Selon la Commission de la santé mentale du Canada en 2011, environ 20 % des Canadiens ont souffert d’au moins un trouble de santé mentale au cours des 12 derniers mois1. Une attention particulière est de mise en ce qui concerne les conduites suicidaires et les troubles liés aux substances psychoactives (TLS) ; bien qu’ils représentent des problématiques distinctes en soi, leur concomitance avec d’autres troubles mentaux exacerbe la morbidité, complique la prise en charge et contribue à la surmortalité. En effet, près de 90 % des individus morts par suicide présentaient un trouble mental ou un TLS2. En outre, spécifiquement au Québec, lors de la dernière enquête sur la santé mentale menée par Statistique Canada en 2012, seulement 58 % des individus ayant un trouble anxio-dépressif ont eu recours à des soins professionnels de santé au cours des 12 derniers mois ; ce taux chute à 21 % pour les individus ayant un TLS3. Cette prévalence non négligeable de troubles mentaux dans notre société actuelle couplée à un recours relativement faible à de l’aide professionnelle remet en question notre dispositif de soins pour cette population vivant une situation de vulnérabilité au Québec. Par le passé, les enquêtes épidémiologiques ou les études cliniques ont apporté un éclairage substantiel à notre compréhension des troubles mentaux, des TLS et des conduites suicidaires. La possibilité relativement récente d’utiliser des banques de données administratives jumelées a été rendue possible par la capacité technologique accrue de l’informatique et des statistiques. Dans le milieu de la santé et des services sociaux, elles s’avèrent un atout afin d’améliorer nos connaissances actuelles sur ces individus vivant une situation de vulnérabilité. Dans les pays scandinaves, les registres nationaux de patients ont permis de mener des études robustes avec des cohortes de dizaines de milliers d’individus4. Au Québec et au Canada, cette méthodologie en est encore à ses débuts dans le domaine de la psychiatrie, de la dépendance et de la prévention du suicide, mais elle comporte plusieurs avantages qui enrichissent déjà nos connaissances. En comparaison avec les enquêtes épidémiologiques et les études cliniques, cette ressource permet, à un coût relativement moindre, de constituer des cohortes de tailles importantes et de concevoir des devis longitudinaux sur une période de temps pouvant s’étendre sur des générations, tout en disposant de données actuelles sur l’ensemble de la population5, 6. Actuellement, au Québec, l’analyse des données médico-administratives recueillies depuis 1996 pour la quasi-totalité de la population couverte par la Régie de l’assurance maladie du Québec permet de comprendre les trajectoires d’utilisation des services à travers le système de santé selon les profils médicaux et sociaux des personnes ayant des problèmes de dépendance ou de santé mentale. Le jumelage des différentes banques de données permet donc d’obtenir un portrait macroscopique qui ne décrit pas seulement l’individu et ses difficultés, mais aussi l’environnement géographique dans lequel il évolue, particulièrement ses composantes socio-économiques. Les résultats émanant de l’exploitation des banques de données médico-administratives permettent donc de déceler les problèmes actuels liés aux soins prodigués ainsi que l’efficacité des politiques gouvernementales implantées. Ainsi, à partir de données empiriques provenant de presque l’ensemble de la population générale, il est possible d’adapter le système de santé pour qu’il soit le plus adéquatement coordonné aux besoins des individus vivant avec une dépendance ou un trouble mental. Un tel système permettra donc ultimement d’améliorer la santé des populations vulnérables. À l’heure actuelle, au Québec et au Canada, l’exploitation des grandes banques de données administratives jumelées est gérée, entre autres, par l’Institut national de santé publique du Québec et l’Agence de santé …
Appendices
Bibliographie
- 1. Commission de la santé mentale du Canada. (2011). La nécessité d’investir dans la santé mentale au Canada. Alberta, Canada : Commission de la santé mentale du Canada.
- 2. Arsenault-Lapierre, G., Kim, C. et Turecki, G. (2004). Psychiatric diagnoses in 3275 suicides : A meta-analysis. BMC Psychiatry, 4(1), 37.
- 3. Baraldi, R., Joubert, K. et Bordeleau, M. (2015). Portrait statistique de la santé mentale des Québécois. Résultats de l’enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – santé mentale 2012. (pp. 1-135). Québec : Institut de la statistique du Québec.
- 4. Runeson, B., Haglund, A., Lichtenstein, P. et Tidemalm, D. (2016). Suicide risk after nonfatal self-harm : A national cohort study, 2000-2008. J Clin Psychiatry, 77(2), 240-246.
- 5. Kisely, S. (2017). On adjusting for life’s confounding : Harnessing big data to answer big problems. Can J Psychiatry, 62(3), 182-185.
- 6. Kisely, S., Lin, E., Lesage, A., Gilbert, C., Smith, M., Campbell, L. A. et Vasiliadis, H.-M. (2009). Use of administrative data for the surveillance of mental disorders in 5 provinces. The Can J Psychiatry, 54(8), 571-575.