FR:

Le texte ci-dessus est issu d’une table ronde autour du livre Moïse l’insurgé de Jacob Rogozinski. L’échange s’est déroulé en présence de l’auteur par suite de sa présentation d’un Moïse résolument politique, au service de l’émancipation de tous les exclus de la terre. Je reprends ici les arguments principaux de l’ouvrage, attentif à l’intention fondamentale qui l’anime. À cet égard, j’accorde une attention particulière au processus déconstruction-reconstruction qui nous découvre un triptyque se jouant sur trois plans : Moïse, les Hébreux et l’Alliance. Cette démarche philosophique de Rogozinski, riche et pénétrante, suscite de nombreuses questions. Aussi voudrai-je, dans un second temps, les aborder une à une, dans un esprit d’échanges critiques et féconds, à l’image de la discussion qui a fait le succès de la rencontre. Elles sont au nombre de trois : (I) Le littéral et la fiction ; (II) Le retour du théologico-politique ; (III) Quel(s) dieu(x) ?

EN:

The article stems from a roundtable on Jacob Rogozinki’s book, Moïse l’insurgé. The event was held in the presence of the author who presented us a resolutely political Moses, working towards the emancipation the marginalized. I summarize here the main arguments of the work, with particular attention to its fundamental intention, namely the process of deconstruction-reconstruction that unveils the following triptych: Moses, the Hebrews and the Alliance. Rogozinski’s philosophical investigation is rich and penetrating, and was bound to generate a number of queries. I turn towards these in the second part of the article, in the spirit of the critical and thought-provoking discussion that ensured the success of the encounter. There are three: (1) Literal and fiction; (2) The Return of the Theologico-Political; (3) Which god(s)?

FR:

Dans cette étude, je reviens sur la tradition d’interprétation qui voit dans la figure de Moïse un fondateur politique. Contrairement au minimalisme méthodologique qui a conduit à une démythologisation complète de la figure biblique, cette tradition croit possible d’accéder à l’expérience historique de Moïse. C’est au sein de cette tradition que se situe le livre récent de Jacob Rogozinski, qui propose d’y trouver un « noyau de vérité ». À la différence d’une interprétation philosophique ou spirituelle, comme celles de Hegel et de Martin Buber, cette interprétation propose un projet de reconstruction historique. À travers un commentaire des principales thèses de ce livre novateur, je montre comment ce projet apporte une contribution intéressante à la compréhension de la figure de Moïse.

EN:

In this study, I propose to take a new look at the interpretive tradition which finds in Moses a political reformer. Different from the methodological minimalism leading to a full demythologization of the biblical figure, this tradition considers possible to access the historical experience of Moses. The recent book of Jacob Rogozinski is in line with this tradition and proposes to expose a “kernel of truth” as its essence. Different from philosophical or spiritual perspectives, such as the interpretations of Hegel and Martin Buber, this work proposes a full historical reconstruction. I present the main theses of this audacious book and try to show how it contributes to a new understanding of the figure of Moses.

FR:

Sur la frontière de la philosophie et de la théologie, cet article propose une lecture du livre de Jacob Rogozinski, Moise l’insurgé. Il inscrit ce livre dans la constellation de reprises philosophiques ou autres de la figure de Moïse. Il tente de poursuivre quelques pistes ouvertes par ce livre, surtout à propos de la notion d’invocation.

EN:

On the fluctuating border of philosophy and theology, this article offers an interpretation of Jacob Rogozinski’s book Moïse l’insurgé. Situating it in a constellation of other philosophical references to the figure of Moses, it attempts to follow some paths opened by Rogozinski’s discussion, especially around the idea of invocation.

FR:

Cet article consiste à présenter le livre de Jacob Rogozinski, intitulé Moïse l’insurgé, où l’auteur développe de nombreuses thèses, tout aussi audacieuses et intéressantes que fragiles. Dans ce dessein, j’aborderai, de manière critique, les quatre sujets suivants : la méthodologie éclectique de l’auteur, l’identité de Moïse, la question de l’historicité des événements et le Dieu de Moïse.

EN:

This article aims to present Jacob Rogozinski’s book, entitled Moses the Insurgent, which includes many theses that are as daring and interesting as they are fragile. For this purpose, four major subjects are critically addressed: the author’s eclectic methodology, the identity of Moses, the question of the historicity of events and the God of Moses.

EN:

Leibniz has several ways to account for the infinite number of actual things. They may exist because God, by “fiat,” brings them all into existence as secondary causes. Or they may all exist because they belong to the best possible world (BPW) which contains every entity compossible with every other entity. Or they may exist because God, like a craftsman, creates every being compossible with all he has already created, or means to create and install, in the BPW. It is not clear that these three accounts of the ultimate origin of things are compatible. The purpose of this essay is to show that they may be.

FR:

Leibniz a maintes façons de rendre compte du nombre infini des réalités existantes. Elles peuvent exister par suite d’un « fiat » divin les ayant introduites dans le monde à titre de causes secondes. Ou encore elles peuvent toutes exister du fait de leur appartenance au « meilleur des mondes » dont fait partie toute entité pouvant coexister avec une autre, quelle qu’elle soit. Ou encore elles peuvent exister parce que Dieu, tel un bon artisan, crée tout être apte à coexister avec ce qu’il a déjà créé ou projette de créer et de poser dans le « meilleur des mondes ». On peut se demander si ces trois façons de rendre compte de l’origine ultime des choses sont bien compatibles. Le présent essai vise à montrer qu’elles peuvent l’être.

FR:

L’animal désigné par l’expression zarzîr motnayim (v. 31) dans l’aphorisme numérique de Pr 30,29-31, aux côtés du lion, du bouc et du roi, a donné bien du fil à retordre aux interprètes du texte massorétique du livre des Proverbes. Cet article soutient que, loin d’être un simple enjeu technique de traduction, l’identité du zarzîr mérite notre attention pour interpréter l’aphorisme à l’étude dans son entièreté. Les versets 29 à 31 construisent en effet une représentation sapientiale de la royauté qui s’appuie fortement sur les corps d’une série d’animaux mâles (non humains). L’article explore quelques hypothèses en lien avec l’identité du mystérieux animal du verset 31, en puisant notamment à l’exégèse contemporaine et à l’histoire de la réception. L’approche de l’indistinction en études animales de Matthew Calarco (2015) permet par ailleurs de proposer une lecture décentrée par rapport à la seule royauté humaine dans l’aphorisme.

EN:

An animal called zarzîr motnayim (v. 31) is found in the numerical aphorism of Prov 30:29-31, side by side with a lion, a billy goat, and a king. For a very long time, the identification of this animal has been quite the puzzle for biblical scholars working on Proverbs’ Masoretic text. This article contends that, far from being a simple technical translation issue, the identity of the zarzîr is deserving our attention since it plays a role in the general meaning of the aphorism. Indeed, verses 29 to 31 build a sapiential representation of kingship using three non-human animal male bodies. This article explores a few hypotheses relating to the mysterious animal’s identity, building on contemporary exegesis as well as reception history of this text, especially in the ancient and medieval times. Matthew Calarco’s indistinction approach to animal studies helps us to decenter the interpretation of this aphorism on kingship from the sole focus on the human experience.