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Introduction

L’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans[1] a été développée au moment de la mise en place des guichets d’accès en santé mentale découlant du Plan d’action en santé mentale 2005-2010 – La force des liens (PASM) (MSSS, 2005). Elle devient un instrument incontournable dans le contexte actuel où une réorganisation majeure touche l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Le secteur de la santé mentale n’y échappe pas. L’ère est à l’efficacité et l’efficience qui passent par l’opérationnalisation des actes et l’uniformisation des pratiques cliniques, au profit des usagers, de leur sécurité et de l’accessibilité aux services dont ils ont besoin.

Cette échelle de triage transpose en pondération l’ensemble des informations recueillies directement auprès de l’usager et celles d’instruments valides utilisés en clinique, dans le but de trier les demandes de services en santé mentale. Les critères spécifiques et uniformes assurent une mise en priorité équitable pour tous les usagers. L’instrument a été développé de concert avec les intervenants des équipes multidisciplinaires, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux et éducateurs spécialisés, du réseau de la santé et des services sociaux de la région de Québec.

La première partie de cet écrit présente toute la méthodologie du développement et de la validation de la première version conçue pour une clientèle consultant en santé mentale jeunesse et la seconde partie présente la continuité du processus de validation incluant l’adaptation de l’instrument pour une clientèle consultant en santé mentale adulte.

Validation d’une première version

L’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse

La première version de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse (Boucher, 2009) a été développée, validée et diffusée lors de la mise en place des guichets d’accès en santé mentale des jeunes dans la région de Québec. L’étude de validation a été soutenue par l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale.

Tel qu’il avait été déterminé dans le PASM, les équipes de guichet d’accès avaient pour mandat d’effectuer des évaluations de demande de service en santé mentale dans le but notamment, de diriger les usagers vers les services les plus adaptés à leurs besoins, et ce, dans une perspective de « hiérarchisation des services qui vise à offrir le bon service, à la bonne personne, par le bon intervenant, au bon moment, pour la bonne durée et au bon endroit » (MSSS, 2005). Au départ, les équipes multidisciplinaires constituées d’infirmières, de psychologues, de travailleurs sociaux, de coordonnateurs cliniques des programmes Famille-Enfance-Jeunesse et de médecins généralistes se réunissaient toutes les semaines pour déterminer les services les mieux adaptés aux besoins des usagers. En plus de mobiliser toute l’équipe multidisciplinaire, cette tâche d’évaluation et d’orientation s’est avérée complexe en raison de la nature des problèmes en santé mentale. Les mesures validées existantes étaient laborieuses à administrer et elles n’étaient pas conçues pour répondre aux besoins des guichets d’accès qui devaient faire leur tâche dans de courts délais. Une mesure quantitative validée, rapide à administrer et correspondant à des critères objectifs, assurant un traitement équitable des demandes des services d’un guichet à l’autre était souhaitable.

Dans son rapport, La Table des partenaires en santé mentale de l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) recommandait le développement d’instruments valides : d’évaluation/orientation, de mise en priorité selon l’intensité des symptômes, voire de communication réseau à l’usage, principalement, des professionnels (agent de liaison) des guichets d’accès aux services de santé mentale (Laurendeau, Vrakas & Labadie, 2007). L’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse a été proposée pour répondre à cette recommandation. De manière plus spécifique, l’instrument pondéré établit la priorité, fournit des balises d’orientation et agit comme instrument de synthèse de communication sur les éléments cliniques essentiels d’une demande de consultation en santé mentale.

L’objectif de l’étude fut de produire, en étroite collaboration avec le milieu susceptible de l’utiliser, un instrument de mesure quantitatif simple et objectif pour assurer un traitement équitable et sécuritaire des demandes de services venant soutenir les décisions de triage au guichet d’accès en santé mentale des jeunes. L’étude a permis de s’assurer de la validité du contenu, de la convergence de l’instrument avec d’autres instruments similaires ainsi qu’avec le jugement des professionnels, et d’en mesurer la fidélité interjuges.

Méthode

La recension de la littérature a porté sur les approches utilisées pour développer des instruments de triage dans le domaine de la santé physique et de la santé mentale, ainsi que sur des instruments déjà existants. Deux études portant sur des listes de critères de priorité en santé mentale des jeunes (Smith & Hadorn, 2002 ; Kaltiala-Heino etal., 2007) ont été retenues.

