Volume 43, Number 2, Fall 2018 Les banques de données médico-administratives Guest-edited by Christophe Huỳnh, Alain Lesage and Sylvanne Daniels
Table of contents (10 articles)
Éditorial
Numéro thématique
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Présentation
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Utilisation et enjeux des données clinico-administratives dans le domaine de la santé mentale et de la dépendance
Marie-Josée Fleury, André Delorme, Mike Benigeri and Alain Vanasse
pp. 21–38
AbstractFR:
Les banques de données clinico-administratives sont des outils clés pour la prise de décision publique en santé. Pour soutenir la gestion des services, plusieurs banques sont disponibles s’intéressant aux besoins des populations et aux ressources disponibles, tout en intégrant des indicateurs de performance. Depuis les années 2000, des efforts considérables ont été menés afin de consolider les données et développer des outils visant à mieux surveiller l’état de santé des populations ou la performance du système sociosanitaire. Dans le cadre du congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), qui s’est tenu à l’Université McGill en 2017, un colloque a été organisé pour débattre de leur exploitation en santé mentale et en dépendance. Le colloque a intégré une discussion d’experts qui se sont entretenus afin d’identifier les principales banques clinico-administratives, l’ampleur de leur utilisation, leurs limites et les solutions à développer pour les optimiser afin de mieux soutenir la gestion des services. Cet article vise à résumer le contenu de ces discussions. Bien que les banques comportent des forces importantes, dont un potentiel élevé de généralisation de l’information, elles présentent des limites se rapportant surtout à leur capacité à répondre aux besoins, à des enjeux de qualité et de validation, ainsi que d’accessibilité. Diverses recommandations ont été émises pour améliorer leur gestion et optimiser leur impact, dont leur conservation et traitement dans un organisme autonome et hautement accessible, et un changement sociétal de culture favorisant l’évaluation de la performance afin d’améliorer les pratiques et de mieux monitorer les résultats de santé.
EN:
Clinical-administrative databanks are a key tool in support of public health decision-making. A number of databanks are available relevant to population needs, resources available, as well as performance indicators. Since the 2000s, considerable efforts have been dedicated to the consolidation of findings and development of tools aimed at improving surveillance with respect to the health status of populations and performance of the social and healthcare system. At the annual congress of the Association francophone pour le savoir (ACFAS), held in 2017 at McGill University, a seminar was organized on the utilization of databanks in mental health and in addiction. This seminar featured an expert discussion on subjects related to: identification of the principal clinical-administrative databanks, the extent of their use, their limitations, and solutions aimed at optimizing the development of databanks to better support the management of services. This article summarizes the content of this seminar. While databanks entail important strengths, including great potential for the generalization of information, they also present limitations regarding their capacity to respond to needs, quality and validation issues, as well as accessibility. Various recommendations were proposed to improve the management of databanks and optimize their impact, including their centralization in a single, and highly accessible autonomous organism, and societal and cultural change favoring performance evaluation in the interest of improving practices and better monitoring health results.
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Définir les troubles liés aux substances psychoactives à partir de données administratives
Christophe Huỳnh, Louis Rochette, Éric Pelletier and Alain Lesage
pp. 39–64
AbstractFR:
Les troubles liés aux substances psychoactives (TLS) sont associés à de nombreux problèmes sociosanitaires requérant divers services adaptés. Dans le but de déterminer la prévalence des TLS et leurs impacts sur l’utilisation des services dans le système de santé québécois, le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec développe actuellement des indicateurs permettant d’identifier les individus traités dans la province pour un TLS. Ces indicateurs serviront à étudier les caractéristiques des individus ayant un TLS, à évaluer l’excès de mortalité et les complications qui en résultent, à explorer l’impact des politiques ministérielles et à adapter l’offre de services en fonction de l’évolution temporelle des TLS. Or, la création de ces indicateurs se heurte à plusieurs défis. La Classification internationale des maladies est en décalage avec les connaissances et les réalités actuelles, ce qui ne permet pas de bien identifier les substances consommées par les individus en se basant sur les codes diagnostiques. Aussi, les TLS ne sont pas toujours explicitement nommés, mais implicitement évoqués par le biais d’autres diagnostics, notamment dans le cas de maladies physiques ou d’intoxications. De plus, la présence du bon code diagnostique dépend d’aspects administratifs. Cet article méthodologique présente les étapes et les réflexions qui ont mené au développement des indicateurs permettant d’identifier les individus ayant un TLS à partir de banques de données administratives.
