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“Les icônes se substituent si complètement à leurs objets qu’on peut à peine les en distinguer. Tels sont les diagrammes de la géométrie. Un diagramme, en réalité, dans la mesure où il a une signification générale, n’est pas une pure icône, mais au milieu de nos raisonnements nous oublions en grande partie ce caractère abstrait, et le diagramme est pour nous la chose même”.

– Charles S. Peirce, “On the Algebra of Logic” (CP 3.362)

Dans l’annonce du colloque qui est à l’origine de ce texte,[1] on a avancé l’idée que l’iconicité telle que Peirce l’entend permet de ne pas prendre position dans le débat inauguré avec le Cratyle entre l’arbitrarité comme principe se trouvant au fondement du signe et la supposition d’une conformité ou d’une adéquation naturelles. On se rappellera que, dans le cadre du dialogue platonicien lui-même, la question n’est pas réglée – c’est pourquoi le dialogue est réputé être aporétique –, qu’aucune des deux positions ne l’emporte de façon décisive. Une raison en est peut-être qu’à tordre comme il le fait les fils conduisant à l’une ou l’autre des solutions, Socrate souligne plus ce qui lie chacune des deux possibilités que ce qui les sépare. De s’inscrire quasi à l’origine de la philosophie, la position mixte de Socrate n’en est pas pour autant dépassée, car elle a l’indubitable mérite de faire implicitement une place au point de vue de l’usager des signes et aux opérations par lesquelles il se les approprie et se reconnaît en eux. Une part très importante du Cratyle est consacrée à l’étymologie de divers mots (noms des dieux, des vertus, des métiers, etc.) en un examen au terme duquel on espère voir émerger une thèse convaincante, mais le dialogue ne parvient pas à ce genre d’issue et les protagonistes sont renvoyés dos à dos, avec la promesse de revenir à la question. Il se trouve toutefois qu’on a estimé que plus de 85% des étymologies convoquées dans l’examen des deux thèses sont fautives, erronées, trompeuses,[2] et que les motivations que Socrate découvre “derrière” les mots qu’il examine sont inventées. Cela pourrait à soi seul suffire à condamner Socrate pour trahison génétique et réduire à néant le fond même sur lequel sa preuve cherche à s’appuyer. On peut toutefois se demander : est-il si certain que Socrate veut dans ce dialogue établir une quelconque vérité historique à propos de la relation unissant les mots aux choses? Ne peut-on pas estimer plutôt que lui importe moins la vérité établie dans une relation externe, qui nous fait considérer le signe et son objet comme des entités hors de nous, que la découverte ou la production d’une raison analogique, dont il importe peu de savoir si elle se trouve dans les mots ou en nous dans nos rapports aux mots?

Mon propos s’inscrit à sa façon dans l’axe de cette question. Il me permettra de jeter quelque lumière peircéenne sur un point relativement obscur du Tractatus, le caractère figuratif de la proposition. L’idée de rapprocher Peirce et Wittgenstein n’est pas neuve (Rorty et Bouveresse l’ont agitée il y a déjà longtemps dans deux perspectives différentes) mais l’examen du Tractatus avec des lunettes confectionnées dans l’atelier de la sémiotique peircéenne n’en est encore qu’à ses débuts.[3] On peut pourtant percevoir avec un certain bon sens nombre d’analogies sur des points de sémiotique fondamentale, conduisant en particulier à penser que le diagramme, avant d’être une forme spécifique de représentation, est un mode de traitement du signe pour produire la représentation, autrement dit que la figurativité diagrammatique est quelque chose qui est produit et qui est utilisé.

