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Introduction

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une des approches principales en psychothérapie. Il s’agit d’une thérapie structurée, limitée dans le temps, dont l’efficacité a été démontrée dans le traitement de la plupart des pathologies psychiatriques (Butler, Chapman, Forman et Beck, 2006 ; Chambless et al., 1998 ; Epp et Dobson, 2010 ; Hofmann et Smits, 2008). Elle est recommandée comme traitement de première intention dans plusieurs guides de pratique dont ceux produits par le National Insitute for Health and Clinical Excellence (www.nice.org.uk) et l’American Psychiatric Association (www.psych.org/psych_pract/). Elle fait partie du curriculum des programmes de résidence en psychiatrie (Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 2009 ; Sudak, Beck et Wright, 2003). Elle regroupe un ensemble d’interventions (Mansell, 2008 ; Roth, 2008) dont les prémisses sont les suivantes (Dobson et Dozois, 2001) : les pensées ont une influence sur les émotions et les comportements, les pensées peuvent être évaluées et remises en question, les changements comportementaux désirés peuvent découler d’une modification cognitive. La TCC intervient sur les situations actuelles, plutôt que les situations passées, se base sur les principes d’apprentissage et sur l’empirisme d’un point de vue épistémologique.

La TCC évolue constamment afin, entre autres, d’en améliorer l’efficacité et l’accessibilité. Ainsi, dans la dernière décennie, des approches de plus en plus populaires basées sur la pleine conscience et l’acceptation ont émergé. Il s’agit d’un ensemble varié de thérapies, incluant la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC ; Segal, Teasdale et Williams, 2001), la thérapie dialectique comportementale (TDC ; Linehan, 1993), la thérapie métacognitive (TMC ; Wells, 2000 ; 2008), la thérapie analytique fonctionnelle (TAF ; Kohlenberg et Tsai, 1991), la thérapie de couple comportementale intégrative (TCCI ; Jacobson et Christensen, 1996), l’activation comportementale (AC ; Martell, Addis et Jacobson, 2001) et la thérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance and commitment therapy ou l’acronyme ACT ; Hayes, Strosahl et Wilson, 1999) ainsi que d’autres (p. ex., la psychothérapie par le système d’analyse cognitivo-comportementale de McCullough, 2000 ; la prévention de la rechute basée sur la méditation de Marlatt et Gordon, 1985 ; la thérapie comportementale basée sur l’acceptation du trouble d’anxiété généralisée de Roemer et Orsillo, 2005 ; l’entraînement à l’auto-compassion de Gilbert, 2005). Ces thérapies favorisent la pleine conscience des expériences internes et développent l’acceptation plutôt que la modification des sensations internes et des pensées, même lorsque celles-ci sont biaisées ou dysfonctionnelles. Elles cherchent à changer la relation entre l’individu et ses symptômes (Herbert, Forman et England, 2009).

Kahl, Winter et Schweiger (2012), dans une revue de la documentation, concluent que ces approches (ACT, AC, TDC, TMC, TCBPC) sont efficaces et efficientes. Une méta-analyse de 29 études cliniques aléatoires de Öst (2008) documente des tailles d’effet modérées pour l’ACT et la DBT, mais rapporte que la méthodologie des recherches démontrant l’efficacité de ces nouvelles approches n’est pas aussi rigoureuse que celle qui concerne la TCC. Une méta-analyse portant sur les thérapies basées sur la pleine conscience (dont la TCBPC) démontre des tailles d’effet modérées pour diminuer les symptômes d’anxiété et de dépression pour les 39 études retenues (Hofmann, Sawyer, Witt et Oh, 2010).

Le présent article vise à décrire le contexte historique qui a favorisé l’émergence de ce courant en thérapie, les points de convergence et de divergence avec l’approche cognitivo-comportementale traditionnelle ainsi qu’une brève présentation des différentes thérapies cognitivo-comportementales basées sur l’acceptation.

Contexte historique et définition de la troisième vague en thérapie cognitivo-comportementale

Hayes (2004) décrit trois vagues successives ou présomptions, méthodes et buts dominants en thérapie comportementale. Chacune émergeant de la vague précédente, les trois vagues ont donc plusieurs points en commun. L’objectif de la première vague était l’observation, la prédiction et la modification du comportement pour promouvoir la santé mentale (Skinner, 1953 ; Watson, 1924 ; Wolpe, 1958). Elle s’est développée dans les années 1950 et 1960 en réaction aux limites posées par l’approche psychanalytique. Les principes d’apprentissage ont d’abord été développés et raffinés au sein d’études menées auprès d’animaux. Ils ont ensuite été appliqués en clinique et ont fait l’objet d’études empiriques.

