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Introduction

Lors des années 60 en France est apparue ce que l’on appelle aujourd’hui l’école française d’analyse de discours. En s’inspirant de divers courants scientifiques, elle tenta à l’aide du développement des recherches dans le domaine de la psychologie, de la linguistique et la sociologie entre autres, de s’affirmer en tant que discipline scientifique. Selon les termes d’Althusser à la recherche d’une nouvelle épistémologie, « ce qui était en jeu [était] la revendication de scientificité de l’analyse du discours [1] ». Dans le même temps se développait aux États-Unis l’école de Palo Alto, dont les travaux en psycho-sociologie ont eu une grande influence sur la philosophie du langage et en particulier dans le développement du courant le plus récent en linguistique appelé la pragmatique. Le contexte actuel voudrait que l’on essaie de décloisonner, d’effacer les frontières entre les disciplines tout en conservant la souveraineté de chacune. Trop longtemps peut-être a-t-on voulu classer l’analyse de discours comme une discipline des sciences sociales et la pragmatique au sein des sciences du langage, alors qu’il apparaît évident dans l’histoire de la linguistique que l’analyse de discours puise autant ses sources dans la linguistique structurale que la pragmatique est issue des sciences sociales. La tendance est donc aujourd’hui plutôt au rapprochement des disciplines dont les champs d’études s’entrecroisent du fait d’une plus grande mobilité des chercheurs. C’est peut-être le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui sont à l’origine de cette chute des murs que l’on s’est efforcé de construire depuis le début des années 60 entre les disciplines scientifiques, leur conférant ainsi une légitimité supposée. 

La révolution informatique, doucement mais sûrement, a bouleversé à l’approche du troisième millénaire les concepts et les pratiques. Dans le domaine de la linguistique, on voit apparaître des disciplines comme le traitement automatique des langues qui utilise, sans complexe aucun et en toute légitimité, à la fois les apports théoriques de la grammaire générative chomskyenne et ceux de l’analyse de discours. On voit aussi en 1980 Daniel Coste oser signer un article dont le titre traite les deux expressions comme complémentaires pour la didactique des langues [2]. On a donc enfin l’impression d’entrer dans une phase de synthèse, après une longue lutte des deux écoles, et cela curieusement à l’époque de l’avènement des approches communicatives en didactique des langues. Il est aujourd’hui difficile de savoir dans quelle mesure le critère de cohérence, de logique ou même celui de pertinence [3] est plus proche de la pragmatique contextuelle que des sémantiques du discours. Les catégories d’analyse de discours sont aujourd’hui ceux de la pragmatique. La linguistique suit donc l’évolution de la société et peut donc constituer un moyen de comprendre les tendances et les courants idéologiques de la vie sociale. Alors, comment la linguistique et en particulier l’étude de l’analyse du discours peuvent-elles renouveler et remettre en cause notre pratique de l’enseignement des langues et permettre de développer en cours de FLE, outre une compétence de communication, une "compétence de citoyenneté" ?  

Pour répondre à cette problématique que nous venons d’éclairer, nous effectuerons quelques rappels théoriques linguistiques qui nous semblent pertinents pour présenter ensuite, dans le contexte, l’exemple d’un cours que nous avons pu mener avec les étudiants en langue de spécialité à Trnava lors de la campagne présidentielle française 2007 et qui nous a amenés à définir quelques principes du travail commun. Enfin, nous appliquerons ces quelques principes à d’autres documents authentiques portant cette fois sur l’Union Européenne et nous essaierons de répondre par notre approche à la question suivante : Comment un cours de langue peut-il former à la citoyenneté européenne ? 

Pour une analyse discursive pragmatique

Dans sa conférence au Centre International d’Études Pédagogiques en 2007 [4], Patrick Charaudeau a largement insisté sur les aspects performatifs du discours politique. Le contexte y était évidemment favorable puisqu’on attendait des candidats à la présidence de la République Française présents lors de la campagne 2007 qu’ils expliquent ce qu’ils sauront faire une fois élu(e)s à ce poste. P. Charaudeau relève quatre types de stratégies discursives : la parole de promesse, la parole de décision, la parole de justification et la parole de dissimulation. Il est donc clair qu’un énoncé politique est un acte performatif et doté d’une force perlocutoire. Nous préférons ici le terme de « perlocutoire » à « illocutoire » car nous préférons placer le discours politique plus proche de l’être humain. En effet, un énoncé illocutoire correspond à toutes les actions qui peuvent être accomplies grâce à cet énoncé. Mais rappelons toutefois qu’un président peut « décréter » et voir le peuple appelant à la désobéissance civique. L’affaire du « Contrat Premier Embauche » en mars 2006 est un exemple typique de la distinction à effectuer entre perlocutoire et illocutoire. Le président de la République Française avait lors d’une allocution télévisée « décidé de promulguer cette loi » sur l’égalité des chances en demandant au gouvernement d’effectuer des changements concernant l’article 8 sur le CPE pour tenter de satisfaire l’opinion déjà en révoltée depuis un mois [5]. On peut considérer dans cette situation le verbe « promulguer » comme un verbe illocutoire. Émanant du président de la République qui a toute légitimité démocratique pour le faire, cette promulgation entraîne de fait une exécution immédiate ou différée de la loi. Mais il convient de rappeler que suite à la pression populaire, le premier ministre a décidé de retirer cet article 8. Ainsi, l’énoncé politique est perlocutoire dans le sens où l’on cherche à accomplir des actes qui peuvent parfois aboutir à un échec, ce qui arrive à tous les être humains. La distinction entre illocutoire et perlocutoire peut être ainsi une belle leçon de démocratie. Il n’est pas nécessaire de rappeler que les promesses en campagne électorale ne sont pas toujours tenues pendant la période de mandat.