Si la pensée de Peirce a mis si longtemps à pénétrer les cercles sémiologiques européens, c’est pour une bonne part que ceux-ci ont été massivement conditionnés à croire que, si répandus qu’ils soient dans tous les aspects de nos vies, les signes constituent néanmoins des classes quasi naturelles dont l’extension est fournie par des phénomènes qui sont ce qu’ils sont parce qu’ils sont destinés à l’être, et qu’il est par conséquent possible de classer ces phénomènes selon les diverses formes qu’ils ont. C’est ainsi qu’on a vu déferler des hordes de sémiologues qui, largement inconscients de la fragilité extrême de ces deux prémisses, ont entrepris de soumettre ce qui se présentait à une conscience ainsi préjugée à des opérations classificatoires diverses. Et quand, après une résistance dont la meilleure explication est l’ignorance ordinaire, on a intégré les distinctions peircéennes, les limitant le plus souvent à la trichotomie icône-index-symbole, il n’est aucunement étonnant que ces termes aient été traités comme des genres, voire comme des “catégories” rassemblant des “objets” : tel signe est par nature un index, tel autre une icône, tel troisième un symbole.

Cette façon de voir a des effets désastreux, dont les plus ravageurs consistent à penser que ce que le signe fait est d’une manière ou d’une autre déposé en lui et que ce n’est pas un aspect du signe, vu sous tel angle ou utilisé à telle fin, qui en assure le travail. Ces prémisses et leurs effets ont été critiqués aussi bien par Peirce que par Wittgenstein. Il me faut préciser d’emblée qu’on n’a pas de raisons de penser que Wittgenstein a connu de Peirce plus que son nom. Plutôt inculte d’un point de vue philosophique, il a pu en entendre parler par Frank Ramsey quand celui-ci lui rendit visite en Basse-Autriche au début des années vingt, le même Ramsey qui, dans son étude critique du Tractatus (2003 : 27-44), reprochait à Wittgenstein de ne pas faire de distinction entre la proposition comme type et la proposition comme token; il se peut aussi que Russell, que connaissait Lady Welby, ait joué le rôle de courroie de transmission, et un scoop éphémère a jailli il y a quelques années sur la liste Peirce du Web à propos d’une conversation dans laquelle Wittgenstein aurait prononcé le nom de Peirce, bref, pas grand-chose au chapitre des influences directes, mais on sait que deux esprits peuvent parvenir à des conclusions analogues indépendamment l’un de l’autre et Peirce a du reste considéré que cette indépendance plaide en faveur de la vérité de ces conclusions.[4]

Certes les différences sont considérables sur nombre de terrains, en raison tout particulièrement de conceptions divergentes des ambitions que la philosophie peut légitimement entretenir, mais je pense que sur celui des conceptions sémiotiques fondamentales la convergence est frappante. La mise en relation de Peirce et de Wittgenstein a surtout porté sur les écrits de ce dernier qui sont à l’intuition le plus compatibles avec une forme de pragmatisme quelconque (les Recherches philosophiques et, surtout, De la certitude) et le travail principal du jeune Wittgenstein, le Tractatuslogico-philosophicus, n’a guère été pris en compte. Il est vrai que la lecture de cet ouvrage a été dès le départ quasi exclusivement orientée par son contexte intellectuel plus ou moins immédiat (principalement l’atomisme et le positivisme logiques) et que des sources plus anciennes et moins familières à la tradition exégétique qui l’a pris en charge ont été ignorées ou marginalisées. Ces sources, on le verra, font aussi partie des références de Peirce. De plus, le Tractatus, malgré la réputation de monument de cohérence qu’il a acquise dans le monde anglo-saxon, s’étend, sans que cela soit rendu explicite, sur au moins trois plans : celui de la théorie du signe, où sont formulées les questions de sémiotique fondamentale, celui de l’opérationnalisation de la logique et finalement le plan, disons par simple commodité, métaphysique, où sont traitées les questions du sujet, du monde comme totalité, de la volonté et de la mort. Sans être incompatibles, ces plans ne sont pas continus, car il y a des sauts de l’un à l’autre, en particulier dans le passage de la définition générale de la proposition à l’axiomatisation de la logique. C’est surtout le premier plan qui retiendra mon attention, car c’est sur ce plan que la question du diagramme survient. Je chercherai à mettre de l’avant quelques raisons poussant à croire qu’un des effets bénéfiques de l’idée que Peirce a eue du diagramme permet d’abattre un certain travail dans le contexte de la théorie de la représentation chez Wittgenstein et que la philosophie de la proposition qu’on trouve dans le Tractatus est mieux comprise sous ce nouvel éclairage.

