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Interdisciplinarité… ou va-t-on se perdre dans le bois ?[Record]

  • Liette Vasseur

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  • Liette Vasseur
    Brock University

Depuis la création des universités et surtout depuis le renforcement de l’éducation postsecondaire telle que nous la connaissons de nos jours, la formation d’un individu passe par l’apprentissage d’une discipline. Avec la spécialisation des emplois, les disciplines sont devenues plus étroites et distinctes. Peu de marge existe maintenant pour les étudiants afin que ceux-ci puissent étendre leurs horizons. Même les cours non-obligatoires sont souvent rattachés à la discipline de base. Avec l’avancement et la complexification des programmes, le nombre de cours pré requis a augmenté, réduisant ainsi le nombre de cours au choix. Maintenant, on parle de biologie moléculaire, l’anthropologie sociale, ou l’administration des sports au lieu de la biologie, l’anthropologie et l’administration. Cette prolifération des disciplines de plus en plus spécialisées a aussi mené à l’établissement de programmes de recherche tout aussi spécialisés. À travers le temps, les chercheurs ont dû définir leurs programmes de recherche de façon si précise que les échanges entre disciplines sont devenus plus difficiles. La venue des agences subventionnaires avec des critères de sélection et une évaluation par les pairs de même spécialisation n’a fait qu’accélérer le processus de division des disciplines et le défi d’échange ou de collaboration entre disciplines. Faire de la collaboration avec un chercheur d’une autre discipline est devenue tabou pour ce qui est du cv et de la façon dont les résultats vont être diffusés. Le meilleur exemple vient du Président du CRSH, Chad Gaffield (comm. pers. 2007), qui comme historien a voulu travailler avec un expert en mathématiques. Une fois le travail accompli, le mathématicien a soumis un résumé pour une présentation orale car c’est la tradition dans sa discipline… à l’horreur de M. Gaffield qui aurait plutôt aimé publier un livre… Cette situation se répète à plusieurs occasions et tend à limiter de plus belle les interactions. Ainsi, malgré quelques tentatives de collaborations dans les programmes des organismes subventionnaires, il y a eu peu de succès jusqu’à la fin des années 1990. Parmi les plus grandes enjambées dans la recherche interdisciplinaire, on y retrouve le domaine de l’environnement (la médecine ayant aussi rapidement avancé dans cette même direction). La crise des années 1970, les publications des années 1980 et début 1990 comme la commission Bruntland et l’Agenda 21 ont eu pour effet de changer la mentalité de certains individus. On parle alors de développement durable et la viabilité de la planète et des communautés et on réfléchit sur le besoin de considérer tous les aspects essentiels pour relever le défi de la survie de tous les organismes sur terre incluant l’humain. Les décideurs et les grands penseurs ont rapidement réalisé que seule la recherche combinant différentes disciplines pouvait répondre à ces défis. Mais parle-t-on réellement de recherche interdisciplinaire ? Les premières recherches pourraient se classer dans la catégorie de projets multidisciplinaires. La multidisciplinarité se définit comme la simple addition de données de quelques disciplines. Peu d’intégration se fait et l’interprétation repose sur les disciplines directement, sans peu d’effort vers une vision globale. Il s’agit souvent de mettre les données, par exemple, de composition du sol avec les données de pollution et les effets sur une ou deux espèces, pour qu’un projet soit classé comme multidisciplinaire. Cependant est-ce vraiment le but premier de passer de sa discipline vers une autre sans qu’on puisse y définir de nouvelles interactions ? A-t-on vraiment évolué dans nos approches vers l’interdisciplinarité ? Dans les années 1990, et tout particulièrement après le sommet de Rio en 1992, le gouvernement canadien, comme bien d’autres, a tenté d’établir des programmes de recherche interdisciplinaires pouvant répondre à cette nouvelle vague et ainsi mettre le Canada sur …

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