Cette vague a évolué à partir des années 1960 lorsque les chercheurs (p. ex., Bandura, 1977) ont réexaminé le lien entre les cognitions dysfonctionnelles et les comportements mésadaptés. En se basant sur les neurosciences de l’époque ainsi que sur l’observation des phénomènes en clinique, ils ont découvert qu’en aidant les patients à réévaluer les biais cognitifs par la découverte guidée, ces derniers rapportaient une amélioration symptomatique. Il s’agissait de la deuxième vague de thérapie qui comprend la thérapie émotivo-rationnelle (Ellis, 1957), la thérapie cognitive (Beck, 1976) et la modification cognitivo-comportementale (Meichenbaum, 1977). En thérapie cognitive, les cognitions sont centrales dans le traitement des troubles psychologiques : les émotions et les comportements sont influencés par les processus cognitifs. Le but fondamental de la TCC est de découvrir les pensées automatiques négatives dérivées des croyances fondamentales et conditionnelles au sujet de soi, des autres et du monde. En réévaluant la signification de ces croyances et en aidant la personne à formuler des pensées et croyances plus réalistes, le modèle TCC propose que les émotions et comportements seront aussi modifiés (Clark, 1995). Dans les années 1980 et 1990, les thérapies cognitive et comportementale ont fusionné pour former la TCC contemporaine, la thérapie qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études cliniques à ce jour (Roth et Fonagy, 2005).

Les critiques de la deuxième vague soutiennent que la recherche n’a pas démontré de façon convaincante qu’il est avantageux d’ajouter des stratégies cognitives à la thérapie comportementale (Longmore et Worrell, 2007) et qu’elles pourraient parfois nuire (Forman et Herbert, 2009) car la tentative de modifier les pensées automatiques pourrait paradoxalement les intensifier, entre autres en favorisant l’évitement expérientiel (Cloud, 2006). En effet, selon Heeren et Philippot (2009), « analyser les cognitions ou débusquer leurs aspects irrationnels ou biaisés serait une forme de non-acceptation de l’expérience ». Par contre, certains avancent que les techniques cognitives comme la psychoéducation peuvent faciliter l’exposition (Craske, Antony et Barlow, 2006 ; Craske et Barlow, 2008) et possiblement améliorer l’efficacité du traitement dans le cas de certains protocoles (Clark et al., 2006). D’autre part, les recherches n’ont pas toujours démontré que le changement cognitif est le mécanisme ou le médiateur par lequel la TCC produit ses résultats (Longmore et Worrell, 2007), quoique certaines études le suggèrent (p. ex., Beck, 2008 ; Hofmann et Asmundson, 2008 ; Maric, Heyne, MacKinnon, vanWidenfelt et Westenberg, 2013). Ilardi et Craighead (1994) soulignent également que les TCC sont associées à une amélioration symptomatique rapide qui précéderait l’introduction d’interventions cognitives spécifiques mais ceci est aussi remis en question puisque, par exemple, il est possible d’observer une amélioration soudaine dans la séance suivant une modification cognitive et ce, dès les premières sessions de thérapie (Hofmann et Asmundson, 2008 ; Tang et DeRubeis, 1999). On note, finalement, que les modifications cognitives peuvent être obtenues sans effectuer une réévaluation cognitive, par exemple par le biais de la pharmacothérapie (McManus, Clark et Hackman, 2000 ; Oei et Free, 1995 ; Simons, Grafield et Murphy, 1984). Beck (1984) considère que ceci s’explique par le fait que les cognitions font partie du système psychobiologique. Néanmoins, cette série d’observations amène les critiques à se poser la question suivante : « Doit-on remettre en question les pensées en TCC ? » (Longmore et Worrell, 2007).

Cette remise en question se manifeste par l’émergence d’une variété de thérapies proposant de nouvelles méthodes qui permettent de composer avec les expériences internes problématiques. Certaines sont des extensions de la thérapie cognitive (par exemple, la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, la thérapie métacognitive) et d’autres de la thérapie comportementale (la thérapie analytique fonctionnelle, la thérapie d’activation comportementale, la thérapie de couple comportementale intégrative, la thérapie d’acceptation et d’engagement). Selon Herbert et Forman (2011), les premières intègrent des stratégies de modification cognitive avec des principes dérivés de la pleine conscience et de l’acceptation. Les deuxièmes mettent l’accent sur la défusion psychologique (prendre du recul et voir les pensées comme étant des pensées) et l’acceptation plutôt que sur les stratégies de changements cognitifs ou affectifs. Les adeptes de cette troisième génération de TCC suggèrent l’abandon ou l’utilisation prudente des interventions cognitives visant à modifier le contenu des pensées.

Les nouvelles thérapies proposent des stratégies telles que la pleine conscience et elles suggèrent de cultiver une attitude d’acceptation afin d’améliorer le bien-être psychologique. La pleine conscience comporte deux aspects essentiels, soit l’attention soutenue focalisée sur le moment présent et une attitude d’ouverture et de curiosité, une acceptation de l’expérience sans la juger (Bishop et al., 2004). L’acceptation est la volonté d’être en contact avec des événements psychologiques sans chercher à les éviter ou leur permettre d’influencer le comportement (Butler et Ciarrochi, 2007). Notons que la non-acceptation psychologique est associée à la psychopathologie et que des modifications sur le plan de l’acceptation prédisent des gains thérapeutiques (Cardaciotto, Herbert, Forman, Moitra et Farrow, 2008 ; Herbert et al., 2010). Précisons par contre qu’en TCC, l’acceptation n’est pas un but en soi mais plutôt une étape qui permettra de modifier le comportement afin de réaliser les buts du patient.

