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Les nombreuses transformations qui s’opèrent actuellement en psychiatrie autant dans sa manière de concevoir la maladie mentale que dans sa façon de la traiter ont suscité notre réflexion et orienté notre regard hors du champ clinique habituel vers une analyse plus globale reliant l’individuel au social.

Bref rappel historique

L’histoire de la folie et plus récemment, les études transculturelles ont largement témoigné de la diversité des conceptions et des formes d’expression de la folie. Qu’il soit question de l’oracle, de l’hérétique, du possédé, de l’aliéné ou du malade mental, qu’il soit question du paranoïde versus le persécuté, du psychopathe versus le héros libérateur, la folie ne se conçoit qu’à travers les yeux de celui qui la regarde, qu’à travers le prisme d’un cadre socioculturel et normatif intériorisé dans l’histoire individuelle (Paradis, 1992).

Ce cadre qui de prime abord vise à organiser efficacement les agirs humains dans sa quête de survivance donnera un sens, une compréhension et une impression de maîtrise du monde à l’homme (Laborit, 1987). Mais réciproquement et paradoxalement, il exercera sur lui un contrôle direct, symbolique, religieux et idéologique souvent sans égard aux réalités. C’est ce qui fera dire à Laborit que :

les valeurs que l’on croit personnelles, sont celles des groupes auxquels l’on appartient… parce qu’elles sont utiles à la survie de ces groupes, au maintien de leur structure, même si elles sont dangereuses pour la survie des autres groupes.

Tradition occidentale

Le développement des moyens de subsistance, la possibilité d’accumuler et de s’approprier les richesses ont profondément balisé les sociétés humaines. De la propriété commune et spontanée des organisations tribales, la civilisation moderne passera progressivement à la propriété privée et organisée ; des rapports de partage et d’échange du communisme primitif aux rapports de dominance et d’échange inégal (Engels, 1891). Concomitamment, la folie ne sera plus considérée comme un événement groupal venu du dehors mais bien comme un fait individuel venant du dedans (Pewzner, 1996).

La révolution bourgeoise du xviie siècle a conforté la civilisation occidentale autour des nécessités marchandes :

travail salarié, développement des cités, accroissement des pouvoirs laïcs et politiques, État centralisateur, productivité, rentabilité, profit, mentalité empirique, primat de la famille nucléaire et instauration de la paix publique comme condition primordiale du progrès social.

Paradis, 1992

Toute forme de déviance devint discordante et âprement stigmatisée ; ce fut le grand renfermement, « la naissance de l’asile », la prise en charge de la folie hors de l’espace social (Foucault, 1961).

Les conceptions occidentales de la folie se sont aussi élaborées à partir d’une symbolique religieuse miroir où « l’homme est considéré responsable de ses actes et en particulier de ses fautes » (Pewzner, 1996). Les misères de l’humanité y résultent non pas des conditions de vie mais bien du péché originel, marque intériorisée de la désobéissance coupable de l’homme envers le maître. À l’image d’une performance récompensée, la promesse d’une rédemption salvatrice, réparatrice d’injustice donnera espoir et occultera la souffrance terrestre.

Ainsi, dans la tradition occidentale, les thèses médicales (théorie physiologique, humorale, organiciste, dégénérative, bio-chimique), les thèses philosophico-religieuses (maladie de l’âme, possession diabolique, maladie de volonté et de raison) et psychologiques (psychanalyse, approche dynamique) ont le plus souvent éludé la question fondamentale du sens de la folie en tant que fait social (Pewzner, 1996). La folie appartient au domaine du privé, du dysfonctionnement coupable des mécanismes internes, au défaut de fabrication génétique et à une thérapeutique restauratrice de l’individu pour un devoir d’intégration dans l’agencement social et normatif. Comme le souligne Moro (1992), contrairement au guérisseur qui vise le rétablissement des liens collectifs sans référence nosologique aucune,

le clinicien occidental fait un diagnostic de nature… les liens familiaux et sociaux ne serviront qu’à étayer le diagnostic porté sur la nature de la maladie.

Les Trente Glorieuses : 1945 à 1975

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, face à un nouvel échiquier politico-économique mondial et face à des besoins et revendications populaires grandissants, les idées libérales classiques se rangèrent pour céder le pas à la nécessité de l’intervention économique de l’État. Ce furent les heures de gloire des théories économiques de J. M. Keynes [1].

Ce fut une période d’accroissement des acquis sociaux et d’une répartition plus équitable des richesses. Ce fut l’essor de la psychosociologie, des sciences sociales, des conceptions plus humanistes et sociales de la folie. Ce fut une période de débat et de contestation de la psychiatrie asilaire et de la psychologie clinique : antipsychiatrie, sociologie du macro-social (Sévigny, 2000), etc. La folie quoique toujours de nature individuelle était aussi mise en lien avec l’étiologie psychosociale.