Nous aimerions revenir aussi sur le terme d’ « énoncé » qui n’a pas toujours été très clair dans le développement de la linguistique. Les recherches de Michel Foucault ont par exemple mis en évidence qu’un énoncé n’est pas forcément structuré car considéré comme un pur événement linguistique nécessairement unique et en rapport avec un contexte énonciatif. Le discours est donc « un ensemble d’énoncés en tant qu’ils relèvent d’une formation discursive[6] ». Il appelle « pratiques discursives » une matrice de production des énoncés formant le discours. Cela a le mérite d’ancrer le discours dans le domaine de l’action. Mais sous l’influence des théories analytique anglo-saxonne et de l’énonciation, la linguistique oriente son objet d’étude vers l’interaction, et l’énoncé prend ainsi le sens d’une suite de mots ou de phrases d’un "interactant" ; d’où le regain d’intérêt pour les schémas de la communication. Cependant, dans un contexte pédagogique il semble qu’il faille simplifier un tant soit peu les unités linguistiques. Démarrant par le phonème, plus petite unité de son et constituant du monème ou morphème, plus petite unité linguistique porteuse de sens, on arrive au lexème puis au lemme. Enfin, ce que nous appelons les unités de deuxième catégorie sont la phrase, puis l’énoncé, le texte et enfin le discours. Cette classification est certes contestable mais il est aussi important de savoir simplifier les choses pour un public étudiant, même spécialiste.

Le cadre européen commun de référence pour les langues définit le texte comme toute séquence discursive. C’est le terme de séquence qu’utilise P. Charaudeau dans Langage et Disc ours [7]  : « "Séquence" au sens de "partie découpée d’un tout". C’est dans cette logique structurale que nous comprenons le terme d’énoncé mais nous le différencions du texte qui est plus structuré et généralement intégré dans un contexte. Le schéma que nous proposons ressemble à un volcan dont le magma linguistique, au sens difficilement accessible sinon par des spécialistes, est constitué à l’origine de phonèmes qui, s’associant entre eux selon des étapes précises, forment des lemmes (ou mots) qui sont les constituants de la phrase.

Figure 1

-> See the list of figures

Lorsque nous parlons de magma difficilement compréhensible autrement que par des spécialistes, il s’agit bien évidemment de la métalangue utilisée pour désigner les unités linguistiques. Il va de soi que l’articulation de ces unités entre elles, crée un langage audible et compréhensible de tous ses locuteurs. Les chercheurs ont creusé profondément la question pour mettre à jour certaines définitions qui sont aujourd’hui encore discutées. Il en est ainsi par exemple de la double articulation du langage, théorie exposée par André Martinet, et qui permet d’apporter une distinction entre la langue naturelle, instrument de communication des hommes et les langages formels. Selon lui, une langue naturelle est composée de phonèmes, plus petite unité linguistique prononçable, s’articulant entre eux pour former des monèmes, ou morphèmes selon d’autres linguistes. Ainsi, à l’articulation par l’appareil vocal des phonèmes, porteurs de sons, s’ajoute l’articulation des phonèmes entre eux pour former des morphèmes, porteurs de sens (nous préférons ce terme à monème que Martinet a pourtant justifié avec brio). C’est cette double articulation qui est caractéristique de la communication verbale humaine. Par ailleurs, il nous paraît judicieux de faire une différence entre lemme et lexème. Certains linguistes sont d’accord pour dire que les morphèmes sont constitués des morphèmes grammaticaux et des morphèmes lexicaux, que l’on peut nommer lexème. Mais selon nous, même si de nombreux lexèmes ont déjà une forme de lemme utilisable directement et indépendamment comme constituant direct de la phrase, d’autres ne sont que des formes étymologiques, racines, radicaux ou autres « nymes », normalement encore inutilisables directement dans la phrase. Autant que l’énoncé entre la phrase et le texte dans la deuxième catégorie des unités discursives, le lexème a sa place dans la construction progressive des constituants de la phrase. Le discours, plus qu’un ensemble d’énoncés, peut aussi être un ensemble de textes émanant d’une seule et même personne ou institution. Ainsi, l’analyse du discours serait l’analyse de l’ensemble de ces textes provenant, pendant une période donnée, d’une personne, institution ou organisation précise.  

Pour une analyse discursive civique

Notre analyse n’a donc pas l’ambition de proposer une analyse discursive d’un(e) candidat(e) mais d’en utiliser ses instruments à des fins pédagogiques sur une séquence discursive que l’on sera donc tenté d’appeler énoncé. En quoi alors l’analyse discursive est-elle différente de l’analyse de contenu ? C’est là où l’on retrouve la linguistique chomskyenne qui propose une méthode d’analyse formelle efficace. Le discours comme la phrase possède une structure interne qu’il est possible d’étudier et de répéter de façon générative. Les générateurs de texte en sont une application informatique intéressante tant au niveau linguistique qu’au niveau pédagogique [8].

Mais avant tout, nous voulons présenter le corpus que nous avons choisi pour développer notre étude. Une séquence discursive, par définition, ne peut être étudiée sans tenir compte de son contexte. Il est donc de notre devoir de donner quelques indications afin de resituer cet énoncé dans son cadre contextuel.  

