Abstracts
Résumé
Cet article invite à lire les politiques scolaires comme des entreprises de changement institutionnel. L’approche cognitive adoptée conduit à placer la légitimation au coeur du processus de changement institutionnel. L’analyse est menée à partir de l’étude d’une politique de lutte contre le redoublement en Belgique francophone. Ce cas, qui s’est soldé par un échec relatif, illustre les limites et la complexité de toute entreprise politique de transformation institutionnelle de l’école. Alors que la réforme s’appuie sur l’expertise pédagogique et économique pour légitimer la suppression du redoublement, l’enquête montre que le changement institutionnel ne résulte pas mécaniquement de la perception de dysfonctionnements, mais nécessite le consentement des acteurs scolaires locaux, dans la mesure où le changement se joue de façon décisive dans les établissements scolaires et dans les classes. À cet égard, l’enquête souligne l’importance, tant théorique que pratique, de l’encastrement institutionnel du redoublement, encastrement qui mine la légitimité pragmatique de la réforme sur le terrain.
Abstract
This article invites its readers to view education policies as enterprises for institutional change. The cognitive approach adopted leads us to place legitimating at the core of the institutional change process. The analysis is based on the study of the combat against grade repetition in French-speaking Belgium. This issue, which ended in relative failure, illustrates the limits and the complexity of any political enterprise for institutional transformation in education. While the reform is founded on pedagogical and economic expertise to legitimate the abandon of grade repetition, the fieldwork reveals that institutional change does not automatically follow the perception of dysfunctions but requires the approval of local educational players as the actual change takes place in school and in class. For this reason the study highlights the importance, both theoretical and practical, of the institutional framework of grade repetition, a framework that undermines the pragmatic legitimacy of reform in the field.
Resumen
Este artículo invita a leer las políticas escolares como proyectos de cambio institucional. El enfoque cognoscitivo adoptado conduce a colocar la legitimación en el centro del proceso de cambio institucional. El análisis se lleva a cabo a partir del estudio de una política de lucha contra la repetición de clases en la Bélgica francófona. Este caso, que resultó un fracaso relativo, ilustra los límites y la complejidad de toda empresa política de transformación institucional de la escuela. Mientras que la reforma se basa en el dictamen pedagógico y económico para legitimar la supresión de la repetición de clases, la investigación pone de manifiesto que el cambio institucional no resulta mecánicamente de la percepción de las disfunciones, sino que requiere el consentimiento de los protagonistas escolares locales, en la medida en que el cambio se juega de manera decisiva en los establecimientos escolares y en las clases. A este respecto, la investigación destaca la importancia, tanto teórica como práctica, del ajuste institucional de la repetición de clases, ajuste que mina la legitimidad pragmática de la reforma en la práctica.
Appendices
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