EN:
Introduction Epidemiogical surveys in the general population can provide relevant information on substance use and substance-related disorders (SRD). However, because of time and resource constraints, this data is limited in its scope. Health administrative databanks consist of routinely collected data covering a large sample size, often representative of the general population. They allow for further longitudinal analyses of comorbidities patterns and health services utilization over decades in individuals with SRD. Developing algorithms to identify these individuals is crucial before being able to tap into these databanks.
Objective To present and to reflect on the methodological process leading to the creation of SRD case definitions in administrative health databanks.
Methods The Quebec Integrated Chronic Disease Surveillance System (QICDSS) contains five linked administrative health databanks that are updated annually and covers over 98% of the general population. Codes from the 9th and 10th revisions of the International Classification of Diseases (ICD-9 and ICD-10) were used to define individuals who have a SRD, according to diagnoses made by a physician. First, all ICD codes that could potentially define a SRD were identified through a literature review. Second, relevant codes were selected. Third, case definition algorithms were created by grouping codes that describe a similar concept. These three steps were performed by comparing our codes with previous propositions from other teams, and through group discussions with a committee of experts (one psychiatrist, two general practitioners, one emergency doctor, and two researchers).
Results Relevant ICD codes were found in specific chapters on SRD, but also in different sections concerning physical diseases that are induced by substance use or concerning poisoning and intoxication. In total, 89 ICD-9 codes and 197 ICD-10 codes were identified. From this list, codes that were almost never used in the QICDSS, codes that were almost never reported by other research teams, codes that were not specific to substance use, and codes related to tobacco use were all excluded. Codes were first categorized if they were related to alcohol or to another substance. No distinction could be made according to a specific substance, mainly because of imprecision surrounding ICD-9 coding. From this retained list, six case definitions were created: 1) alcohol use disorders (i.e. abuse or dependence); 2) drug use disorders; 3) alcohol induced disorders (i.e. withdrawal, induced psychotic disorders and other mental disorders, physical diseases 100% attributable to alcohol); 4) drug induced disorders; 5) alcohol intoxication; 6) drug intoxication.
Discussion and conclusion Although unanimous consensus by the expert committee had to be obtained during code selection and grouping to create these case definitions for SRD, further validation needs to be conducted to determine if these algorithms identify appropriately individuals with SRD. Once tested in other databanks using the ICD system, these case definitions can be used to perform analyses concerning prevalence and incidence, comorbidities patterns and health services utilization to obtain a more complete picture of SRD.
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Estimation de la prévalence et du taux d’incidence du trouble du spectre de l’autisme (TSA). Comparaison interprovinciale
Fatoumata Binta Diallo, Éric Pelletier, Helen-Maria Vasiliadis, Louis Rochette, Elizabeth Lin, Mark Smith, Donald Langille, Angus Thompspon, Manon Noiseux, Alain Vanasse, Danielle St-Laurent, Steven Kisely, Éric Fombonne and Alain Lesage
pp. 65–81
AbstractFR:
L’objectif de cet article est d’estimer la prévalence et le taux d’incidence du trouble du spectre de l’autisme (TSA) diagnostiqué chez les enfants et les adolescents à partir de données médico-administratives jumelées de quatre provinces canadiennes. Un objectif secondaire est de comparer les résultats obtenus afin d’établir si les fichiers administratifs peuvent servir de système d’information pour la surveillance du TSA au Canada.