En partant de cette recension, le contenu de l’instrument a été élaboré et validé par un groupe de discussion de 7 participants recrutés parmi les professionnels de 4 guichets d’accès en santé mentale des jeunes, en respectant la représentativité des différentes professions concernées (infirmière, travailleur social, éducateur spécialisé et psychologue).

Dans la littérature et la pratique clinique, la priorité d’une demande de service est établie selon l’urgence d’intervenir et la gravité de la problématique. Dans cette échelle de triage, l’urgence est captée par des critères liés aux risques mettant la vie en danger, les bénéfices tirés d’une intervention immédiate et le risque de détérioration de l’état sans intervention. La notion de gravité est quant à elle mesurée par l’intensité et la fréquence des symptômes, la diminution du fonctionnement habituel, les répercussions dans plusieurs sphères de la vie, le degré de souffrance et la complexité du tableau clinique. Tous ces critères se retrouvent dans l’un ou plusieurs facteurs de l’échelle constituant l’acronyme RIFCA : Risques, Impressions cliniques, Fonctionnement, autres facteurs Conjoints et Antécédents psychiatriques.

Une fois le contenu de l’échelle complété, uniquement les infirmières furent mises à contribution afin que les autres professionnels impliqués dans l’étape suivante ne soient pas influencés par leur connaissance de l’instrument à valider. Les directives d’administration ont donc été expérimentées avec les infirmières des guichets d’accès en santé mentale des jeunes afin de développer une grande cohérence dans la cotation de l’instrument. Cinq cas cliniques écrits ont été présentés à 5 infirmières pour la mesure de fidélité interjuges.

La validité de convergence a consisté à comparer la correspondance entre les cotes de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse, le jugement des professionnels des guichets d’accès en santé mentale des jeunes (psychologues, travailleurs sociaux, médecins généralistes et coordonnateurs des programmes Famille-Enfance-Jeunesse) et celui des pédopsychiatres, pour toutes les nouvelles demandes de services retenues par ordre d’arrivée provenant de 4 guichets d’accès en santé mentale des jeunes. Les infirmières des guichets d’accès ont complété l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse à partir de l’évaluation globale de la demande de service par téléphone. Sans connaître les critères de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse, les professionnels de ces guichets d’accès et les pédopsychiatres ont complété une estimation de la priorité sur une échelle visuelle de 0 à 100 et ont déterminé une orientation de service en se basant sur les dossiers écrits et les discussions de cas en équipe.

Résultats

Fidélité interjuges

L’échantillon de l’étude a été analysé et comparé sur plusieurs caractéristiques sociodémographiques pour s’assurer de sa représentativité. Le résultat de la mesure de fidélité pour le score total à l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse entre 5 juges est fort, avec un coefficient de corrélation intraclasses de rs = 86*, *p < 0,05 (n = 5).

Convergence

Au total, 93 demandes de services en santé mentale des jeunes ont été cotées avec l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse. Le résultat des 93 demandes a été comparé au jugement clinique des professionnels des guichets sur l’orientation et la priorité qu’ils attribueraient à la demande de service. Les pédopsychiatres ont accepté de poser leur jugement clinique sur les 55 premières demandes arrivées, ce qui constitue un échantillon semblable, mais non identique.

Les moyennes des résultats totaux à l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse présentent des différences selon le niveau de service requis (Tableau 1). Que ce soit selon les guichets ou selon les pédopsychiatres, les moyennes du résultat total à l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse sont inférieures lorsque l’orientation est pour un service général de première ligne (milieu scolaire, clinique TDAH et santé mentale de première ligne) et plus élevées pour un service spécialisé (pédopsychiatrie, centre jeunesse, CRDI et CRDQ).