Au Québec, la rupture avec le conglomérat oppressif de la religion et de la politique de Duplessis fut plus longue à venir. Le mouvement s’étendra à la province vers les années soixante : assurance-chômage, aide sociale, syndicalisation, assurance-maladie, droit à l’éducation, remise en question de la religion, etc. En psychiatrie, les dénonciations publiques (le livre Les fous crient au secours, la critique des centrales syndicales et des corporations professionnelles) donneront lieu à une série de transformations. Le rapport Bédard (1962) conduira à la formation du personnel et à la mise en place de services psychiatriques dans les hôpitaux généraux. Le rapport Castonguay-Nepveu (70-75) léguera le droit à la santé, l’adoption de la loi sur la protection du malade (1972) et la création de CLSC à vocation psychosociale (1974) (Lazure, 2000).

C’est également les débuts de la désinstitutionnalisation et l’émergence des groupes communautaires et alternatifs qui selon Sévigny (2000) prôneront des « valeurs de prise en charge de soi, d’entraide et de coopération ».

Dans la même foulée, l’hôpital psychiatrique élargit peu à peu son horizon asilaire : embauche de personnel formé, syndicalisation, etc. Du garde-fou et de l’occupationnel asilaire, elle s’orienta peu à peu vers l’équipe multidisciplinaire, vers la psychiatrie communautaire et la transformation de ses services occupationnels en services de réadaptation. Il y avait là un véritable projet social « rassembleur », issu des aspirations de la base.

1975 à 2002

L’intervention sociale et économique de l’État, l’accroissement des gains sociaux et la montée des valeurs de partage freinèrent de plus en plus la libre circulation des échanges et l’expansion du capital.

L’ère Reagan-Thatcher des années quatre-vingt remit en selle la doctrine du monétarisme et du libre-marché. En 1991, la chute de l’empire soviétique qui indépendamment de sa réalité représentait aussi une menace au libéralisme, rendit possible la conquête en toute sécurité des marchés mondiaux ; le néolibéralisme prit son envol. Ce fut l’établissement de concurrence nouvelle, de pression à la rentabilité, la promotion du désengagement de l’État, la réduction des coûts sociaux et pour ce faire, restructuration, rationalisation, hyper-réglementation du domaine public et déréglementation du domaine privé (St-Onge, 2000).

Parallèlement, les rapports de force sociaux sont mis à rude épreuve : questionnement de l’État « providence », dénigrement des services publics, questionnement sur l’efficacité des sciences humaines et psychiatriques, critique des conceptions plus sociales de la folie.

L’équilibre fragile d’une répartition plus équitable des richesses et des droits qu’avait stimulé la contestation des années soixante, s’étiole. Au Québec, cette fois, les impératifs ne sont plus religieux mais bien économiques. Performance, compétitivité et efficacité s’imposent comme l’unique voie de la réussite. Les « perdants » (pauvre, chômeur, malade, décrocheur, épuisé professionnel, etc.) seront perçus comme défaillants. L’inégalité des droits, des moyens et des rapports sera voilée par l’évocation de facteurs causals individuels : vulnérabilité constitutionnelle, génétique, fragilité adaptative ou de personnalité (Gène du suicide, Arias et al., 2001 ; L’enfant naît méchant, Tremblay, 1999). Les « perdants » soumis à ce battage d’informations, toujours imprégnés de tradition judéo-chrétienne, se sentiront eux-mêmes responsables et coupables d’une quête individuelle avortée.

Psychiatrie et État

L’État directement assujetti au financement privé (dette, cote de crédit, prime de risque, etc.) pilotera son propre désengagement et maintiendra ses appuis aux capitaux sous le couvert de la création d’emploi. Depuis les années quatre-vingt, c’est la réduction des budgets à portée sociale, la privatisation des services, le virage technologique et scientifique, l’établissement de lois, de mesures de contrôle et d’efficacité (déficit 0, loi anti-déficit, etc.) et pour ce faire, prépondérance donnée à la bureaucratie et au fonctionnariat.

Au Québec, par exemple, le gouvernement subventionnera directement l’industrie du médicament breveté ; il lui permettra par la prolongation de la durée de ses brevets, de s’enrichir à même les fonds publics de 200 millions de dollars supplémentaires (Dussault, 2002).

Tenu aussi à la bonne gestion des affaires publiques, l’État cherchera à maintenir les réformes sociales déjà entreprises en santé mentale. Il fera appel à une diversité de chercheurs, organisera de vastes consultations réunissant l’ensemble des acteurs impliqués dans l’élaboration de ses orientations et politiques. Le message se voudra rassembleur, axé sur une vision sociale de la maladie mentale et sur des valeurs de partage, de démocratisation des pratiques et services. En 1989, apparaîtra dans la politique gouvernementale le concept de « santé mentale » qui relie bien-être psychologique et environnement social (modèle écologiste), il encouragera le partenariat et légitimera le rôle des ressources communautaires. En 1992, réaffirmation de ces orientations, la politique de la santé et du bien-être fait état des « liens entre santé, conditions socio-économiques et l’environnement social » (Bibeau, 2000). En 1994, le Comité Santé mentale rappellera aussi que « la santé mentale est un fait social » et que « l’influence des éléments de contexte et des facteurs socioculturels est déterminante dans la genèse et l’évolution des problèmes de santé mentale » (Robichaud et al., 1994).