Les estimations ont été produites à partir des données provenant des provinces du Manitoba, de l’Ontario, du Québec et de la Nouvelle-Écosse. La population à l’étude est composée de tous les résidents âgés de 24 ans et moins admissibles au régime d’assurance maladie en vertu de la loi provinciale entre 1999 à 2012. Pour être considéré comme ayant un TSA, l’individu devra avoir eu au moins une visite médicale ou une hospitalisation avec un diagnostic principal de TSA (codes 299 de la CIM-9 ou leurs équivalents CIM-10-CA). La prévalence annuelle et le taux d’incidence sont mesurés pour la période allant de 1999-2000 à 2011-2012, et présentés selon le sexe et par groupes d’âge.
La prévalence du TSA entre 1999 et 2012 a connu une forte progression dans toutes les provinces et pour tous les groupes d’âge. Le taux d’incidence a suivi la même tendance d’accroissement dans le temps. La prévalence et le taux d’incidence du TSA n’ont pas augmenté de façon similaire dans toutes les provinces du Canada. L’Ontario semble afficher les plus fortes proportions, suivi de la Nouvelle-Écosse.
Nos résultats permettent non seulement de dresser un portrait du TSA dans quatre provinces canadiennes, mais soulèvent aussi de nombreuses pistes pour de futures recherches. Cette étude discute également de l’utilité, de la fiabilité et du potentiel des fichiers médico-administratifs en matière de recherche.
EN:
Objective The prevalence of diagnosed autism spectrum disorders (ASD) has risen steadily over time. There is therefore a need for the monitoring of treated ASD for timely policy making. The objective of this study is to report and compare over a 10-year period the prevalence and incidence rate of diagnosed ASD in four Canadian provinces.
Methods This study utilized data from the provinces of Manitoba, Ontario, Quebec and Nova Scotia with access to linked administrative database sources used in the Canadian Chronic Diseases Surveillance Systems to assess the prevalence and incidence rate of a physician diagnosis of ASD. Estimates were produced using health datasets for outpatient and inpatient care (Med-Echo in Quebec, the Canadian Institute of Health Information Discharge Abstract Database in the three other provinces, plus the Ontario Mental Health Reporting System). Dates of service, diagnosis, and physician specialty were extracted. The target population consisted of all residents aged 24 and under eligible for healthcare coverage under provincial law between 1999 and 2012. To be considered as having ASD, an individual had to have at least one physician claim or hospital discharge abstract indicating one of the following: ICD-9 codes 299.0 to 299.9 or their ICD-10 equivalents, F84.0 to F84.9. The estimates were presented in yearly brackets between 1999-2000 and 2011-2012 by sex and age groups. The main analyses focused on those aged 17 years or less, with the 18 to 24 years group added to show the subsequent progression of the disorder.
Results Our findings show that the annual prevalence of ASD rose steadily between 1999 and 2012 in all provinces and for all age groups although this increase varied across Canadian provinces. There were higher annual prevalence estimates in Ontario (4.8 per 1,000) and Nova Scotia (4.2 per 1,000) compared to Quebec (3.0 per 1,000) and Manitoba (2.5 per 1,000), among persons aged 17 years and younger in 2011. As compared to 1999, Quebec and Ontario reported a fivefold and fourfold increase in 2010-2012, the highest among provinces. The prevalence was four times higher in boys than in girls. By age group, the highest prevalence was observed in those aged between 1 to 4 and 5 to 9 years depending on the province. ASD was generally diagnosed before age 10. Incident cases were more frequently diagnosed by pediatricians followed by either psychiatrists or general practitioners depending on the province.
Conclusion Our research confirms that ASD has risen steadily in terms of prevalence and incidence rate and that it varies considerably across provinces. It also demonstrates that health administrative databases can be used as registers for ASD. Information derived from these databases could support and monitor development of improved coordination and shared care to meet the continuous and changing needs of patients and families over time. Implication for future research include exploring the etiology of ASD in more recent cohorts as well as investigating the association between variations in health service availability and the prevalence of ASD.