Selon Hayes (2004), les approches de la troisième vague mettent l’accent sur les thèmes suivants : l’acceptation, la pleine conscience, la défusion cognitive, la dialectique, les valeurs du patient et la spiritualité, la relation thérapeutique. Elles mettent aussi l’accent sur le contexte et la fonction des événements psychologiques (les conséquences de ce comportement dans l’environnement) plutôt que de remettre en question leur validité, réduire leur fréquence ou modifier leur forme (p. ex., le contenu de la pensée, la nature de l’émotion), ce qui a conduit au développement de stratégies de changement contextuelles et expérientielles venues s’ajouter à des techniques plus directement didactiques. Elles encouragent les individus à établir une approche ouverte, consciente, active relativement à la vie (Hayes, Villatte, Levin et Vildebrandt., 2011). Elles visent l’élargissement des répertoires comportementaux, un accroissement de la flexibilité et de l’efficacité plutôt que l’élimination des symptômes. Elles soulignent que les questions sur lesquelles elles se penchent concernent autant les cliniciens que leurs clients.

Un thérapeute inspiré par les approches comportementales de la troisième vague peut utiliser les stratégies suivantes avec un patient souffrant de dépression. Il peut explorer le contexte environnemental qui permet l’émergence de ruminations dépressives (p. ex., recevoir des rappels de factures non payées) et mettre en évidence la fonction de ce symptôme (p. ex., éviter la douleur ou l’inconfort associés à l’exposition à des situations déplaisantes) plutôt que de l’inviter à remettre en contenu cognitif (p. ex., « je suis nul ») afin d’en diminuer la fréquence. Il peut alors l’inviter à répéter la phrase « je suis nul » selon la technique « milk, milk, milk » (proposée par l’ACT) jusqu’à ce que la pensée « je suis nul » perde sa signification (intervention abordant le contexte socioverbal qui a attaché une signification arbitraire particulière à ces mots). Il peut l’encourager à tolérer la présence de ces pensées et émotions en lui enseignant des techniques qui favorisent la pleine conscience (p. ex., la méditation centrée sur la respiration amène l’individu à observer les pensées comme si elles étaient des nuages qui traversent le ciel tout en demeurant ancré dans le moment présent, en ressentant chaque respiration sans tenter de chasser les pensées ni nourrir les processus cognitifs persévératifs) afin de diminuer les conséquences négatives associées au fait de croire à ces pensées et d’agir comme si elles étaient un reflet exact de la réalité (ex. abandonner, se réfugier dans le sommeil, s’isoler). Il peut alors tenter de clarifier les valeurs profondes de l’individu et l’encourager à poser des actions en accord avec ses aspirations profondes, d’agir en fonction de ce qui fonctionne au moment présent (p. ex., sortir pour aller travailler, appeler ses proches si le travail et la famille sont des valeurs centrales pour lui, plutôt que de rester alité). Il lui expliquerait que les symptômes dépressifs peuvent être présents (puisque ces approches ne visent pas l’élimination des symptômes) sans qu’il s’empêche de construire une vie qui vaut la peine d’être vécue. Par l’enseignement de différentes techniques comportementales et expérientielles, le patient pourrait agir de façon plus efficace et flexible tout en tenant compte du contexte environnemental. Le thérapeute, pour sa part, s’il enseigne la méditation de pleine conscience, devrait la pratiquer lui-même de façon régulière afin d’en incarner les principes. Il devrait également faire preuve de flexibilité cognitive et être en contact avec le moment présent, pleinement, en tant qu’être humain conscient, et selon la situation, modifier ou maintenir son comportement thérapeutique.

En résumé, les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience considèrent que la souffrance humaine survient lorsque l’individu a tendance à éviter la douleur ou l’inconfort immédiat, au détriment de sa qualité de vie. Ces thérapies comportementales combinent des interventions expérientielles, de pleine conscience, et d’acceptation avec des principes comportementaux traditionnels afin d’obtenir une amélioration durable (Hayes, Luoma, Bond, Masuda et Lillis, 2006).

Points de divergence et de convergence entre les TCC traditionnelles et les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience

Les TCC traditionnelles et les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience partagent plusieurs points en commun : ce sont des traitements dont l’effet est mesurable, basés sur l’hypothèse que l’évitement est un élément clé du maintien de la psychopathologie. Il s’agit donc de thérapies qui recommandent des stratégies d’approche relativement aux symptômes.

