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Introduction

Le Burkina Faso qui compte environ treize millions d’habitants est un pays essentiellement agricole. Selon les statistiques du ministère de l’économie et du développement en 2003, le secteur emploie plus de 80 % de la population active et fournit 40 % au PIB ce qui représente 80 % des recettes à l’exportation. De nos jours, le coton est le principal produit agricole destiné à l’exportation du fait de la demande du marché mondial. Pourtant, la culture du cotonnier au Burkina Faso, longtemps confinée à l’Ouest du pays, a connu un déclin au début de la décennie 1990 avec la chute de la production de 190 000 à 116 000 tonnes. Mais, conscientes du rôle stratégique de sa production dans l’économie nationale et à la faveur de la remontée du cours du coton, les autorités ont entrepris un processus de relance de la filière à partir de 1995. En effet, la culture du coton a toujours été un enjeu à la fois politique, économique et social dans bon nombre de pays en Afrique de l’Ouest. Elle est la principale source de revenus monétaires pour le monde paysan et, selon un rapport de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, la croissance économique qu’a connue le Burkina Faso serait particulièrement due à la progression de la culture cotonnière (Dulieu et Toé, 2007). La politique de relance de la production cotonnière a d’abord consisté, en ses axes essentiels, à une remobilisation des producteurs par l’apurement de leurs créances, leur réorganisation et le renforcement de leur encadrement technique. Ce nouvel élan intervient dans un contexte où les populations rurales sont confrontées à la pauvreté qui apparaît à la fois comme un effet et une cause de la dégradation de l’environnement. Aussi cet engouement accentue-t-il leur dépendance vis-à-vis des ressources naturelles en même temps qu’elle suscite un scepticisme quant à la préservation des écosystèmes. L’aboutissement ultime du processus a ensuite été la libéralisation de la filière au terme d’un décret en date du 31 décembre 2001, instituant le découpage du territoire en trois zones cotonnières : Ouest, Centre-sud et Est (Schwartz, 2006). Ce nouveau découpage consacre l’émergence de nouvelles zones cotonnières partout où les conditions agro-écologiques sont favorables au cotonnier. Chaque zone a été concédée à un opérateur unique ayant pour mission d’y développer la production et la transformation du coton. Celle du centre-sud, concernée par cette étude, relève de la société cotonnière du Faso (Faso coton). Ainsi, tous les ans, on assiste à une augmentation effrénée des superficies emblavées qui sont passées de 160 000 ha en 1995 à plus de 560 000 ha en 2005 (Sofitex, 2007). La situation est encore plus spectaculaire dans la zone Centre-sud où, pour la même période, l’étendue des champs de coton a fait un bond de 2153 ha à 16741 ha, soit un taux d’évolution de 87 % (Ibid.). Or, les systèmes d’exploitation agricoles consécutifs à la vulgarisation de la culture du coton ne sont pas sans conséquences sur l’état de l’environnement et les écosystèmes. Cet article pose la difficulté de la préservation des ressources naturelles et de la diversité biologique dans les aires protégées, déjà à l’épreuve des assauts des populations riveraines.

1. Contexte et justification

1.1. Problématique

Au Burkina Faso, le souci de préserver les écosystèmes et de conserver la diversité biologique avait amené l’État ou les autres sources de pouvoir à délimiter des aires protégées. Pour la plupart, ces enclaves ont été mises en place entre 1933 et 2000 (Garané et Zakané, 2008). Il s’agit des forêts classées, des réserves partielles ou totales de flore et faune, des parcs nationaux. En plus de la conservation de la diversité biologique, ces espaces assurent une régulation des écosystèmes naturels dans les zones où ils sont circonscrits. Le Parc National de Pô dit Parc National Kaboré Tambi (PNKT) classé par arrêté 020/13/PRES/ET du 2 septembre 1976. Il se localise dans la région centre-sud et couvre une superficie estimée à 155 500 ha. Pour préserver au mieux les ressources, la gestion du parc a été concédée à l’ONG Naturama en partenariat avec le Projet pour l’Amélioration de la Gestion des Écosystèmes Naturels (PAGEN).