Les technocrates, spécialistes des conceptions techniques des problèmes, seront aussi mis à contribution dans la recherche de solutions moins coûteuses et plus efficaces relativement à la mise en oeuvre des politiques gouvernementales. Apparaîtront des concepts et des outils dits « nouveaux » qui auront comme fâcheuse tendance « de remplacer les idées d’hier par celles d’avant-hier en les présentant comme celles de demain » (St-Onge, 2000) : communauté source première de services, mise en place de mécanismes de participation (multiplication des comités), élaboration de plans d’action : plan de désinstitutionnalisation, PROS, PSI, gestion par résultat, indicateur de performance, gestion pro-active, appropriation collective du pouvoir, concertation des acteurs, etc.

Invoquant aussi l’importance d’une diffusion cohérente et transparente de ces nouveaux concepts, le ministère la confiera aux experts de la communication. La conception du message est relativement simple : définition de la clientèle-cible (par exemple : ressource communautaire) et de leurs valeurs (autonomie, respect de leur expertise) — description étayée et juste de la problématique visée (inégalité des rapports) — recours à la science, à l’académique ou à un concept accrocheur et prometteur pour proposer les solutions (partenariat). Les mots choisis s’inscriront dans une double logique, une logique de contenant axée sur l’apparence et une logique de contenu axée sur le sens ; partenariat par exemple qui réfère à des échanges consentis et égaux dissimulera le caractère imposé et asymétrique des échanges (Carrière, 2001).

De la politique de 1989 jusqu’au rapport de la commission Clair (2000), en concordance avec la montée du néolibéralisme des années quatre-vingt-dix, on assistera à l’accroissement des modalités administratives, des solutions techniques et uniformisantes (informatisation du réseau pour améliorer la communication par exemple) ainsi qu’à l’infiltration progressive du langage technocratique et informatique dans le clinique : gestion de lits, approche-réseau, paramètres, cadre de référence d’où est exclue toute référence non seulement au social mais à l’humain.

Ce qui n’est pas dit…

Le déficit réel de l’État résulte de ses propres politiques d’appui au néolibéralisme. Dans les années quatre-vingt-dix par exemple, c’est le ralentissement de la croissance combiné à la baisse d’impôts des sociétés et des classes fortunées qui feront chuter les rentrées fiscales de l’État accentuant largement le déficit et la nécessité de poursuivre le transfert des responsabilités (St-Onge, 2000).

Au niveau de l’organisation des services de santé, l’État maintient la centralisation des pouvoirs en son sein et ne fait que décentraliser les responsabilités vers les paliers inférieurs tout en prêchant les vertus de l’imputabilité. La loi 83 adoptée en 1995 qui donne pleins pouvoirs au ministre pour la fermeture des hôpitaux et l’autorise à passer outre les décisions des régies ; le projet de loi 28 (MSSS, 2001) qui gratifie le ministère de pouvoir d’enquête et de sanction en sont quelques exemples. Cette centralisation des pouvoirs et décentralisation des « devoirs » entretiennent la rivalité entre les différents groupes qui, sous la mire, craignent de perdre leur légitimité et leurs ressources (Carrière, 2001).

Au niveau des acteurs, l’État ne pouvant non plus s’aliéner sans risque certains groupes de pouvoir notamment le médical, renforce une organisation hiérarchique des services et des rapports. Par la loi des services de santé et des services sociaux, par la loi médicale, par le maintien du mode de rémunération à l’acte, par les jeux d’influence, l’État confortera l’autorité décisionnelle, stratégique et fonctionnelle des médecins au sein du réseau.

En soumettant les organismes communautaires au mécanisme d’évaluation bureaucratique pour l’obtention de financement (MSSS, 1989), le ministère maintient une politique de la « main tendue » (Bibeau, 2000), favorise la fonctionnarisation des pratiques et du même coup, limite leur pouvoir critique (Morin, 2000).

Paradoxalement, cette armature financière, technocratique et hiérarchique nécessitera des investissements majeurs. On assiste non pas à une réduction des coûts mais bien à un déplacement des argents au profit de l’industrie informatique, technologique et pharmaceutique et ce, en conformité avec la politique de soutien du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie (Rochon, 2001). Au Québec, de 1993 à 1999, les dépenses totales de santé ont peu varié : les institutions publiques (hôpitaux, CLSC, CHSLD, etc.) ont enregistré une perte de 14,2 %, les médecins, une augmentation de 11,2 % et l’industrie du médicament, une hausse de 38,1 %. De 1993 à 1997, les dépenses publiques en santé par habitant ont diminué de 7 % et les dépenses privées augmenté de 10 % (Pelchat, 2000).

