
Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 35, Number 1, 2015 J. M. Lotman
Table of contents (8 articles)
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Présentation : Juri M. Lotman / Presentation: Juri M. Lotman
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The Semiosphere, Between Informational Modernity and Ecological Postmodernity
Pierre-Louis Patoine and Jonathan Hope
pp. 11–26
AbstractEN:
The notion of semiosphere is certainly one of Lotman’s most discussed ideas. In this essay, we propose to investigate its ecological and biological dimensions, tracing them back to Vernadsky’s concept of biosphere and to Lotman’s environmental vision of art articulated in his early work, The Structure of the Artistic Text. Our investigation reveals how the biosemiotic undercurrents in Lotmanian thought enable the emergence of a cyclical, homeostatic model of culture that counterbalances a Modernist vision of art as a force working for unquestioned linear progress.
FR:
Parmi les notions développées par Lotman, celle de sémiopshère est certainement celle qui a été la plus commentée. Dans cet article, nous explorons ses dimensions écologiques et biologiques, en remontant au concept de biosphère proposé par Vernadsky et à la vision environnementale de l’art qui apparaît chez Lotman dès La Structure du texte artistique. Notre enquête expose les aspects biosémiotiques de la pensée lotmanienne, aspects qui permettent l’émergence, en son sein, d’un modèle cyclique, homéostatique de la culture, contrebalançant ainsi une vision moderniste où l’art participe à un progrès naïvement linéaire.
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Artistic Space in the Prose of Ivan Bunin
Elena Maksimova
pp. 27–40
AbstractEN:
Ivan Bunin occupies a unique place in the context of Russian literature. The following article demonstrates the relevance of Juri Lotman’s work on defining semiotic artistic space by examining Bunin’s modeling of the world and his construction of artistic space in his prose works. Special attention is paid to the semiosphere, its central mechanisms, and their realization in several of Bunin’s works, and especially the short story entitled “Horror Story”.
FR:
La place occupée par Ivan Bunin dans la littérature russe est unique. Le présent article illustre la pertinence du travail de Juri Lotman sur la définition d’espace sémiotique artistique pour comprendre la modélisation du monde chez Bunin et la construction de l’espace artistique dans sa prose. Une attention particulière est portée à la sémiosphère, à ses mécanismes centraux et à leur réalisation dans l’oeuvre de Bunin, et tout particulièrement à la nouvelle intitulée “Histoire d’horreur”.
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Music as Text in the Works of Bulgakov
Edna Andrews and Yana Lowry
pp. 41–61
AbstractEN:
The present article is a modest introduction to a larger theme that analyzes the use of music as text in the plays, short stories and novels of Mixail Bulgakov. The important contribution of Juri Lotman’s theoretical work on artistic space, the semiosphere, and the role of incorporating “texts within texts” (текст в тексте) is fundamental to our explication of the process of understanding Bulgakov’s use of music as text in a variety of its manifestations, resulting in an integrated and full-bodied textual structure that generates meanings critical to the works in which it is embedded. This analysis will focus on defining what “music as text” is for Bulgakov and specifically consider the use of music in the play, Zoya’s Apartment (Зойкина квартира).
FR:
Cet article est une modeste introduction à une problématique de recherche plus vaste qui porte sur la “mise en texte” de la musique dans l’oeuvre littéraire et théâtrale de Mikhaïl Boulgakov. Ce projet s’inspire des travaux de Juri Lotman, dont les contributions sur l’espace artistique, la sémiosphère, et sur les rapports d’intégration textuelles (intégration d’un texte au sein d’un autre texte), nous aident à bien cerner les différentes manifestations d’une “textualisation” de la musique chez Boulagakov. L’étude de ce phénomène permet de mettre au jour une structure textuelle complexe alors que l’intégration de la musique ajoute une strate sémantique au texte qui l’accueille. Pour les fins du présent article nous portons notre attention sur la pièce L’appartement de Zoya.
