Abstracts
Résumé
Le procès de compréhension et de création du texte est accompagné d’un certain nombre d’opérations complexes, liées et quasi-simultanées. Celles-ci comprennent des opérations « non linguales » liées à la référence et à la continuité logico-argumentative et énonciative. La façon dont le locuteur arrive à utiliser ses propres ressources cognitives et sa mémoire est une conséquence de ces opération.
Mots-clés :
- compréhension du texte,
- création du texte,
- opérations « non linguales »,
- ressources cognitives
Abstract
Text comprehension and creation process is accompanied by a certain number of quasi simultaneous complex and interconnected operations. These comprise „non-lingual“operations related to reference, logico-argumentative and enunciative continuity. Consequential is the way the communicant manages to make use of his/her own cognitive resources and the memory.
Keywords:
- text comprehension,
- creation process,
- „non-lingual“operations,
- cognitive resources
Article body
La construction ou la reconstruction d’un texte se situe dans le cadre de l’interaction entre les caractéristiques de quatre domaines : celles du système de la langue, celles du domaine de référence du texte, celles du contexte de l’activité engagée et celles du système cognitif des locuteurs. Des données solidement établies aujourd’hui indiquent que les activités de compréhension et de production ne peuvent pas être réduites au seul fonctionnement des unités linguistiques. L’exemple des traitements inférentiels est caractéristique. La génération d’une inférence dépend des caractéristiques du texte (genre, structure, focalisation syntaxique, contraintes de cohésion) mais elle est également conditionnée par les connaissances stockées en mémoire à long terme qui permettent de la construire.
Comprendre un texte, c’est en construire une représentation intégrative et cohérente. Il s’agit moins de construire une représentation du texte que de construire une représentation élaborée à partir du texte où l’analyse purement linguistique ne suffit plus. Le texte sert d’interface à l’action langagière : construire/interpréter des représentations en vue de les communiquer/recevoir dans un contexte énonciatif spécifié. Ce contexte se caractérise par le rapport entre les locuteurs (le savoir supposé commun) et par la finalité du discours (les moyens correspondant à cette finalité). Il en résulte une autre conséquence importante : le problème n’est pas seulement de savoir si telle ou telle opération est nécessaire ou obligatoire pour le traitement linguistique du texte mais surtout si elle est réalisable et indispensable pour tel locuteur, dans tel contexte et à telle étape du traitement. Les travaux réalisés sur l’effet des objectifs de lecture et des stratégies de traitement montrent à quel point les représentations construites à partir d’un même texte sont susceptibles de varier, de même que les ressources cognitives affectées à tel ou tel niveau de traitement. Les stratégies adoptées, les choix effectués dans l’exploitation du matériau textuel, le degré variable d’intervention des informations extratextuelles ou des paramètres contextuels de l’activité langagière incitent à accorder la plus grande attention
- aux propriétés générales du système cognitif
- à la structure et au fonctionnement de l’appareil mnésique
- aux contraintes dans l’allocation des ressources cognitives
Construire un texte suppose de traduire une représentation mentale non linéaire en une séquence linéaire d’énoncés, de passer d’une configuration plus on moins structurée d’unités symboliques à une séquence ordonnée et unidimensionnelle d’unités linguistiques. Le processus global de compréhension vise à (re)constituer une configuration symbolique intégrative à partir de la séquence linéaire d’entrée. Dans les deux cas le problème majeur est celui de la structure (re)connue. En production, outre la traduction lexicale et syntaxique des différents contenus de la représentation de départ, le locuteur doit inscrire dans la séquence linguistique les éléments qui permettent au destinataire de reconstituer la structure des relations entre ces contenus : anaphores, connecteurs, ponctuation, explication des relations non évidentes, marques de relations thématiques importantes, marques des relations rhétoriques, etc. En compréhension, le processus global de l’intégration sémantique, base essentielle dans l’élaboration du modèle de situation, devra tirer parti de ces marques structurales au cours de rétablissement de la structure configurationnelle.
Le traitement des structures textuelles, aussi bien en compréhension qu’en production, dépend dans une large mesure de la structure du domaine de référence du texte. Notamment en production, l’attention portée aux processus de planification du domaine de référence permet de montrer le rôle facilitateur d’une bonne structuration initiale du domaine dans la construction d’un plan de texte optimal et dans la traduction linguistique linéaire de ce plan. L’existence des schémas d’organisation préétablis et des modèles superstructuraux appropriés à la description du domaine donné constituent des aides nécessaires à la qualité de la production finale. En compréhension, les connaissances initiales du domaine et des schémas cognitifs spécifiques (scripts) ou généraux (relations causales temporelles, logiques) conduisent à souligner le fait que le traitement cognitif des textes repose sur l’exploitation systématique des propriétés du domaine de référence.
L’approche du problème à partir de la notion de types de textes conduit à souligner un aspect particulier de la relation entre le texte et son référent : le locuteur, selon qu’il aborde la lecture d’un récit, d’une argumentation ou d’une explication, doit choisir à la fois le type de connaissances qu’il devra activer en mémoire à long terme (connaissances préalables du domaine, opinions, motivations...) et le type d’opérations à mettre en œuvre (justifier, intéresser, vérifier, dissuader...). Les opérations associées à la prise en compte des paramètres contextuels mettent en valeur deux points : les paramètres contextuels n’agissent sur les traitements qu’indirectement, au travers de la représentation cognitive que le locuteur se construit de ces paramètres.