Psychiatrie et science

Médecine

La médecine, de par sa position hiérarchique, sa notoriété publique, sa proximité idéologique (statut d’entrepreneur privé), et sa fonction de prescripteur, est une cible de choix pour qui veut rentabiliser la folie.

Le courant bio-chimique contemporain qui se rattache à la longue tradition organiciste et qui tente de rendre compte des perturbations mentales et comportementales en termes de dysfonctionnement au niveau des neurotransmetteurs permet une vision uniformisée de la souffrance psychique (Pewzner, 1996). La nature biologique universelle de l’humain occultera sans ambages les dimensions sociales et culturelles.

La pharmacothérapie qui a déjà fait ses preuves dans la diminution et/ou la résorption symptomatologique de certains états dépressif, anxieux et psychotique est prometteuse. Actuellement en Amérique du Nord, l’industrie pharmaceutique investit en moyenne 20 000,00 $ en frais de promotion pour chaque médecin, soit 11 milliards de dollars par année (Dussault, 2002).

Plusieurs études (transnationales, 1999) dont l’importante analyse de Zarifian (1996) en France ont montré comment la chaîne des informations médicales est contrôlée de l’amont à l’aval par l’industrie pharmaceutique, c’est-à-dire de la conception des critères diagnostiques, de la recherche, de la formation médicale jusqu’à l’information pharmacothérapique.

Critères diagnostiques : uniformisation et quantification de la folie

C’est à l’Association américaine de psychiatrie (APA), très largement financée par l’industrie pharmaceutique (Zarifian, 1996) que l’on doit le DSM-IV, soit le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Depuis la parution du DSM-1 en 1952, l’histoire montre une évolution rapide vers la fragmentation et l’uniformisation de la conception des troubles psychiques. Déjà conçu à l’origine pour normaliser une nomenclature des syndromes mentaux, dès 1968, le DSM-II s’uniformisera avec la classification internationale des maladies mentales (OSM). Le DSM-III (1979) consacrera quant à lui la nature « empirique, objective et scientifique » de la nosographie. S’appuyant sur les avancées de la recherche médicale et pharmacologique, « les psychiatres les plus qualifiés », dira Spitzer (Gross, 1978), remplaceront les psychanalystes. Le DSM-III rompit avec la tradition freudienne des névroses et aura recours à la notion d’anxiété dite plus universelle et représentative de la souffrance psychique. Ce « scientisme » occidental s’avérera irrésistible (Tomm, 2000) ; il conquit le monde psychiatrique depuis longtemps pointé du doigt pour son manque de rigueur et conforta les compagnies d’assurance et les gouvernements dans leur quête de rationalisation des coûts. La régie des rentes du Québec (2001) l’utilise déjà comme critères diagnostiques d’invalidité et l’Association des hôpitaux du Québec (2000) en recommande l’usage à des fins comparatives et planificatrices de services. Le DSM-IV (1995) de plus en plus tributaire de recherches initiées, financées et exploitées par l’industrie pharmaceutique aboutira à une énumération de symptômes quantifiables, isolés de tout contexte théorique et détachés de l’histoire personnelle et sociale (Zarifian, 1996).

Une recherche de l’Université du Michigan démontrera qu’en faisant une application stricte du DSM-IV, la moitié de la population américaine pourrait être considérée comme mentalement malade (Zarifian, 1996). L’accroissement des catégories pathologiques (180 à 300 entités) dans sa tentative clarificatrice des comportements humains pénètre l’univers social, infiltre son langage, le peuple de « déficits » augmentant les hiérarchies culturelles discriminantes et l’espace auto-dépréciative (Gergen, 1990).

« On fabrique de la pathologie à partir d’une construction mécaniciste de la psychologie », dira Zarifian. Chaque symptôme (anxiété, dépressivité, obsessionnalité, etc.) est pris isolément permettant des constructions malléables des pathologies comme par exemple personnalité anxieuse en voie de constitution ou encore personnalité obsessive-compulsive (POC) non traitée se transformant en trouble obsessif-compulsif (TOC) ; chaque aspect nécessitant une médication spécifique. Les recherches épidémiologiques basées sur des critères diagnostiques théoriques et sur des résultats micrométriques généralisés à l’ensemble d’une population ne manqueront pas de confirmer ces prévalences en les présentant par surcroît comme des fréquences. Les échelles comportementales quant à elles, par une quantification pseudo-objective des symptômes, serviront à prouver l’efficacité du médicament. C’est la nouvelle clinique du « symptôme cible » où chaque souffrance humaine trouvera son corollaire, la prescription médicamenteuse : ensemble de symptômes → dépression → sérotonine → IRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine).

