Volume 48, Number 1, Spring 2023 Mosaïque Guest-edited by Nadine Larivière
Table of contents (10 articles)
Éditorial
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La revue Santé mentale au Québec : des savoirs partagés en français
François Lespérance
pp. 9–11
AbstractEN:
The Revue Santé mentale au Québec (RSMQ) purpose is to contribute to the mental health knowledge dissemination and acquisition by adding much-needed cultural diversity to a scientific world community dominated by English-speaking journals. The RSMQ leadership wish to expand its societal impact and scientific outreach by working with its institutional partners to attract researchers and clinical practitioners across the world wishing to share their passions for learning in French.
Présentation thématique
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Télétravail en contexte de pandémie : stratégies mises en place par les télétravailleurs
Anaïs Lépine Lopez, Geneviève Fecteau, Benoit Desgroseillers, Isabelle Pinard, Anick Hurtubise, Pascal Tanguay and Marc Corbière
pp. 17–47
AbstractFR:
Objectifs Depuis les années 2000, le télétravail est devenu pratique courante avec l’explosion des technologies des télécommunications. Dans le contexte de confinement lié à la pandémie de COVID-19, le télétravail s’est imposé. La littérature nous indique que le télétravail apporte des effets bénéfiques (p. ex. la réduction des déplacements), mais peut aussi créer des enjeux sur le plan de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, de la productivité au travail et des relations avec le collectif de travail. Peu d’études se sont penchées sur les éléments qui permettent aux télétravailleurs de réaliser leur travail de manière optimale dans le contexte de la pandémie. L’objectif principal de cette étude était de recenser les meilleures pratiques des télétravailleurs, en dégageant les stratégies qu’ils avaient mises en place. Plus particulièrement, cette étude visait à sonder les télétravailleurs sur leurs stratégies gagnantes en télétravail afin de : 1) favoriser leur conciliation travail-vie personnelle (et vice-versa) et leur productivité en mode télétravail ; et 2) favoriser leur relation avec leur supérieur immédiat et leurs collègues.
Méthode Cette enquête nous a permis de sonder à partir de LimeSurvey, 318 télétravailleurs de la population générale et 405 télétravailleurs d’un grand centre de santé au Québec. Ces stratégies ont été analysées au moyen d’une analyse thématique avec accord interjuge.
Résultats Les résultats font ressortir 72 stratégies gagnantes utilisées par de nombreux télétravailleurs, pour garder un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle (et vice-versa) et favoriser leur productivité au travail. Ces stratégies ont été regroupées en 12 grandes catégories. Ensuite, pour les questions touchant les relations avec le collectif de travail, 41 stratégies ont émergé, regroupées en 5 grandes catégories. Les stratégies nommées le plus fréquemment concernent les notions de structure/routine, d’organisation des activités, de séparation claire entre la vie personnelle et la vie professionnelle, d’un espace dédié au travail, de l’aisance avec les technologies de communication, et de la tenue de réunions de travail régulières.
Conclusion Cette étude dresse un important éventail des stratégies gagnantes déployées par les travailleurs en mode télétravail. Les résultats mettent en relief l’importance d’avoir un encadrement et un soutien de la part de ses collègues et de son supérieur immédiat. On note aussi l’accès à des espaces de travail adéquats, ainsi que la présence d’horaires de travail réguliers et d’une routine, permettant aux télétravailleurs d’assurer leur productivité et de garder un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Le télétravail semble être un mode de travail intéressant et mérite d’avoir de meilleures balises afin d’assurer le bien-être et le succès des travailleurs.
EN:
Objectives Since the 2000s, telework became common practice with the advent of telecommunication technologies. In the lockdown context linked to the COVID-19 pandemic, telework became the norm. The literature indicates that telework can have positive effects (e.g., reduction of commuting) but can also create challenges in terms of work-life balance, productivity at work and relationships within the work collective. Few studies focused on the elements that allow teleworkers to accomplish their work tasks optimally in the pandemic context. This study aimed to identify workers’ best practices in telework by bringing forward the strategies they put into practice. More precisely, this study aimed at surveying teleworkers on their winning strategies in telework in order to 1) promote their work-life balance (and vice-versa) and their productivity in telework; and 2) promote their relationship with their immediate supervisor and their colleagues.