Mais la relance de la filière coton intervenue en 1995 a entraîné l’extension de la culture du cotonnier aux zones écologiquement favorables dont celle du PNKT. Depuis lors, on assiste à une pression foncière consécutive au front pionnier et à l’extension des aires de cultures jusqu’aux abords du parc. Par ailleurs, les populations riveraines s’adonnent à une exploitation illégale des ressources du parc. Cela constitue autant de facteurs de dommage causé aux composantes des écosystèmes (végétation, faune, sols) et à la biodiversité.

Au regard de l’engouement manifeste des populations pour la culture du coton dans la zone du PNKT, il est nécessaire de s’intéresser à ses conséquences avérées sur les écosystèmes car « la durabilité de cette production doit être à la fois sociale, économique et environnementale » (CASO/OCDE, 2005). Pour ce faire, les options et les stratégies visant à promouvoir la filière doivent prendre en compte la préservation de l’environnement. Cela est d’autant indispensable que la culture du coton a encore de beaux jours devant elle avec l’introduction de variété transgénique de la plante.

1.2. Objectifs

Le centre-sud du Burkina Faso abrite un réseau d’aires protégées dont le Ranch de gibier de Nazinga, les forêts classées de la Sissili et du Nazinon, le Parc National de Pô dit Kaboré Tambi (PNKT). Aussi, l’extension de la culture du coton à cette partie du pays constitue-t-elle une menace sérieuse pour les écosystèmes qui s’y sont développés.

L’objectif principal de cette étude est de faire ressortir la part réelle de la culture du coton dans la dégradation des écosystèmes naturels de la zone du parc national de Pô. Plus spécifiquement, il s’agit de :

  • évaluer la pression foncière autour du parc consécutive à la culture du coton ;

  • analyser les effets induits des techniques et pratiques culturales de la culture du coton sur les composantes des écosystèmes du parc dont la végétation, la flore, la faune et les sols ;

  • faire des propositions pour une gestion rationnelle des ressources du parc ;

  • à partir de ces objectifs, les hypothèses de travail ont été formulées suivant les considérations que :

    • l’essor de la culture du coton dans le Centre-sud est à l’origine de la pression foncière ;

    • les techniques et les pratiques culturales du coton exposent les écosystèmes du PNKT à une dégradation de certaines composantes (végétation, flore, faune, sols) ;

    • la viabilité économique, sociale et environnementale de la culture du coton découle de la mise en oeuvre de stratégies plus appropriées à la gestion des ressources naturelles.

1.3. Approche méthodologique

Le parc national de Pô est la principale aire protégée de la zone Sud du Burkina Faso. Son statut juridique lui confère un rôle de refuge pour les espèces fauniques et floristiques (Naturama/PAGEN, 2006). Il se situe au carrefour de quatre provinces : le Bazèga au Nord et Nord-ouest, le Nahouri au Sud et Sud-est, le Ziro au Sud et Sud-ouest et le Zoundwéogo au Nord et Nord-est. Cette étude s’est focalisée sur le Nahouri et le Zoundwéogo, les provinces les plus contiguës au parc et se caractérisant par leur contraste dans l’occupation du sol. De plus, c’est dans ces provinces que la culture du coton est très pratiquée.

La démarche méthodologique a comporté trois phases : la recherche documentaire, l’analyse spatiale autour du parc et les enquêtes sociologiques.

La recherche documentaire, basée sur la consultation des documents généraux et spécialisés (ouvrages, rapports, articles scientifiques, travaux de recherche), a permis de constater que la culture du coton au Burkina Faso a fait l’objet de nombreux écrits. Cependant la plupart des auteurs ont mis l’accent sur les aspects socio-économiques, en termes de mutations des techniques agricoles et de sources de revenus pour les ménages : Schwartz (2000) ; Doussa (2004) ; Barry (2005) ; Schwartz (2006). Quant aux aspects environnementaux, ils ont surtout été abordés sous l’angle des défrichements dans les bassins cotonniers de l’Ouest et de l’Est : Hauchart (2005) ; Somda et Nianogo (2005) ; Gomgnimbou (2007). Les effets induits de la culture cotonnière dans les zones émergentes comme celles du centre-sud n’ont encore faits l’objet de recherches approfondies, ce qui a conforté le choix de cette zone.