Pour la première fois de son histoire, le Parti Socialiste français organise des élections primaires afin de choisir le ou la candidat(e) investi(e) par ses militants à l’élection présidentielle française 2007. Pour cela, trois débats publics ont été organisés selon des règles bien précises acceptées et respectées par tous. Cette séquence correspond aux dernières paroles de la seule candidate féminine lors du troisième débat télévisé lorsque le présentateur lui a demandé un mot de clôture. On sait par la suite que Ségolène Royal a été investie par près des deux tiers de ses militants pour représenter les idées des socialistes français lors de la campagne présidentielle 2007.

« Bon jvoudrais vous remercier pour l’organisation euh de ces débats et (re)mercier mes deux deux collègues parce que je pense qu’ils se sont bien déroulés que nous avons eu euh l’occasion à la fois d’expliquer aux Français mais aussi euh aux militants socialistes les sujets importants sur lesquels euh la campagne des élections présidentielles euh allait s’engager ce que je voudrais dire c’est qu’euh aujourd’hui euh la politique doit reconquérir sa crédibilité et qu’il faudra en effet euh regarder les écarts entre le discours et les actes et pour rebondir sur ce sujet de l’environnement qui est pour moi un sujet majeur je voudrais dire ici que la crédibilité de ma parole repose aussi sur mes actes les actes que j’ai accomplis en tant que ministre de l’environnement et les actes que j’a- j’accomplis aujourd’hui et je ne voudrais pas en abuser mais c’est important à l’échelle de la région car sur l’environnement il y a à la fois le local et le global et c’est chaque citoyen chaque responsable politique chaque association qui va décider si oui ou non nous réussirons à maîtriser l’avenir de notre planète et à la transmettre en bon état aux générations futures et ce que je voudrais dire ici c’est que dans ma région nous respectons désormais le protocole de Kyoto grâce à l’initiative Climat et je voudrais en remercier toute ma majorité notamment les écologistes au niveau de ma région nous sommes maintenant la première à avoir installé les capteurs solaires nous sommes une des toutes premières régions à faire fonctionner les trains aux biocarburants malgré la charge fiscale nous sommes aux premiers rangs aussi pour le rééquilibrage entre les transports publics et la voiture et donc cette mise en mouvement des territoires pour qu’euh à l’échelle de la planète nous réussissions à faire reculer la destruction dcette planète à faire re- reculer la biodiversité qui pèse essentiellement sur les pays les plus pauvres je crois que cet enjeu-là aujourd’hui devant les militants socialistes j’en prends l’engagement la France sera le pays de l’excellence environnementale je ne lâch(e)rai pas cet enjeu je l’imposerai à toutes les pesanteurs y compris dans le domaine euh agricole à tous les lobbys dans l’industrie euh dans le euh le les transports partout là où il faut lutter au quotidien pour que les valeurs collectives pour que l’accès aux biens publics au niveau de la planète l’emportent sur les logiques financières » 

Les objectifs pédagogiques de ce cours sont doubles. D’une part, il souhaite initier à divers outils de la technique d’analyse de discours, et d’autre part, il cherche par ce moyen à développer une compétence de citoyenneté. Il semble qu’un citoyen aujourd’hui ait des droits et des devoirs à respecter pour être à son tour respecté en tant que citoyen. Certes, il pourrait exister une liste exhaustive de ces droits et devoirs. Mais en guise d’exemple, il nous est apparu difficile de classer le vote en tant que droit ou devoir. Car pour ceux (ou celles) qui ne l’ont (ou ne l’avaient) pas, ce droit est à revendiquer. Rappelons seulement que les femmes en France ont acquis ce droit en 1944 et l’ont exercé pour la première fois en 1945. Par contre, lorsque la démocratie est en panne et que les discours des politicien(ne)s sont décrédibilisés, il semble que le vote soit un devoir. C’est pour cette raison de fonctionnement de la démocratie qu’en Belgique par exemple l’abstention de vote lors d’une élection est punie d’une amende fiscale. Ainsi donc, comme il paraît impensable de dresser une liste exhaustive de ces droits et devoirs, nous avons choisi de travailler sur le thème bien français de « Liberté, Égalité, Fraternité » que nous préférons transformer en Émancipation / Autonomie, Égalité, Solidarité. Ces trois notions sont selon nous les aptitudes qui forment à une compétence de citoyenneté. Si notre autorité discursive nous le permettait, nous oserions affirmer qu’une compétence de citoyenneté, ou compétence civique, est constituée de ces trois aptitudes dont il faut faire prendre conscience aux étudiants comme étant les conditions sine qua non de l’établissement d’une société démocratique et citoyenne. Ainsi, une compétence est constituée d’aptitudes qu’il faut savoir appréhender comme des savoir-faire. Nous avons donc privilégié une approche actionnelle en essayant de mettre en œuvre ces savoir-faire pour les expliciter une fois expérimentés.  