Method This study allowed us to survey, using LimeSurvey, 318 teleworks in the general population and 405 teleworkers in a large health centre in Québec. We analysed these strategies using thematic analysis with inter judge agreement.
Results Our results generated 72 winning strategies used by many teleworkers, to keep a balance between their professional life and their personal life (and vice versa), and promote their productivity at work. These strategies were grouped into 12 large categories. The questions regarding relationships with the work collective generated 41 strategies grouped into five large categories. Strategies mentioned the most frequently touched on notions of structure/routine, organisation of activities, clear separation between personal life and professional life, physical space dedicated to work, familiarity with communication technologies, and holding regular work meetings.
Conclusion This study presents an extensive range of winning strategies used by teleworkers. Results highlight the importance of having guidance and support from colleagues and the immediate supervisor. Also, having access to an adequate home workspace, and the presence of a regular work schedule and a routine allows teleworkers to ensure their productivity and keep a good work-life balance. Telework seems to be a noteworthy work mode and deserves a better structural ground to assure workers’ wellbeing and success.
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Étude comparative sur les facteurs prédictifs de l’anxiété d’étudiant(e)s québécois(-es) universitaires durant la pandémie (COVID-19)
Saïd Bergheul, Oscar Labra, Carole Castro, Augustin Ependa, Juanpablo Bedoya and Gabrielle Marcotte-Beaumier
pp. 49–68
AbstractFR:
Objectif Dans la présente étude, nous présentons les résultats d’une recherche comparative réalisée sur 3 cohortes d’étudiant(e)s universitaires en contexte de pandémie. Plusieurs recherches indiquent que le niveau d’anxiété des populations a beaucoup augmenté.
Méthode Dans le présent article, nous présentons les résultats d’une étude comparative de 3 cohortes réalisée sur 1674 étudiants québécois. Les participants ont été recrutés à 3 moments distincts, soit durant l’été 2020 (cohorte 1 ; N = 398), à l’automne 2020 (cohorte 2 ; N = 621) et à l’hiver 2021 (cohorte 3 ; N = 655). L’anxiété a été mesurée grâce à l’inventaire d’anxiété de Beck et plusieurs variables sociodémographiques ont été testées.
Résultats Les résultats de la cohorte 1 indiquent que le fait d’être plus jeune et d’avoir un diagnostic associé à la santé mentale fait partie des facteurs de vulnérabilité pour l’anxiété. Pour la cohorte 2 l’interaction Genre x Diagnostic x Programme d’étude a un effet significatif. L’âge et le revenu familial sont des facteurs prédictifs d’une anxiété importante dans la cohorte 3. Les limites et les perspectives de l’étude sont explorées.
Conclusion L’étude recommande qu’on tienne compte des résultats pour élaborer des programmes préventifs et d’intervention pendant la période post-pandémie.
EN:
Objective In this study, we present the results of a comparative research carried out on three cohorts of university students in the context of a pandemic. Several research indicate that the anxiety level of populations has increased significantly.
Method In this article, we present the results of a comparative study of three cohorts study conducted on 1674 Quebec students. Participants were recruited at three separate time points, in the summer of 2020 (cohort 1; N = 398), in the fall of 2020 (cohort 2; N = 621) and in the winter of 2021 (cohort 3; N = 655). Anxiety was measured using Beck’s anxiety inventory and several sociodemographic variables were tested.
Results Results from cohort 1 indicate that being younger and having a mental health diagnosis may be vulnerability factors for anxiety. For cohort 2, the interaction of gender x diagnosis x program of study had a significant effect. Age and family income were predictive of significant anxiety in cohort 3. Limitations and perspectives of the study are explored.
Conclusion The study recommends that the results be considered in developing preventive and intervention programs in the post-pandemic period.
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L’utilisation de l’intervention psychosociale à distance auprès des hommes : quel est l’état des connaissances ?
Gabriel Gingras-Lacroix, David Guilmette, Gilles Tremblay, Olivier Ferlatte, Normand Brodeur, Oscar Labra, Janie Houle, Philippe Roy and Émilie Dionne
pp. 69–93
AbstractFR:
Objectif La crise sanitaire relative à la pandémie de COVID-19 a mené la plupart des organismes communautaires, ainsi que ceux du réseau de la santé et des services sociaux à adopter des pratiques d’intervention psychosociale à distance. Or, l’instauration rapide de ce type de pratiques soulève de nombreux questionnements, notamment au sujet des hommes qui, de manière générale, utilisent moins les services psychosociaux en présentiel comparativement aux femmes. Cet article vise à faire état des connaissances actuelles sur l’intervention psychosociale à distance auprès des hommes.