L’analyse spatiale a consacré l’exploitation des images satellites Landsat TM (1992 et 2002) et ASTER (2007) pour faire ressortir la dynamique du milieu au regard des superficies des différentes formations végétales et de l’occupation des terres. Le protocole d’analyse a d’abord consisté en une différenciation des unités par une classification dirigée et une composition colorée à l’aide des logiciels Geomatica 8.2 de PCI. Une vérification, par identification des unités sur le terrain, a ensuite été faite avant la numérisation et l’élaboration des cartes à partir de ArcGIS 9.2.

Dans le souci d’apporter plus de précision et parvenir à une meilleure appréciation de la dynamique spatio-temporelle de l’occupation des sols, nous avons privilégié l’échelle départementale. Ainsi, les départements de Guiaro et Nobéré, respectivement dans le Nahouri et le Zoundwéogo ont été retenus. Sur le terrain, un lever au GPS de toutes les parcelles cultivées en coton a été effectué pour estimer la superficie réelle des aires emblavées en coton lors de la campagne 2007-2008. Puis, une caractérisation physionomique de la végétation et un inventaire floristique ont été réalisés pour connaître les formations en présence ainsi que leur diversité. En outre, des échantillons de terre ont été prélevés à la tarière sur des champs de coton et des sites témoins. Les résultats des analyses physique (granulométrie trois fractions) et chimique (matière organique, NPK, bases échangeables, pH, phosphore assimilable et potassium disponible) faites au laboratoire du Bureau National des Sols ont permis d’apprécier la valeur agronomique des sols.

Enfin, des enquêtes sociologiques sous forme d’interviews directes d’une demi-heure chacune ont été menées auprès des producteurs de coton à raison de 30 % du nombre de chaque groupement selon un choix aléatoire. Ainsi, 80 producteurs ont été concernés dont 30 dans le terroir de Téwaka et 50 dans le terroir de Bétaré afin de connaître leur perception des effets induits de la culture cotonnière sur les ressources naturelles. Les informations collectées ont fait l’objet de traitement statistique, de croisement et d’analyse grâce au logiciel SPSS 12.0.

Le choix du terroir de Téwaka à Nobéré s’explique par le fait que l’espace cultivé de village jouxte le parc et que ce site symbolise le regain de la production cotonnière dans le Zoundwéogo. Quant au terroir de Bétaré, il assure 80 % de la production cotonnière du département de Guiaro (voir Carte 1). Au terme des investigations et l’analyse des données et informations recueillies sur le terrain, il ressort que certaines composantes des écosystèmes du PNKT sont soumises à des risques de dégradation.

Carte 1

Cadre géographique de l’étude

Cadre géographique de l’étude
Base de données du PAGEN & Données terrain

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2. Résultats

Au regard du potentiel écologique de la zone du PNKT et du développement fulgurant de la culture du coton, les risques avérés sont essentiellement la dégradation de ressources végétales et la perte de la biodiversité.

2.1. Les caractéristiques biophysiques de la zone du PNKT

La consultation des documents géographiques généraux et nos données de terrain nous permettent de situer la zone du parc dans le domaine phytogéographique soudanien qui se caractérise par climat du type nord-soudanien. La pluviométrie annuelle fluctue de 800 à 900 mm, ce qui est assez important par rapport à l’ensemble du pays. Les températures sont relativement clémentes de l’ordre de 27 °C à 30 °C, ce qui donne des conditions climatiques propices au cotonnier.

La végétation est essentiellement savanicole avec d’importantes forêts galeries le long des rives du Nazinon et de ses affluents. Les sols les plus répandus sont les sols à sexquioxydes de fer et/ou de manganèse et les sols hydromorphes. Le réseau hydrographique est assez dense. Tous ces atouts climatiques et agro-écologiques font de la zone du parc un cadre favorable l’essor de certaines activités socio-économique (agriculture, élevage, foresterie, pêche et chasse). Il s’en suit un afflux des populations dont les effectifs sont en croissance exponentielle comme l’attestent les statistiques du Cf. tableau 1 et une pression foncière manifeste dans la zone du parc.

Tableau 1

Évolution de la population de la zone d’étude

Évolution de la population de la zone d’étude

INSD / RGPH (1985, 1996 et 2006).