La valorisation exclusive de cette « clinique de recherche » pénètre la pratique psychiatrique. La logique pharmacologique « objectivée » discrédite la qualité subjective du regard et du lien thérapeutique. Comme le rappelle judicieusement le psychiatre Mauger (2001),

il est si facile de succomber à la tentation pharmaceutique… ne serait-ce que pour échapper au sentiment d’impuissance qui nous accompagne si fréquemment quand, laissés seuls avec le patient, nous n’avons plus comme recours que la parole de l’un et de l’autre.

Depuis quelques mois, des informations médiatisées ont également mis en lumière d’autres volets de l’industrie pharmaceutique : financement de la formation universitaire et de la formation continue des médecins qui, selon une étude de l’université McGill (Wazana, 2000) influence la prescription et la pratique psychiatrique, pénétration des publications scientifiques, importants investissements promotionnels ; la compagnie Merck-Frosst par exemple consacre deux fois plus d’argent aux activités promotionnelles qu’à la recherche, accroissement de la recherche ciblée (molécule similaire) [2] (CEPMB, 1998), dissimulation ou invalidation de recherches critiques dont les plus connues sont certainement celles du Prozac (Leclerc, 2001), mise à l’écart ou congédiement de scientifiques qui divulguent des résultats non concluants comme ce fut le cas pour le Dr Healy au « Center for Mental Health and Addiction » (Université de Toronto ; firme donatrice Eli Lilly) (Bergeron, 2001) enfin, recours à la publicité grand public comme porteur du message pharmaceutique.

Sa mainmise actuelle sur l’information et la formation médicale mène à la fragmentation, à l’appauvrissement et à l’uniformisation de la pensée médicale qui réduisant l’homme à son fonctionnement biochimique et génétique, marginalise toute autre perspective médicale (bioénergétique, holistique, etc.) (Sterlin, 2000), exclut la question du sens des symptômes (Pewzner, 1996) et nie l’action du socioculturel dans la genèse des problèmes psychiques légitimant du même coup l’idéologie dominante (Bibeau, 2000).

Sciences humaines

En psychiatrie, la primauté du modèle médical neuroscientifique et la marginalisation des conceptions sémantiques de la folie questionneront l’objectivité et l’efficacité des sciences humaines. Le courant psychodynamique qui, jusque dans les années soixante, avait profondément influencé les théories et les pratiques cliniques s’opposait par essence à la science comptable.

Les critiques pertinentes qui lui avaient été adressées durant les trente glorieuses et qui concernaient sa vision « victorienne », individualisée et universalisée de l’homme ont servi d’assises à la critique néolibérale. Toutefois, ce n’est plus le contenu de son modèle dynamique de personnalité qui anime les débats mais bien son caractère non empirique, son regard tourné vers le passé social et la durée de son intervention. L’on admet volontiers l’importance de sa contribution mais c’est maintenant chose révolue. C’est la rupture ou au mieux la marginalisation des théories qui s’attardent au sens en psychopathologie ; quoiqu’on en pense, la psychodynamique avait permis d’envisager la maladie mentale dans des termes autres que ceux de la faiblesse constitutionnelle.

Cette mise au rancart laissa place à d’autres approches : comportementale, cognitiviste, techniques d’intervention brève, etc. Ces modèles théoriques centrés sur la modification des symptômes ouvriront la voie à l’observable, à la mesure, aux techniques systématisées d’évaluation et d’intervention. Elles rendront possible l’utilisation des nouvelles technologies : compilation des données, mesure d’efficacité, etc. Sans vouloir nier leur apport, on ne peut passer sous silence leur convergence vers une mentalité empirique restreinte, une vision fragmentée de l’humain (symptôme, cognition, comportement) et l’exclusion du fait social.

Les sciences humaines, aux prises avec les philosophies dominantes d’uniformisation, d’objectivation et d’efficience, soucieuses d’établir leur créneau, développent de plus en plus d’approches ciblées et spécialisées. Sur le terrain, leur influence positive quant à l’articulation d’une représentation plus intégrée des composantes de la personnalité, d’une étiologie et d’une psychopathologie sociale, s’amoindrit.

De nos jours, il ne s’agit plus de connaître (insight freudien), de comprendre (psychodynamique et autres) et d’exprimer (humanisme) mais bien de « gérer » ses émotions, ses conflits et ses crises. L’État assainira « prendra soin » des finances publiques et la collectivité gérera ou à défaut, gèlera ses humeurs.

L’hôpital psychiatrique

Un regard sur l’hôpital psychiatrique en tant que microcosme social au confluent de tous ces pouvoirs, apporte un éclairage sur l’articulation concrète des changements. Il ne s’agit pas ici d’alimenter la controverse si utile au néolibéralisme mais bien de faire ressortir que tous les praticiens, à des degrés divers et bien sûr de manière différente, sont soumis à des impératifs hors contrôle et souvent, hors conscience.

Depuis les années quatre-vingt, les politiques axées sur la désinstitutionnalisation et la réduction de la taille des hôpitaux psychiatriques menèrent à des modifications majeures : réduction des budgets, fermeture de lits, réallocation des ressources financières, instauration de la gestion par programmes, révision de l’organisation du travail, interdisciplinarité, etc.