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Caractérisation des premiers épisodes de schizophrénie à partir de bases de données administratives de santé jumelées
Mélissa Beaudoin, Stéphane Potvin, Laura Dellazizzo, Maëlle Surprenant, Alain Lesage, Alain Vanasse, André Ngamini-Ngui and Alexandre Dumais
pp. 83–105
AbstractFR:
Il est fréquent de voir émerger des symptômes avant que le diagnostic de schizophrénie (SCZ) soit posé. Ceux-ci sont cependant peu spécifiques (p. ex. anxiété, symptômes dépressifs). Malgré plusieurs études sur le sujet, il n’y a toujours pas de consensus sur les symptômes qui précèdent la psychose. Cette étude vise à évaluer les présentations cliniques survenant avant le diagnostic de SCZ en fonction de l’âge et du sexe au Québec à l’aide de données administratives (RAMQ, MED-ÉCHO). 24 883 hommes et femmes âgés de plus de 18 ans ayant reçu un diagnostic de premier épisode de schizophrénie entre 2004 et 2007 ont été analysés. Les différents diagnostics antérieurs, par sexe et âge, sont rapportés en fréquence cumulée. L’analyse montre que la majorité de l’échantillon était composé d’hommes (53 %) et de patients âgés de 30 à 54 ans (45 %). En ajustant selon la distribution de l’âge dans la population, l’incidence est plus élevée entre 18 et 29 ans chez les hommes et au-delà de 55 ans chez les femmes. Dans la moitié des cas, la schizophrénie est diagnostiquée après l’âge de 29 ans. Les patients n’ayant aucun antécédent prémorbide de troubles mentaux représentaient 65 % de l’échantillon. 35 % des personnes avaient un antécédent, soit, plus fréquemment (en ordre décroissant), la psychose maniaque dépressive, le trouble dépressif, les troubles liés à l’usage de substances et les troubles anxieux. Les observations de cette étude, démontrant des différences entre les caractéristiques sociodémographiques et les antécédents psychiatriques, offrent des avenues pour le dépistage de nouveaux cas pour les programmes d’intervention précoce, notamment de ne pas limiter ces programmes aux personnes de moins de 30 ans.
EN:
Schizophrenia (SCZ) is a severe chronic disease associated with significant functional impairments. Prior to a diagnosis of SCZ, some nonspecific symptoms may occur (i.e., anxiety, insomnia, depressive symptoms) and may progress into psychosis. While these may be attenuated or not of sufficient severity for psychosis, many will seek help for these symptoms. Understanding the predictors of SCZ remains a considerable challenge for clinicians. Thus, several studies have been conducted to explain the different premorbid trajectories of psychosis. Though, no consensus has been established on the prediagnostic characteristics of patients with SCZ and remains a matter of debate, especially for women and older patients. Hence, our study aims to clarify the psychiatric characteristics of patients from Quebec preceding their first episode of SCZ and address the influence of age and sex. To do so, we used administrative databases from the RAMQ (Physician billings) and MED-ÉCHO (hospital registry in Quebec) between January 1996 and December 2006; 98% of about 7.5 millions of inhabitants are registered with the universal health plan. It recorded 24,883 men and women over the age of 18 diagnosed with a first episode of SCZ between the years 2004 and 2007. Different psychiatric antecedents by groups of age and sex are reported by cumulative frequency. The sample comprised of 53% men. Approximately, 50% and 36% were diagnosed with SCZ by psychiatrists and family physicians respectively. Patients aged from 30 to 54 represented most of the sample; over half of men and women were first diagnosed after 30 years old. Those with no antecedents accounted for 65% of the sample, while overall 35% had at least one ICD-9 diagnosis, specifically and in descending order manic depressive psychosis, depressive disorder, and drug use disorder. In women under 30, anxiety, depressive disorder and adjustment disorder were more frequent. Whereas amongst men under 30, substance use disorder was the most common antecedent, followed by anxiety. Considering the total population coverage, these findings are interesting as they draw a representative global portrait of the population with SCZ before their diagnosis according to their age group and sex. This project recalls the importance of examining the first psychotic episodes to possibly intervene early in the course of the disease by addressing depressive disorders, anxiety disorders and substance use.