ND= Non Disponible

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Les données de population révèlent une disparité de densité entres les deux provinces et attestent surtout l’état de saturation de l’espace dans le Zoundwéogo où la densité est largement au-dessus de la moyenne nationale qui est respectivement de 30,38 et 50 habitants/km2 en 1985, 1996 et 2006. Cette pression foncière est un facteur limitant de la disponibilité des ressources, ce qui contraint les populations riveraines à s’approvisionner de manière illicite dans le PNKT en bois d’énergie et en produits forestiers non ligneux. En revanche le Nahouri, du fait de la faible densité humaine, continue d’être une terre d’accueil pour les migrants agricoles.

Grâce à la culture du coton, on assiste à un changement des pratiques agricoles avec le renforcement de l’encadrement technique et l’utilisation des engrais chimiques. Ainsi, beaucoup de producteurs s’investissent dans l’amélioration des équipements agricoles qui, désormais, se composent de charrues, de semoirs, de tracteurs, de sarcleurs, et de butteurs.

2.2. L’évolution de la culture du coton dans la zone d’étude

L’analyse spatiale, à partir du traitement des images satellites et des levés de terrain, a permis de générer des statistiques sur l’occupation des terres (voir Tableau 2). Cette analyse a d’abord été faite à l’échelle de la province (Nahouri et Zoundwéogo) puis du terroir (Bétaré et Téwaka). Ensuite, les levées de parcelle au GPS ont servi à établir les superficies emblavées pour la campagne 2006/2007. Il en ressort que la spéculation du coton a connu une croissance fulgurante. Bien évidemment, cette croissance affecte la zone du PNKT car elle s’est accompagnée d’une extension des superficies emblavées aux confins du parc.

Tableau 2

Superficies (ha) allouées au coton par province et par terroir

Superficies (ha) allouées au coton par province et par terroir
Enquêtes de terrain (2007)

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Dans la province du Nahouri, l’étendue des terres allouées au coton est passée de 4320 ha en 2003/2004 à 5530 ha soit un taux de croissance de 28 % pour la campagne 2006/2007. La situation est encore plus spectaculaire au Zoundwéogo où les champs de coton se sont accrus de 5515 ha à 9123 ha soit plus 65 % pour la même période. Par contre, à l’échelle des terroirs, la situation est un peu plus nuancée car les superficies emblavées en coton ont plus augmenté à Bétaré qu’à Téwaka en l’espace de cinq années.

En l’espace de deux campagnes consécutives, 2003/2004 et 2004/2005 par exemple, la croissance moyenne est estimée à 29,34 %. Cela est lié à l’installation dans la zone du centre sud de la société cotonnière, Faso coton) qui a encouragé et soutenu les paysans à la culture du coton. Le plus grand engouement observé dans le Zoundwéogo se justifie par la tradition que les populations ont de la culture du coton. Elles l’avaient ensuite délaissée au profit des cultures céréalières au moment de l’effondrement des cours du coton sur le marché mondial de la décennie 1980/1990. L’état de l’occupation des sols dans les deux terroirs à partir des levées GPS en 2007 montrent un débordement des parcelles de coton des limites de Téwaka (voir Carte 2).

Carte 2

Répartition spatiale des champs de coton autour du parc

Répartition spatiale des champs de coton autour du parc
BD/PAGEN & Levées terrain

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2.3. La dégradation des ressources végétales dans la zone du parc

L’exploitation de l’imagerie satellite (1992, 2002, 2007) à l’échelle de Guiaro et Nobéré a permis de mettre en évidence les menaces qui pèsent sur les écosystèmes et la biodiversité du parc par le biais de la dégradation du couvert végétal. En effet, les cartes diachroniques de l’occupation des sols des départements de Guiaro et Nobéré révèlent une régression des formations végétales au profit de l’espace agricole, dominé par les champs de coton.