Méthode Pour atteindre l’objectif de cette étude, une recherche documentaire prenant appui sur la technique PICO a été mise en oeuvre. Cette technique a permis de sélectionner 62 documents pertinents dans plusieurs banques de données et moteurs de recherche. Les textes retenus ont été soumis à un processus d’analyse constitué de 2 étapes : la création de fiches de lecture, suivie d’une analyse de contenu.
Résultats Les résultats de l’étude permettent de constater le manque de données scientifiques quant aux particularités vécues par les hommes lors de l’initiation de la demande d’aide, l’engagement dans la démarche d’aide et l’efficience de l’intervention à distance. Plusieurs éléments semblent néanmoins prometteurs, dont la perception des utilisateurs de services d’avoir plus de pouvoir et de liberté, ce qui pourrait constituer un aspect contribuant à l’engagement dans l’intervention de la part des hommes qui ont une vision traditionnelle de la masculinité.
Conclusion Il apparaît que les variables relatives au genre sont très peu utilisées lorsque vient le temps d’analyser les effets de l’intervention psychosociale à distance. Ainsi, d’autres études devront être menées afin d’avoir une vision holistique des réalités vécues par les hommes envers l’offre de services d’intervention psychosociale à distance.
EN:
Background Remote psychosocial intervention has been used by most health care organizations since the beginning of COVID-19 pandemic. However, the rapid introduction of this type of practice generates new methods of intervention that raise many questions, particularly about men who, in general, use face-to-face psychosocial intervention less than women. This documentary research aims to report on current knowledge on remote psychosocial intervention with men.
Methods PICO technique was used to find relevant documents to achieve the objective of this research. In accord with our criteria, 62 documents were selected in several databases and search engines. The selected texts were subject to an analysis process consisting of two stages: the creation of reading sheets followed by a content analysis.
Results The results underline the lack of scientific data on the men’s experience when they initiate a request for help, the commitment process, and the effectiveness of the remote intervention. Several elements seem potentially promising, including patients’ perceptions of having more power and freedom which could favorize engagement of men who have a traditional vision of masculinity.
Conclusions It appears that gender-related variables are not commonly used when it comes to analyze the effects of distance psychosocial intervention. Other studies will be needed to have a holistic vision of the realities experienced by men towards the offer of remote psychosocial intervention.
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Évaluer la somnolence diurne auprès des adolescents : un incontournable pour mieux intervenir en santé mentale
Evelyne Touchette, Sabrina Servot, William Davidson-Urbain, Marie-Hélène Pennestri, Roger Godbout and Jacques Montplaisir
pp. 95–120
AbstractFR:
Objectifs La somnolence diurne des adolescents a des impacts négatifs sur la santé physique, cognitive et émotionnelle, engendrant des conséquences directes ou indirectes sur leur santé mentale. Cette recension vise à décrire les outils spécialisés pour évaluer la somnolence diurne chez les adolescents afin que les intervenants en santé mentale puissent dépister une variété de troubles de sommeil des plus rares comme la narcolepsie jusqu’aux troubles les plus fréquents comme le délai d’éveil-sommeil chez les adolescents.
Méthode Les articles sélectionnés devaient inclure des adolescents âgés de 13 à 18 ans ou le mot-clé « adolescent* ». Les mots-clés utilisés pour la recherche étaient les suivants : « sleepiness test » AND « questionnaire* ». Les articles devaient être écrits en français ou en anglais et publiés jusqu’au 9 janvier 2023. Un total de 277 articles scientifiques a été recensé. Au final, 35 articles ont été sélectionnés dans Medline ( https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/) rapportant des outils de mesure de somnolence auprès de la population adolescente.
