Article body

Imaginons simplement que les énoncés ne puissent rien signifier ni par eux-mêmes, ni en eux-mêmes. On sait déjà que l’interprétation d’un énoncé nécessite l’appel à un contexte plus ou moins large et l’utilisation de ressources plus ou moins théoriques. C’est d’ailleurs l’objet de la pragmatique que d’insister sur cette prise en compte, nécessairement partielle, du contexte dans la détermination du sens. Nous pouvons donc affirmer que toute interprétation exige de faire appel à des ressources extra-linguistiques pour atteindre ses fins. Le fait d’étudier la signification à partir d’unités atomiques de sens, ou en focalisant sur des phrases issues du langage ordinaire, même si elles ne réfèrent directement à aucune situation et ne sont donc que des abstractions. Un énoncé n’est donc porteur de signification qu’une fois considéré comme un exemplaire particulier, enraciné dans un contexte locutoire qui seul permet la compréhension. Mais la conjecture proposée ici va plus loin. Premièrement, elle exige que les énoncés ne puissent être conçus comme des générateurs de signification. Plus raisonnablement, il faut donc renoncer à extraire la signification uniquement et directement par l’analyse grammaticale de la phrase. Deuxièmement, elle impose que les énoncés ne puissent être vus comme des véhicules opérant la transmission de contenus. La communication n’établit donc pas un échange de matériaux psychiques, comme nous pourrions le croire, même si elle peut connecter des structures psychiques.

Cette thèse quelque peu extrême, en tout cas contre-intuitive, a quelques avantages. Elle évacue d’emblée l’apparence de nos usages courants, qui nous amène à prendre le mot pour la chose qu’il est censé signifier, ou à croire que l’analyse grammaticale épuise la signification des phrases. Elle résorbe aussi l’illusion selon laquelle la connaissance, nos relations, nos actions, seraient globalement des faits de langage, ou du moins ne seraient accessibles, donc analysables et compréhensibles, qu’au moyen d’une analyse du langage employé pour les décrire. Elle a néanmoins un inconvénient certain, qui a joué fortement en faveur de son rejet par une grande partie des philosophes : cette idée rend difficile tout développement fondationnel dans la mesure où une conception raisonnée de la signification exige de rendre compte de l’intersubjectivité. Ceci étant, s’il ne restait que cela à démontrer, notre thèse aurait déjà fait du chemin. Car, en refusant à la langue toute capacité à organiser et supporter la signification, nous engendrons deux questions éminemment anxiogènes pour toute philosophie du langage.

Si ce n’est dans le langage, où se détermine la signification ?

Comment le fait de langage peut-il néanmoins être rapporté à un sens ?

Conjecture et prospective

Choisissons une thèse de substitution. Une phrase, intelligible ou non, ne dénote que le fait qu’un certain processus cognitif (autrement dit une pensée) a eu lieu et a mené à l’occurrence d’un événement du type linguistique, qui aurait tout aussi bien pu être (et s’accompagne d’ailleurs inévitablement d’événements du type...) non linguistique (comportements, actions, sensations...).

Autrement dit :

Thèse 1 : Les énoncés ne réfèrent qu’à leur propre énonciation.

Si nous acceptons les termes de la conjecture, il nous faut retrouver une notion de signification. N’étant plus en mesure d’utiliser l’analyse phrastique, les contenus mentaux ou les entités physiques, le seul matériau à notre disposition semble donc être le processus cognitif lui-même. Dans quelle mesure cette thèse peut-elle être soutenue sérieusement ? En première approximation, la saisie d’une signification nécessite l’appel à des expériences cognitives, formant la matière même de l’épreuve du sens, et la réalisation de processus cognitifs qui tendent à organiser cette matière. Le tout formant une nouvelle expérience cognitive, éventuellement sujette à servir de matière dans d’autres épreuves.

Thèse 2 : L’énonciation est un processus cognitif par lequel s’organise la matière même de la signification qui prévaut à l’énoncé.