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The Cybernetic Layer of Juri Lotman’s Metalanguage
Silvi Salupere
pp. 63–84
AbstractEN:
Most accounts of Juri Lotman’s legacy note his interest in information theory and cybernetics which is closely tied to his desire to use exact methods in the humanities. However, this connection itself has hardly been studied. This article focuses on a pair of terms with cybernetic origins found throughout Lotman’s works : “mechanism” and “ustrojstvo”. I try to show that these terms and the way they are used are not accidental but belong to an important strand in Lotman’s thought. An overview is presented of Lotman’s direct contacts with cybernetics and cyberneticians, and how the terms “ustrojstvo” and “mechanism” found their way into his metalanguage. The main focus is on exploring how Lotman understands this pair of terms. Translation problems related to them are also discussed.
FR:
Tandis que les ouvrages consacrés à l’oeuvre de Juri Lotman mentionnent souvent son intérêt pour la théorie de l’information et la cybernétique, intérêt intimement lié à son désir d’appliquer aux sciences humaines des méthodes exactes, peu d’études se sont penchées sur le sujet. Consacré à deux termes qui originent de la cybernétique et parsèment l’oeuvre lotmanienne, “mécanisme” et “ustrojstvo”, cet article cherche à démontrer que ni leur présence ni leur usage ne sont accidentels chez Lotman et qu’ils s’inscrivent dans un axe important de sa pensée. L’auteure y présente un survol des contacts directs qu'entretient Lotman avec la cybernétique et les cybernéticiens, et de la manière dont les termes “mécanisme” et “ustrojstvo” ont fait leur chemin dans son métalangage. Elle explore ensuite la manière dont Lotman comprend cette paire de termes. Les problèmes de traduction qu’ils posent sont également abordés.
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Towards the Semiotics of (In)sincerity (A Few Preliminary Remarks)
Mihhail Lotman
pp. 85–102
AbstractEN:
Simply stated, sincerity is an intention to express the truth, while insincerity is an intention to mislead. A sincere person can be wrong and give false information, while an insincere person can make a mistake and speak the truth. Sincerity – and not the truth – is what is detected with a polygraph (a mentally ill person responding to the question “Are you Napoleon?” with a negation may well register as lying on a polygraph test).
In this paper I bring different examples (from texts which belong to various spheres of discourse) that illustrate a splitting of consciouscess in an otherwise mentally sane person : fantastic accusations (both self-accusations and accusations of others) are presented in a state of both belief and disbelief. Usual triggers for this phenomenon are fear and anger (which often occur together), but reasons may also be found in erotic desire or else in aesthetic licence, etc.
FR:
Dit simplement, la sincérité suppose l’intention d’exprimer la vérité, alors que l’insincérité suppose l’intention d’induire en erreur. Une personne sincère peut néanmoins être dans l’erreur et transmettre malgré elle une information fausse; de même, une personne non sincère peut transmettre une vérité malgré son intention d’induire en erreur. En outre, c’est la sincérité et non la vérité que vise à déceler un polygraphe. À preuve, une personne atteinte d’une déficience intellectuelle et qui croit être Napoléon échouera le test du polygraphe si elle répond par la négative à la question “êtes-vous Napoléon?”.
Dans cet article, j’examine différents exemples textuels (tirés de divers genres : fiction littéraire, publicité, discours politique, plaidoirie, propagande) où l’on peut observer un tel clivage chez un énonciateur sain d’esprit : des auto- ou alio-accusations fantastiques sont présentées qui mettent en jeu des états mentaux de croyance et de non-croyance. Les principaux déclencheurs de ces clivages sont la peur et la colère – deux émotions qui se chevauchent souvent –, mais il existe également d’autres causes comme par exemple le désir érotique ou la licence esthétique.
