Hors thème : DébatNon-Thematic: Debate

À propos de Morale et sociologie de Patrick PharoDébat avec l’auteurConcerning « Morality and Sociology » by Patrick Pharo.Debate with the Author[Record]

  • Jonathan Roberge and
  • Yan Sénéchal

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  • Jonathan Roberge
    Département de sociologie
    Université de Montréal
    C. P. 6128, Succursale Centre-ville
    Montréal (Québec), Canada H3C 3J7
    jonathan.roberge@umontreal.ca

  • Yan Sénéchal
    École pratique des hautes études
    Ve Section « Sciences religieuses »
    45-47, rue des Écoles
    75005 Paris, France
    yan.senechal@laposte.net

Si la morale très présente dès les débuts de la sociologie a peu à peu été délaissée par la suite, elle n’a cependant jamais cessé de questionner le statut et les présupposés de la discipline. C’est peut-être ce qui explique le renouveau actuel d’une certaine sociologie de la morale ou de l’éthique, si ce n’est plus généralement l’émergence de nouveaux problèmes sociaux, politiques et philosophiques à partir de la Seconde Guerre mondiale – les nouvelles possibilités biogénétiques notamment. Avec son plus récent livre intitulé Morale et sociologie. Le sens et les valeurs entre nature et culture , Patrick Pharo s’inscrit dans ce mouvement de recrudescence en proposant rien de moins qu’une redéfinition de la raison pratique : comment passe-t-on de la règle abstraite à l’action plus concrète ? Comment, autrement dit, passe-t-on de préceptes généraux à leur application dans tel ou tel cas particulier ? Ce qui, pour Pharo, doit déterminer le contenu de la morale et sa compréhension relève d’abord et avant tout de considérations logiques et sémantiques. Cette méthode et ce qu’elle implique sont ainsi ce qui constituent le coeur du présent débat auquel a accepté de participer l’auteur. Le problème initial du livre concerne l’opacité du sens et des valeurs, non pas qu’ils soient sans fondements, mais parce qu’il est problématique de les inférer et, a fortiori, de les objectiver. Qu’est-ce donc qu’un fait moral alors qu’il ne peut être réductible aux choix individuels et pas davantage à une quelconque entité s’imposant de l’extérieur ? C’est dès lors la sociologie qui trouve sa définition même dans les réponses qu’elle apporte au comment et au pourquoi de ce fait moral (que l’auteur amalgame avec l’éthique). Pharo considère dans les chapitres 2, 3 et 4 les traditions importantes que sont les théories socioculturelles, actionnistes et naturalistes. La première allant de Durkheim à Bourdieu en passant par Garfinkel incite à penser un rapport étroit entre la contrainte sociale et l’adhésion des sujets et ce, au détriment toutefois de leurs capacités réflexives. Les approches actionnistes qui, elles, sont surtout dans le sillage de Weber pensent que le sens et les valeurs émergent dans la pratique, c’est-à-dire dans l’interaction, le dialogue et les contraintes de la rationalité. Le naturalisme, enfin et quant à lui, insiste sur les mécanismes biologiques et neurologiques pour expliquer l’éthologie morale ; ce qui semble à l’auteur difficile sans être impossible. Progression par paliers donc, c’est surtout de retenir certaines grandes postures méthodologiques qui intéresse Pharo alors qu’il entreprend l’élaboration d’une autre sociologie morale. C’est plus particulièrement dans les chapitres 5 et 6 que Pharo livre sa « méthode sémantique d’interprétation », qu’il applique à la culture et à l’action. Ce sont les ordres logiques d’objectivité qui ne cessent d’importer : « Toutes les questions que l’on peut se poser à propos d’une sociologie morale […] dépendent donc d’une clarification des contenus conceptuels et normatifs inhérents aux faits sociaux. » (p. 246) Par des tests de correspondances et de cohérences normatives par exemple, il doit s’agir de découvrir la moralité d’une action à travers ses données sensibles, la logique des termes descriptifs et surtout l’adéquation de ceux-ci avec celles-là. Ces outils conceptuels et sémantiques auxquels s’ajoute de facto le principe de non-contradiction représentent ainsi ce qui doit permettre de comprendre les conditions de traductibilité interculturelle. C’est également ce qui doit rendre compte, selon Pharo, des conditions d’entente à l’intérieur d’un même espace social. Il y a bel et bien une sémantique des actes civils ; entre autres, par l’évitement de la souffrance indue et par la manière dont celle-ci contribue à l’élaboration d’une morale au moins minimale. …

Appendices