Tableau 1

Distribution du score total RIFCA selon l’orientation déterminée par les guichets et les pédopsychiatres

Distribution du score total RIFCA selon l’orientation déterminée par les guichets et les pédopsychiatres

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La convergence entre la priorité déterminée par les équipes de guichet et les pédopsychiatres avec le score total et ceux de chacun des facteurs a été estimée par un coefficient de corrélation habituellement moins fort lorsqu’il s’agit de comparaison avec une échelle visuelle de 0 à 100. (Tableau 2) La relation est forte entre la priorité établie par les guichets et le score total de l’échelle, r = 0,57 tandis que cette relation est un peu moins forte, quoique significative, avec l’évaluation de la priorité par les pédopsychiatres, r = 0,45. Les facteurs conjoints et les antécédents ont un niveau de corrélation faible et non significatif avec une priorité à accorder à une demande de service. L’estimation de la priorité déterminée par les guichets est davantage en lien avec les risques, r = 45, l’impression clinique, r = 55 et l’échelle globale du fonctionnement, r = 33, tandis que celle établie par les pédopsychiatres est davantage liée à l’impression clinique, r = 45.

Tableau 2

Coefficients de corrélations de Pearson entre la priorité déterminée par l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse et la priorité évaluée pas les guichets et les pédopsychiatres sur chacun des facteurs

Coefficients de corrélations de Pearson entre la priorité déterminée par l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse et la priorité évaluée pas les guichets et les pédopsychiatres sur chacun des facteurs

Note. R = Risques ; I = Impressions cliniques ; F = échelle globale du Fonctionnement ; C = autres facteurs Conjoints ; A = Antécédents psychiatriques. *p < 0,05, **p < 0,01

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Les résultats de l’étude portant sur la validation de la première version de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse ont été comparés à ceux de deux autres instruments de mise en priorité pour les listes d’attente qui ont fait l’objet de programme de recherche d’envergure nationale sur des échantillons de grande taille, le Children’s Mental Health Priority Criteria Tool (Smith & Hadorn, 2002) développé sur un échantillon de 817 patients et le Criteria for specialist level adolescent psychiatric care (Kaltiala-Heino etal., 2007) développé sur un échantillon de 710 patients. Ce dernier fut aussi l’objet de deux études qui ont permis d’évaluer la valeur prédictive des critères sur le besoin d’un traitement spécialisé et sur la durée du traitement requis. (Isojoki et al., 2008 ; Kaukonen et al., 2010).

L’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse contient l’ensemble des critères établis dans le domaine d’intérêts et ces critères présentent une validité de convergence avec la priorité à accorder à une demande de service équivalente ou supérieure aux critères comparables de deux autres instruments. (Figure 1) Les coefficients de corrélations (entre 0 = aucune corrélation et 1 = corrélation parfaite) indiquent dans quelle mesure il y a concordance entre la priorité établie par chacun des critères des instruments de mesure et celle déterminée par le jugement des professionnels.

Figure 1

Comparaison des coefficients de corrélations entre les études

Comparaison des coefficients de corrélations entre les études

Guichets et pédopsychiatres = coefficients de corrélations de Pearson, Smith & Hadorn = coefficients de corrélations de Pearson, Kaltiala-Heino et al. = coefficients de corrélations de Spearman.

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Suivi de l’implantation en santé mentale des jeunes

L’utilisation de l’Échelle brève de triage en santé mentale jeunesse a été recommandée pour l’ensemble des guichets en santé mentale des jeunes de la région de Québec, et cet instrument est devenu une nouvelle pratique dans la majorité des guichets entre les années 2010-2013.

Après trois années d’utilisation dans la majorité des guichets d’accès en santé mentale des jeunes, un questionnaire d’évaluation de son implantation a été soumis aux professionnels qui l’utilisent (psychologues, travailleurs sociaux, médecins généralistes et coordonnateurs des programmes Famille-Enfance-Jeunesse) ainsi qu’à leur chef de programme. Les résultats indiquent que l’utilisation de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse favorise le développement d’une vision commune, permet d’objectiver les discussions de cas, synthétise et cible l’information de santé mentale essentielle à recueillir lors des entrevues d’évaluations de demande de services.

Validation de la deuxième version l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale (0-99 ans)

Méthode

En 2013, les membres du comité régional des coordonnateurs en santé mentale qui avaient comme mandat de proposer une grille de cotation uniforme pour l’ensemble des trois Centres de Santé et de Services sociaux de la région de Québec, de concert avec les établissements de 2e ligne, ont opté pour demander l’adaptation de L’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse à la clientèle adulte.

Une seconde étude soutenue par l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale a permis de mettre à jour l’instrument, de l’adapter pour toutes les catégories d’âge et de mesurer la validité de cette nouvelle version.