Toute la difficulté, mais aussi la beauté, de cette conjecture naît de cette irréparable fracture entre le caractère privé et profondément subjectif de l’épreuve du sens, et la nécessité de fonder en quelque manière l’intersubjectivité de la connaissance et de la signification. Raisonnablement, à moins d’un hyper-rationalisme, nous ne pouvons que constater ce fait que la saisie du sens est privée, qu’elle n’est pas directement transmissible, qu’elle se dissout dans l’expression. De ce point de vue, l’intersubjectivité, si elle existe, semble totalement fortuite et donc d’autant plus difficilement fondable. Sans répondre pour l’instant à la question de l’intersubjectivité, nous possédons néanmoins une approximation formelle de l’idée d’organisation par contrainte dans la double notion de preuve/épreuve. Le système de signification est tout entier constitué de preuves. Une preuve est une structure d’organisation du donné. L’épreuve est une interaction entre une preuve, qui constitue la base, et une contre-preuve, qui matérialise l’épreuve. Cela signifie que la preuve représente une énonciation (elle est un support cognitif), tandis que l’énoncé ne fait que décrire partiellement un morceau de la structure cognitive. L’énoncé matériel décrit donc le processus qui organise une expérience du réel, et non la réalité. De manière imagée, nous pourrions voir en la somme de tous les énoncés matériels d’une structure un moyen d’épuiser sa descriptibilité. Mais cela n’a pratiquement aucun sens dans la mesure où des structures cognitives peuvent partager des descriptions partielles (des pensées différentes peuvent être décrites par les mêmes énoncés), tout en étant différentes (des pensées identiques peuvent être décrites par des énoncés différents).

Thèse 3 : Un énoncé est une coupe singulière opérée sur un processus cognitif.

Dans cette confrontation naît une dynamique, par laquelle l’organisation évolue et se transforme, mécanisme mu par une double volonté. C’est d’abord la volonté de représenter, donc de structurer le donné. La structuration est récursive (apte à se prendre comme objet), multi-échelles (micro et macro fonctionnent de la même manière et se structurent dans le même mouvement), et holiste (la structuration de l’unité dépend de la structuration du tout). C’est ensuite la nécessité de maintenir le système. L’apparition d’une nouvelle unité ne change rien mais conduit à une redisposition du fait même de son insertion. Le désordre n’est donc admis qu’en tant que l’ordre se rétablit de lui-même : le système a donc vocation à s’accommoder en évoluant ou à rejeter toute forme dont il ne pourrait s’accommoder.

Thèse 4 : La signification est largement rendue par deux faits. L’interaction entre processi cognitifs, dont l’énoncé peut être le révélateur de points de contact ou de conflits. Et la structuration propre au processus, dont l’énoncé peut fournir une vue longitudinale.

Fonctionnalité

Quel processus nous amène à créer du signe dans le donné brut ? Et en tout premier lieu, quel besoin nous le fait rendre indispensable ? Les significations sont ancrées dans le vif de nos expériences, et leur effectivité en tant que telles est rendue par le fait qu’elles remplissent à nos yeux une fonction. Le signe pur n’existe pas, et l’aliquid stat pro aliquo n’est qu’une image commode. Car, ce qui fonde en dernier lieu notre relation au signe, c’est ce qui par son truchement en nous se structure, s’élabore, se relie, et qui est le résultat de nos innombrables interactions avec le monde. Ainsi, l’odeur du sang pour le requin joue le rôle d’un signe indiquant la présence d’une proie potentielle, et active chez lui un ensemble complexe de processus que d’aucuns nommeront «instinct du chasseur». Cet instinct, qui n’est rien d’autre qu’un ensemble de comportements adaptés sous la contrainte[1], n’est donc certainement pas, contre toute attente, simplement inné. Il s’est construit dans le temps, comme adaptation à la niche écologique, dans un aller-retour permanent entre les possibilités que lui offre le milieu, et ce que ses dispositions lui permettent de réaliser. Le processus lui-même est donc le résultat d’un ensemble d’interactions, ajustées au cours de l’évolution, par l’interaction avec le milieu, et plus particulièrement, avec ce à quoi peut s’appliquer le processus. Le sang est donc, en tant que signe pour le requin, porteur d’une signification qui va chercher ses racines dans de multiples directions (comportements, données extérieures, adaptation au milieu, sensations), même s’il reste tout entier rattaché implicitement à l’objet qu’il représente (la proie potentielle).