À Guiaro, les statistiques du tableau 3 font observer une très forte progression de l’étendue des champs de culture au rythme de 33 % sur la période 1992-2002. Avec la relance et le processus de libéralisation de la filière coton intervenus respectivement en 1995 et 2000, les superficies emblavées ont gagné environ 65 % sur la végétation en cinq années seulement (2002-2007). On remarque qu’après 2002, la quasi-totalité des jachères ont été reconquises par les cultures, principalement celle du cotonnier. Incidemment, l’ouverture de nouveaux champs par les défrichements est à l’origine de la dégradation respective de la savane arborée et de la savane arbustive (voir Photo 1).

Tableau 3

Évolution de l’occupation du sol à Guiaro

Évolution de l’occupation du sol à Guiaro
Images Landsat TM et ASTER

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Photo 1

Défrichement pour l’ouverture d’un champ de coton à Bétaré

Défrichement pour l’ouverture d’un champ de coton à Bétaré

Les arbres sont d’abord coupés, puis les souches déblayées pour permettre le passage de la charrue ou du tracteur pour le labour.

Photographie de Thiombiano A.-N. (Juin 2007)

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Cette dynamique apparaît sur la carte 3 où la savane arbustive dense a pratiquement disparu en 2007 alors qu’elle était bien préservée dans le PNKT et au sud-ouest du département.

Carte 3

Dynamique de l’occupation des terres dans le département de Guiaro

Dynamique de l’occupation des terres dans le département de Guiaro
Images Landsat TM et ASTER

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L’emprise du domaine agricole sur l’espace est sensiblement identique dans le département de Nobéré. Seulement, le rythme de progression est nettement ralenti car les superficies consacrées aux cultures ont augmenté d’environ 27 % au cours de la décennie 1992-2002. À partir de 2002, l’accroissement n’a été que de 6 % jusqu’en 2007 (voir Tableau 4) ce qui atteste de la saturation de l’espace consécutive à la pression foncière. Cette pression est telle que les défrichements à des fins agricoles se font jusqu’aux abords des cours d’eau, ce qui entraîne la dévastation des galeries forestières qui ont décliné de 34 % entre 2002 et 2007.

Tableau 4

Évolution de l’occupation du sol à Nobéré

Évolution de l’occupation du sol à Nobéré
Images Landsat TM et ASTER

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En outre, le temps de jachère est largement écourté pour pallier le manque de terres. Toutefois, on assiste à une inversion de tendance avec un regain considérable des superficies au niveau de la savane arbustive dense (200 %) et la savane arborée (300 %) depuis 1992. Cette tendance s’observe mieux à travers la carte 4 où une bonne partie sud-est du département de Nobéré est reconquise par une végétation arbustive et arborée. Cela s’explique d’abord par la prise de conscience des populations des dommages environnementaux, puis leur adhésion aux stratégies de restauration du milieu par les techniques de conservation des eaux et des sols et l’agroforesterie (CES-AGF) initiées dès 2002 par les organisations non gouvernementales (ONG) et les projets de développement locaux (PDL).

Carte 4

Dynamique de l’occupation des terres dans le département de Nobéré

Dynamique de l’occupation des terres dans le département de Nobéré
Images Landsat TM et ASTER

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Par ailleurs, des campagnes de reboisement sont périodiquement initiées par les services de l’environnement et quelques organisations de la société civile. De ce fait, des milliers d’espèces locales et exotiques sont mises en terre chaque année après les premières pluies. Les espèces exotiques concernent surtout l’eucalyptus (Eucalyptus camaldulensis) qui est préconisée comme alternative à la coupe abusive du bois de chauffe depuis 1984 par les services des eaux et forêts. Ces actions soutenues ont contribué à réduire la pression sur les ressources forestières du parc et permis la régénérescences des savanes.

Les données des tableaux 3 et 4 font ressortir globalement un accroissement des superficies emblavées, une reconquête des jachères dont la durée se raccourcie. Les galeries forestières se sont également dégradées, ce qui dénote d’une pression foncière qui exacerbe le rythme de dégradation des formations végétales autour du parc. En dépit des actions de restauration entreprises dans la zone du parc, la raréfaction des ressources végétales dans les terroirs amène les populations riveraines à intensifier les prélèvements des espèces médicinales, le bois d’énergie et autres produits forestiers dans le parc. Cela est préjudiciable à la préservation des écosystèmes et de la diversité biologique. Or, le PNKT constitue un patrimoine unique dans la région centre-sud du Burkina parce qu’il constitue le refuge pour la faune et un sanctuaire d’une grande diversité floristique.