Elles font usage de techniques comportementales dans le cadre d’une relation collaborative afin de déterminer des problèmes précis et atteindre des buts spécifiques, mesurables, réalistes et atteignables. Elles interviennent dans le moment présent plutôt que sur les causes historiques possibles des problèmes dont l’exploration ne serait ni nécessaire ni suffisante pour atteindre des gains thérapeutiques.

Plusieurs auteurs tentent de distinguer la TCC traditionnelle des thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience (p. ex., Dionne et Neveu, 2010 ; Hayes, 2004). Dans la TCC traditionnelle, même si Alford et Beck (1997) suggèrent d’éviter de contrôler la pensée directement (p. ex., par l’arrêt de la pensée), selon Hayes (2004), l’approche cognitive vise une certaine forme de contrôle des pensées via l’identification des pensées et des émotions, la modification des pensées (adaptées vs mésadaptées) et via l’analyse logique et les expériences comportementales. Dans les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience, il est considéré que les efforts pour contrôler les pensées maintiennent la détresse. Or, les pensées et émotions sont transitoires et se modifient naturellement avec le temps (p. ex., Hayes, 2004). Ainsi la détresse diminuera s’il n’y a pas d’escalade attribuable aux stratégies de contrôle. L’objectif ciblé est initialement l’acceptation des symptômes.

Par ailleurs, plusieurs approches de la troisième vague considèrent que les cognitions et processus cognitifs sont des comportements privés (Hayes et al., 2006 ; Hofmann et Asmundson, 2008) et ciblent davantage les réponses émotionnelles aux situations. En TCC traditionnelle, les cognitions sont au centre du modèle. Il y a une relation bidirectionnelle entre les pensées et les émotions ; on considère que les pensées agissent sur les réactions émotionnelles et que les émotions influencent les pensées, mais les cognitions priment : c’est pourquoi l’intervention cible le contenu cognitif.

Les TCC basées sur la pleine conscience et l’acceptation visent surtout la fonction des cognitions et à agir sur la relation aux pensées en prévenant la suppression de la pensée ou l’évitement expérientiel (Hofmann, 2008). Ceci contraste avec la TCC traditionnelle qui agit plus directement sur la fréquence et la validité des pensées, les émotions et le comportement, et qui cible les situations ou les facteurs précipitants qui génèrent une réponse émotionnelle par le biais de l’évaluation cognitive de ces facteurs précipitants et qui vise une modification du contenu des cognitions.

Forman et Herbert (2009) soulignent que même si les deux approches se basent sur les principes comportementaux, les thérapies de la deuxième vague utilisent des stratégies comportementales pour modifier les croyances dysfonctionnelles et réduire les symptômes alors que les thérapies de la troisième vague utilisent des stratégies comportementales pour modifier les processus métacognitifs (par exemple l’insight métacognitif que les pensées ne sont que des pensées). Rappelons par contre que Beck (1976) vise le même résultat puisqu’il veut amener l’individu à réaliser éventuellement que les pensées ne sont que des événements mentaux plutôt qu’un reflet exact de la réalité (« thoughts as psychological phenomena rather than as identical to reality »), d’une vérité objective.

Les approches de la troisième vague utilisent des méthodes plus expérientielles que didactiques (Hayes, 2004) puisque le langage est une partie constituante du problème, les méthodes traditionnelles de restructuration cognitive peuvent parfois être contreproductives (p. ex., remplacer une règle par une autre règle) et sont donc à utiliser avec prudence. Elles proposent donc des stratégies tels les exercices de la pleine conscience, l’acceptation des pensées et des émotions non désirées, et la défusion cognitive (prendre du recul et voir les pensées comme étant des pensées) pour modifier les processus cognitifs même si elles font aussi appel à des éléments des thérapies cognitives et comportementales traditionnelles tels l’établissement des buts, l’exposition et l’acquisition des compétences (Hayes et al., 2006).

Les deux approches sont orientées vers un but, mais les thérapies de la deuxième vague ciblent davantage les symptômes. Les thérapies de la troisième vague visent d’emblée de façon explicite une cible plus large, la qualité de la vie. Dans la TCC classique, la qualité de vie était travaillée d’une façon plus implicite.

Selon Hofmann et Asmundson (2008), les TCC basées sur l’acceptation et la pleine conscience ciblent surtout l’évitement expérientiel et les stratégies inadaptées de régulation des émotions (p. ex., suppression des émotions). Les stratégies prescrites par ces approches (p. ex., la méditation de pleine conscience) interviennent après le déclenchement complet de l’émotion. La TCC traditionnelle, quant à elle, cible le stimulus qui provoque l’émotion (les pensées). Elle enseigne des stratégies de régulation des émotions ciblant l’antécédent : elle encourage la ré-évaluation cognitive des situations qui déclenchent les émotions avant que la réponse n’ait été complètement activée. 

Les tableaux 1, 2 et 3 présentent un résumé des différences et similitudes entre la TCC et deux approches de la troisième vague, soit la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience et l’ACT.