Résultats. Parmi les 35 articles, un total de 7 outils a été répertorié comme évaluant la somnolence diurne. Quatre outils subjectifs ont été recensés : 1) l’Epworth Sleepiness Scale for Children and Adolescents (ESS-CHAD) ; 2) le Pediatric Daytime Sleepiness Scale (PDSS) ; 3) le Cleveland Adolescent Sleepiness Questionnaire (CASQ) ; 4) French Sleepiness Scale for Adolescents (FSSA). Ces questionnaires autorapportés ont l’avantage d’être moins coûteux et sont utilisés par les intervenants en santé mentale contrairement aux outils objectifs. Trois outils objectifs ont été rapportés : 1) le test itératif de latence d’endormissement, Multiple Sleep Latency Test (MSLT) ; 2) le test de maintien de l’éveil, Maintenance Wakefulness Test (MWT) ; 3) le test de somnolence pupillographique (PST).
Conclusion Étant donné que les adolescents ont une plus grande tolérance à résister à la pression au sommeil de fin de journée, ce qui leur offre une plus grande opportunité d’exposition à la lumière, ils sont plus à risque de souffrir de somnolence diurne, ce qui risque d’interférer avec leur santé mentale. Les professionnels de santé mentale se doivent de dépister systématiquement la somnolence diurne chez les adolescents à l’aide d’outils subjectifs. Il existe des outils fiables, traduits et validés en français comme le FSSA et l’ESS-CHAD pour mesurer la somnolence diurne chez les adolescents et les mauvaises habitudes associées au manque de sommeil. Lorsque l’on suspecte la présence de troubles de sommeil d’origine médicale, comme la narcolepsie, les troubles du sommeil liés à l’agitation motrice ou l’apnée du sommeil, c’est alors que l’investigation de nature objective (polysomnographie nocturne, MLST et MWT) doit se poursuivre en collaboration avec le médecin de l’adolescent.
EN:
Objectives Daytime sleepiness in adolescents has negative impacts on physical, cognitive, and emotional health, with direct or indirect consequences on their mental health. This review aims to describe specialized tools assessing daytime sleepiness in adolescents so that mental health professionals can screen for a variety of sleep disorders, from the rarest ones, such as narcolepsy, to the most common ones, such as sleep-wake cycle delay in adolescents.
Method Articles were selected in Medline ( https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/) and targeted adolescents aged between 13 and 18 or the keyword “adolescent*”. The keywords used were: “sleepiness test” AND “questionnaire*”. Only articles in French or English and published until January 9, 2023 were included. A total of 277 scientific articles were screened. Final sample included a total of 35 articles describing sleepiness measurement tools in adolescents.
Results Among the 35 articles, a total of seven daytime sleepiness measurement tools in adolescents were identified. Four of them were subjective: 1) the Epworth Sleepiness Scale for Children and Adolescents (ESS-CHAD), 2) the Pediatric Daytime Sleepiness Scale (PDSS), 3) the Cleveland Adolescent Sleepiness Questionnaire (CASQ) and 4) the French Sleepiness Scale for Adolescents (FSSA). These self-reported questionnaires are less expensive and they can be used easily by mental health professionals as opposed to objective tools. Three objective tools have been identified: 1) the multiple sleep latency test (MSLT), 2) the maintenance of wakefulness test or called the “Maintenance Wakefulness Test” (MWT) and 3) the pupillographic sleepiness test (PST).
Conclusion Given that adolescents end-of the-day sleep pressure, often resulting in a greater opportunity to light exposure, they are more at risk for daytime sleepiness and consequently to mental health challenges. Mental health professionals should therefore systematically screen for daytime sleepiness in adolescents using subjective tools. There are reliable and validated tools that are translated into French, such as the FSSA and the ESS-CHAD to measure daytime sleepiness in adolescents and lifestyles problems associated with sleep loss When daytime sleepiness suggests the presence of medical-based sleep disorders, such as narcolepsy, restless sleep disorders or sleep apnea, it is important to pursue an investigation with objective tools (nocturnal polysomnography, MLST and MWT) in collaboration with the adolescent’s physician.
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L’activité physique : quelle est sa place dans la formation et la pratique des psychoéducateurs au Québec ?
Stéphanie Turgeon, Jessica Turgeon and Marie-Michèle Dufour
pp. 121–145
AbstractFR:
Les professionnels de l’intervention psychosociale au Québec, dont les travailleurs sociaux, les psychologues et les psychoéducateurs, ont comme dénominateur commun d’offrir des services visant à améliorer le fonctionnement, la participation sociale et la qualité de vie des individus aux prises avec des difficultés d’adaptation ou des problèmes de santé mentale. Une intervention qui a de plus en plus de soutien empirique comme outil d’intervention psychosociale est l’activité physique. En fait, de nombreuses recherches ont permis de démontrer les bienfaits de l’activité physique auprès de populations desservies par les professionnels de l’intervention psychosociale.