2.4. La perte de la diversité biologique

Les différentes pratiques liées à l’expansion de la culture du coton dans le centre-sud du Burkina Faso mettent en péril la biodiversité du PNKT.

Les défrichements agricoles dans les terroirs (Bétaré et Téwaka) sont responsables de la baisse de la diversité et de la densité floristique car les producteurs ne respectent pas les recommandations des services forestiers qui suggèrent de conserver au moins vingt pieds d’arbres par hectare. Ils ne conservent que quelques espèces à fruits comestibles ou à l’usage de la pharmacopée. Beaucoup d’espèces floristiques sont ainsi éliminées pour faciliter le passage de la charrue ou du tracteur. Pire, le nettoyage se fait parfois par le feu pour empêcher la régénérescence de la végétation comme on peut le voir sur la photo 2. Les peuplements de Bombax costatum (kapokier) sont brûlés à la base du tronc pour l’assécher et faciliter ainsi le dessouchage.

Photo 2

Destruction de Bombax costatum dans les champs par le feu

Destruction de Bombax costatum dans les champs par le feu
Photographie de Thiombiano A.-N. (juin 2007)

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La mise à feu de la broussaille est également une pratique des éleveurs pour accélérer la repousse de l’herbe fraîche, tout comme les braconniers pour piéger la faune sauvage. Cela occasionne parfois des feux de brousse incontrôlés qui affectent le parc, fragilisent les formations végétales, perturbent le processus naturel de régénération des sols et réduisent la production fourragère (Naturama/PAGEN, 2006).

Le souci d’améliorer les rendements et de lutter contre les ravageurs du cotonnier est à l’origine de l’utilisation massive d’intrants agricoles dont les engrais et pesticides (herbicides, insecticides, fongicides). Or, la plupart des composées chimiques utilisées sous les noms commerciaux de (Conquest, Rocky, Calthio et Blast) contiennent des ingrédients nocifs voire toxiques comme les endosulfans et les chlorpyriphos éthyle qui détruisent la flore et la faune.

Les enquêtes auprès des producteurs de coton ont établi la disparition de certaines variétés de champignons comestibles dans la zone. C’est le cas du département de Guiaro où ces champignons abondaient dans les champs il y a seulement une dizaine d’années (enquêtes de terrain, 2007). De même, les agents de l’environnement ont révélé une surmortalité de certains insectes (larves des papillons ou chenilles) et de la microfaune (lombric, etc.) liée à l’utilisation du pesticide dans les champs de coton. D’autres acteurs rencontrés sur le terrain, notamment les apiculteurs, reconnaissent à ces produits leur toxicité pour les abeilles dont la population et la production ne cessent de baisser depuis l’essor de la culture du coton.

D’une manière générale, l’épandage en grande quantité des produits phytosanitaires sur les champs de coton participe à la contamination des eaux de surface et les milieux aquatiques environnants. En effet, au cours de la saison pluvieuse l’infiltration et surtout le ruissellement charrient une bonne partie des polluants dans les eaux du fleuve Nazinon à travers ses affluents qui drainent les deux terroirs. Or, ce fleuve traverse entièrement le PNKT et constitue le principal point d’abreuvement des troupeaux domestiques et de la faune sauvage qui sont ainsi exposées à de graves risques de contamination. Pour la grande faune, les effets ne sont pas immédiats, mais les résidus de pesticides s’accumulent dans certains organes vitaux (foie, reins) et provoquent à long terme une perte des espèces vulnérables. Les poissons subissent également un empoisonnement aux endosulfans, sans oublier les effets d’accumulation dans la chaîne alimentaire aquatique. La contamination semble être à l’origine de la mortalité de certaines espèces végétales et la prolifération de la laitue d’eau, une plante envahissante qui recouvre les plans d’eau posant des problèmes d’eutrophisation et d’asphyxie. À terme, cela perturberait l’équilibre de l’écosystème aquatique.