Tableau 1

Similarités entre la TCC et la TCBPC

Similarités entre la TCC et la TCBPC

Tableau basé sur Fennell et Segal, 2011

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Tableau 2

Différences entre la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience

Différences entre la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience

Tableau basé sur Fennell et Segal, 2011

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Tableau 3

Similarités et différences entre la TCC et ACT

Similarités et différences entre la TCC et ACT

Tableau basé sur Hofmann et Asmundson, 2008 ; Pérez-Alvarez, 2013 ; Herbert et Forman, 2013 ; Hofmann, Asmundson et Beck, 2013

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Notons, par contre, qu’il existe un débat certain dans la documentation concernant les similarités et les différences entre les approches de la deuxième et de la troisième vague. Ainsi, certains chercheurs croient que les deux vagues ne sont pas distinctes et affirment que les TCC basées sur l’acceptation n’ajoutent que des techniques ou n’offrent qu’une différence subtile sur le plan théorique. Par exemple, Arch et Craske (2008) avertissent qu’en distinguant ces thérapies, on risque de manquer les mécanismes communs de changement. Elles avancent que la restructuration cognitive est un exercice d’exposition en imagination qui vise un but similaire à la défusion cognitive ; que dans les deux cas, on atteint une conscience métacognitive ; que dans les deux approches, le patient peut acquérir un sentiment de contrôle en apprenant des stratégies pour composer avec les émotions ; que les deux favorisent l’acceptation des émotions. Hofmann et Asmundson (2008) soutiennent que même si l’ACT et les autres thérapies de la troisième vague offrent des nouvelles stratégies thérapeutiques, il n’y a pas assez d’évidence pour qu’on considère qu’il s’agit d’une approche entièrement différente. D’autres contredisent cette assertion (Gaudiano, 2010 ; Herbert et Forman, 2011).

Finalement, des critiques rappellent que malgré leur grande popularité, les approches de la troisième vague ne bénéficient pas encore d’une base empirique aussi solide que les approches de la deuxième vague (Ost, 2008).

Les TCC basées sur la pleine conscience et l’acceptation

Ce qui suit est un bref survol des différentes thérapies cognitivo-comportementales basées sur la pleine conscience et l’acceptation. Certaines sont des modèles généraux de psychothérapies alors que d’autres se concentrent sur un trouble particulier.

La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT)

Pour Hayes et al. (1999), les pensées, émotions, sensations négatives ne sont pas toxiques en soi pour la santé des êtres humains, leurs comportements ou leur bien-être. Deux contextes psychologiques peuvent créer la toxicité : l’évitement expérientiel et la fusion cognitive. L’évitement expérientiel est la tentative de changer, éviter, éliminer des pensées, émotions ou sensations physiques indésirables (évitement cognitif et comportemental des situations qui peuvent engendrer des expériences internes non désirées). La fusion cognitive est l’identification de l’individu à ses pensées et ses émotions, lorsqu’il ne voit pas que les pensées ne sont que des pensées et non un reflet de la réalité, lorsque le contenu psychologique domine le comportement. Dans l’ACT, le thérapeute cherche à modifier la relation entre l’individu et ses pensées/émotions/sensations difficiles, afin qu’il ne tente plus d’éviter les symptômes qui deviennent ou ne deviennent pas des événements psychologiques transitoires inconfortables (Harris, 2006). La réduction des symptômes n’est qu’un produit dérivé du traitement. Le but réel est le développement de la flexibilité psychologique (c.-à-d. être en contact avec le moment présent, pleinement, en tant qu’être humain conscient et, selon la situation, modifier ou maintenir le comportement selon les contextes) en ciblant six processus centraux : (1) la défusion cognitive (percevoir les pensées, les images, les émotions et les souvenirs tels qu’ils sont plutôt que comme ils se présentent) ; (2) l’acceptation (permettre aux pensées et émotions d’aller et venir sans lutter contre elles) ; (3) le contact avec le moment présent (conscience et réceptivité au moment présent) ; (4) l’utilisation du soi observateur (accès au soi transcendant, la conscience de la conscience) ; (5) les valeurs personnelles (principes directeurs qui nous guident et qui nous motivent dans notre vie, découvrir ce qui est le plus important pour le soi authentique) ; et (6) l’action engagée (faire ce qu’il faut pour vivre selon nos valeurs, choisir des buts selon les valeurs et les mettre en action de façon efficace) (Hayes et al., 1999). Le traitement comprend une psychoéducation sur les mécanismes clés de la maladie, des exercices de pleine conscience et de défusion cognitive ainsi que des méthodes comportementales traditionnelles, telles que l’exposition, l’enseignement d’habiletés et la détermination de buts de traitement.