La recension des échelles de triage spécialisées en santé mentale pour la clientèle adulte existante a été demandée à l’Unité d’évaluation des technologies et modes d’intervention en santé (UETMIS) de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) (Fortin & Rioux, 2012). Parmi les instruments recensés, aucun n’avait été conçu pour soutenir les décisions des professionnels des guichets d’accès en santé mentale. Ils étaient plutôt utiles pour déterminer la fréquence de surveillance et d’intervention dans les services hospitaliers d’urgence ou de traitements psychiatriques. Néanmoins, bien que ces instruments n’ont pas la même utilité et ne sont pas utilisés dans le même contexte, certains critères ont pu contribuer à l’adaptation du contenu de l’échelle à la clientèle adulte.

Le contenu a été revu à la lumière des nouvelles pratiques dont la nomenclature de la nouvelle version du Manuel statistique et diagnostic, le DSM 5 (American Psychiatric Association, 2013). Le contenu a aussi été élaboré et validé par un groupe de travail de 5 professionnels représentant chacun des disciplines exerçant en santé mentale adulte (infirmières, psychologues, travailleurs sociaux) recrutés dans 3 centres de santé et de services sociaux.

Dans sa nouvelle version, l’échelle de triage inclut maintenant une section spécifique pour les stress sociaux et peut être utilisée pour la clientèle de tout âge. Elle se nomme Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans et l’acronyme correspond aux facteurs : Risques, Impressions cliniques ou diagnostiques existants, Fonctionnement, Conditions concomitantes, Antécédents de troubles mentaux et Stress sociaux. Une fois complétés et corrigés, les scores de l’Échelle brève de triage RIFCASen santé mentale0-99 ans se traduisent maintenant en 5 niveaux de priorité : urgente, prioritaire, modérée, normale et faible. La fidélité interjuges a de nouveau été mesurée à partir de cas cliniques provenant de demandes de service adressées au guichet d’accès en santé mentale adulte.

En santé mentale adulte, la comparaison a été possible avec l’instrument habituel de mise en priorité plutôt qu’avec le jugement clinique de professionnels pour établir la mesure de convergence. Les professionnels ont compilé, pour tous les usagers, les résultats obtenus avec leur mesure habituelle de mise en priorité et ceux obtenus à partir de l’Échelle brève de triage RIFCASen santé mentale0-99 ans. Les professionnels des guichets d’accès en santé mentale des jeunes ont fait de même en compilant la cotation de leurs cas cliniques avec la première et la deuxième version de l’échelle.

Résultats

Fidélité interjuges

Sur 30 demandes de service en santé mentale adulte, les coefficients de corrélations intraclasses entre 3 juges traduisent une entente interjuges très forte pour le score global et pour tous les facteurs (de r = 0,98 à r = 0,92), sauf pour le facteur fonctionnement de niveau fort (r = 0,78). (Figure 2)

Figure 2

Coefficients de corrélations intraclasses entre 3 juges (n = 30)

Coefficients de corrélations intraclasses entre 3 juges (n = 30)

*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001

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Convergence

Sur 120 demandes de service en santé mentale adulte, les résultats de la correspondance entre l’Échelle brève de triage RIFCASen santé mentale0-99 ans et l’instrument habituel antérieur pour établir les priorités de prise en charge en santé mentale adulte est de r = 0,67 (n = 120). En santé mentale des jeunes, la correspondance entre la première version de l’Échelle brève de triage RIFCA en santé mentale jeunesse et la nouvelle version est forte, r = 0,82 (n = 9).

Données sur la distribution d’un premier échantillon

L’Échelle brève de triage RIFCASen santé mentale0-99 ans est maintenant utilisée pour établir la priorité de toutes les demandes adressées en santé mentale adulte et en santé mentale des jeunes du Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, maintenant fusionné au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale. L’analyse des 5 premiers mois d’utilisation pour les listes d’attente montre une distribution en courbe normale des niveaux de priorité sur un total de 214 demandes de service en santé mentale adulte et en santé mentale des jeunes confondues. (Figure 3)

Figure 3

Fréquence des niveaux de priorité établis avec l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans (n = 214)

Fréquence des niveaux de priorité établis avec l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans (n = 214)

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Discussion

L’ensemble des résultats des études soutient la validité de la version finale de l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale0-99 ans pour déterminer le niveau de priorité des demandes de service en santé mentale. La force de cet instrument de mesure réside autant dans le fait qu’il a été développé en impliquant activement les professionnels qui en feront usage, qu’il a fait l’objet d’une évaluation rigoureuse en plusieurs étapes.