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Utilisation des bases de données médico-administratives du Québec pour des études en santé mentale : opportunités, défis méthodologiques et limites – cas de la dépression chez les personnes diabétiques
Carlotta Lunghi, Arsène Zongo and Line Guénette
pp. 107–126
AbstractFR:
L’utilisation des bases de données médico-administratives pour les études sur des questions de santé mentale est très fréquente compte tenu du grand nombre de personnes représentées dans ces bases de données et aussi du fait qu’elles portent sur plusieurs années. Plusieurs défis, liés par exemple à l’identification des personnes ayant une maladie d’intérêt ou exposées à un facteur de risque, sont à surmonter à travers des études de validation pour garantir une utilisation optimale de ces ressources. Par ailleurs, des limites (absence de certaines informations pertinentes) et la couverture d’une seule partie de la population par le régime public d’assurance médicaments du Québec sont à considérer dans l’interprétation et la généralisation des résultats des recherches à partir de ces bases de données.
Dans cet article, nous avons réalisé un survol de l’utilisation des bases de données médico-administratives pour des études épidémiologiques, en utilisant comme exemple le cas spécifique de la dépression. Nous avons en particulier utilisé ces bases de données pour déterminer l’incidence de la dépression parmi les personnes diabétiques du Québec. Cela a nécessité l’utilisation d’un algorithme préalablement validé (dans une autre province) que nous avons modifié pour définir et identifier les cas de dépression dans les bases de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Nous avons observé une incidence de dépression de 9,47/1000 personnes-années sur un suivi de 8 ans. Enfin, nous avons évalué l’impact de la dépression sur l’adhésion et la persistance aux traitements antidiabétiques ainsi que les facteurs qui affectent l’utilisation des médicaments par ces patients. Nos résultats suggèrent que la dépression a un impact négatif sur l’utilisation des médicaments antidiabétiques et permettent d’identifier des pistes de solution.
EN:
The use of medico-administrative databases for studies on mental health issues is very common because of the large number of people in these databases and the possibility to carry out long-term studies. Several challenges, such as identifying people with a disease of interest or being exposed to a risk factor, have to be overcome through validation studies to ensure an optimal use of these resources. Moreover, limits (lack of certain relevant information) and the coverage of about 40% of Quebec’s population by the public drug plan are to be considered in the interpretation and generalization of research results based on these data sources.
In the specific case of depression, we used these databases to determine the incidence of depression among diabetic individuals in Quebec. This required the use of a previously validated algorithm (validated in another province) that we modified to define and identify the cases of depression in the RAMQ databases. We observed an incidence of depression of 9.47 persons years over a follow-up of 8 years. Finally, we assessed the impact of depression on adherence and persistence with antidiabetic drugs as well as the factors that affect patients’ use of these drugs. Our results suggest that depression has a negative impact on the use of antidiabetic drugs and allow the identification of possible solutions.
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Utilisation de l’urgence au Québec des patients avec des troubles mentaux incluant les troubles liés aux substances psychoactives
Marie-Josée Fleury, Marilyn Fortin, Louis Rochette, Guy Grenier, Christophe Huỳnh, Éric Pelletier, Alain Lesage and Helen-Maria Vasiliadis
pp. 127–152
AbstractFR:
L’urgence joue un rôle de baromètre de la qualité du système de santé. Basée sur le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), une cohorte de patients avec troubles mentaux (TM) incluant les troubles liés aux substances psychoactives (TLS) est décrite quant à son utilisation de l’urgence, de l’hospitalisation, incluant sa durée, et les raisons de l’utilisation de ces services en 2014-15, selon le sexe, l’âge, et la zone d’habitation, et certains résultats comparés aux patients sans TM et à ceux d’une cohorte de 2000-01. De la population québécoise, 12 % (865 255) avaient présenté des TM, et de ceux-ci 39 % visité l’urgence en 2014-15, une diminution de 6 % depuis 2000-01. Environ deux fois plus de patients avec TM que sans TM ont visité les urgences et ont été hospitalisés. Près de 17 % des patients étaient de grands ou très grands utilisateurs (>4 visites/an) de l’urgence, et 34 % avaient été hospitalisés. L’urgence était davantage utilisée par les plus de 65 ans et en milieux ruraux. Pour les TM exclusivement (sans les TLS), 68 % des visites étaient reliées aux patients avec des troubles anxio-dépressifs ; pour un TLS exclusivement, 51 % à l’alcool. Les maladies physiques étaient la principale raison des visites à l’urgence et d’hospitalisation, mais plus les patients présentaient des TM sévères et visitaient fréquemment les urgences, plus les visites étaient reliées aux TM. Cette étude relève l’importance de l’utilisation de l’urgence et de l’hospitalisation des patients avec des TM, exposant ainsi l’intérêt d’améliorer l’accès et la continuité des services pour ces patients.
