France précipitamment[71].

Les médiations internationales sont omniprésentes en Côte d’Ivoire au cours de la période considérée. En témoignent le Groupe de Travail International (GTI) créé par la résolution 1 633, le Groupe de médiation, et le Comité des sanctions. Deux personnalités complètent cet édifice : le Représentant spécial du SG de l’ONU[72] et le Haut représentant pour les élections. Au-delà de la logique de déclassement, médiations africaines et médiations internationales ont collaboré.

II.2.2 La complémentarité entre les médiations africaines et les médiations internationales

Les deux niveaux de médiation collaborent plus qu’il n’apparaît dès l’abord. La CEDEAO est, au même titre que l’Union Africaine, sollicitée dans les médiations internationales. La formulation des résolutions onusiennes est sans équivoque : « Avec la collaboration de.. », « avec le concours de… ». Les troupes de la CEDEAO ont gagné les rangs de la MINUCI. Cette absorption ne signifie nullement déclassement mais plutôt union pour des actions concertées. La collaboration dont il est question est consignée par l’article 53 de la Charte, qui énonce que le CS peut utiliser les organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives. Bien qu’ayant des moyens différents, les médiations internationales ont en principe les mêmes objectifs que les médiations africaines ; sans préjudice de l’intérêt de la France dans ce cas. La paix apparaît à cet égard comme l’horizon indépassable de tous les efforts de médiation.

Conclusion : Quelles perspectives pour les médiations africaines après 2006 ?

Jusqu’en 2006, les médiations internationales ont cohabité avec les médiations africaines pour trouver une solution ultime à la crise qui secoue la Côte d’Ivoire. L’inefficacité des médiations africaines tenait notamment à la complexité de l’environnement crisogène ivoirien, ainsi qu’aux limites intrinsèques de ces médiations. La résolution 1 721 préconisait l’organisation des élections à la date du 31 octobre 2007, ce qui n’a pas été le cas. Entre 2002 et 2006, les médiations africaines ont pu régler la question de l’ivoirité, des gouvernements de transition ont été formés, et un dialogue plus ouvert entre les différentes parties a pu être mené. Au titre du bilan mitigé, le désarmement qui est un véritable mythe de Sisyphe, l’identification des populations qui sera bouclée à la veille de l’élection présidentielle de 2010, et les errements des accords de paix. L’accord de Ouagadougou conclu sous l’égide du président burkinabè a laissé poindre à l’horizon une réappropriation des initiatives de paix par les Africains. Longtemps indexé comme l’un des instigateurs de la crise, Blaise Compaoré a contribué à relancer les pourparlers interivoiriens entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. L’exécutif ivoirien a été bicéphalisé du même coup en institutionnalisant un partisan. La mise hors-jeu des autres acteurs du macrocosme politique ivoirien a été un élément de fragilité du processus de paix en construction.

En même temps, les bannis des discussions de Ouagadougou vont se rapprocher et conclure une alliance. Le RHDP voit le jour, en tant que combinatoire du PDCI-RDA et du RDR. Pour sortir définitivement de cette crise, l’élection présidentielle est apparue comme une étape décisive. Les accords politiques sous l’égide des acteurs africains vont encadrer cette échéance. Les règles du jeu sont clarifiées en 2007 dans l’accord de Ouagadougou et ses accords complémentaires. Celles-ci s’appuient sur l’accord de Marcoussis et celui de Pretoria. Les résolutions du Conseil de sécurité complètent tout cet arsenal juridique. Malheureusement, après des avancées claires, l’élection de sortie de crise va une fois encore déboucher sur une crise de l’institution présidentielle, une crise de légitimité, et une paralysie du système politique ivoirien. Un challenge de plus pour les médiations africaines qui hésitent désormais entre la négociation et l’usage de la force.

Remarques bibliographiques

L. Boa Thiemele

L’ouvrage consacré à un concept polémogène dans l’espace public ivoirien est publié dès le début de la crise. Il vise à renseigner sur la place de l’ivoirité dans les jeux que se livrent les acteurs ivoiriens. Il démontre que, par l’ivoirité, les individus ne sont pas seulement dans l’espace physique, ni d’ailleurs dans le temps de la Côte d’Ivoire. Ils doivent exprimer de l’amour pour ce pays et porter de l’intérêt à son destin en prenant part aux débats, en y investissant et en le défendant.