Objectifs Ainsi, l’objectif principal de cette étude est de dresser un portrait de la place qu’occupe l’activité physique en intervention psychosociale, plus particulièrement en psychoéducation. Les objectifs spécifiques poursuivis sont : 1) d’évaluer la place qu’occupe l’activité physique dans la formation académique et continue des psychoéducateurs ; 2) de dresser un portrait de l’utilisation de l’activité physique dans la pratique des psychoéducateurs et les facteurs faisant obstacle à son utilisation ; 3) d’explorer si certaines variables influencent l’utilisation de l’activité physique par les psychoéducateurs.
Méthode En tout, 150 psychoéducateurs à travers le Québec (nombre d’années d’expérience : M = 11,2 ; ÉT = 9,1) ont répondu à un sondage en ligne. Des analyses descriptives, des probabilités conditionnelles, des analyses de chi-carré et des régressions logistiques ont été effectuées.
Résultats Les résultats suggèrent que l’activité physique figure toujours parmi les outils d’intervention des psychoéducateurs, avec un peu plus de 75 % des professionnels qui rapportent avoir utilisé l’activité physique dans le cadre de leur pratique. En contrepartie, très peu de psychoéducateurs ont obtenu de la formation académique ou continue sur cet outil d’intervention. L’utilisation de l’activité physique ne semble pas différer selon les clientèles avec lesquelles les psychoéducateurs travaillent, mais elle est positivement et significativement prédite par le nombre d’années d’expérience des professionnels.
Conclusion Considérant les nombreux bienfaits associés à l’activité physique, les résultats de la présente étude incitent à une réflexion quant à la place qu’occupe l’activité physique dans l’intervention psychosociale ainsi qu’à la formation offerte aux professionnels en lien avec cet outil d’intervention. Ensemble, les résultats de la littérature scientifique et de notre étude soulignent que l’activité physique peut servir d’outil d’intervention psychosocial. Toutefois, afin d’éviter qu’une utilisation inadéquate produise des effets iatrogènes chez leurs clients, il importe de poursuivre de tels projets de recherches afin d’assurer que les professionnels aient la formation et l’encadrement nécessaire pour une implantation sécuritaire et efficace.
EN:
The provision of services that improve the functioning, social participation and quality of life of individuals with behavioral or mental health problems is a common denominator amongst psychosocial professionals in Quebec, including social workers, psychologists and psychoeducators. One intervention that has gained empirical support as an intervention tool is physical activity. In fact, numerous studies have demonstrated the benefits of physical activity for many populations with whom psychosocial professionals work.
Objectives Thus, the primary objective of this study was to understand the role physical activity plays in psychosocial intervention, specifically in the field of psychoeducation. The specific objectives of this study are (1) to assess how physical activity spans out in the academic and continuing education of psychoeducators, (2) establish the use of physical activity, and (3) to explore whether certain variables influence the use of physical activity by psychoeducators.
Method A total of 150 psychoeducators across Quebec (years of experience: M = 11.2; SD = 9.1) completed an online survey. Descriptive statistics, conditional probability, chi-square, analyses, and logistic regression were performed.
Results The results suggest that physical activity is an intervention tool used by psychoeducators, with just over 75% of professionals reporting having used physical activity in their practice. However, very few psychoeducators have received academic or continuing education pertaining to this intervention tool. The use of physical activity was not found to differ across clienteles with whom psychoeducators worked, but was positively and significantly predicted by the number of years of experience of the professionals.
Conclusion Considering the numerous benefits associated with physical activity, the results of the present study emphasize the need to reflect on physical activity in psychosocial intervention and on the training offered to professionals in relation to the use of this tool. Taken together, the results of the scientific literature and our study highlight that physical activity can be used as an intervention tool by psychosocial professionals. However, in order to avoid iatrogenic outcomes resulting from inappropriate use of physical activity, further research is needed to ensure that professionals have the necessary training and supervision for safe and effective implementation.