EN:
Objectives This study investigated emergency department (ED) use, reasons for emergency visits, hospitalization rates, and duration of hospitalization in 2014-15 for a cohort of patients with mental disorders (MDs) including substance use disorders (SUDs), regarding sex, age and residential areas. Results were compared with data from patients without MDs for 2014-15, and with another cohort from 2000-01, which marked the beginning of primary care reform in Quebec and elsewhere, with the aim of measuring ED use over time.
Methods Based on data from the Quebec Integrated Chronic Disease Surveillance System (QICDSS), participants included patients age 12 and over, diagnosed with at least one MD (or SUD) during an ED visit, hospitalization, or outpatient consultation in 2014-15 and 2000-01. Frequency distributions for ED visits and hospitalizations were produced, as well as for MDs or SUDs exclusively, or for co-occurring MDs-SUDs, and among high or very high ED users (4 to 11 visits/year, ≥12 visits/year), by gender, age (12-17, 18-24, 25-44, 45-64, and 65 and over) and residential area (Montreal, urban areas:>100,000, semi-urban areas: <100,000, and rural areas: <10,000). The age-standardized method based on the age structure of the 2014-15 population was used to compare data from 2014-15 to 2000-01. Frequency distributions for patients with and without MDs, and on ED and hospitalization rates were also produced for 2014-15.
Results For the Quebec population, 12% had MDs including SUDs, of whom 39% had visited an ED, a decrease of 6% since 2000-01. Approximately twice as many patients with MDs had ED visits or hospitalizations, compared to patients without MDs. Nearly 17% of patients were high or very high ED users; and 34% were hospitalized. ED use was higher among patients 65 years and older, and those living in rural areas. Sixty-eight percent of ED visits for MDs exclusively were made by patients affected by anxiety-depression; whereas 51% of visits for SUDs exclusively were alcohol-related. Physical illnesses were the main reason for ED visits and hospitalizations; yet patients with severe MDs, co-occurring MDs and SUDs as well as those with more frequent ED visits tended to use EDs more for MD reasons.
Conclusion This study demonstrated a very high volume of ED visits and hospitalizations among patients with MDs, including SUDs, compared to patients without MDs. Co-occurring disorders, especially physical conditions and multiple and severe MDs, contributed to frequent ED use and hospitalizations. Better care management, including more comprehensive personal care, for patients with MDs including SUDs and co-occurring disorders is needed, as well as the deployment of strategies that provide integrated mental health and medical care, particularly in Montreal where ED use by patients with predominantly severe and co-occurring MDs and physical illnesses, is more frequent.
