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Mon mari est prothésiste dentaire et touche un assez bon salaire. Je veux dire qu’il gagne davantage que la plupart des hommes de notre immeuble. S’il était à son compte, il pourrait sans doute avoir plus, mais pour ça il nous manque le capital. Mon mari me donne 50 marks par semaine pour la nourriture, le loyer et les autres petites dépenses.
Vous voulez savoir si je m’en tire ? Nous avons deux pièces et une cuisine. Coût : 45 marks par mois. Pour le chauffage, l’électricité et le gaz, je dois compter un bon 15 marks par semaine, en hiver souvent davantage. Pour la nourriture, je ne devrais pas dépenser plus de 15 marks. J’ai deux enfants, 5 et 8 ans. Mais mon mari aime parfois manger quelque chose de bon, et ça coûte la plupart du temps 30 marks. Il me reste donc seulement 5 marks pour tout ce dont les enfants ont besoin, vêtements, chaussures et réparations pour nous tous. Je ne m’achète plus rien depuis longtemps. Si je demandais davantage d’argent à mon mari, je devrais rendre des comptes pour chaque pfennig dépensé. J’évite donc de le faire et économise autant que je peux.
Comment faire des économies ? J’essaie de faire mes courses là où c’est le moins cher. Autant que possible, j’achète tout au marché. Si ça fait plus long à traîner, j’épargne cependant toujours quelques pfennige.
Comment j’organise mon temps ? C’est difficile à dire. Parce que le temps coule des mains d’une femme au foyer. Il n’y a pas grand-chose à organiser. Le matin, je me lève à 7 h ; faire le café, faire les sandwichs pour mon mari. Voir à ce que les enfants s’habillent convenablement. Après, vaisselle. Quand j’ai remis l’appartement en ordre, il est la plupart du temps 10 h. Après, je vais faire les courses. Ensuite, je fais à manger jusqu’à ce que le plus vieux arrive de l’école. Le repas principal des enfants est le midi, parce qu’ils se couchent tôt.
De nouveau la vaisselle. Ensuite, je dois un jour faire la lessive, un autre repasser ou coudre, raccommoder, retoucher les habits qui ne font plus au plus vieux. Lorsqu’il fait beau, je vais avec les enfants au jardin. Quand je rentre, je dois de nouveau penser à cuisiner. Encore une fois la vaisselle. Cirer les chaussures. Nettoyer les vêtements.
Parfois, je vais au cinéma avec mon mari. Mais je suis inquiète quand je pense aux enfants seuls à la maison.
Je vis dans une grande ville ; je suis berlinoise. Mais est-ce que je le remarque ? Je pense que ma vie ne serait pas différente dans un village. Parfois, nous faisons une petite excursion le dimanche. Mais souvent je passe des semaines à ne voir que les rues du quartier. Je me suis souvent demandé si ce travail ménager pouvait être organisé autrement, et je pense que c’est toute sa vie que l’on devrait alors organiser autrement.
Appendices
Note
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[1]
Leitner, Maria (2013 [1929]). « Eine Hausfrau erzählt », Mädchen mit drei Namen. Reportage aus Deutschland und ein Berliner Roman 1928-1933. Berlin, AvivA, p. 52-53 [d’abord paru dans Tempo. Berliner Abend-Zeitung le 18 juillet 1929].