Dans un premier temps, la culture propre à chaque centre hospitalier influencera le rythme et la nature des changements. Les hôpitaux de tradition protestante libérale et de tradition asilaire nationaliste, plus proche de l’idéologie dominante, initieront ces changements. Ils serviront de modèles d’émulation aux hôpitaux plus réfractaires, soit ceux dont la tradition psychanalytique rendait moins enclin à la programmation « programmée » et ceux dont la tradition asilaire catholique avait suscité une contestation plus vive durant les « Trente glorieuses » et conséquemment conduit à une plus grande diversité.

Dans les années quatre-vingt-dix, la mise en concurrence des institutions fut plus directe : pouvoir accru des régies régionales dans l’allocation des fonds (gouvernement du Québec, 1992), comparaison budgétaire inter-établissement, démonstration de l’efficience, de la performance, course au financement entraînant la mise en place d’une série de mesures de contrôle et/ou d’émulation : agrément, statut universitaire, indicateurs de rendement, etc. La proclamation du « déficit 0 » suivie d’un bilan ministériel plutôt négatif relativement à l’implantation des réformes (Potvin, 1997) précipitèrent les choses. En 1997, le ministère annonce la fermeture de la moitié des lits psychiatriques restants, demande la réduction du nombre et de la durée des séjours hospitaliers et les transferts budgétaires intra-hospitaliers vers les services externes.

Les hôpitaux psychiatriques, soucieux de préserver leur place sur l’échiquier « Santé mentale » peaufineront et/ou s’engageront eux-mêmes dans une restructuration de leurs façons de faire intra et extra-muros. Les solutions proposées seront entièrement soumises aux exigences étatiques financières et technocratiques c’est-à-dire à des éléments entièrement étrangers au domaine de la santé mentale. Au sein de l’hôpital, c’est aussi diront les gestionnaires, « folie maladie » oblige, la prépondérance accrue de l’autorité médicale dont découlera une hiérarchie spécifique des pouvoirs et des priorités dans l’organisation des soins et du travail. À la manière promotionnelle, la mise de l’avant du principe de cogestion qui suppose l’égalité des rapports et des moyens servira à masquer aux différents groupes en présence la réalité hiérarchisée.

Organisation médicale

Les tensions médico-administratives qu’avait suscité en certains lieux la progression du contrôle étatique, se résorbèrent par le maintien voire l’élargissement du pouvoir médical (Reinharz, 1998). Parallèlement, se dessina une conviction nouvelle d’un « leadership de compétence » médicale à la fois biologique, psychologique et sociale, appuyée en cela par les nouvelles orientations des facultés de médecine et des associations médicales. L’Association des Médecins Psychiatres du Québec apprendra d’ailleurs aux visiteurs de son site Internet (auquel la firme Eli Lilly a contribué) que

le médecin psychiatre est le seul [3] professionnel de la santé à offrir un diagnostic, un traitement complet — tant sur le plan biologique, psychologique que social.

L’organisation des soins et services hospitaliers sera entièrement confiée à l’autorité médicale et sous peu, le rôle des chefs de département clinique sera accru (Clair, p. 101).

L’organisation par services médicaux qui place les chefs psychiatres en autorité sur chacun des points de service et en pilotage de la programmation clinique renforce dans les faits une vision unique ; les intervenants non médicaux sont écartés des sphères décisionnelles et confinés au rôle d’appliquant (Grégoire, 2000). Malgré la mise de l’avant du modèle bio-psycho-social ou plus récemment du modèle traitement-réadaption-réhabilitation, la concentration de l’autorité au main d’un seul groupe professionnel freine dans les faits le déploiement des autres disciplines thérapeutiques, sociales et réadaptatives.

Le dossier/clientèle demeurant également sous responsabilité médicale, les intervenants non médicaux n’ont pas de véritable contrôle sur la nature et la durée du traitement. Une participation concertée et respectueuse des expertises de chacun n’est possible que dans la mesure où le psychiatre responsable du dossier le permet (Grégoire, 2000).

Les intervenants de plus en plus maintenus dans un rôle d’appliquant « s’adaptent » à ce manque d’accomplissement en diminuant leurs attentes face à l’utilisation et au développement de leur expertise (Allaire, 1995). L’initiative et la créativité si utiles au processus thérapeutique et réadaptatif s’amoindrissent.

Performance et gestion par résultat

À ce contexte, s’ajoute bien évidemment la redéfinition des pratiques à l’ère des solutions dites clinico-administratives. Gestion par résultat, tableau de bord clinico-administratif, réduction du temps de suivi, pression à la statistique, organisation interdisciplinaire du travail, fonctionnement réseau, font maintenant partie du paysage psychiatrique clinique.