Dans un registre tout à fait différent, le feu, et toutes ses déclinaisons poétiques, tient une place importante dans notre imaginaire, comme le fait remarquer G. Bachelard dans La psychanalyse du feu. La puissance de l’image du feu sur notre esprit est donc le fait de milliers d’années de fascination, qui débutent au paléolithique, par des milliards de nuits vécues dans des grottes, autour d’un feu qui apporte tant la protection à l’égard des bêtes féroces, que la chaleur, la cuisson des aliments, le sentiment de communauté. Ces significations se stabilisent donc par l’adaptation à un certain environnement dans lequel sont reproduits certains comportements qui procurent un avantage décisif ou permettent tout simplement le maintien du système cognitif et l’établissement d’une communauté. Et ce qui est engagé de signification dans l’occurrence d’un signe c’est une étendue plus ou moins large, profonde, précise, avec plus ou moins de conscience du locuteur, de la structure cognitive qui lui est associée. Ce que décrit l’énoncé, c’est donc la forme des processus cognitifs dont il est le témoin. L’énoncé rend compte d’un état cognitif possible dans un espace qui ne se réalise que dynamiquement.

Ceci étant, les deux exemples que nous venons de donner s’opposent tant par leur origine que par leur complexité. Le premier, sorte de signe atomique, met en confrontation un ensemble de comportements adaptés et un signe occurrent pour un objet réel, qui sont mis directement en relation. Le second fait intervenir tout un ensemble de fonctions parallèles, qui ne s’arrêtent pas simplement à la relation directe entre cognition du feu et feu, mais intègrent différents modes d’entrée pour le feu, là où le sang ne joue qu’une seul rôle pour le requin. En fait, le signe du feu n’a pas d’objet, il n’est que puissance. On peut penser au contraire que le signe du sang rend nécessaire la proie qui doit être chassée, même in absentia[2] . Tandis que le signe du feu, même in praesentia, est pris lui-même pour évocation d’une de ses fonctions possibles.

Sémiose

Nous supposons que cette différence est le fait d’un double processus d’élaboration des signes. Comme le présente Bergson[3] :

« Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n’est pas tant leur généralité que leur mobilité. Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile. L’intelligence, même quand elle n’opère plus sur la matière brute, suit les habitudes qu’elle a contractées dans l’opération [de sémiose matérielle] : elle applique des formes qui sont celles mêmes de la matière inorganisée. »

Loin d’être tenue pour nous comme caractéristique de l’espèce humaine, cette différence introduit deux modes de construction, mais aussi deux niveaux sur lesquels s’élabore la construction. Un niveau adhérent, qui applique des formes à la matière brute et inorganisée. Un niveau fonctionnel, qui applique des formes à une matière déjà structurée, qui ajoute donc de la forme à la forme. Le processus appliqué au niveau fonctionnel étant d’une certaine manière du même type que celui du niveau adhérent (reconnaître une forme dans un donné), si ce n’est que le donné et le degré de structuration diffèrent.

Évidemment, la séparation n’est ni radicale, ni étanche, mais on peut définir une gradation tenant compte de la proximité avec l’empirie, prenant pour point de départ le niveau adhérent. Ainsi, plus la proximité est grande, plus les mécanismes de sémiose matérielle sont actifs, et plus l’adhérence du signe est importante. En revanche, en se déplaçant vers l’intérieur du système cognitif, s’appliquent de plus en plus les mécanismes de sémiose fonctionnelle à des degrés divers de récursivité.

