Un tremplin c’est ce dont on se sert pour parvenir à quelque chose. Ce numéro de la revue Santé mentale au Québec (SMQ) va nous y aider. Quand on examine bien l’histoire des soins pour les premiers épisodes psychotiques au Québec, on découvre les premières traces du mouvement dans les années 80 en Abitibi-Témiscamingue à l’Hôpital de Malartic. En effet, à cette époque, l’Hôpital qui était un fervent promoteur de la psychiatrie communautaire avait un programme réservé aux patients qui présentaient un début de psychose ou de schizophrénie. Ce programme fut créé par le psychiatre Carlo Sterlin (Stip, 1988) et incluait des approches psychocorporelles et psychodynamiques, laissant une grande place à l’expression libre verbale et corporelle de la psychose. La philosophie du programme était cependant bien différente de celle qui prévaut désormais dans les programmes présentés par nos collègues australiens et qui ont donné naissance au mouvement international des cliniques pour les premiers épisodes psychotiques. Il est intéressant de constater qu’au sein de la francophonie les programmes basés sur les idées et le pragmatisme de Pat McGorry et coll. (https://www.orygen.org.au/Campus/Expert-Network/Resources/Free/Clinical-Practice/Australian-Clinical-Guidelines-for-Early-Psychosis) se sont bien développés au Québec, en France, en Suisse et en Belgique. Par exemple, en 1988, l’un de mes mentors, Pierre Lalonde, a fondé à Montréal la Clinique Jeunes Adultes offrant traitement et réadaptation à des jeunes en début de schizophrénie ainsi que du soutien et de l’information à leur famille. Plusieurs chercheurs québécois ont pu y puiser des données et des réflexions pour faire avancer leurs recherches portant sur la psychopharmacologie, la génétique, l’identification des besoins de soins, les émotions exprimées, la qualité des soins, la thérapie cognitive, etc. L’approche biopsychosociale bien instaurée dans cette clinique a servi d’inspiration à bon nombre de programmes similaires au Québec. Ainsi au cours des 3 dernières décennies, il est certain qu’il y a eu un intérêt croissant pour le concept d’intervention précoce (IP) dans les troubles psychotiques, notamment la schizophrénie. Plusieurs axes de recherche sous-jacents à ce changement de paradigme ont bien émergé : a) une association souvent bien établie entre la durée de la psychose non traitée et l’évolution ; b) un ensemble de preuves de changements neurobiologiques progressifs au début de la schizophrénie, à la fois dans les phases prépsychotique et psychotique, comme en témoignent les études d’imagerie cérébrale dans la schizophrénie ; c) des données émergentes suggérant l’efficacité d’interventions plus socioéconomiques comme des programmes d’insertion en emploi, de soutien à l’emploi ou au retour aux études pour améliorer la destinée de ces jeunes patients. Les systèmes de services de santé mentale du monde entier, y compris les pays asiatiques, intègrent des programmes d’intervention précoce spécialisés. Ayant fréquenté tout au long de ma carrière des programmes d’intervention précoces en Abibiti, à Montréal, à Vancouver ainsi qu’en Normandie à Caen, j’ai pu être le témoin de nombreux défis que représente la prise en charge des premiers épisodes psychotiques (PEP), peu importe le lieu où l’on se trouve (milieu rural ou urbain, Québec, France, etc.). À ce sujet, on peut découvrir comment les différentes thématiques de ce numéro spécial de SMQ sont pertinentes. Dans les pays du Moyen-Orient, où j’oeuvre actuellement, cela n’est pas encore bien développé et l’on constate quelques initiatives en Afrique. Les systèmes politiques, économiques et la grande diversité des finances et des couvertures de soins conditionnent la possibilité d’implanter de tels programmes à travers le monde. En outre, la place extrêmement présente du stigma dans les cultures du Moyen-Orient comme de l’Asie est à considérer pour ne pas échouer à développer de tels programmes. Si les modèles sont parachutés par l’Occident sans la prise en …
Appendices
Bibliographie
- Assaf, R., Ouellet, J., Bourque, J., Stip, E., Leyton, M., Conrod, P. et Potvin, S. (2021). Neural Alterations of Emotion Processing in Atypical Trajectories of Psychotic-Like Experiences. NPJ Schizophrenia. In Press.
- Bourque, J., Afzali, M.H., O’Leary-Barrett, M. et coll. (2017). Cannabis use and psychotic-like experiences trajectories during early adolescence : the coevolution and potential mediators. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 58, 1360-1369.
- Daneault, J. G. et Stip, E. (2013). Genealogy of instruments for prodrome evaluation of psychosis. Frontiers in psychiatry, 4, 25.
- Orygen. (2016). Australian Clinical Guidelines for Early Psychosis (2nd ed). Orygen, The National Centre of Excellence in Youth Mental Health.
- Stip E. (1988). Entretien avec Carlo Sterlin, Psychose, corps et transition. Santé mentale et psychiatrie communautaire en Abitibi-Témiscamingue. Transitions, 25, 62-68.
- Stip, E., Abdel-Baki, A., Roy, M. A., Bloom, D. et Grignon, S. (2019). Antipsychotiques à Action Prolongée : Révision de l’algorithme QAAPAPLE. The Canadian Journal of Psychiatry, 64(10), 697-707.