In memoriam. Gabriel Gagnon (1935-2024), l’intellectuel rebelle[Record]

  • Marcel Fournier and
  • Jacques Hamel

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Gabriel Gagnon est décédé le 18 février 2024 des suites d’une brève maladie. Il a oeuvré sa vie durant à l’Université de Montréal, d’abord au Département d’anthropologie pour ensuite gagner le Département de sociologie où il a été en poste pendant près de trente ans. Force est de constater que, discret, Gabriel parlait peu de lui-même, préférant débattre d’idées et discuter d’organisation politique. Ce n’est qu’une fois à la retraite, qu’il s’est lancé dans la rédaction de sa propre autobiographie qu’il a intitulée De Parti pris à Possibles. Souvenirs d’un intellectuel rebelle. Un beau titre, qui résume bien sa vie et son oeuvre. Né à Mont-Joli, Gabriel Gagnon entreprend, comme tout fils de bonne famille — son père est avocat —, des études classiques. « Esprit rebelle à l’institution » et quelque peu indiscipliné, il fréquente quatre établissements entre 1945 et 1953 : le Collège Charles-Garnier à Québec, tenu par des jésuites (il se fait mettre à la porte), le Séminaire de Rimouski (où il est pensionnaire) et enfin le Séminaire de Québec. Heureusement, il a de bons résultats scolaires et il s’inscrit en 1953 à l’Université Laval où il s’oriente vers la philosophie avec un intérêt pour la philosophie des sciences et les sciences sociales ; il y obtient une licence en philosophie. Alors même qu’il est aux études, Gabriel s’engage, au milieu des années 1950, dans le militantisme étudiant et dans la foulée il fait un voyage en Europe afin de participer à un séminaire qui porte sur l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) tenu dans différentes villes. À son retour, à 21 ans, il est élu président de la Fédération nationale des étudiants universitaires canadiens (FNEUC) et s’installe à l’Université Carleton. À ce titre, il effectue aussi plusieurs voyages à l’étranger : Nigeria, Suède, Hollande, Pologne. En 1959, à Ottawa, il rencontre Marie Nicole L’Heureux avec laquelle il se marie la même année. Gabriel revient aux études à l’Université Laval et, pour sa maîtrise, opte pour la sociologie. L’une de ses soeurs, plus jeune, Nicole Gagnon, fait le même choix. Elle deviendra par la suite professeure de sociologie à l’Université Laval et dirigera pendant plusieurs années la revue Recherches sociographiques. Pendant ses études, Gabriel connaît deux expériences de recherche, l’une comme stagiaire dans un groupe de recherche en sociologie urbaine en vue d’étudier « les zones urbaines de l’agglomération de Québec » et l’autre comme membre d’une grande équipe qui, dirigée par Arthur Tremblay, spécialiste en éducation, veille à collecter des données sur la persévérance scolaire. Le militant étudiant qu’il a été devient un militant politique de gauche très actif : d’abord au Parti social-démocrate du Québec (PSD), puis au Nouveau Parti démocratique (NPD). L’un de ses premiers textes (Gagnon, 1960) paraît à cette époque dans la revue Cité libre dirigée alors par Pierre-Elliot Trudeau. Il ne relègue toutefois pas ses études aux oubliettes en s’employant inlassablement à lier recherche et engagement politique. Il se rend à Paris afin d’entreprendre des études de doctorat à l’École Pratique des Hautes Études, vie section, où il obtient d’abord un certificat en recherches africaines, puis un doctorat placé sous la direction de Georges Balandier qui, anthropologue et sociologue africaniste, vient d’inaugurer à la Sorbonne la première chaire de sociologie et d’ethnologie de l’Afrique noire. Attiré par la pensée autogestionnaire et tiers-mondiste, Gabriel cherche à savoir comment la réalisation du socialisme peut émerger sous la tutelle des coopératives, des syndicats et des associations économiques africaines. En 1962, il se rend à Dakar afin d’observer le fonctionnement du socialisme africain basé sur les coopératives et l’animation. De retour au Québec …

Appendices