Les signes peuvent se créer par adhérence : la douleur éveille le cri en tant que signe réflexe. Comme semblent l’entendre Wittgenstein[4] et une bonne part de la psychologie, c’est par la coordination de l’enfant avec ses parents, qu’apparaissent progressivement des cris plus policés, constitués non plus comme simple signe adhérent mais comme signe adhérent partagé (« aïe !, ouch! », ...). Et c’est progressivement, tout au long d’un processus de sémiose interactive, qu’apparaissent des descriptions comme « Ça fait mal !, Quelle douleur !, La douleur fut brève mais intense », qui permettent d’aborder la douleur dans le temps, sa causalité ou son intensité, par opposition au cri réflexe qui reste inévitablement contraint à l’immédiateté. Pour Wittgenstein, ces expressions ne font que remplacer le cri, en jouant par ailleurs une fonction plus étendue. Or, dans la convocation à l’esprit de l’idée de douleur, c’est tout l’enchaînement de la sémiose qui se présente, et non seulement l’unité linguistique accompagnée d’un prétendu double sémantique que serait la douleur ressentie.

Il semble que le signe, tout complexe qu’il soit, se donne dans sa totalité, apportant avec lui l’ensemble des connexions intimes qu’il entretient. Car lorsque je transporte la signification du mot douleur de son acception matérielle vers une application plus immatérielle, j’en conserve tous les attributs originaux attachés au signe adhérent : la douleur morale évoque tout de même une blessure, une cause agissante, un trauma, et un risque septicémique.

Les signes peuvent aussi être créés uniquement par mobilité, c’est un point largement appuyé par Saussure. Ainsi devant le service d’une omelette norvégienne, un invité étranger s’exclame « tiens ! voilà une belle crêpe suédoise ». Dans ce contexte, où s’applique le principe de charité, non seulement personne ne s’étonne de cette expression, mais tout le monde comprend évidemment ce qu’elle signifie, même en l’absence de l’omelette norvégienne qu’elle est censée décrire. Pourtant, ce qui pourrait s’apparenter le plus à une crêpe suédoise est probablement un « blini », et ce fait n’apparaît pas pertinent dans ce contexte d’analyse, au point qu’aucun des locuteurs ne fait la liaison. Une manière d’expliquer ce phénomène ressort de l’observation de graphes du dictionnaire[5], par lesquels on géométrise la proximité sémantique. De ce point de vue, le fait de choisir cette expression ne correspond pas à une erreur de langage, mais à une approximation basée sur le voisinage de norvégienne avec suédoise, omelette avec crêpe. Le graphe n’est tout simplement pas domestiqué par le locuteur étranger, mais son approximation rend néanmoins compréhensible le message puisqu’elle tient compte de la géométrie globale de sa représentation de la langue française. C’est par contre du point de vue dynamique qu’une différence peut être observée, la domestication imposant à plus ou moins long terme de dissocier cette approximation par la géométrie du graphe d’une approximation tenant compte d’autres facteurs (crêpe suédoise est plus adapté pour décrire blini).

L’apprentissage de la langue, c’est donc la domestication d’une structure d’interrelations, qui ne vient pas en étendant le stock des unités sémiques disponibles, mais en précisant à l’intérieur d’une structure existante les relations sémiques qui s’y déploient. L’apprentissage revient ainsi à structurer progressivement un même univers sémantique qui, peut être au début, n’est qu’un grand vide que nos inscriptions finissent par peupler (en produisant du gain informationnel), plutôt qu’à créer des entités à partir du vide, qui étendraient sans cesse la taille de l’univers sémantique, et que nous structurerions par la suite. Pour être plus direct : nous apprendrions en allant toujours plus en profondeur dans l’exploration d’un même objet (ego ?) par structurations successives, et non pas en développant extensivement une connaissance dont le point de départ serait une sorte de tabula rasa cognitive.