Articles hors-dossier / Individual Articles
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Parcours phéno-génératif et sémiotique de l’espace dans Le Mont Damion d’André Dhôtel : vers une spaciose du sens
Pierre-Antoine Navarette
pp. 103–138
AbstractFR:
La thèse que nous soutenons dans cet article défend l’idée selon laquelle il existe, dans une perspective phéno-générative, un schème spatial directionnel au sein du roman Le Mont Damion par André Dhôtel (1964). Il s’agit d’une structure d’ensemble élémentaire qui oriente, dans un procès de signification spatial complexe, une axiologisation des dispositifs spatiaux et qui se décline en configurations spatiales directionnelles plus élaborées, configurations axées sur la catégorie [route]. Nous avons réalisé cette étude en sémiotique de l’espace post-greimassienne en partant d’une sémantique textuelle – inspirée des travaux de François Rastier – appliquée à l’oeuvre dhôtelienne. Le phénomène sémiotique majeur mis ainsi en exergue a été nommé spaciose du sens, ou sémiose spatiale, pour reprendre des termes proposés par Jacques Fontanille.
EN:
This article defends the thesis that André Dhôtel’s 1964 novel, Le Mont Damion, contains – from a pheno-generative perspective – a spatial/directional schema. The latter consists in an overall elementary structure leading to a complex axiology of fictive spaces manifesting itself in a series of elaborate spatial/directional configurations based on the semantic category of the [road]. This post-Greimassian study of semiotic space was carried out from the textual semantics of François Rastier as applied to Dhôtel’s novel. The key semiotic phenomenon emphasized here is that “spaciosis of meaning” (“spaciose du sens”) or spatial semiosis, to borrow the terms used by Jacques Fontanille.
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Sémiotique du “passage” et du “séjour” en architecture
Carolle Gagnon and Nicolas Marier
pp. 139–162
AbstractFR:
Les architectes parlent le langage spécialisé enseigné dans les écoles d’architecture, allant des catégories descriptives aux plans et devis. Ils se servent de typologies permettant de classer les divers éléments et leur mise en forme dans de nouvelles catégories descriptives qui sont, celles-là, porteuses de sens, par exemple les ouvertures. Nous suggérons que les thèmes de l’ouvert et du fermé que nous posons en termes architecturaux de “passage” et de “séjour” constituent des unités de signification de nature complexe, ou “sémèmes”. Les signes /passage/ et /séjour/ peuvent être des équivalents de la phrase étudiée en linguistique, et ainsi constituer des thèmes narratifs.
Par analogie aux unités minimales de signes que sont les phonèmes, nous appelons nos unités de même valeur “archèmes”. Par analogie aux morphèmes, nous appelons du nom de “chorèmes” les sèmes qui ont une signification spécifique de nature architecturale. Plus avant, /passage/ et /séjour/ constituent des sémèmes qui contrastent ou s’opposent, faisant ainsi partie du répertoire sémique de l’architecture. Le thème du passage devient dominant dans l’architecture contemporaine avec Hadid, Hara et Gehry. Les édifices permettent à l’utilisateur de vivre plus librement son histoire dans une occupation personnelle de l’espace. Celui-ci devient un allié lui permettant de se raconter. Ainsi, le passage, dans une nouvelle articulation avec le séjour, montre une nouvelle manière d’habiter.
EN:
Architects use a specialized language that is taught in schools of architecture and includes various descriptive categories, plans and architectural estimates. They use typologies with which to classify various architectural elements and their formal designs in new and meaningful descriptive categories, such as those that concern “openings”. We contend that the themes of “openness” and “closeness”, which we concieve architecturally as “passage” and “living” form complex unit of signification or “sememes”. Spatial displacements and limits are indicated by semantic markers that manifest themselves in more or less prominent fashion. The sign/passage/ and /living/ can then be seen as equivalents to the large syntagmatic forms studied by linguistic, such as the sentence and may form narrative themes.
By analogy with the minimal distinctive units linguists call “phonemes”, we call the minimal units of architecture “archemes”. “Choremes”, on the other hand, correspond to “morphemes” as they are semes endowed with a specific architectural meaning. /Passage/ and /living/ thus constitute distinct and opposing semiotic categories with the semic or semantic repertoire of architecture. The theme of the passage starts to dominate contemporary architecture with the works of Hadid, Hara and Gehry. Their buildings enable those who circulate within them to create more freely personal narratives of their own. Thus, as it develops a new relation with the living, the passage now offers a new way of dwelling.