La thérapie analytique fonctionnelle

La thérapie analytique fonctionnelle (Kohlenberg et Tsai, 1991) cible les difficultés interpersonnelles dues à des déficits de discrimination ou à un répertoire comportemental déficient, excessif ou aversif. Elle repose sur le contextualisme fonctionnel qui cible l’apprentissage des émotions, pensées et comportements et qui les resitue dans le contexte de leurs fonctions interpersonnelles. Le focus est la relation entre le patient et le thérapeute. Les comportements cliniquement significatifs (CCS) sont activés et observés. Ces derniers sont des comportements susceptibles de se produire dans le contexte de la thérapie et qui sont étroitement reliés à l’histoire du client et à sa problématique. Les CCS1 sont les comportements problématiques à modifier, les CCS2 sont les comportements adaptés et les CCS3 sont les règles au sujet des changements positifs à apporter. Le thérapeute identifie les CCS2 et leur apporte un renforcement naturel immédiat (plutôt qu’un renforcement artificiel tel que la récompense matérielle). La relation thérapeutique est un laboratoire de changement qui permet au patient de mettre en action des nouveaux comportements dans des situations d’intimité. Elle est un contexte interpersonnel équivalent sur le plan fonctionnel à l’environnement réel à l’extérieur de la thérapie. Le thérapeute formule des interprétations au sujet des CCS en termes fonctionnels (antécédents, réponses et conséquences) et fait un lien avec l’histoire du patient.

L’activation comportementale

L’activation comportementale « manualisée » (une approche manualisée est un traitement bien défini dont l’application est formalisée dans un manuel) par Jacobson et al. (1996) est une thérapie comportementale traditionnelle qui inclut l’enseignement de la relaxation, des habiletés sociales, de la résolution de problèmes, de l’auto-observation des activités et l’assignation des tâches graduées. Se basant sur les modèles comportementaux originaux de la dépression (Lewinsohn, 1974), plus récemment, Martell, Addis et Jacobson (2001) ont introduit une approche contextuelle de la dépression. Ce modèle suggère que des facteurs contextuels (plutôt que les cognitions, par exemple) expliquent de façon plus efficiente l’apparition et le maintien de la dépression et sont une cible de traitement plus efficace. Des événements amènent un surplus de punitions environnementales et un déficit sur le plan des renforcements positifs. Les comportements adoptés pour minimiser les émotions négatives fonctionnent à court terme mais les augmentent à long terme via un processus de renforcement négatif. Le comportement d’évitement (l’inactivité, l’isolement, les ruminations) est un facteur de maintien clé de la dépression. L’analyse fonctionnelle permet d’évaluer de façon détaillée comment la dépression se maintient chez cet individu en particulier et ce qui est renforçant pour lui en observant la fonction du comportement (ses conséquences sur l’humeur). L’individu apprend à conceptualiser et à mettre en pratique des buts comportementaux, peu importe les pensées et les émotions négatives (Hopko, 2003). Pour ce faire, le patient apprend à être en contact avec des expériences internes déplaisantes (acceptation) tout en continuant à travailler pour atteindre ses objectifs (changement). Il agit en fonction d’un plan plutôt qu’en fonction de son humeur. Dans cette thérapie, on utilise des stratégies comportementales traditionnelles telles que l’utilisation de registre d’activités quotidiennes à des fins d’auto-observation, l’enseignement de la relaxation, la planification des activités plaisantes mais aussi des techniques de pleine conscience afin d’aider le patient à participer pleinement à l’expérience au moment présent plutôt que de se perdre dans les pensées (Dobson et Dozois, 2001).