La sémantique structurale avait considéré une partie de ces aspects, puisqu’elle mettait en œuvre un système animé par une dynamique d’interrelation, l’unité se définissant par ses relations avec le système. La difficulté venant probablement du fait que pour définir l’ensemble des caractères sémiques pertinents à l’analyse d’un sème, il faut avoir en tête ce que l’on cherche à observer (suédois par opposition à norvégien, omelette par opposition à crêpe). Ces caractères de différenciation, s’ils prévalent à l’élaboration des connexions théoriques, recouvrent pourtant une réalité pratique. Car nous développons une connaissance par l’usage[6] de la répartition des signes et de leur proximité sémantique, de leur connectivité et de la densité de leurs regroupements. Cette connaissance s’acquiert en contexte, dans le dialogue notamment, par les innombrables interactions qui nous amènent à moduler nos efforts pour convaincre, à découvrir par nécessité les possibilités même de nos structures sémantiques, à structurer des modules complets pour renforcer notre interactivité avec un interlocuteur plus structuré que nous...

Sémiose fonctionnelle

Il faut rendre compte non seulement de l’apparition des signes simples, c’est à dire ceux qui se connectent aisément à une matière, mais aussi des signes complexes, obtenus par le moyen de transformations et de glissements par lesquels le lien avec la matière est perdu, et dont il ne reste qu’une chaîne de ressemblances plus ou moins distendue et plus ou moins longue. Cette rupture de matérialité du signe complexe vient du fait que le processus de constitution du signe peut devenir à son tour la matière d’un signe. Le signe complexe est donc le produit d’une sémiose qui semble se prendre elle-même comme objet, et constitue une sorte de pôle d’attraction dans l’univers des signes.

Ces phénomènes découlent directement de la compositionnalité et de la récursivité des signes, donc de leur extrême plasticité, et s’assimilent à des processus de traitement de l’information. De nouveaux signes sont produits par la combinaison de modules, provoquant des interactions à l’intérieur même du système de signification (là où le sens commun imaginerait plutôt une interaction avec l’extérieur), et opérant une clôture globale du système.

Nous déduisons de toutes ces observations quatre principes :

Principe 1 (Construction)

Dans un donné, un processus reconnait une structure : cette séquence constitue le signe.

Principe 2 (Modularité)

Le signes se composent et se prennent comme objet de sémiose dans l’interaction.

Principe 3 (Organisation)

Dans l’économie globale des signes, l’agent cognitif organise les flux d’information en minimisant les pertes et les efforts.

Principe 4 (Clôture)

Le système des signes est clôt par l’interaction de ses éléments.

Il nous reste à retrouver la communication, en redonnant notamment un statut au sujet de connaissance. Nous avons conçu jusqu’ici le système sémiotique comme une entité dont la surface d’échange permet un contact direct avec d’autres modules homogènes, et dont le noyau interne fonctionne en toute autonomie. La communication s’entrevoit donc ici à travers une chaîne de contacts entre systèmes, plutôt que par le truchement d’un canal de transmission. Ces contacts provoquent des irritations de surface, traduites dans le système par des valeurs, parmi lesquelles le système sémiotique est capable de discrimination, isolant notamment des occurrences caractéristiques en fonction des processus de reconnaissance utilisés.

Les processus internes produisent en retour des effets sur le bord du système cognitif qui constituent donc pour l’interlocuteur une pression à la surface de sa propre membrane sémiotique. Ces effets, dès lors qu’ils sont produits sur le bord du système, échappent totalement à son contrôle. De même, dans l’usage courant du langage, la production d’un énoncé ne fait que désigner l’existence d’un processus interne ayant prévalu à son expression. Il n’en est pas moins une inscription dans le réel, et ne peut garantir la convergence entre les processus d’interprétation de l’interlocuteur et les processus de construction du locuteur.

Notre conjecture a utilisé implicitement deux notions de temps. Le temps des processus, qui rend compte de la manière dont se réalise une fonction observable (exécution, itération, récursivité). Le temps des ressources, qui tient compte de l’absence et de la présence de données influant sur la réalisation des processus (échecs, arrêts et continuations). La vie des preuves c’est le caractère vivant du système de signification, dans la mesure où son organisation se caractérise par des processus dépendant récursivement les uns des autres, et le constituant en tant qu’unité identifiable dans son environnement.