D’abord, il convient d’expliquer notre démarche de transcription du corpus oral. Grâce aux réflexions de Claire Blanche-Benveniste [9], nous avons préféré donner une légitimité à la langue parlée, à l’oral, face à un discours écrit souvent considéré comme la seule et unique référence en matière d’étude de la langue. D’ailleurs, une partie du cours s’inscrivait dans un séminaire de compréhension orale. Il est très intéressant pour des étudiants maîtrisant déjà bien le système grammatical français, de comprendre comment le locuteur natif se permet de le modifier par son intonation, son accent, ses répétitions, ses hésitations, ou même ses propres erreurs à l’intérieur de son système linguistique natal. C’est la raison pour laquelle il nous paraît important de noter littéralement le discours oral afin de se rapprocher au plus près de l’authenticité du discours et d’entrer ainsi dans un nouvel univers sémantique permettant d’aborder les intentions du locuteur de façon, il nous semble, plus réalistes. Nous pouvons nous référer à la table des conventions de transcription proposée par C. B-Benveniste pour expliquer les principes généraux qui règlent notre choix de transcription. L’avantage de ce type de transcription est de faire entrer les étudiants dans l’univers de la sociolinguistique et faire comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule langue française mais bien des français utilisés selon le contexte, la situation dans laquelle le locuteur se trouve. Cette idée rejoint assez bien notre objectif « Égalité » en expliquant que tout type de discours est digne d’être étudié et qu’il n’y a pas nécessairement une langue française d’élite et une langue populaire réservée à certaines classes sociales mais que toutes ses langues peuvent être utilisées par un seul et même locuteur suivant le contexte dans lequel il se trouve. La notion de champ linguistique définie par P. Bourdieu [10] délimite des espaces de la vie sociale où le discours sera influencé par les relations internes qu’entretiennent les locuteurs entre eux ou encore par les enjeux du discours. C’est ainsi que Ségolène Royal ne tient pas le même discours pour expliquer sa motivation d’être la candidate du Parti Socialiste français pour les élections présidentielles 2007 selon qu’elle s’adresse à ses enfants, à son concubin, aux militants du Parti ou encore à tous les Français. Chaque discours est digne d’intérêt de façon égale : ils sont tout simplement différents en raison des contextes différents dans lesquels ils sont énoncés. Pour cette problématique, il pourrait être intéressant de pouvoir comparer deux discours dont l’intention est identique mais dont les destinataires et les conditions de production sont différents. Pour revenir à nos conventions, voici les principes de transcription que le GARS (Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe) préconise : 

1.          éléments non orthographiables : appel de note et transcription phonétique

2.          ponctuation : aucune

3.          majuscules : sur les noms propres (et titres de livres, de films...)

4.          nombres : à écrire en toutes lettres (sauf numéros de téléphone)

5.          pauses : courtes     -, longue     --, interruption     ///

6.          incompréhensible : XXX (autant de X que de syllabes discernables)

7.          chevauchements : .....                                     .....

8.          multi-transcriptions : /...., ..../

9.          orthographe au choix (....) ex : il a des ami(e)s

10.        amorce de mot : -, ex : des ca-, des cases vides 

Claire Blanche-Benveniste, op.cité

Commentaires :

1. Nous avons utilisé l’API comme instrument de transcription phonétique. Cependant, dans le cadre d’un cours d’initiation à la transcription, nous nous sommes attachés à noter toutes les différences avec le discours écrit (par ex. : il n’y avait pas, in’y avait pas, y avait pas) car pour un étudiant néophyte en la matière, toute variation est digne de commentaire.

2. Les signes diacritiques sont omis car référents d’une langue écrite. Les pauses sont notées comme en 5.

3. les nombres (mis à part les numéros de téléphone) peuvent parfois prêter à confusion, c’est pour cette raison qu’il est préférable de les écrire en toutes lettres

4. les corpus oraux peuvent être extraits d’un contexte très bruyant ou de mauvaise qualité et il est préférable à ce moment-là de transcrire les éléments incompréhensibles avec le symbole XXX (un X par syllabe repérée)

5. en particulier dans les conversations où les tours de paroles sont parfois bousculés, il convient de noter que plusieurs personnes parlent en même temps

6. parfois plusieurs orthographes sont possibles selon le sens donné par le locuteur. Afin de rester objectif dans la transcription, il vaut mieux proposer les différentes possibilités de transcription

7. en particulier dans les discours improvisés, les locuteurs cherchent leurs mots ou hésitent dans le lexique à utiliser, on peut donc noter ces perturbations de cette façon. 

Cet exercice de transcription est idéal pour les cours de compréhension orale et renouvelle l’exercice scolaire par excellence de la dictée. Il permet de se concentrer sur d’autres particularités de la langue. Les aptitudes d’ « Autonomie » peuvent être travaillées avec un corpus pré-enregistré sur ordinateur avec lequel chacun peut s’entraîner individuellement à ce nouveau type d’exercice. Et la « Solidarité » est de mise lorsqu’ils se retrouvent en binôme pour comparer leur transcription. Cela favorise la communication entre étudiants et souvent des questions intéressantes pour tout le groupe émergent de ces confrontations de corpus, d’analyse et de points de vue. Les réponses ou nouvelles conclusions issues de ces échanges peuvent servir d’exemple pour expliquer la notion de « démocratie participative » où chacun apporte son point de vue et contribue de façon constructive à l’élaboration de nouvelles règles approuvées et discutées par tous. C’est à ce moment-là qu’il est souhaitable d’expliciter les objectifs pédagogiques et d’éclaircir les aptitudes que l’on cherche à acquérir grâce à ce travail. 

Notre deuxième axe de travail concerne la mise en forme du discours sur deux dimensions : l’axe horizontal dit « syntagmatique » et l’axe vertical dit « paradigmatique ». Nous convenons donc de noter sur le même axe paradigmatique les répétitions :

c’est chaque citoyen

chaque responsable politique

chaque association qui va décider

Sur l’axe syntagmatique avancent les idées qui sont développées tout au long du discours. Les effets rhétoriques comme ici l’anaphore [11] sont mis en relief par un entassement paradigmatique. Parfois comme ici, les entassements paradigmatiques créent sur l’axe syntagmatique des constructions en escalier qui permettent de mettre en valeur le déroulement progressif des idées.

