Recensions et comptes rendusPhilosophie

Rémi Brague, Après l’humanisme. L’image chrétienne de l’homme (Philanthropos), traduit de l’allemand par Fabrice Hadjadj (avec l’aide d’Annachiara Riedel et Raphaël Kadischi). Paris, Éditions Salvator, 2021, 13,5 × 20 cm, 209 p., ISBN 978-2-706-72193-9

  • Louis Roy

…more information

  • Louis Roy, o.p.
    Faculté de théologie, Collège universitaire dominicain, Ottawa

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options
Cover of Moïse sous le regard de la philosophie, Volume 76, Number 2, May–August 2024, pp. 165-305, Science et Esprit

Rémi Brague est un spécialiste en philosophie médiévale, arabe et juive. Il cite et/ou signale des références à des auteurs hébreux, grecs, latins, arabes, français, allemands, anglais, russes, italiens, espagnols, néerlandais ! Sa thèse principale est qu’il faut renoncer à définir l’homme à partir de soi-même – ce que s’est proposé l’humanisme – et qu’il faut rechercher une « image chrétienne de l’homme », comme l’indique le sous-titre du volume. Voyons comment ses réflexions procèdent. Après une Introduction portant sur l’essor et le déclin de l’humanisme aux Temps modernes, l’A. avance en sept étapes. Le chapitre premier esquisse une vue historique de l’anthropologie. Le deuxième chapitre critique fortement toute recherche d’une définition de l’être humain. Le troisième chapitre offre une vision christologique de l’anthropologie. Le quatrième chapitre rejette diverses idéologies : relativisme, subjectivisme, biotechnologies, transhumanisme et humanitarisme. Le cinquième chapitre propose un approfondissement et une élévation de la personne humaine en tant qu’unique et historique. Le sixième chapitre explique ce qui est commun et ce qui est original chez les chrétiens. Le septième chapitre aborde plusieurs caractéristiques de l’être humain : possédant une âme et un corps, devant être ressuscité, doué d’une vie à respecter, non soumis à l’esclavage et libre de choisir son conjoint, bref prenant au sérieux toute la réalité humaine. En dernier lieu, l’auteur décrit la situation paradoxale des chrétiens aujourd’hui, en se concentrant sur deux problèmes : la défense de l’humain dans son ensemble et l’utilité de la métaphysique. Comme on le voit, il est difficile de repérer une unité thématique dans la plupart de ces chapitres. À plusieurs reprises dans son livre (aux p. 61-62, 67-69, 77, 83, 101, 107-108), Brague soutient qu’il est impossible de définir ce qu’est l’être humain accompli et que même ce qu’il appelle une « anthropographie » (p. 141), c’est-à-dire une pâle description plutôt qu’une définition, ne donne pas grand-chose. Par ailleurs, il déclare qu’il existe une « anthropologie chrétienne », qui apparaît, chez lui, comme entièrement différente de toute anthropographie non-chrétienne. C’est ainsi qu’il écrit : « Les caractéristiques de l’homme les plus habituelles en sont entièrement réinterprétées » (p. 142 ; c’est nous qui soulignons). Cette position soulève la difficulté du christocentrisme, dont nous parlerons sous peu. De même, en ce qui concerne « les droits de l’homme » (p. 36-38 et 113-114), l’A. semble exclure tout dialogue avec des humanistes contemporains – tel l’agnostique Jürgen Habermas, dont il ne parle pas – et il n’est pas loin d’adopter le christocentrisme de Karl Barth en proposant une « anthropologie comme christologie » (titre de son chapitre III). Par contre, il dit de « la voie » chrétienne qu’elle « est explicitée par les Dix commandements, mais se présente dans toutes les civilisations, car elle constitue le fondement de toute société humaine » (p. 150) – ce qui fait rentrer la notion des droits de l’homme par la porte arrière… En s’en prenant à cette notion, comment pourrait-il répondre au gouvernement chinois, qui prétend qu’elle est purement occidentale, donc non universelle ? En déclarant que cette notion est une « abstraction », Brague ne semble-t-il pas nier l’utilité épistémologique de tout ce qui est abstrait (voir aussi p. 125-127 à propos du « concept général d’humanité ») ? J’affirmerais donc que pour bien exercer son rôle, tout nom abstrait doit être traité non pas comme non-valide, mais comme s’appliquant à des cas concrets et les éclairant. Ainsi, pour l’Église catholique, le salut, concept abstrait, se réalise de multiples façons chez des individus et des groupes particuliers. Il reste que ce livre possède bien des qualités. Son recours à des …