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Consultations médicales et types de services de santé utilisés dans les deux années précédant le suicide auprès des Québécois diagnostiqués avec et sans troubles mentaux et troubles avec utilisation de substances
Helen-Maria Vasiliadis, Catherine Lamoureux-Lamarche, Louis Rochette, Pascale Levesque, Éric Pelletier and Alain Lesage
pp. 153–173
AbstractFR:
Les objectifs de cette étude étaient de décrire l’utilisation des services de santé auprès des personnes décédées par suicide au Québec, diagnostiquées ou non avec troubles mentaux (TM) et dépendances (D) (TM/D), répertoriées dans les bases de données administratives (BDA), et un groupe témoin de Québécois vivants diagnostiqués avec un TM/D. Les données proviennent du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), qui jumelle les bases de données des services médicaux rémunérés à l’acte et d’hospitalisations. La population source est composée de Québécois âgés de 15 ans et plus assurés entre le 1er avril 1996 et le 31 mars 2013 par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Les résultats montrent que les cas de suicide avec et sans TM/D avaient moins tendance à consulter (oui/non) dans l’année qui précède le décès et avaient moins tendance à être de grands utilisateurs de services de santé (c’est-à-dire au moins 4 visites) que le groupe témoin des personnes vivantes. Les cas de suicide sans TM/D diagnostiqués avaient plus tendance à se rendre uniquement à l’urgence. Le groupe de personnes décédées par suicide avec TM/D avait plus tendance à consulter en ambulatoire et à l’urgence que les deux autres groupes. Le groupe témoin des personnes vivantes avec un TM/D était plus enclin à consulter en ambulatoire seulement. Des études futures devraient se focaliser sur des analyses multivariées afin de comparer les profils d’utilisation des services de santé et les raisons de consultations des cas de suicide et les personnes vivantes avec différents TM/D.
EN:
Objectives Population based studies on linked health administrative databases (HADBs) characterizing those who die by suicide and their use of health services are rare. The objectives of this study were to describe the use of health services among people who died by suicide in Quebec, with and without previously receiving a mental disorder (MD) and dependencies (D) (MD/D) diagnosis, and (2) living Quebecers diagnosed with MD/D.
Methods This study is based on an analysis of data from the Integrated Chronic Disease Surveillance System of Quebec (SISMACQ), which combines databases on outpatient medical and emergency services and hospitalizations. The population of the study consists of Quebecers aged 15 years and over and insured between April 1, 1996 and March 31, 2013 under the Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). For the purposes of this study, the 7 years preceding suicide were examined in the HADBDS for the three following cohort groups: (i) cases of suicide with a diagnosed MD/D in the 7 years preceding the date of death; (ii) cases of suicide without a MD/D diagnosis in the 7 years preceding the date of death; and (iii) a control group of living persons at the time of death of the suicide case (5 controls, 1 case) with a MD/D diagnosis within 7 years matched by region, sex and age group of the case.
Results The results show that cases of suicide without a MD/D (about 25% of suicide cases) were less likely to have consulted than those with a MD/D. Suicide cases with and without a MD/D were less likely to be heavy users of ambulatory health services (≥ 4 visits) than matched living controls. They were also more likely to consult for a physical disorder alone and less likely to consult for mental health reasons. Compared to cases of suicide with a MD/D, suicide cases without MD/D were less likely to be hospitalized and more likely to have visited only an emergency room. Suicide cases diagnosed with a MD/D were more likely to be hospitalized and use emergency services alone than the other two groups. Matched living controls with a MD/D were more likely to use outpatient services alone.
Conclusions These results should be compared with those emerging from systematic suicide case audits. These show a prevalence of mental disorders of 90%, especially depression, personality disorders and substance use disorders. They also show deficits in the recognition and treatment of mental disorders, which would correspond to the 25% of cases of suicide in the HADBs not diagnosed in the last 7 years. Future studies should include multivariate analyses to better elucidate health service use trajectories and patient vulnerability profiles.