L’on s’en doutera, les indicateurs de performance n’informeront pas les praticiens sur la nature des problématiques sociales des populations à desservir mais bien sur la durée moyenne de séjour, les mouvements de clientèle et les délais d’attente ; ils serviront pourtant, diront les technocrates, à une meilleure programmation clinique. Les statistiques individuelles des intervenants centreront aussi l’attention sur la quantité ; la qualité du lien c’est-à-dire celle ressentie par le patient échappant probablement à la mathématique. En découlera une pression culpabilisante et un sentiment d’inefficacité et d’incapacité à satisfaire une norme dont on oubliera finalement le sens réel. C’est peut-être ce qui fera dire « avec fierté » à des intervenants d’un centre médical psychiatrique que 72 % des interventions faites à domicile porte sur la livraison de médication (Duke University Medical Center, 1993).

Organisation du travail et interdisciplinarité

Pour favoriser la qualité des services à la population et pour endiguer la détresse psychologique des intervenants, le ministère fait état de la nécessité d’une révision de l’organisation du travail. « Le travail en équipe interdisciplinaire n’est plus un choix mais une nécessité » indiquera le rapport Clair. L’emphase est mise sur le partage, la flexibilité, la confiance et l’adaptabilité.

Théoriquement, l’interdisciplinarité est définie comme un travail d’équipe centré sur « la cible commune, la participation démocratique de ses membres, un sain leadership et la reconnaissance réciproque des différentes disciplines qui la composent » (Hébert, 1997). C’est en soi un concept intéressant qui privilégie la diversité des approches.

Mais il va de soi que maintenir une structure hiérarchique et une logique mathématique et promouvoir à la fois, un travail d’équipe démocratique en créant une confusion entre leadership et pouvoir [4], mène en droite ligne à l’échec opérationnel. Une recherche exhaustive de l’Université de Boston (Faulkner et Amodeo, 1999) confirme ces tendances. Les auteures concluent au manque de rigueur scientifique et au peu d’évidence empirique de l’efficacité du travail interdisciplinaire tant au niveau de l’équipe que des services à la clientèle. Elles relèvent que les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont entre autres la hiérarchie médicale et les exigences administratives.

La logique d’efficience technocratique qui fait de l’interdisciplinarité une stratégie, un outil de gestion s’opposera fatalement à la logique qualitative de la démocratisation des rapports, de la continuité des soins et de la diversification des approches à laquelle adhèrent les intervenants. D’autant plus que son implantation sous-tend, c’est du moins ce que le rapport Clair révèle, la mobilité des intervenants, le décloisonnement et l’allégement de la réglementation des professions et en psychiatrie, il est fort à parier que la profession médicale ne sera pas concernée.

Cette conjoncture économique, médicale et technocratique a une influence indéniable sur la pratique clinique. Une consultation (SPPASQ, 2001) effectuée auprès d’intervenants déjà engagés dans la programmation clinique et l’interdisciplinarité relate : une tendance à l’uniformisation des approches vers des approches quantifiables (cognitivo-comportementale, médicale, nursing), suivi systématique, approches de groupe, pression à réduire les durées de traitement, une perception des pathologies plus centrée sur la symptomatologie et la gestion des symptômes, utilisation accrue d’échelles de mesure normative pour l’obtention d’hébergement ou de services, augmentation des cliniques par diagnostics réduisant du même coup la pratique communautaire, généralisation des pratiques/programmes qui contrairement au principe mis de l’avant « le client au centre de nos préoccupations » rend plus difficile la perception globale du patient. C’est ce que certains cliniciens ont ironiquement surnommé la théorie des « petites cases » et des « petits tableaux ».

Soutenir ce regard fragmenté, de plus en plus furtif, obstrué par la biologisation grandissante éloigne tous les cliniciens, intervenants, médecins d’une compréhension plus globale de la souffrance humaine. Le lien thérapeutique, celui qui donne une qualité d’unicité à la personne, un lieu d’écoute et un espace d’expression libre de sa souffrance « subjective » hors de toute vision techno-scientifique s’étiole. Les aidants et les aidés n’ont malencontreusement pas appris, diront peut-être les technocrates, à « performer » l’établissement du lien.

La complexité de la souffrance humaine ne disqualifie aucune approche mais il faut mettre en évidence qu’à la faveur des contraintes, une pression s’exerce pour une utilisation accrue de concepts et d’interventions techniques plus aisément mesurables simplement parce que ces dernières permettent de répondre à des impératifs économiques néolibéraux de plus en plus serrés.

La folie

Après une telle incursion, la seule évocation du mot folie paraît discordante. C’est peut-être comme a dit Foucault (1961)

qu’à notre époque, la folie se tait dans le calme d’un savoir qui, de la trop connaître, l’oublie.