Les hésitations peuvent être sujet à un entassement paradigmatique. Leur étude peut faire l’objet de commentaires intéressants sur la signification ou les intentions du locuteur.

les actes que j’a-

j’accomplis aujourd’hui

Bien d’autres effets de style et de syntaxe doivent être notés de cette façon comme la dislocation, construction segmentée, les procédés anaphoriques... Tout ce qui fait référence à la construction du discours non fini et qui permet un retour sur l’axe syntagmatique doit être noté sur cet axe vertical du paradigme. Ce travail en cours doit permettre le développement d’une aptitude de solidarité entre les étudiants car il est bien évident qu’il est matériellement difficile de demander à chaque étudiant ou même à des binômes de réécrire le corpus entier en deux dimensions. Ainsi, chacun reçoit une petite partie du corpus (séquence) à réécrire et une mise en commun permettra ensuite de reconstituer le corpus entier au tableau. C’est à ce moment que l’on peut insister sur la nécessité du travail de chacun pour le bon fonctionnement du système-classe ou du système-société. Chaque citoyen est un élément indispensable à l’équilibre et au fonctionnement de la société. C’est la thèse du structuralisme soutenue par Lévi-Strauss [12] par exemple. Le système ne peut exister sans ses éléments mais les éléments n’existent pas non plus sans le système car les étudiants ne voient pas bien où on veut en venir avant la construction définitive du corpus entier sur les deux axes. 

Ensuite, grâce au schéma construit, on remarque plus facilement dans la macro-structure la reprise du modal « je voudrais » qui rythme la réponse tout entière de Ségolène Royale. Certes, nous pouvons nous attarder sur le performatif « remercier » qui, une fois prononcé, est accompli. Il existe donc bien une différence entre le « je voudrais remercier » et le « je voudrais dire ». L’un est performatif, l’autre ne l’est pas. Le remerciement a été prononcé, il est accompli ; il est donc inutile de revenir dessus. Par contre, le « je voudrais dire » attend une explication, un éclaircissement qui conférera un aspect locutoire à son / ses idée(s). Le remerciement est immédiatement illocutoire et parfois perlocutoire puisqu’il entraîne souvent un « je vous en prie », « de rien » ou seulement un signe de tête chez le(s) interlocuteur(s). Cependant, le « je voudrais dire » est intéressant à double titre. D’une part, parce qu’il détermine l’intention de la locutrice. Or, un des objectifs principaux de l’analyse discursive est bien de rechercher et dévoiler les intentions du locuteur grâce à l’analyse des structures, formes, unités lexicales utilisées pour agir sur ses interlocuteurs.  

D’autre part, sa répétition permet de mettre en évidence des micro-structures et une macro-structure facilitant la compréhension de l’énoncé. C’est pourquoi les outils de l’analyse discursive sont souvent utilisés comme stratégies de compréhension améliorant le processus appelé « bottom-up ». Dans le cadre pédagogique, l’analyse discursive est là aussi pour améliorer et étudier les processus de compréhension et de mémorisation des textes. Ces deux notions de micro- et macro-structures peuvent nous aider à comprendre la différence qu’il peut exister entre la cohésion et la cohérence d’un texte. Premièrement, le texte est constitué de micro-structures qui forment les idées internes au texte et qu’il est possible d’étudier de façon séparée. Ces idées sont les étapes discursives effectuées une par une pour créer un discours cohérent. Mais la cohérence est assurée par les éléments de connexion logique entre les micro-structures. Ainsi, comme un enseignant qui a besoin des remarques de ses étudiants pour faire avancer son cours, les connecteurs logiques assurent le relais, ou, dans notre cas, aident à relier les parties construites par chaque étudiant afin de rendre le tout cohérent. Un groupe est soudé par sa cohésion interne, inhérente, voire inconsciente entre ses éléments mais la cohérence externe est assurée par son entraîneur, enseignant, meneur qui dicte certains principes à respecter pour être en accord avec une certaine logique prédéterminée. Les adjectifs « internes » et « externes » sont assez justes pour comprendre la nuance séparant cohésion et cohérence. Or, le repérage et l’étude des micro-structures peuvent être utiles pour une compréhension globale du texte. Puis, il faut repérer les connecteurs logiques reliant ces micro-structures entre elles pour une compréhension finalisée qui cherche à analyser en fin l’intention du locuteur. La question est de savoir reconnaître et délimiter objectivement les tronçons d’idées les comprendre toujours en référence aux informations précédentes, ou, le cas échéant par inférence, c’est-à-dire par des informations extérieures (présupposé, implicite, non-dit...). 

Ici, notre texte est articulé de façon simple autour de deux « ce que je voudrais dire » qui se révèlent clairement par le traitement du texte sur les axes syntagmatique et paradigmatique. Ces deux micro-structures sont introduit par un « je voudrais remercier » et conclu par un deuxième performatif « j’en prends l’engagement ».

Ainsi, après avoir remercié tous ceux qui le méritaient en cette fin d’émission, Ségolène Royale place un dernier raisonnement du style « la politique a besoin d’être recrédibilisée en particulier en matière d’environnement, or j’agis efficacement dans ma région en faveur de la protection de l’environnement donc je prends l’engagement d’être influente dans ce domaine en tant que Présidente de la République ». La macro-structure du texte est assurée par deux prémisses complétées par une conclusion très performative car outre le « j’en prends l’engagement », les verbes au futur simple accentuent le caractère concret de ses engagements. Le texte est donc cohérent car les micro-structures de remerciement et de « je voudrais dire », qui font référence à la question posée par le présentateur du style : « nous arrivons au terme de cette émission, qu’aimeriez-vous ajouter aux téléspectateurs pour conclure ? », sont intégrées à un syllogisme classique visant à persuader que même en fin d’émission, il reste plein de choses à dire et la locutrice est rassurante parce que logique, rationnelle et cohérente. Il peut être intéressant de reprendre ce type de raisonnement dans des pastiches avec les étudiants. Ce cadre rassure et permet aux étudiants de se sentir soutenus dans leur production. Nous ne nous contentons pas de comprendre et d’intégrer cette structure mais de la réutiliser à des fins de communication en langue étrangère.