La thérapie métacognitive

Wells (1997 ; 2008) rapporte que dans la TCC traditionnelle, le contenu cognitif est ciblé (ce qu’une personne pense : les pensées automatiques, les croyances dysfonctionnelles) et les émotions dysfonctionnelles. Il soutient qu’on s’adresse à un nombre trop limité de cognitions (i. e. le contenu des pensées et des croyances) au détriment des processus cognitifs comme le déploiement de l’attention et d’autres types de cognitions (par exemple, les connaissances métacognitives, soit les pensées au sujet des pensées et les plans qui guident le traitement de l’information). La thérapie métacognitive est basée sur la prémisse que la dépression et l’anxiété sont maintenues par la suppression de la pensée et la persévération des processus cognitifs, difficiles à contrôler, tels les ruminations ou les inquiétudes et le focus sur soi excessif. La suppression de la pensée (Wenzlaff et Wegner, 2000) demande un effort répété et soutenu qui est voué à l’échec et qui amène une intensification paradoxale de la pensée (par exemple dans le trouble obsessionnel compulsif, le trouble d’anxiété généralisée, la dépression majeure). Les ruminations (soit les pensées et comportements qui ciblent l’attention sur les symptômes de la dépression, leurs causes possibles et leurs conséquences) amplifient les affects et les pensées négatives (Lyuybormisky et Nolen-Hoeksema, 1995), altèrent la capacité à résoudre les problèmes (Watkins, 2002) et coexistent avec les inquiétudes (Segerstrom, Tsao, Alden et Craske, 2000). La tendance à ruminer prédit l’apparition et le maintien de la dépression tel qu’il a été défini par Nolen-Hoeksema, 1991). Le focus sur soi (Ingram, 1990), soit l’attention démesurée sur ses pensées et sentiments, est un facteur déclenchant et de maintien dans les troubles émotifs. Il intensifie l’affect et amène une sensibilité accrue aux effets négatifs d’une situation. Il déclenche les schémas négatifs et, conséquemment, les comportements dysfonctionnels. Ces processus cognitifs sont déclenchés par les métacognitions positives (ex. « si j’y pense assez longtemps, je trouverai la cause de ma dépression » ; « si je m’inquiète, je pourrai prévenir les dangers ») et les métacognitions négatives (« si je m’inquiète trop, je pourrais devenir fou, malade »). La thérapie métacognitive incorpore des techniques basées sur la méditation de pleine conscience tels l’entraînement de l’attention afin de favoriser l’observation des pensées et un contrôle flexible de l’attention. La pratique de l’entraînement de l’attention permet de diminuer les processus cognitifs dysfonctionnels par l’écoute active et le focus de l’attention sur des sons simultanés présentés à différentes intensités et localisations spatiales. Il vise également la modification des métacognitions positives (ex. « réfléchir aux causes de la dépression va me permettre de la prévenir ») et négatives (ex. « je ne peux rien faire face à mes pensées ») au sujet des ruminations. Elle a été étudiée pour le traitement de l’anxiété généralisée et la dépression (Wells et al., 2009 ; 2010 ; 2012). Hofmann et Asmundson (2008) notent que Wells ne considère pas que la thérapie métacognitive fait partie des TCC de la troisième vague. Il considère plutôt qu’il s’agit d’une TCC qui cible le contenu métacognitif ainsi que d’autres processus cognitifs.

La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC)

La TCBPC (Segal, Williams et Teasdale, 2002) est une approche intégrative combinant une approche visant une réduction du stress par la pleine conscience dans un milieu médical (la MBSR, mindfulness based stress reduction de Jon Kabat Zinn, 1982 ; 1990) et la thérapie cognitivo-comportementale de la dépression (Beck, Rush, Shaw et Emery, 1976). Cette thérapie vise à diminuer les rechutes dépressives chez les patients actuellement en rémission d’un épisode dépressif majeur. Elle se base sur la théorie des sous-systèmes connectés et interactifs (Teasdale et Barnard, 1993 ; Teasdale, 1999), qui explique, entre autres, que chez les patients déprimés en rémission, la dysphorie réactive des schémas de pensée similaires à ceux présents dans la dépression aiguë et que ces schémas maintiennent et intensifient l’état dysphorique via des cycles auto-perpétuants ruminatifs cognitivo-affectifs. La méditation pleine conscience permet de passer du style ruminatif analytique au style expérientiel (observation directe de la réalité par les modalités sensorielles). Elle permet de développer l’insight métacognitif suivant : les pensées ne sont que des pensées, elles ne sont pas forcément un reflet de la réalité. On n’atteint pas cet insight par la réévaluation cognitive mais par l’observation des pensées dans l’esprit de la pleine conscience (de façon intentionnelle, au moment présent, sans porter de jugement), car l’objectif n’est pas de changer les pensées dysfonctionnelles mais de changer la relation de l’individu relativement à ses pensées. Des études cliniques aléatoires (revue par Irving et Segal, 2013) démontrent qu’elle diminue de moitié le risque de rechutes pour la dépression récurrente lorsqu’il y a eu plus de trois épisodes à vie.

La thérapie dialectique comportementale (TDC)

La TDC a été développée pour traiter les patientes souffrant de troubles de personnalité qui sont chroniquement suicidaires ou qui présentent des comportements d’automutilation (Linehan, 1993). Des modifications ont été proposées pour la toxicomanie et les troubles alimentaires. La pathologie résulte de l’interaction entre la vulnérabilité émotionnelle de l’individu et un environnement invalidant qui favorise l’émergence de comportements dysfonctionnels. La TDC favorise l’acceptation de soi-même, de son passé, de la situation présente tout en travaillant à changer son comportement et son environnement afin de construire une vie qui vaut la peine d’être vécue. La dialectique entre l’acceptation et le changement dans un contexte d’acceptation et de validation est explorée tout en développant des nouvelles aptitudes pour modifier la régulation émotionnelle. Les groupes d’enseignement des compétences comportent quatre modules : les aptitudes de pleine conscience ; l’efficacité interpersonnelle ; la régulation des émotions ; et la tolérance à la détresse. Hofmann et Asmundson (2008) notent que Linehan ne considère pas que la DBT fait partie de la troisième vague en TCC mais qu’elle est plutôt une forme de TCC qui inclut des stratégies d’acceptation. Des études cliniques aléatoires démontrent qu’elle diminue le comportement parasuicidaire (pour une revue, voir Kliem, Kröger et Kossfelder, 2010).