Ce que l’on connaît…

C’est que le néolibéralisme a élargi le fossé entre les riches et les pauvres créant une détérioration des conditions de travail et de vie, chômage, bien-être social, iniquité sociale, isolement menant à l’altération des structures sociales et familiales. L’insécurité grandissante et la perte des repères de sens ramenant de plus en plus d’individus en mode survie, les pousseront au rétablissement d’un cadre qui donnera sens à leur révolte et à leur impuissance. Au gré des cultures et des moyens accessibles, ces cadres prendront différents visages, soit collectifs : « gang » de rue, nationalisme ethnique, secte, intégrisme, fanatisme, soit individuels à symbolique sociale : maladie, itinérance, délinquance, folie. Au-delà de la valse chaotique des statistiques, la montée de ces phénomènes ne peut être niée.

En Occident, en dépit de la mise à distance du religieux, les notions de faute et de culpabilité demeurent fortement intériorisées. Au Québec, s’y ajoute le statut de colonisé ou plus récemment, d’immigrant qui laisse aux prises avec un idéal narcissique à parfaire. Ces valeurs sont un terrain propice aux sentiments d’auto responsabilisation, d’auto dépréciation, d’impuissance et d’échec dans un monde qui laisse croire à l’égalité des moyens et à la liberté d’action. Et on s’étonnera du décrochage scolaire élevé, du chômage persistant des jeunes, du taux croissant de suicide, de l’intensification des rapports de violence, de l’épuisement des travailleurs et du découragement des chômeurs.

L’image négative de soi évoquée par la majorité des patients dans l’intimité du lien révèle la difficulté de percevoir le signifiant social. Le déprimé parle de son impuissance coupable, l’anxieux de sa peur déraisonnable, l’obsessif de son imperfection comptable, l’état limite et le psychotique de leur angoisse morcelante à joindre les rangs de ce cadre social. Paradoxalement, ce sont dans les sociétés technologiquement les plus avancées conclura une étude de Sartorius et Jablenski que le pronostic de la schizophrénie est le plus sombre (Sterlin, 2000).

Le néolibéralisme, par le biais de la techno-science, tend à réduire la folie, dira Zarifian (1996),

à une collection de symptômes informatisables qui permettent de considérer l’homme comme un objet soumis à l’outil statistique et mercantile.

Il ne faudrait pas laisser, écrira Bibeau (2000), « aux professionnels de la gestion, de la communication et de la normalisation le soin de remodeler les déviances et uniformiser les êtres humains par des techniques toujours plus contraignantes ».

La désinstitutionnalisation qui n’a pas véritablement brisé les chaînes du garde-fou, risque par toutes ces contingences de les répandre dans la communauté. Le lieu social de la folie s’est émoussé et ce faisant, a dilué les forces critiques des groupes d’acteurs aujourd’hui tous préoccupés et occupés à leur survie et à leur maintien. La réinsertion sociale dans une société « économétrique » dominée par l’individualisme, la compétitivité et la consommation nécessite de vrais appuis ; masquer ce fait, c’est laisser la folie se diluer dans l’itinérance, la criminalité, la pauvreté… tout en l’exposant au statut de bouc émissaire.

Ce que l’on sait… c’est aussi ce que disent les usagers…

Une recherche en santé mentale (Rodriguez et al., 2000) sur les dimensions perçues par les « usagers » comme étant les plus déterminantes de leur changement rappelle l’importance de l’établissement du lien. Même si les symptômes déstabilisateurs du fonctionnement motivent habituellement la consultation, ils se greffent à une histoire personnelle et sociale qui demande à s’exprimer. Le sentiment d’avoir été accueilli et écouté a des effets apaisants sur l’angoisse et les souffrances ressenties. La médication est perçue comme aidant que dans la mesure où l’expérience du patient est prise en compte, que dans la mesure aussi où d’autres voies sont explorées.

Être accompagné sans jugement, mettre des mots sur les émotions submergeantes, rétablir un rapport à soi, avoir un témoin à distance des souffrances et des traumatismes passés, faire la relecture de son histoire, réinterpréter le vécu intérieur et l’image de soi à la lumière de ces nouvelles compréhensions, sont aux yeux du patient déterminants dans l’atténuation des symptômes et des crises.

Avoir un espace d’accueil, un lieu et/ou un sentiment d’appartenance est perçu comme un moteur de transformation positive dans ses liens aux autres ; avoir un lieu de réalisation de soi, comme la possibilité de se réapproprier et/ou de développer ses moyens et ses compétences vers l’intégration de nouvelles perceptions.

L’intervention est jugée thérapeutique que dans la mesure où elle appuie le mouvement intérieur, qu’elle encourage l’utilisation des ressources internes et qu’elle reconnaît les objectifs personnels de changement. Ce sont là les « indicateurs de performance » que livrent les patients, les clients, les usagers.

Pour reprendre le propos des auteurs, « Ne serait-il pas plus sage de parler de guérison non pas en terme de résultats à atteindre mais bien en terme de processus, de mouvement nécessitant un ensemble d’outils, d’approches et la mobilisation des processus internes de guérison de chaque individu ».

Cet article n’était que la mise en mots de l’inquiétude et de la colère d’une clinicienne qui croit toujours à la prise de conscience individuelle et collective.