Par ailleurs, l’usage des engrais minéraux (NPK) et des pesticides ont un effet acidifiant par réduction de leur taux de carbone organique. Cela conduit à l’assèchement des sols par la perte de leurs propriétés agronomiques, donc à leur appauvrissement. En effet, les analyses de sol faites sur le modèle de croissance des plantes montrent que les bilans minéraux du cotonnier sont négatifs : –13,38 pour l’azote, –37,94 pour le phosphore et –10,13 pour le potassium (Barry, 2005). Sur le terrain on observe l’apparition d’espèces végétales acidophiles ligneuses et herbacées telles Striga hermontica, Eragrotis trémula, Piliostigma reticulata, Guiera senegalensis qui sont les indicateurs de la dégradation des sols.

Ces résultats issus des investigations dans le Nahouri et le Zoundwéogo suscitent de vifs débats sur les effets induits de la culture du coton sur les composantes des écosystèmes naturels au Burkina Faso en général et singulièrement dans la zone du parc national de Pô.

3. Discussion

3.1. Les perspectives de la culture cotonnière au Burkina Faso

À l’échelle du Burkina Faso, la problématique environnementale de la culture du coton est sujette à controverse entre les promoteurs (Sofitex, Socoma, Faso coton) et quelques acteurs de la société civile (ONG, Associations écologistes). Les résultats de cette étude, en plus de celles déjà menées dans les zones cotonnières de l’Est et de l’Ouest par Doussa (2004) ; Hauchart (2005) et Compaoré (2006) pourraient contribuer à la connaissance du sujet et animer les débats. Les effets induits de la culture du coton sont d’autant plus redoutés que lorsqu’elle est pratiquée aux abords d’une aire protégée comme le PNKT, enclave de conservation de la faune et de la flore.

Ainsi, dans l’intervalle d’une décennie de promotion de la culture cotonnière dans des terroirs environnants, les superficies occupées par les formations végétales du PNKT se sont réduites (Tableau 3) à cause des défrichements, tout comme les espèces floristiques qui sont soumises à des prélèvements incontrôlés. Le cas du PNKT n’est pas isolé car des recherches similaires qui nous avions déjà menées dans les zones de la Kompienga et de Fada, à l’Est du pays, ont montré que l’usage des pesticides dans les champs de coton a des conséquences avérées sur les écosystèmes avec la disparition des insectes pollinisateurs tels que les abeilles (Dipama, 2006). Pourtant, ces pollinisateurs ont un impact considérable sur la productivité forestière.

Face aux dommages environnementaux de la culture de coton quelques solutions alternatives se profilent. La société civile, à travers l’Organisation Non Gouvernementale HELVETAS et l’Union Nationale Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB), préconisent une substitution des pratiques culturales, grande consommatrice de produits chimiques, par une nouvelles pratiques de production dite biologique. Cela implique l’utilisation de méthodes rigoureuses en accord avec la nature par la valorisation des ressources naturelles sans ajout de produits de synthèse (engrais chimiques et pesticides). L’objectif étant de préserver, de renouveler et d’accroître l’humus pour lutter contre la destruction des sols, leur lessivage et leur érosion. Qui plus est, les circuits de commercialisation du coton biologique imposent des normes strictes de traçabilité du produit auxquelles les producteurs ont du mal à se conformer, ce qui justifie leur réticence à s’engager dans cette option.

Quant aux sociétés cotonnières, elles s’orientent vers la vulgarisation du coton transgénique du type Bacillus thurigiensis (Bt). Cette variété est censée avoir des capacités d’autoprotection contre les ravages du cotonnier à l’origine de l’utilisation abusive des pesticides. Mais, ce choix comporte des incertitudes car une étude. Grain (2004) a révélé que les organismes génétiquement modifiés (OGM) menacent aussi la diversité biologique. Ils pourraient contaminer d’autres produits agricoles avec la dissémination des semences OGM par pollinisation aux autres cultures (sorgho, mil, maïs…). De plus, ces OGM pourraient conduire à l’apparition d’insectes résistants aux plantes transgéniques, à l’appauvrissement des sols à long terme et à la réduction de la biodiversité naturelle.