Nous pourrions aussi nous pencher sur l’étude des champs lexicaux en intégrant les suggestions d’analyses lexicométriques de Maingeneau ou de Charaudeau, ou sur l’étude des anaphores et des déictiques, mais un cours n’est pas suffisant pour intégrer toutes les composantes de l’analyse discursive dont la liste n’est d’ailleurs pas exhaustive. Nous allons donc réutiliser ces premiers principes de transcription discursive, de schématisation syntactico-paradigmatique et d’analyse des micro- et macro-structures sur un autre discours et conclure en proposant un texte bilingue pour introduire l’idée d’une approche comparative franco-slovaque. 

Pour l’Europe en analyse discursive 

Notre objectif est donc de reprendre la même procédure que nous avons utilisée avec la séquence discursive de Ségolène Royale et de l’appliquer à une nouvelle séquence que nous avons choisie. Nous procéderons donc à une transcription du corpus oral pour le schématiser sur deux dimensions et en dégager les micro-structures pour mettre en évidence une macro-structure.

Il convient d’abord de présenter le cadre contextuel de cette séquence extraite d’une émission de la chaîne d’informations francophone France 24 ( www.france24.com). Cette chaîne diffuse ses programmes depuis à peine un an en français, en anglais et en arabe. Il est prévu dans quelques mois d’émettre aussi en espagnol. Une émission de débat a été organisée lors du cinquantième anniversaire de la signature du traité de Rome instituant un marché commun entre les 6 pays fondateurs que sont la France, l’Allemagne, l’Italie et les 3 pays du Benelux. Valéry Giscard d’Estaing (VGE) répond à des questions d’étudiants invités pour l’interroger au sujet des difficultés qu’ils rencontrent au sein de l’Europe. Il est l’ancien président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, qui a proposé le traité établissant une constitution pour l’Union Européenne, ratifié par 18 pays sur 25 et refusé par la France et les Pays-Bas, Le protocole de ratification a été ensuite stoppé par les 5 pays restants puisque l’on attendait un accord unanime sur le traité. La question d’une constitution pour l’Union Européenne n’est actuellement toujours pas résolue. La séquence qui suit est une réponse de VGE à une question d’une étudiante italienne en sciences politiques en France (Chiara) qui l’interroge sur la liberté de circulation entre les pays européens en particulier pour les étudiants qui ont des problèmes de reconnaissance des diplômes. 

« Il faut savoir cqu’on appelle (rires) la liberté dcirculation la liberté dcirculation c’est dpasser les frontières sans c- contrôle alors cette liberté dcirculation elle est complète si vous allez dParis à Bruxelles ya même plus de poste euh vous passez il n’y a rien quand vous allez en Italie je vais moi-même en Italie demain bon ben euh X on ncontrôle plus donc il y a la liberté dcirculation euh ce qu- dont parle euh Chiara c’est autre chose c’est l’accès au marché du travail # entre autres# et l’égalité des diplômes alors on a quand même bon c’était pas dans le traité ça si vous voulez le traité c’est la liberté de circulation des personnes des marchandises des services et des capitaux c’est/ces quatre libertés fondamentales après on a fait d’autres choses dont on pourra parler et euh on a depuis essayé d’harmoniser les diplômes et dles reconnaître alors c’est assez avancé pour les diplômes de niveau moyen si vous voulez qui sont pratiquement r(e)connus dans toute l’Europe ya pas ddifficultés vous avez dû lvoir quand vous êtes arrivée votre diplôme a été reconnu les diplômes de l’enseignement supérieur c’est un peu plus difficile parce qu’ya une variété d’écoles d’universités de formations il faut naturellement s’assurer que le niveau dtous ces diplômes est à peu près comparable alors je crois que c’est en cours je crois quça X quça va se faire et certainement dans dans les prochaines années comme euh dont vous parlez mais en effet ça n’est pas encore à l’heure actuelle complètement fini mais ça n’est pas la liberté de circulation c’est autre chose »

Avant de nous lancer dans une description à deux dimensions, nous souhaitons attirer l’attention sur quelques points qui, à la simple observation de la transcription, peuvent faire l’objet de commentaires d’étudiants. D’abord, il est évident que ce texte n’est pas aussi performatif que le précédent. Cela s’explique simplement par la situation d’énonciation. La visée du texte est différente, celui de Ségolène Royale est politique avec une visée persuasive alors que celui de Valéry Giscard d’Estaing est plus journalistique avec une visée pédagogique. D’ailleurs, la décontraction dans laquelle se déroule le débat est visible dans le nombre d’élision des e muets (chva). Dans un contexte officiel, VGE, ancien président de la République Française, ne se permettrait pas cette décontraction de langage. De plus, certaines occurrences de « il y a » sont dites « ya ». C’est une forme de décontraction mais aussi de rapprochement avec les jeunes. VGE est là pour expliquer l’Europe aux étudiants qui viennent l’interroger. On peut dire que par cette stratégie discursive VGE crée une connivence entre lui et ses jeunes interlocuteurs.