L’auteur nous apprend que l’origine du concept est culturelle, et sa paternité est attribuable à Niangoran Porquet. Ensuite il énonce que

« le politique est celui redonna à l’ivoirité une forme générale en invitant les intellectuels et la population à la remplir par des significations et des actes. » (p. 43)

Toutefois, l’approche sentimentale de l’ivoirité que l’auteur avance est insuffisante à en saisir tous les aspects. D’où l’intérêt de prendre en compte des définitions proposées par d’autres auteurs tels que Georges Niangoran-Bouah ou Jean-Pierre Dozon.

Jacob Bercovitch et Jeffrey Z. Rubin

Cet ouvrage éclaire fondamentalement sur la théorie et la pratique de la médiation. Les coauteurs, originaires de l’école américaine des relations internationales, nous offrent des bases conceptuelles d’une richesse avérée. Il s’agit notamment des stratégies et techniques de médiation, des sources de pouvoir des médiateurs, des différents types d’évaluation et du cadre d’analyse du comportement des acteurs impliqués.

In globo, ce livre est à la fois informatif sur les aspects théoriques et les « recettes » pratiques à l’usage des médiateurs. Toutefois, sa vocation à rendre compte de la médiation dans une perspective universelle est particulièrement discutable. Les théâtres conflictuels sont protéiformes et la nature différente des acteurs est de nature à invalider les schémas tracés par ces auteurs.

Antoine Zanga

Un ouvrage marquant de son époque. Antoine Zanga, Camerounais de nationalité et actuel ambassadeur du Cameroun auprès du Saint siège, y dévoile l’essentiel de sa thèse de doctorat. Il analyse les différents mécanismes de l’OUA dans le domaine de la résolution des conflits. À travers une approche juridique et politiste, il revient sur la philosophie, les cadres, les acteurs et procédures y relatives. L’ambition de cet ouvrage riche, fouillé, et méthodique demeure d’évaluer les forces et faiblesses de l’architecture de l’OUA dans les sorties de crise interétatiques en Afrique.

La principale limite ici tient à l’effet évolutif des procédés décrits. L’intervention de l’union africaine en Côte d’Ivoire s’inscrit dans un contexte nouveau et le mécanisme de l’OUA apparait comme désuet pour la traduire. Le texte ne saisit pas en effet les spécificités des nouvelles orientations africaines en matière de règlement des conflits qui sont, aujourd’hui, plus intraétatiques. Normal, car sa publication est antérieure à l’adoption de la nouvelle politique africaine de défense et de sécurité et à l’avènement du CPS.

Thomas Hofnung

L’auteur propose dix thèmes pour comprendre la crise ivoirienne. Après une introduction de sept pages, il commence par s’interroger sur les racines profondes de cette crise. Il analyse entre autres : la « pseudo indépendance » de 1960, le « miracle en trompe-l’œil », la fin de règne agitée du premier président, la question de l’ivoirité, ou le rôle de la France. Il aborde la question de l’échec de la conférence de Marcoussis et l’impact régional de la crise. Par ailleurs, le livre nous indique une chronologie allant du 7 août 1960 (date de l’indépendance) au 9 septembre 2005 (date du report des élections prévues le 30 octobre 2005).

Toutefois, bien que le document soit clair et concis, l’auteur n’aborde pas la question des médiations africaines qui commencent pourtant à se déployer avant Marcoussis. Si l’on peut se satisfaire globalement des clés que l’auteur propose, il est néanmoins possible de se retrouver incapable d’ouvrir certaines portes de la crise avec ces dernières.

Charles Maisonneuve

L’ouvrage se propose se retracer l’itinéraire de la crise avant d’envisager une étude des points précis de celle-ci. De l’intervention de la force Licorne aux « mêlées ouvertes à Marcoussis », en passant par la « route vers l’inconnu », le trait structurant est que la Côte d’Ivoire se trouve à cette période dans un « bourbier ». Dans un style simple mais en faisant usage d’un vocabulaire par trop technique du jargon militaire, Charles Maisonneuve autopsie la crise. Il présente les notes de bas-de-page à la fin de chaque thème et conclut son livre par une chronologie indicative des événements en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002. Mais on ne perçoit pas clairement l’orientation théorique de sa contribution.