Abstracts
Résumé
Paradoxalement, communauté, individualisme et communautarisme ne sont pas des réalités antinomiques. La communauté (au sens anthropologique du terme) se caractérise par un anti-individualisme totalitaire qui réprime et refoule un individualisme irréductible. Or, le despotisme et le clientélisme postcoloniaux ont renforcé la « sur-communautarisation » et le « blocage » des sociétés, les empêchant d’entrer dans la « banalité » et la modernité de la conflictualité démocratique. Dès lors, les crises (économiques, sociales, politiques) débouchent sur des conflits communautaristes qui se nourrissent de l’énergie « ressentimentale » produite par la socialité communautaire et qui en détournent la violence paranoïaque contre des coupables émissaires. Les « élites » au pouvoir et leurs commanditaires ou soutiens internationaux neutralisent à leur avantage (et à quel prix !) l’autre solution à la violence individualiste dévoyée en communautarismes : celle des luttes sociales et de l’individualisme démocratique. Mais on peut préférer ces formes régulées de conflictualité aux violences apocalyptiques du fanatisme...
Abstract
Paradoxically, community, individualism and communitarism are not antinomic realities. The community (in its anthropological sense) is characterized by a totalitarian anti-individualism that represses and rejects irreducible individualism. But post-colonial despotism and clientelism have strengthened the “over-communitarism” and the “blockage” of societies, stopping them from entering into the “banality” and modernity of democratic conflictuality. From there on, crises (economic, social, political) lead to communitarist conflicts fed by the “resentmental” energy produced by the communitarian society and divert the paranoiac violence towards the emitting guilty. The “elites” in power and their sleeping partners or their international support neutralize to their advantage (and at what cost !) the other solution for individualist violence turned into communitarisms : that of social conflicts and democratic individualism. But we could prefer these regulated forms of conflictuality to the apocalyptic violence of fanaticism...
Resumen
Paradójicamente, comunidad, individualismo y comunitarismo no son realidades contradictorias. La comunidad (en el sentido antropológico del término) se caracteriza por un anti-individualismo totalitario que reprime y rechaza un individualismo irreducible. Ahora bien, el despotismo y el clientelismo postcoloniales reforzaron la “recomunitarización” y el “bloqueo” de las sociedades, impidiéndoles entrar en la “banalidad” y la modernidad de la conflictualidad democrática. Por lo tanto, las crisis (económicas, sociales, políticas) desembocan en conflictos comunitaristas que se alimentan con la energía “resentimental” producida por la socialidad comunitaria y que desvían la violencia paranoica contra culpables emisarios. Las “élites” al poder y sus comanditarios o apoyos internacionales neutralizan a su ventaja (y a qué precio !) la otra solución a la violencia individualista disfrazada en comunitarismos : la de las luchas sociales y del individualismo democrático. Pero se podría preferir estas formas controladas de conflictualidad a las violencias apocalípticas del fanatismo...
Appendices
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