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Les pratiques de soutien social des collègues et des proches qui favorisent le fonctionnement des travailleurs vivant avec des symptômes anxieux ou dépressifs
Jessika Cleary, Sophie Meunier, Camille Roberge and François Lauzier-Jobin
pp. 147–166
AbstractFR:
L’anxiété et la dépression font partie des troubles mentaux les plus courants en milieu de travail et représentent une des premières causes d’invalidité chez les travailleurs. Les symptômes liés à ces troubles entraînent des répercussions importantes pour les travailleurs et les organisations, telles qu’une diminution de la satisfaction au travail, ainsi que différentes difficultés de fonctionnement au travail (p. ex. présentéisme, absentéisme). Le soutien social des collègues et des proches représente un levier prometteur pour soutenir les nombreux travailleurs présentant des symptômes de dépression ou d’anxiété.
Objectif Dans cette optique, la présente étude vise à identifier les pratiques de soutien social des proches et des collègues qui sont perçues comme étant favorables au fonctionnement au travail des individus présentant des symptômes anxieux ou dépressifs.
Méthode Pour ce faire, nous avons mené des entrevues semi-structurées auprès de travailleurs présentant des symptômes d’anxiété ou de dépression (n = 25) afin d’explorer leur vécu quant au soutien social reçu. Une analyse thématique en 6 étapes a ensuite été réalisée.
Résultats Les résultats de notre recherche ont permis d’identifier 30 pratiques de soutien social et de les regrouper en 5 grandes fonctions : la camaraderie (p. ex. rire entre collègues, contacter ses proches durant les heures de travail par le biais de la technologie ou des réseaux sociaux) ; le soutien émotionnel (p. ex. écouter, régler les conflits rapidement) ; le soutien instrumental (p. ex. aider dans la réalisation des tâches liées, ou non liées, au travail) ; le soutien informationnel (p. ex. donner des conseils pour aider à diminuer les symptômes anxieux ou dépressifs) ; et la validation (p. ex. normaliser ou dédramatiser les situations).
Conclusion En somme, cette étude dresse un portrait pertinent des différentes pratiques de soutien social des proches et des collègues qui peuvent être mises de l’avant afin de favoriser le fonctionnement des travailleurs présentant des symptômes d’anxiété ou de dépression.
EN:
Anxiety and depression are among the most common mental disorders in the workplace and represent one of the leading causes of disability among workers. Symptoms related to these disorders have important repercussions for workers and organizations, such as a decrease in job satisfaction, as well as various difficulties in functioning at work (e.g., presenteeism, absenteeism). Social support from colleagues and relatives represents a promising lever to support the numerous workers living with symptoms of depression or anxiety.
Objective The aim of this study was to identify the social support practices of relatives and colleagues that are perceived as being beneficial to the work functioning of individuals with anxiety or depressive symptoms.
Method To do this, we conducted semi-structured interviews with workers presenting symptoms of anxiety or depression (n=25) in order to explore their experiences regarding the social support they received. A 6-step thematic analysis was then performed.
Results The results of our research identified 30 social support practices and grouped them into 5 broad functions: friendship (e.g., laughing with colleagues, contacting loved ones through technology or social networks during working hours), emotional support (e.g., listening, resolving conflicts quickly), social support (e.g., sharing experiences with others), instrumental support (e.g., helping with work-related or non-work-related tasks), informational support (e.g., giving advice to help reduce anxiety or depressive symptoms), and validation (e.g., normalizing or de-dramatizing situations).
Conclusion In short, this study provides a relevant portrait of the various social support practices that relatives and colleagues can put forward to promote the functioning of workers presenting symptoms of anxiety or depression.
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La pair-aidance pour soutenir le rétablissement en intervention précoce pour la psychose : enjeux autour de son implantation au Québec et dans la francophonie
Paula Pires de Oliveira Padilha, Geneviève Gagné, Srividya N. Iyer, Esther Thibeault, Mary Anne Levasseur, Hélène Massicotte and Amal Abdel-Baki
pp. 167–206
AbstractFR:
Objectifs Décrire les différents enjeux entourant l’intégration des pairs aidants (PA) et pairs aidants famille (PAF) dans les programmes d’intervention précoce pour la psychose (PIPEP) : leurs rôles, les retombées de leurs interventions pour les patients, les membres de l’entourage et les équipes traitantes, ainsi que les défis et les facilitateurs de ce processus.