3.2. Les stratégies de préservation des écosystèmes du PNKT

La culture du coton constitue un enjeu socio-économique car elle est la principale source de revenu monétaire pour les ménages qui s’y adonnent. Cependant, l’émergence de cette culture aux proximités du PNKT est une entrave à la préservation des écosystèmes à cause des prélèvements sauvages des diverses ressources du parc et de l’utilisation abusive des intrants (engrais et pesticides), sources de pollution des eaux du Nazinon et ses affluents, points d’abreuvement de la faune. Il convient alors de procéder, de façon cohérente, à la mise en oeuvre progressive de stratégies plus appropriées à la gestion des ressources naturelles.

  • La culture du coton étant un enjeu économique national, il est opportun d’organiser un forum sur la problématique environnementale de la culture du coton, surtout au niveau des zones cotonnières émergentes qui abritent des aires protégées. Ce forum sera un cadre d’échange entre tous les acteurs de la filière (État, promoteurs, producteurs), la société civile (ONG, associations) et la communauté scientifique (chercheurs) sur les véritables implications environnementales de la culture du coton.

  • Au niveau de la zone du PNKT, les champs de coton sont contigus au parc si bien que l’utilisation des intrants et des pesticides polluent les eaux et provoquent des ravages sur les écosystèmes aquatiques et fauniques. On pourrait alors envisager et encourager la culture de la variété biologique du coton au-delà d’une zone tampon avec le parc, large de 200 à 500 m. Puisque le coton biologique proscrit l’utilisation des produits chimiques, cela pourrait stimuler la production de la fumure organique et réduire les risques de pollution par les engrais chimiques.

  • Enfin, la pression humaine sur les ressources du PNKT serait consubstantielle à l’état de pauvreté des populations riveraines. Pour y pallier, ces populations devraient mieux être associées à la protection du parc. Ainsi, Naturama pourrait renforcer la promotion des activités rémunératrices dont l’apiculture, le petit élevage et la valorisation des PFNL.

Loin d’être une panacée, ces mesures d’accompagnement pourraient concourir à une gestion rationnelle des ressources naturelles et préserver les écosystèmes du PNKT.

Conclusion

La culture du coton s’affiche comme une composante majeure du paysage économique national du Burkina Faso. La relance de la filière en 1995 a beaucoup participé à l’extension du front agricole jusqu’aux confins des aires protégées comme le PNKT, mettant en péril les écosystèmes et la biodiversité. En effet, l’itinéraire technique de la culture du coton et particulièrement les implantations humaines à proximité du parc concourent à accélérer la dégradation des ressources naturelles. D’abord la végétation, et partant la flore, du parc est en proie aux prélèvements illicites et incontrôlés à cause de la pression foncière. Ensuite l’abus des intrants agricoles exposent les sources d’eau du parc à la pollution chimique, ce qui aggrave les risques de contamination de la faune. Enfin, l’apparition de nouveaux fléaux (surmortalité des insectes et la microfaune) compromettent, à long terme, la sauvegarde des écosystèmes du parc. Les mêmes effets se sont produits dans les anciens bassins cotonniers de l’Ouest et la zone de l’Est qui regorgent également d’importantes réserves partielles ou totales de faunes et de flore. Toutefois, l’étude s’est déroulée sur deux terroirs. Les résultats qui procèdent ne sont valables que pour la zone concernée et ne sauraient être transposés aux autres zones cotonnières.

La culture du coton biologique et spécialement le coton transgénique en cours de promotion semblent être les solutions alternatives du moment vers lesquelles s’orientent les acteurs. Encore faut-il qu’elles offrent les garanties viables à la lutte contre la pauvreté en milieu rural d’une part et la préservation de l’environnement et des ressources naturelles d’autre part.

Au regard de l’importance de la culture du coton dans le tissu social et économique du Burkina Faso, il est indispensable d’accompagner les producteurs par l’élaboration de programmes de développement harmonieux de la filière qui préserveraient les ressources naturelles et la biodiversité. L’implication conséquente de tous les acteurs de la filière s’impose afin que la culture du coton ne soit plus perçue comme une activité préjudiciable aux écosystèmes. Jusque là, la littérature a largement traité des aspects socio-économiques de la culture de coton car c’est la principale source de revenus monétaire en milieu rural. En s’intéressant à la culture cotonnière comme facteur d’entrave à la biodiversité du PNKT, cette étude concourt à la connaissance des impacts environnementaux de cette activité.