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Côte d'Ivoire : La grande marche vers un processus électoral inachevé politiquement et parachevé militairement[Record]

  • Alain Roger Edou Mvelle

Le mandat constitutionnel de Laurent Gbagbo parvenait à son terme en 2005. Arrivé en tête face au général – père noël en uniforme – au cours de l’élection présidentielle de 2000, Laurent Gbagbo n’a pas un début de mandat de tout repos. Cinq années plus tard, la situation sécuritaire du pays ne permettait pas toujours l’organisation d’un scrutin conforme aux standards internationaux. L’armée ayant perdu le monopole d’usage de la violence légitime, les rebelles vont parasiter le pouvoir démocratique et forcer la reconnaissance internationale. Ils iront jusqu’à privatiser l’État en régnant en maîtres absolus dans sa partie Nord. Il a donc fallu baliser le chemin de la tenue de cette élection de sortie de crise. La première étape consistait à ramener un climat propice aux élections. Le programme national de désarmement, bien qu’imparfait, va être amorcé. L’opération de démobilisation des anciens rebelles se fera en même temps que leur réinsertion. Toutefois, ce processus restera inachevé jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle, le 31 octobre 2010. En d’autres termes, la militarisation du politique, enclenchée par l’intrusion des hommes d’armes dans le champ politique, est restée tenace. Les groupes para militaires illicites, bien qu’ennoblis par la formation d’un dispositif géostratégique reconnu, sont restés détenteurs de capacités martiales nocives. Pour essayer de sécuriser l’élection future, le Centre de Commandement intégré est mis sur pied et sera co-présidé par les deux chefs d’États major, à savoir celui des FANCI (forces armées nationales de Côte d’Ivoire) et celui des FAFN (forces armées des forces nouvelles). Ce mouvement de bicéphalisation fonctionnelle du système de défense national aura des conséquences désastreuses au lendemain de la crise post électorale du 28 novembre 2010. En effet, les anciens rebelles passablement restés fidèles à Guillaume Soro, l’emblématique Secrétaire Général des Forces Nouvelles, vont constituer l’armée dite républicaine pro Ouattara, qui finira par avoir raison des forces de défense et de sécurité pro Gbagbo, le 11 avril 2011, date de la capture du président sortant, en sa résidence. La deuxième chose importante consistait à institutionnaliser le processus électoral. Ainsi, l’accord de Pretoria réaménage la composition et l’office de la CEI et de la RTI. Ces deux institutions seront d’ailleurs au cœur de l’élection présidentielle. Le rapport de force relativement équilibré permettra aux autres forces politiques d’être mieux représentées que le camp présidentiel à la CEI. Le point 9-a de l’accord politique de Pretoria du 06 avril 2005 précise que la CEI est composée de 02 représentants nommés par les participants à la conférence de Marcoussis, dont 06 pour les Forces Nouvelles. Le chronogramme définitif de la sortie de crise est tracé dans l’accord de Ouagadougou et ses compléments. Dès lors sera enclenchée l’opération d’identification des Ivoiriens. La tenue des audiences foraines débouchera sur l’établissement de la liste électorale. En même temps, les parties s’entendent sur la nécessité pour l’ONU de jouer le rôle de certificateur. Des fonds sont débloqués pour financer une élection sous surveillance africaine et internationale. De manière générale, la campagne présidentielle se déroule dans une ambiance empreinte de convivialité. La parlementarisation de l’espace public ivoirien va permettre que se réalise une parenthèse de détente politique. Le premier tour offre l’occasion à tous les candidats d’aller au-devant des électeurs. Bien que la rhétorique de campagne a pris un ton dur à mesure que l’échéance se rapprochait, tous les observateurs étaient d’avis que cette première étape s’était plutôt bien déroulée. A l’arrivée, Alassane Ouattara talonne Laurent Gbagbo aux résultats du premier tour. Ceux-ci enregistrent respectivement 38,04% et 32,07% pour un taux de participation évalué à 83,73%. Au second tour, le ton employé par les deux challengers sera plus virulent. Les …