En octobre 2014, les auteurs de cet éditorial ont organisé à l’Université de Sherbrooke une conférence intitulée « Améliorer l’accès aux psychothérapies au Québec et au Canada : Réflexions et expériences de pays francophones ». L’évènement a réuni seize conférenciers, tous chercheurs et acteurs impliqués dans la question de l’accès aux psychothérapies et provenant de plusieurs provinces ou pays francophones. La conférence avait comme objectif de décrire la situation actuelle quant à la prise en charge financière des psychothérapies, de questionner la manière d’améliorer l’accès aux psychothérapies dans les différents pays, d’examiner la collaboration entre médecin généraliste et psychothérapeute. La conférence et la table ronde qui s’en est suivie, et dans la lignée, la publication de ce numéro spécial de Santé mentale au Québec, ont comme objectif d’alimenter le débat sur la prise en charge financière des psychothérapies pour assurer l’équité de leur accès au plus grand nombre, ceci au Québec et au Canada comme ailleurs dans le monde. L’origine d’une telle conférence et de ce numéro spécial est ancrée dans le contexte québécois, mais a aussi un écho international. Au Québec, comme dans la grande majorité des pays développés, environ un quart de la population présentera un trouble de santé mentale au cours de la vie. De nombreuses études ont montré que les troubles de santé mentale dits courants ou transitoires ont un impact économique et social important ; pourtant dans la plupart des pays, le seul service clinique gratuit ou en partie remboursé par l’État et facile d’accès est le traitement pharmacologique. Ceci peut surprendre d’autant que plusieurs psychothérapies ont été démontrées efficaces seules ou associées à un traitement pharmacologique, potentialisant même l’effet de ces derniers, et sont recommandées par nombre de guides de bonne pratique clinique internationaux. Bien que près de 50 % des personnes souffrant d’un trouble de santé mentale souhaitent et préfèrent recevoir une psychothérapie plutôt que des psychotropes, la majorité des personnes, à cause de barrières économiques, n’en bénéficie pas. Aujourd’hui, seulement quelques pays, notamment l’Angleterre et l’Australie, ont mis en place un programme de prise en charge financière – totale ou partielle – pour les services de psychothérapies. Le Québec et le Canada accusent donc un retard certain. Au Québec, une loi importante, plus connue sous l’appellation de projet de loi 21, changea récemment la donne quant à la psychothérapie ; en effet, cette loi réglemente l’exercice de la psychothérapie et l’usage du titre de psychothérapeute, ce qui constitue une première au Canada. L’article de Trudeau, Dion et Desjardins (2015), respectivement médecin généraliste, psychiatre et psychologue, publié en ces pages, décrit le cheminement qui a mené à cet encadrement de la psychothérapie au Québec. Depuis juin 2012, les dispositions de cette loi, adoptée à l’Assemblée nationale du Québec quelques années plus tôt, ont été mises en vigueur. Ces dispositions proposent une définition de la psychothérapie et quelques règles d’exercice pour cette activité et des activités connexes, définissent un processus d’encadrement pour l’exercice de la psychothérapie, dont la formation qui sera désormais requise, décrivent une obligation de formation continue, et ordonnent la création d’un conseil consultatif interdisciplinaire sur l’exercice de la psychothérapie. L’article de Trudeau et ses collaborateurs souligne par ailleurs la communication productive réussie entre les ordres professionnels impliqués dans la reconnaissance légale de la psychothérapie qui a prévalu avant et depuis l’adoption de la nouvelle loi et qui a contribué à l’élaboration d’un guide explicatif consensuel, évitant de ce fait les complications qui avaient découlées d’un précédent projet de loi portant sur la santé. À la suite de l’adoption du projet de loi 21, a par ailleurs été publié un …
Appendices
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