Comptes rendus

Ingrid Neumann-Holzschuh et Julia Mitko (2018). Grammaire comparée des français d’Acadie et de Louisiane. Avec un aperçu sur Terre-Neuve. Berlin / Boston : De Gruyter. LX + 942 pages[Record]

  • Cristina Petraș

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  • Cristina Petraș
    Université Alexandru Ioan Cuza Iași

On ne saurait que s’extasier devant l’exploit ayant conduit à la réalisation de ce travail impressionnant, tant par son ampleur que par les implications profondes qu’une telle entreprise peut avoir sur la manière d’envisager les variétés étudiées et les rapports qui existent entre celles-ci ou avec d’autres. Comportant 942 pages précédées d’une introduction d’une cinquantaine de pages, le volume constitue l’aboutissement de préoccupations plus anciennes d’une grammaire comparée des variétés de français nord-américaines. Comme le précise Ingrid Neumann-Holzschuh dans la préface, si une telle démarche contribue à l’étude des variétés de français nord-américaines, elle apporte aussi, plus largement, des éléments à une linguistique variationnelle, à une étude diachronique du français ainsi qu’aux études créoles. S’inscrivant dans un projet plus ample, à venir, de comparaison de toutes les variétés de français du point de vue synchronique et diachronique, cette grammaire comparée prend comme objet les variétés de français que les auteures tiennent pour acadiennes (de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, des Îles-de-la-Madeleine), ainsi que celles de Terre-Neuve et de Louisiane. Une ample introduction s’arrête sur les choix théoriques et méthodologiques ayant guidé le travail et propose des descriptions internes et externes des français des différentes aires. Pour ce qui est du type d’approche adoptée, il s’agit d’une « démarche purement descriptive et comparative » (p. XIII), différente des approches variationnistes. Une grammaire comparée des variétés du français en Acadie et en Louisiane est par excellence une grammaire qui prend en compte la diversité : tout en présentant des éléments communs, les français en question en comportent aussi des particuliers. Par ailleurs, certains des traits relevés sont partagés avec d’autres variétés (par exemple, le français québécois, le français populaire de France). La dimension diachronique est scrupuleusement prise en compte, les variétés étudiées enregistrant des survivances d’un français ancien. Dans une perspective propre à la linguistique variationnelle, l’interrogation sur la notion de variété, sur le découpage de l’ensemble nord-américain, sur les rapports entre les différentes variétés traverse la réflexion. C’est l’idée d’un « espace variationnel complexe aux limites perméables », comprenant des « sous-espaces », qui est avancée (p. LII). Pour ce qui est des découpages opérés, il s’agit notamment de se rapporter au facteur diatopique. Travaillant à partir de corpus recueillis par différents auteurs, avec des visées spécifiques, Neumann-Holzschuh et Mitko posent la question de la comparativité des corpus. Subséquemment, l’époque à laquelle les corpus ont été collectés et, partant, les types d’usage (traditionnel ou contemporain) illustrés débouchent sur des interrogations méthodologiques qui orientent la démarche. Il se pose aussi la question de l’impact de la transcription propre à chaque auteur sur l’interprétation des faits morphosyntaxiques. L’observation attentive des corpus exploités conduit au constat de la nécessité de la diversification des genres discursifs. La grammaire proprement dite comporte trois parties consacrées respectivement au groupe nominal, au groupe verbal et à la phrase. Elles sont précédées d’un chapitre qui traite de la liaison et de l’agglutination. La prise en compte de ces phénomènes est nécessaire, car leur discussion apporte des éclaircissements sur la question du découpage des unités, de l’émergence et de la lexicalisation de nouvelles unités lexicales et grammaticales, lorsque l’agglutination est achevée (voir, par exemple, zeux). Le volume se clôt par une annexe qui comprend des formes verbales remarquables. Systématiquement, chaque fait choisi est traité tant du point de vue descriptif (variantes, répartition dans les différentes aires, emplois – communs et particuliers – , abondamment illustrés) que du point de vue de l’origine du phénomène (dans la section « commentaire »). Des états des lieux rendent aussi compte du traitement dans la littérature. Les faits étudiés sont englobés dans …

Appendices