Pour des raisons techniques il n’est pas possible de proposer la schématisation entière du corpus sur les axes syntagmatiques et paradigmatiques, mais nous proposons cependant quelques entassements paradigmatiques qui nous paraissent significatifs. 

cqu’on appelle (rires)

la liberté dcirculation

la liberté dcirculation

c’ est dpasser les frontières sans c-

contrôle alors

cette liberté dcirculation

elle est complète

la liberté dcirculation euh

ce qu- dont parle euh Chiara

c’ est

c’ est

Il apparaît clairement sur ce schéma, certes incomplet, mais suffisant pour l’instant, que la réponse est divisée en deux grands ensembles régis par la même construction clivée (ou pseudo-clivée) « ce qu’on appelle... c’est » et « ce dont parle Chiara... c’est ». C’est à partir de ces deux micro-structures que se déroule toute la réponse. Le locuteur souhaite insister sur la différence entre la définition de la liberté de circulation en Europe et les problèmes que rencontre Chiara concernant la reconnaissance de ses diplômes. Nous verrons cela plus précisément dans notre dernier point en traitant les micro-structures et leur cohérence au sein de la macro-structure. Ce que nous notons ici, c’est le ton très professoral que prend VGE pour l’expliquer. Ses interlocuteurs étudiants l’y incitent certainement. Cette  marque de connivence qui n’a pas souvent lieu en politique, où l’on a plutôt tendance à affronter les idées, cherche ici à rapprocher les interlocuteurs pour créer un climat sympathique et propice à l’apprentissage. Il explique d’ailleurs la notion de « liberté de circulation » avec des exemples concrets :

(si vous allez dParis à Bruxelles ya même plus de poste euh vous passez

il n’y a rien)

(quand vous allez en Italie

(je vais moi-même

en Italie demain

bon ben euh X) on ncontrôle plus)  

Ces exemples sont insérés dans une incise au discours, qui elle-même comporte une deuxième incise dans l’incise. Cette stratégie discursive est donc notée par des parenthèses afin d’identifier sa place dans le déroulement syntagmatique et de rendre compte aussi du changement dans la prosodie et l’intonation. Le premier type d’incise est là à titre illustratif, comme exemple de son explication. VGE utilise un schéma très classique de l’argumentation qui consiste à présenter son thème, l’expliquer puis l’illustrer. C’est une démarche très déductive qui reflète bien les qualités de conférencier de VGE. Cette démarche diffuse l’information de façon efficace mais relève peu d’une démarche pédagogique moderne qui favorise la communication. En général, la diffusion de l’information permet la communication dans l’alternative, c’est-à-dire « oui, mais... ». Il paraît difficile pour des étudiants européens de contredire VGE, vu son statut dans le champ énonciatif (respect de l’âge, de la position et de l’expérience dans le domaine...). Nous pouvons remarquer le courage de l’étudiante qui ose insérer « entre autres » alors que le président la nomme par son prénom. Le deuxième type d’incise est plus stratégique puisqu’il permet au locuteur de s’identifier à son interlocuteur. C’est un deuxième indice qui prouve que VGE recherche une certaine connivence avec les étudiants venus l’interroger. Il cherche à plaire aux jeunes en s’imposant comme une personne qui sait et qui veut transmettre ce savoir de façon décontractée. Il pourrait d’ailleurs s’il avait le temps dans cette émission reprendre le même type d’explication-illustration pour les autres libertés fondamentales instituées par le traité de Maastricht, fondant l’Union Européenne et la citoyenneté européenne.

des personnes

des marchandises

des services

et des capitaux

c’est /ces quatre libertés fondamentales 

Cette construction « en escalier » fait l’énumération de ces libertés. Le choix entre « ces » et « c’est » n’est pas évident car dans tous les cas, il s’agit d’une bribe de phrase amorcée mais non terminée. On peut donc admettre qu’il effectue une petite faute grammaticale en utilisant « c’est » à la place de « ce sont », à moins qu’il n’utilise l’adjectif démonstratif comme anaphore pour reprendre le terme de « liberté ». On rentre donc dans le cœur de l’analyse discursive : que veut donc dire l’énonciateur ? Et pour cela, nous utilisons autant les indices contextuels que la structure de la langue. Nous préférons personnellement « c’est » mais laissons l’alternative pour permettre aux étudiants d’évoquer cette recherche de la signification et de l’interprétation du message. Ainsi, l’analyse du discours est une science herméneutique. On attendra donc des étudiants de réfléchir sur la notion de « liberté », son sens objectif et hors contexte pour ensuite le réinsérer dans le contexte de l’espace européen et enfin reprendre la structure argumentative de VGE pour présenter une de trois autres libertés évoquées. Cela nous permet donc de faire la transition vers le dernier point de notre analyse sur les micro- et macro-structures. 

Notre schématisation en deux dimensions nous a permis de relever cette construction en opposition et la structure argumentative du locuteur. Pour être tout à fait complet, il convient de relier ces micro-structures entre elles pour démontrer la cohérence du discours et mettre en évidence la macro-structure de la réponse : « la liberté de circulation est une des quatre libertés fondamentales de l’Union Européenne mais la reconnaissance des diplômes est autre chose qui viendra petit à petit, il faut donc attendre encore un peu ». Chaque prémisse est construite sur le schème : annonce du thème, explication, illustration. On peut rapprocher cette technique discursive de la technique : « un argument s’énonce, s’explique et s’illustre » que nous utilisons régulièrement comme trame pour l’apprentissage de la construction d’un paragraphe dans le texte argumentatif. Voici donc une illustration de l’utilisation de ce principe bien utile pour expliquer aux étudiants que la forme et la cohérence sont toujours très importantes dans le discours. Et le discours français possède aussi ses propres formes (dissertation, commentaire, synthèse, compte-rendu...) qu’il convient de maîtriser pour étudier en France ou lire des ouvrages français. C’est la raison pour laquelle il nous paraît important de savoir recréer à partir de ce que nous avons su découvrir afin d’en assimiler la pratique et savoir le réutiliser dans des circonstances appropriées. C’est en cela que nous pensons allier en classe de FLE les techniques issues des recherches en analyse du discours et les principes découlant de la linguistique pragmatique. 

