Si nous voulons nous intéresser à la question de la politique de soin d’un pays, son passé, et son avenir, il est nécessaire de relier l’expérience de terrain à la mise en perspective nationale. A priori la France, s’étant dotée d’une organisation, sur l’ensemble du pays, installant la relation humaine en priorité par le travail direct d’équipes soignantes avec une population limitée, a montré sa préférence, en refusant ainsi une organisation universitaire qui aurait privilégié l’application de protocoles scientifiques ; nous pourrions en déduire que notre orientation est clairement et massivement proche de celle proposée par nos amis canadiens, auteurs de l’argument qui nous a convoqués ici. Ce n’est pas si simple, car l’option que nous venons d’énoncer n’avait pas une représentation concrète en 1960, même aujourd’hui, un consensus est encore loin d’être réalisé en France sur ce point. Nous allons tenter de le démontrer par l’analyse du terrain plutôt que par une prise de position théorique et générale. Commençons alors, si vous le voulez bien, par le petit bout de la lorgnette, celui d’un ancien laboureur de terrain de la psychiatrie de secteur, et de son modeste labeur à la petite échelle de son ancien secteur, cela relativise le propos mais cela va nous permettre d’observer comment s’opère l’application de cette politique de santé autour de la succession de chef de secteur (il y a aujourd’hui en France 1 170 équipes de secteur pour 829 secteurs, ce qui permet de préciser qu’en complément des 829 équipes de psychiatrie générale il y a 321 équipes infanto-juvéniles faisant face à la partie infanto-juvénile de la même population, et 20 pénitentiaires). En 1999 dans un département de la banlieue est de Paris (le 9-3), où tous les secteurs de psychiatrie générale (en fait 17 pour 1 300 000 h) ont été créés le même jour de novembre 1971, (il faudra attendre 10 ans pour que dans 3 hôpitaux soient aussi créées les 5 équipes infanto-juvéniles correspondantes). Dans l’un des secteurs généralistes, deux psychiatres, (l’un chef de ce secteur depuis cette date, l’autre ancien interne, puis nouveau PH (psychiatre des hôpitaux) revenant prendre un poste vacant dans ce même secteur en 1999), décident de se succéder l’un à l’autre, en ayant comme premier souci d’obtenir l’accord de l’équipe de ce secteur. L’ancien : Guy Baillon — le nouveau : Patrick Chaltiel. En effet le statut des psychiatres des hôpitaux offre cette possibilité : lorsqu’un psychiatre démissionne de son poste de chef de service, le ministère, au lieu de proposer le poste à l’ensemble des candidats nationaux, le propose d’abord aux autres PH de ce service. Vous savez que la politique que la France a choisie pour la psychiatrie de service public a été consacrée par une loi promulguée en juillet 1985 « la Politique de secteur » rappelée ci-dessus. Cette loi avait été précédée par la publication échelonnée de circulaires adressées aux Préfets par le Ministre de la santé, en particulier en mars 1960 et 1972 ; ces circulaires n’ayant pas force de loi n’ont pas planifié cette politique ; de ce fait son application ne s’est déployée peu à peu dans les faits qu’à partir de 1972, ceci dans un « franc désordre », dans ce pays de tradition jacobine et égalitaire ; elle a consolidé la précédente inégalité dans la répartition des moyens de la psychiatrie ; ces inégalités n’ont jamais été réparées, elles se sont même accentuées ; elles ont contribué à donner aux français l’image d’un service public « à l’italienne » (se développant de façon très variable dans chaque secteur selon l’appui des « forces démocratiques » locales) …
Où va la psychiatrie en France ?[Record]
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Guy Baillon
Médecin-chef de secteur, Bondy, Seine St-DenisPatrick Chaltiel
Médecin-chef de secteur, Bondy, Seine St-Denis