C’est avec stupéfaction que les collègues, parents et amis de Gille Houle ont appris son décès, survenu à Paris le 3 décembre 2006 lors d’un séjour à l’étranger durant lequel il avait participé à un colloque et à une soutenance de thèse. Sa mort laisse un grand vide au Département de sociologie de l’Université de Montréal, où il oeuvrait depuis trente ans. Né à Drummondville le 26 janvier 1947, il est resté attaché à sa ville natale en mettant au programme de son département la célèbre monographie d’Everett C. Hughes, Rencontre de deux mondes, et par-delà les travaux de l’École de Chicago qu’il se plaisait à aborder avec force anecdotes sans sacrifier le sérieux de l’exposé précis de cette tradition sociologique issue de la vaste entreprise, jamais égalée, de Thomas et Znaniecki, The Polish Peasants, à laquelle il vouait une véritable admiration. Il entreprend ses études en sociologie à l’Université Laval. Après son baccalauréat, il décide, pour sa maîtrise, de se « réinscrire » à ce programme dans l’intention d’étudier les procédés cognitifs et pédagogiques mis en oeuvre afin de se familiariser avec la discipline et le métier de sociologue. En ce début des années 1970, il découvre et participe aux vastes chantiers de recherche de l’époque que sont l’analyse des Idéologies au Canada français et l’imposante collecte des histoires de vie qui, placés sous la direction de Fernand Dumont, ont pour but d’éclairer la pensée historienne et l’histoire du Québec dans l’optique de cette figure de proue de la sociologie québécoise. Les « histoires de vie » trouvent en Gilles Houle, comme chez Nicole Gagnon, un chercheur enclin à approfondir et à renouveler la tradition, connue aux États-Unis et découverte en France par Daniel Bertaux, sous ses aspects analytiques et en envisageant le redoutable problème du statut conféré au sens commun sur lequel se fonde en définitive la connaissance sociologique. À cette fin, il s’inscrit à l’Université d’Aix-en-Provence afin d’alimenter ses réflexions sur le sujet et de bénéficier à cet égard des séminaires de Gilles-Gaston Granger, de Nicole Ramognino, de Jean-Claude Gardin et de Jean Molino, entre autres, au moment où se forme une « tradition aixoise » qui s’emploie à lier les sciences du langage, les études littéraires et herméneutiques, et la sociologie de la connaissance et de la cognition sociale. L’analyse de contenu prend un nouveau souffle dans ce cadre effervescent. Gilles Houle rédige sa thèse en combinant ses réflexions épistémologiques et méthodologiques à la lumière de l’analyse d’une histoire de vie dont la richesse le conduit à nuancer singulièrement des éléments importants de l’historiographie québécoise. De retour au Québec, recruté à l’Université de Montréal, Gilles Houle acquiert progressivement sa notoriété par sa série de publications sur « l’idéologie comme mode de connaissance ». Le seul titre de son premier article révèle l’originalité de sa vision à l’époque où la conception althussérienne de l’idéologie règne sans partage. Il ne cessera jamais de faire preuve de nuances en la matière comme en fait foi la communication qu’il a présentée quelques jours avant sa mort, sous le titre « Sens commun et sociologie », dans le cadre du colloque Approche empirique de la pluralité des récits tenu à Lausanne à la fin du mois de novembre 2006. En parallèle, on l’a noté, fidèle à sa thèse de doctorat, il cherche à revoir les interprétations historiographiques et la pensée historienne formulées à propos des « effets de la Conquête » et qui ont donné corps à la fameuse opposition entre « l’École de Montréal et l’École de Laval » à l’ombre du fédéralisme ou de l’indépendantisme à peine …
In memoriamGilles Houle (1947-2006)[Record]
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Jacques Hamel
Université de Montréal
Département de sociologie
C.P. 6128, Succ. Centre-ville
Montréal (Québec) H3C 3J7 Canada
jacques.hamel@umontreal.caPaul Sabourin
Université de Montréal
Département de sociologie
C.P. 6128, Succ. Centre-ville
Montréal (Québec) H3C 3J7 Canada
paul.sabourin@umontreal.ca