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A Registry Based Approach to Suicide Research: Opportunities and Limitations in the Norwegian Population Representative Registries
Kim Stene-Larsen, Lars Johan Hauge, Carine Øien-Ødegaard and Anne Reneflot
pp. 175–187
AbstractEN:
Together with the other Nordic countries, Norway stands in a unique position internationally with its large population representative registries. By means of unique personal identification numbers assigned to all Norwegian citizens, as well as to immigrants who stay for more than 6 months, it is possible to construct individual record linkages covering an increasing number of years across different national registries. The Norwegian registries include, among others, information from the primary and specialist health care services, the prescription of drugs, and causes of death. In addition, they include sociodemographic information like year of birth, gender, immigration status, educational attainment, marital status, and the use of various social benefits. Norway is one of very few countries that have a nationwide registry on primary health care use. This registry gives the opportunity to explore the role of the primary health care services prior to suicide and in the follow-up of the suicide bereaved, which has been pointed out as one of the most promising areas for future suicide prevention. Linkages of Norwegian registries opens up new approaches in analyses and the possibility to explore a range of novel research themes, such as treatment trajectories and patterns of health care use prior to suicide and among the suicide bereaved.
In this paper, we give a description of the Norwegian population representative registries applicable for suicide research. We discuss the analytic opportunities as well as the challenges and obstacles of a registry based research approach to suicide.
The main strength of registry-based research on suicide is the ability to maintain data on the total population, the possibility to study small sub-populations or low-prevalent events, virtually continuous timelines in longitudinal data, few or no non-response or other missing data, no sample attrition, and the possibility of gaining access to large amounts of various health and sociodemographic information. In addition registry-based research allows investigation of hard-to-reach populations, such as groups of individuals with severe mental disorders or immigrants that traditionally have been difficult to recruit for participation in research projects.
The opportunities presented in the article could motivate to do similar research in Canada and even inspire for cooperation between Norwegian and Canadian researchers on registry based research on suicide. In our opinion, registry-based research on suicide will play an increasingly important role in suicide research in the years to come.
FR:
La Norvège, à l’instar des autres pays scandinaves, occupe une position internationale unique avec ses grands registres populationnels. Grâce à un numéro d’identification personnel attribué à chaque citoyen norvégien, de même qu’à tout immigrant depuis plus de six mois, il est possible de créer des dossiers individuels par le jumelage des différents registres nationaux, et couvrant un nombre toujours croissant d’années. Les registres norvégiens livrent, entre autres, de l’information sur les services des médecins de famille et des médecins spécialistes, la prescription de médicaments et les causes de décès. De plus, ils incluent des données sociodémographiques comme l’année de naissance, le genre, le statut d’immigration, le niveau de scolarité, le statut matrimonial et les avantages sociaux.
Cet article décrit d’abord ces registres populationnels en rapport avec la recherche sur le suicide. Il présente ensuite les différentes opportunités d’analyses de même que les défis et obstacles de la recherche sur le suicide basés sur de tels registres populationnels. Dans le cadre d’un programme de recherche en cours à l’Institut norvégien de santé publique, nous avons jumelé les données de cinq registres nationaux différents pour étudier l’utilisation des services de santé de première ligne en rapport avec le suicide. Les services médicaux de première ligne étant les services de santé les plus accessibles, les médecins de famille pourraient jouer un rôle important dans la prévention du suicide. Même si de nombreuses études internationales ont examiné les contacts avec les médecins de famille avant le suicide, plusieurs questions de recherche demeurent. Nos travaux poursuivent deux lignes de recherche. Premièrement, nous examinons l’étendue et les causes des contacts avec les services de première ligne avant le décès par suicide dans la population norvégienne. Deuxièmement, nous nous concentrons sur les endeuillés suite à un suicide, et leurs contacts avec les médecins de famille, avant et après le décès de leur proche. Nous examinons, par exemple, comment ces contacts avec les services varient selon les caractéristiques sociodémographiques des endeuillés et de leur proche décédé par suicide.
La grande force de la recherche sur le suicide basée sur des registres populationnels est la quantité et la richesse des données qui autorisent l’exploration de thèmes qu’il n’était pas possible de réaliser avec des modèles plus traditionnels. Les opportunités ici décrites pourraient intéresser la recherche sur le suicide au Canada, et même inspirer une coopération entre les chercheurs norvégiens et canadiens pour une telle recherche basée sur les registres populationnels. À notre avis, la recherche sur le suicide avec les registres populationnels est appelée à jouer un rôle croissant dans les prochaines années.