Considérant le défi que pose l’accès aux services en santé mentale, l’utilisation d’une liste d’attente pour composer avec l’achalandage doit s’appuyer sur des critères cliniques rigoureux et objectifs qui font consensus. Établir une priorité veut dire qu’un usager pourrait avoir accès à des services avant un autre. Un usager avec une condition plus urgente devrait avoir des services avant un autre et ceux qui ont le même degré de priorité devraient avoir accès aux services dans le même délai. Les défis à relever pour opérationnaliser le travail clinique dans ce secteur d’activité sont grands. Les résultats obtenus sur l’évaluation de la fidélité interjuges de l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans nous assurent d’un traitement équitable, objectif et uniforme des demandes de services d’un professionnel à l’autre. Ces résultats sont d’autant plus intéressants que le but des études était de proposer une échelle permettant d’uniformiser la pratique des guichets d’accès en santé mentale basée sur des critères de priorité objectifs, clairs et constants d’un professionnel-utilisateur à un autre.

Les mesures de convergence entre l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale 0-99 ans, les professionnels et les instruments de comparaison indiquent qu’elle intègre la majorité des critères reconnus et recherchés dans le domaine. Bien que le document soit une synthèse, il parvient aussi à traduire la complexité des situations se présentant en santé mentale.

Notre souci d’efficience ne doit pas prévaloir sur la sécurité des soins. La cotation finale de l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale0-99 ans accorde une priorité aux risques liés à l’état mental de la personne et aux stress sociaux aigus. Néanmoins, comme tout instrument de mesure, une échelle de triage doit être complémentaire au jugement clinique tenant compte d’autres considérations, telles que la date d’entrée et la présence d’échéances importantes dans la vie de l’usager qui consulte. Il est recommandé de s’assurer d’établir un mécanisme pour faire une réévaluation régulière des cotes de priorité selon l’évolution des situations des usagers mis en liste d’attente pour des services en santé mentale.

Des limites sont à souligner en ce qui concerne un usage inapproprié de l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale0-99 ans. Comme tout document d’information sur les usagers circulant entre les services, l’information qui y est indiquée doit avoir été vérifiée et complétée de façon rigoureuse en respectant les critères de cotations établis pour préserver la validité de la mesure, et en tenant compte des lois professionnelles en vigueur en ce qui concerne l’évaluation de la condition mentale et des troubles mentaux, même s’il ne s’agit pas d’un instrument de mesure diagnostique.

Il serait fort intéressant que des études soient menées pour mesurer d’autres aspects de l’efficacité et de l’utilisation possible de l’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale0-99 ans, particulièrement concernant la valeur prédictive de l’instrument sur la priorité qu’elle détermine. Un usager dont la priorité est élevée tire-t-il vraiment bénéfice d’une intervention plus rapide et celui dont la priorité est inférieure, se détériore-t-il pendant l’attente de services ? Sous un autre angle, est-ce que la connaissance et l’appropriation de cet instrument favorisent la collaboration et la rapidité des échanges entre les professionnels qui travaillent en santé mentale par l’utilisation d’un langage commun et l’organisation des informations cliniques dans l’algorithme RIFCAS ? Est-ce que la deuxième version qui englobe les critères pour toutes les catégories d’âge contribue à favoriser la fluidité de la communication entre la santé mentale des jeunes et la santé mentale adulte ? Cette même mesure pourrait-elle être utile pour analyser des charges de travail ou pour établir d’autres normes ?

Conclusion

L’Échelle brève de triage RIFCAS en santé mentale0-99 ans est proposée comme instrument de mesure autant au service des usagers que pour nous assurer d’une utilisation judicieuse des ressources professionnelles consacrées à l’organisation des services offerts. Elle s’inscrit véritablement dans une culture de la mesure à laquelle tout le réseau de la santé et des services sociaux ne peut plus se soustraire. Elle est appelée à contribuer à l’harmonisation des services au travers du nouveau réseau de la santé et des services sociaux et à établir des standards de pratiques, dans la mesure où elle sera utilisée avec rigueur et jugement.