Conclusion 

En somme, nous avons cherché à initier un public étudiant à deux grand courants de la linguistique l’une anglo-saxonne, l’autre française peut-être européenne. L’objectif n’est pas tant d’opposer les deux écoles linguistiques, l’une mettant l’accent sur la structure formelle d’un système de symboles et l’autre sur la fonction du langage à transmettre des significations, mais bien de comprendre comment elles peuvent être complémentaires. Car, « c’est précisément dans l’entre-deux, dans le passage de la forme au sens, ou du sens à la forme, que se situe, pensons-nous, l’objet essentiel »[13]. Nous souhaitons donc placer notre étude dans une synthèse qui ne rejette en rien l’apport des deux écoles mais tente d’intégrer leurs résultats pour former des étudiants capables de se débrouiller face aux deux formes d’approche de la langue. Pour simplifier, on peut considérer la théorie chomskyenne comme étant la théorie la plus élaborée de l’étude formelle de la langue, dans laquelle la langue est un système dont les éléments, ou signes, se combinent selon des contraintes universelles et peut-être innées. D’autre part, la théorie d’Antoine Culioli [14] tente de prendre la langue comme une activité analysable en un système d’opérations mentales. Cette deuxième perspective nous est plus proche mais il nous est indispensable de conserver et d’intégrer, au niveau descriptif au moins, la première perspective. Ainsi, nous respectons l’histoire en utilisant d’abord au niveau descriptif les apports de la description formelle des langues naturelles pour ensuite utiliser une approche cognitive du discours en mettant l’accent sur l’interprétation du vouloir dire du (ou des) locuteur(s). 

Quant à notre problématique, il est apparu plusieurs fois dans le déroulement de nos idées en quoi cette initiation pratique pouvait former à une compétence de citoyenneté puisqu’elle développe des aptitudes comme le respect de l’autre, la démocratie participative, l’autonomie, la solidarité, l’égalité...Cette dernière aptitude a peut-être été moins développée et nous souhaitons rappeler que l’analyse discursive ne s’arrête pas à la description formelle de la langue car c’est l’interprétation que l’on en fait, qui est important. Il est donc nécessaire de faire comprendre qu’il est égal d’établir une représentation sémantique d’une séquence discursive de telle ou telle manière. Lors de l’évaluation par exemple, il n’existe pas de représentation-type faisant figure de corrigé. Ce qui est important, c’est le sens qui est conféré au schéma proposé. C’est la justification de ce choix qui rend le schéma « valable » ou « évaluable ». Ainsi, si nous cherchions une place scientifique à l’analyse du discours, il nous paraîtrait évident de la placer au sein des sciences cognitives, très proche de l’herméneutique. Travailler de cette façon sur des documents authentiques issus ou traitant des institutions européennes permet donc, à notre avis, de développer des aptitudes et une compétence de citoyenneté européenne. Ce choix terminologique ne nous satisfait pas réellement, puisqu’il implique des capacités encore non établies à acquérir pour être (ou ne pas être) un citoyen européen. Comme si l’intégration à l’Union Européenne ne pouvait pas se faire naturellement et que l’apport de l’autre ne pouvait permettre de renouveler sans cesse notre vision de la société par des métissages enrichissants. Il reste cependant que l’Europe aujourd’hui souhaite ralentir son expansion culturelle et géographique pour entrer dans une phase introspective de recherche d’identité et définir constitutionnellement la notion de citoyen européen. 

Notre travail a cherché d’abord à identifier les éléments linguistiques d’un énoncé (ou plutôt séquence discursive) afin de les interpréter grâce à une schématisation sémantique et d’étudier enfin la construction de la signification à travers les concepts de micro- et macro-structures. Notre idée est d’essayer de continuer notre recherche avec l’étude des idées de la linguistique comparative, en l’occurrence français-slovaque. Nous proposons comme ouverture et comme élément de discussion, une séquence extraite de la brochure présentant le Comité des Régions à Bruxelles aux citoyens de l’Union Européenne. Nous espérons ainsi réutiliser la procédure que nous avons décrite et tenter d’ouvrir la voie aux étudiants aux problématiques de la traduction - interprétariat. 

1992 - Traité de Maastricht

Les dirigeants de l’UE décident d’instituer le Comité des régions pour être l’assemblée consultative qui donnera voix aux régions et aux communes dans le processus décisionnel communautaire et assurera un lien direct entre Bruxelles et les citoyens. Aux termes du traité, la Commission Européenne et le Conseil de ministres sont tenus de le consulter sur les grandes thématiques d’intérêt régional. Il dispose que ses membres seront désignés par les gouvernements des Etats membres et effectueront un mandat de quatre ans.

1992 - Maastrichtská zmluva

Najvyšší predstavitelia EÚ sa rozhodli ustanoviť Výbor regiónov (VR), konzultačné zhromaždenie, ktoré by umožnilo regiónom a mestám účasť na rozhodovacom procese EÚ a súčasne bolo priamym prepojením medzi Bruxelom a občanmi. Zmluva stanovuje, že Europská komisia a Rada ministrov majú povinnosť konzultovať VR v kľúčových oblastiach regionálneho záujmu. Členovia Výboru regiónov sú nominovaní vládami členských štatov a ich funkčné obdobie je štvorročné.Le Comité des régions en un coup d’oeil, Office des publications

Výbor regiónov v skratke, Úrad pre publikacie

publications.europa.eu