Avant-proposVilles et terrains multiformes[Record]

  • Thierry Bulot and
  • Lise Dubois

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  • Thierry Bulot
    Université Rennes 2

  • Lise Dubois
    Université de Moncton

La ville est une entité sociale dans la mesure où elle produit et/ou impose en permanence de l’identité de la même façon qu’elle induit de nécessaires différenciations. En effet, ces dernières sont vécues comme polyphoniques au titre de leurs épaisseurs historique, sociale, linguistique, architecturale, etc., car elles combinent des niveaux de lecture sans doute au summum de l’hétérogène ; tout fait social y fait sens sans être pour autant immédiatement lisible par les différents acteurs de l’urbanité et, a fortiori, par les chercheurs. Mais elles sont par ailleurs perçues comme monophoniques car les discours identitaires affirment peu la langue et les parlures comme l’élément constitutif de leur organisation : en tant qu’instance énonciative propre, les villes savent et peuvent dire leur(s) identité(s) mais ne savent pas et ne peuvent que rarement expliciter ce que le fait linguistique ou sociolinguistique construit ou contribue à engendrer. Initiées par Cécile Bauvois et Thierry Bulot en 1999, les Journées Internationales de Sociolinguistique Urbaine (J.I.S.U.) sont nées de ce constat qui, dès l’abord, a structuré la réflexion théorique ; concrètement, elles souhaitaient ainsi mettre en avant, en ayant un questionnement tant scientifique que social, la prégnance du langage, des langues et des discours dans l’organisation et la production même de l’espace dévolu à la culture urbaine. Et plus encore, d’analyser la co-variance entre les faits relevant de la stratification sociolinguistique et ceux impartis aux structures socio-spatiales. De fait, la sociolinguistique urbaine des J.I.S.U. relève d’une approche qui replace dans le champ de l’urbanité socio-langagière les dimensions attitudinale et représentationnelle, autrement dit la perception et l’évaluation des rapports sociaux corrélés bien sûr aux langues mais aussi aux discours tant épilinguistiques que socio-topologiques. Effectivement, l’une des vocations premières des J.I.S.U. est précisément de réunir, dans un esprit de séminaire, les chercheurs et chercheures francophones ou non sur les thèmes impartis à l’urbanité, à l’urbanisation sociolinguistique et, plus largement, sur tout fait sociolinguistique induit du modèle culturel urbain non seulement pour confronter des points de vue théoriques et méthodologiques, mais encore pour proposer des expertises aux détenteurs/locuteurs légitimes ou non des discours sur la ville. Sur le moyen terme, les J.I.S.U. ont vocation à se constituer en groupe de réflexion pour être à même d’énoncer des propositions dépassant le simple jeu d’échanges intellectuels pour aller vers la société civile organisée ou non, armées d’une connaissance située et contrastée du terrain. Pour ce faire, les J.I.S.U. se tiennent tous les deux ans dans un pays différent qui relève à chaque fois d’une configuration urbaine spécifique et d’une pratique et d’un statut des langues et, particulièrement, du français, notables. Chacune des sessions, qui a toujours donné lieu à une publication préalable de la plupart des textes présentés s’est focalisée sur une problématique propre interrogeant autant des concepts que leur applicativité, voire leur pertinence, pour les terrain abordés : d’abord le thème Territorialisation des langues et des villes (Mons, Belgique) s’est vu envisagé sous le triple angle de la dénomination des lieux et des espaces, de la mobilité tant sociale que géographique et de l’identification des espaces ; puis Variations linguistiques : images urbaines et sociales (Rennes, France) a permis de décliner les diverses modalités de la construction identitaire en milieu urbain ; et enfin Frontières et territoires (Kénitra, Maroc), les relations entre la démarcation des langues, voire de variétés, et la distinction des espaces de l’altérité. À chaque fois, il s’est agi de discuter les contributions bien entendu relatives ou non à la situation locale – pour être attentifs aux adverses expressions de la demande sociale – mais toujours dans une mise en perspective générale qui vise à échanger, sans …

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