La thérapie comportementale de couple intégrative (TCCI)

La TCCI (Jacobson et Christensen, 1998) est une thérapie contextuelle qui se base sur la distinction effectuée par Skinner entre les comportements modelés par les contingences et ceux qui sont dominés par les règles. Elle vise un équilibre entre l’acceptation et le changement. Le thérapeute favorise l’acceptation émotionnelle en établissant un climat d’empathie qui permet de résoudre le problème (par exemple, en aidant les partenaires à mieux comprendre leur histoire comportementale, en attirant l’attention du partenaire blâmant sur ce qui peut susciter une empathie), en aidant les partenaires à prendre une distance relativement aux problèmes, à mieux tolérer les actions désagréables du conjoint et à être en mesure de prendre soin de soi devant les actions désagréables du conjoint (Boisvert et Beaudry, 2010). Il en résulte une réorganisation des comportements en faveur d’un répertoire potentiellement disponible qui va bloquer les comportements problématiques ou interférer avec eux (par exemple, tenter de changer l’autre par des comportements aversifs tels que les menaces).

L’entraînement à l’auto-compassion

Les principes clés de l’entraînement à l’auto-compassion (Gilbert, 2005 ; Gilbert, 2009) sont de motiver l’individu afin qu’il soit apte à prendre soin de lui-même, à être sensible à ses propres besoins et sa détresse, à être chaleureux et compréhensif envers lui-même (Gilbert, 2009). En développant cette façon d’être, l’individu peut générer des comportements prosociaux que l’environnement peut récompenser et qui promeut l’engagement social (Allen et Knight, 2005). À l’intérieur de la relation thérapeutique, le thérapeute encourage le patient à choisir des actions auto-apaisantes avec des techniques TCC, la méditation de la compassion et l’imagerie.

Conclusion

La troisième vague de psychothérapies comportementales est un domaine important du développement de la psychothérapie moderne. La TCC, bien que reconnue efficace, ne l’est pas pour tous (Herbert et Forman, 2013). Les approches basées sur l’acceptation et la pleine conscience ont ajouté des méthodes (Leahy, 2003) à la gamme de traitements soutenus empiriquement pour les troubles mentaux, ce qui peut contribuer à en augmenter l’efficacité (par exemple, Kocovski, Fleming et Rector, 2009). Elles sont reconnues efficaces pour de nouvelles indications (par exemple, les troubles de la personnalité limite, la dépression chronique, la douleur chronique). Elles enseignent de nouvelles façons de déployer l’attention et d’entrer en relation avec l’expérience (décentration, défusion) afin de diminuer la réactivité cognitive, source de maintien des symptômes, facteur de rechute et afin d’augmenter la flexibilité psychologique (Rector, 2013). Le focus sur les processus cognitifs, les métacognitions en plus du contenu cognitif peuvent améliorer l’efficacité des interventions. Notons par exemple que selon une étude (Deacon, Fawzy, Lickei et Wolitzky-Taylor, 2011), la défusion et la restructuration cognitive amélioraient de façon aussi efficace l’image corporelle chez des étudiants mais que la défusion agissait plus rapidement que la restructuration cognitive et avait des effets plus durables. Comment combiner les deux approches afin d’augmenter l’efficacité de nos interventions ? Herbert et Forman (2011) proposent, par exemple, d’effectuer une restructuration cognitive en début de thérapie afin d’établir que la pensée est biaisée puis d’encourager le patient à accepter la présence des expériences internes tout en continuant à s’exposer aux stimuli anxiogènes plutôt que de continuer à effectuer une restructuration cognitive. Il existe donc une complémentarité possible entre les deux approches. Elles ciblent, selon certains auteurs, des processus distincts. Ainsi, selon Forman, Herbert, Moitra, Yeomans et Geller (2007), les résultats obtenus en TCC traditionnelle semblent être attribuables à la capacité d’observer et de décrire les expériences alors que ceux obtenus dans l’ACT seraient dus à la diminution de l’évitement expérientiel, à la capacité d’agir de façon consciente et à l’acceptation.

En effet, plusieurs approches de la troisième vague se basent sur le behaviorisme radical. Elles permettent de dissocier l’expérience subjective du comportement ouvert, d’éviter l’attachement excessif à l’histoire personnelle (Herbert et Forman, 2011). L’identification des valeurs et l’établissement de buts en lien avec les valeurs peuvent servir de facteurs de motivation (Arch et Craske, 2008) et amener le patient à adopter les comportements requis pour améliorer sa qualité de vie sans attendre la rémission des symptômes pour lesquels il se présente initialement.

Finalement, l’équilibre entre les stratégies de changement et d’acceptation de leur état peut aussi permettre aux patients aux prises avec des pathologies chroniques de mieux composer avec leur condition (Dobson, 2013). Donc, même si en comparaison de la TCC classique, il existe moins de preuves et d’évidences scientifiques de leur efficacité, les approches basées sur la pleine conscience et l’acceptation sont prometteuses, permettraient d’éclaircir les processus de changement et offriraient des stratégies complémentaires afin d’aider les patients.