La finalité communicative du locuteur va déterminer les outils langagiers appropriés à la réalisation effective de l’intention communicative. En ce sens, les types de textes sont l’expression socioculturellement codée des formes langagières requises pour opérationnaliser une finalité particulière. Les modèles discursifs, les superstructures textuelles qui traduisent cette fonctionnalité interviennent, à leur tour, en tant que schémas cognitifs susceptibles de gérer les opérations de compréhension et de production.
Comprendre ou produire un texte demande de mettre en œuvre de façon quasi simultanée un grand nombre d’opérations doublement interdépendantes. D’abord, si l’on considère les processus de linéarisation et d’intégration, il apparaît que les différents systèmes linguistiques qui concourent à la structuration du texte ont des fonctions qui se recouvrent partiellement : on peut parfois exprimer une même relation par un connecteur, une relation syntaxique ou une marque de ponctuation. De même, l’usage d’un système donné peut entraîner des choix obligatoires ou des restrictions dans un autre système. Surtout, la structure du texte n’est pas la somme additive des différents systèmes mais une combinaison systémique.
Cette complexité fait ressortir le problème de ressources cognitives nécessaires pour l’affronter. Les opérations simples sont aussi interdépendantes : passer de la surface linguistique à l’analyse syntaxique, puis à la transformation propositionnelle, puis à l’élaboration de la base de texte suppose qu’à un niveau donné les traitements en cours s’appuient sur les produits de niveau inférieur. En production, le projet de communication va devoir se traduire dans une macrostructure globale, laquelle se traduira par une base de texte propositionnelle se réalisant en fin sous formes linguistiques.
Construire ou comprendre un texte d’une certaine ampleur implique de se souvenir du début du texte ou au moins de ses éléments essentiels lorsqu’il faut traiter sa fin. Mais les ressources cognitives du locuteur ainsi que sa mémoire de travail ne sont pas illimitées. Il faudra bien désactiver certaines informations pour pouvoir en manipuler de nouvelles: l’intégration sémantique s’établit par cycles de traitement. Faire face à la complexité, multiplicité et interdépendance des opérations textuelles suppose que les ressources attentionnelles soient affectées aux traitements et niveaux prioritaires, avec un volume suffisant dans chaque cas. L’allocation des ressources cognitives aux différents traitements, aux différents niveaux, au moment adéquat en tenant compte des implications qui en résultent pour le fonctionnement de la mémoire, représente un facteur central dans la dynamique des processus de compréhension et de la rétroaction permanente entre les cycles restreints. Les représentations correspondantes ne fonctionnent pas à l’identique : elles ne sont pas sensibles aux effets des mêmes facteurs (notamment socioculturels et de paradigmes de mémoire à long terme) et leur durée de stockage en mémoire est très variable. Les opérations d’inférence et d’intégration sémantique ne sont pas toutes strictement automatiques mais elles sont susceptibles d’être fortement automatisées. Sous certaines conditions contextuelles sont générées des inférences non nécessaires à l’établissement de la cohérence et inversement, il y a reprise du contrôle stratégique sur un niveau de traitement ordinairement automatique. Les deux cas sont fréquents surtout en situation de langue étrangère.
La compréhension et la production des textes impliquent nécessairement un passage par des traitements de bas niveau (traitements phonologiques, morphologiques, lexicaux...). Les traitements de haut niveau sont plus faciles à réaliser s’ils peuvent exploiter la majeure partie des ressources disponibles ce que l’on obtient dans le cas où les traitements des niveaux hiérarchiquement dépendants sont automatisés et ne prélèvent qu’une faible part des ressources. Le coût des opérations à un certain niveau sera diminué si ce niveau est guidé par un niveau supérieur (schémas cognitifs, superstructure textuelle).
Les traitements d’intégration sémantique de haut niveau seront plus faciles à réaliser s’ils peuvent s’appuyer sur des représentations-outils disponibles (explicitations, illustrations, repérage physique possible de l’information importante...).
L’allocation des ressources aux différents niveaux de traitement varie selon les individus, les situations et en fonction de la dynamique temporelle des processus. Les résultats obtenus indiquent que les différences individuelles portent plus sur la gestion des ressources que sur les contraintes structurales ou fonctionnelles. Le texte représente l’outil privilégié de l’enseignement, il constitue un médium langagier spécifique de construction de représentations cognitives en vue de transmettre l’information. Les représentations textuelles reposent sur la continuité référentielle, la continuité logique et argumentative et la continuité énonciative. L’enseignement, dans son déroulement, devrait rendre compte du fait que comprendre ou produire un texte demande de traiter les dispositifs linguistiques mais requiert aussi un ensemble d’opérations non linguistiques.
Appendices
Bibliographie
- FAYOL, Michel. 1997. Des idées au texte. Paris : Presses Universitaires de France. 288 p. ISBN 2 13 047820 4
- ADAM, Jean-Michel. 2005. La linguistique textuelle. Paris : Armand Colin. 234 p. ISBN 2-200-26752-5
- SPINELLI, Elsa. FERRAND, Ludovic. 2005. Psychologie du langage. Paris : Armand Colin. 242 p. ISBN 2-200-26777-0
- Spoločný európsky referenčný rámec pre jazyky. Učenie sa, vyučovanie, hodnotenie. 2006. Bratislava : Štátny pedagogický ústav, 252 p. ISBN 820-85756-93-5