Méthode Cet article corédigé avec des PA et PAF présente une description et discussion de l’expérience de l’implantation de la pair-aidance et pair-aidance famille au sein des PIPEP au Québec, mise en perspective par une recension des écrits de la littérature scientifique et de la littérature grise, publiée en français ou en anglais dans les 20 dernières années.
Résultats Huit des 36 articles scientifiques et 2 des 14 publications de la littérature grise retenus portaient spécifiquement sur les PIPEP ; les autres, sur l’intervention en santé mentale. Ces publications mettent en contexte l’expérience illustrée, par les cliniciens, PA et PAF, entre autres, par des vignettes cliniques. Différentes modalités de PA ont démontré un impact positif chez les jeunes présentant un premier épisode psychotique (JPEP) : amélioration de l’estime de soi, de la qualité de vie et du bien-être émotionnel ; elle peut faciliter le processus de réadaptation et réduire les hospitalisations. La PAF permet de réduire la stigmatisation des troubles mentaux, de favoriser l’espoir et le sentiment d’appartenance, d’augmenter la connaissance de la maladie et son traitement et de promouvoir de meilleures stratégies d’adaptation par les membres de l’entourage. Néanmoins, de nombreux défis d’intégration des PA et PAF dans les équipes cliniques ont été identifiés : la planification et le financement de la mise en place des services, la définition de leurs rôles, la formation, la supervision clinique, etc. Ces défis doivent être rapidement identifiés et résolus afin d’optimiser les soins aux JPEP et aux membres de l’entourage. Différentes stratégies ont été proposées pour l’implantation réussie de la pair-aidance dans les PIPEP, qui demeure limitée au Québec et dans la francophonie. Elle nécessite la participation et le soutien de toutes les parties prenantes, notamment les professionnels de la santé, les gestionnaires et les décideurs.
Conclusion La pair-aidance et la pair-aidance famille mettent en valeur l’expérience vécue en tant qu’expertise et reconnaissent l’apport des personnes atteintes de psychose et des membres de l’entourage comme sources de soutien et modèles de rétablissement. Cette perspective s’intègre bien à la philosophie préconisée par les PIPEP. Intervention prometteuse, mise de l’avant par différentes politiques et guides nationaux, elle gagnerait à être rapidement implantée à plus large échelle afin de rattraper le retard d’intégration dans les PIPEP du Québec et de la francophonie. Ceci permettrait d’étudier avec des devis de recherche plus rigoureux et des échantillons plus importants les impacts positifs décrits.
EN:
Objectives To describe the different issues surrounding the integration of peer support workers (PSW) and family peer support workers (FPSW) into early intervention for psychosis services (EIS): their roles, the impacts of these interventions for patients, their families, and treatment teams, as well as the challenges and facilitators of this process.
Method This article, co-authored with PSW and FPSW, presents a description and discussion of the experience of implementing peer support and family peer support in EIS in Québec, supported by a perspective of a review of the scientific and grey literature published in French or English in the last twenty years.
Results Eight of the 36 scientific articles and two of the 14 grey literature publications selected were specific to early intervention for psychosis; the remainder were on mental health intervention. These publications put into context the experience described by clinicians, PSW and FPSW, and illustrated by clinical vignettes. Different modalities of peer support have demonstrated a positive impact on young people with early psychosis: it contributes to the improvement of self-esteem, quality of life, emotional well-being and can facilitate the rehabilitation process and reduce hospitalizations. Family peer support can reduce the stigma surrounding mental health problems, foster hope and a sense of belonging, increase knowledge of the illness and its treatment, and promote better coping strategies by family members. Nevertheless, many challenges have been identified during the integration of peer support and family peer support within clinical teams: planning and funding the implementation of services, defining their roles in EIS, training, clinical supervision, etc. These challenges need to be identified and addressed quickly in order to optimize care for youth and their families. Various strategies have been proposed for the successful implementation of peer support in EIS, which remains limited in Quebec and in the French-speaking world. It requires the participation and support of all stakeholders, including health professionals, managers and decision makers.
Conclusion Peer support and family peer support emphasizes lived experience as expertise, recognizing the contribution of people with psychosis and their families as sources of support and models for recovery. This perspective fits well with the philosophy advocated by EIS. This promising intervention, which has been put forward by various national policies or guides, would benefit from being rapidly implemented on a larger scale in Quebec EIS and in the French-speaking world. This would make it possible to study the positive impacts described for service users and their families with more rigorous research designs and larger samples.