J’ai déjà eu l’occasion de démontrer qu’une conception triadique authentique conditionne tout ce que Wittgenstein écrit de la proposition en général dans le Tractatus, et que les relations qu’y ont le signe propositionnel, la proposition et la situation sont, sans qu’il soit besoin d’effectuer une quelconque torsion conceptuelle, plus qu’analogues avec celles qui permettent au representamen, à l’interprétant et à l’objet de constituer l’unité d’un signe actif et praticable (Latraverse 2002 : 125-140). Cette démonstration ne s’appuyait sur rien d’autre que le texte du Tractatus et non sur des considérations externes issues d’une ou l’autre des écoles exégétiques. En trois mots et en simplifiant (car en fait les choses sont un peu plus compliquées) :

  1. Le signe propositionnel, perceptible par les sens, est un fait dans le monde et il est composé, articulé, à défaut de quoi il ne saurait rien consigner d’autre que la possibilité d’une unité insécable, dont rien n’est dit, pas même l’existence. Les jugements d’existence ne figurent du reste pas dans le Tractatus.

  2. Le fait (ou la situation) est un ingrédient du monde (entièrement saisi par la totalité des faits dans l’espace logique) et il tient son existence de ce qu’il est défini par une proposition.

  3. Celle-ci, qui ne doit pas être confondue avec le signe propositionnel [contrairement à un usage répandu auquel il arrive à Wittgenstein lui-même de souscrire dans le Tractatus lorsque vient le moment de noter les propositions], est, selon la proposition 3.12, le signe propositionnel dans sa relation projective au monde. Elle est la représentation de la possibilité d’une certaine configuration.

Comme pour toute triade authentique, la disparition d’un quelconque élément qui la compose entraîne l’abolition pure et simple des deux autres et, comme pour toute triade authentique, la question de la priorité autre que logique d’un élément sur les autres est creuse. Je mentionne la chose parce qu’une littérature considérable (voir, par exemple, Black 1964; Stenius 1960; Pears 1987; Ishiguro 1969 : 20-50; McGuinness 1981 : 60-73, 1985 : 135-144; et Diamond 1991) a été consacrée à la question de savoir par où commencer, par le langage ou par le monde, à la question de savoir ce que nous découvrons en premier ou du moins de savoir ce que Wittgenstein aurait pris pour point de départ. La position de Wittgenstein est à cet égard pourtant claire : si les faits dans l’espace logique constituent ce que nous considérons être le monde, le fait ne peut exister à l’état libre pour ensuite être capturé par une proposition.

Cette idée que le fait n’est pas un existant antérieur à la proposition ou au jugement, essentielle à une juste compréhension de la triade fondamentale du Tractatus, est exprimée par Peirce en divers endroits, par exemple ce passage de “Sundry Logical Conceptions” : “La définition la plus facile (“easiest”) d’un fait est que c’est un élément abstrait du réel correspondant à une proposition” (EP 2 : 270-71). Le fait du Tractatus est lui aussi découpé dans le continuum de tous les faits possibles et à qui en douterait il suffira de demander “Combien y a-t-il de faits dans le monde, ou dans telle portion du monde?”. La seule réponse vraisemblable, admissible, qui ne soit pas naïve d’un point de vue ontologique, est: “Autant qu’on voudra, autant qu’il en correspondra aux propositions que nous tiendrons pour vraies”.

Non seulement Wittgenstein pose dans une totale solidarité les éléments de sa triade, mais il y va même de conditions qui ne sont pas nécessaires à une triade au sens strict : chacun des termes doit avoir la même multiplicité (Mannigfaltigkeit), comporter le même nombre d’éléments, ceux-ci doivent se correspondre point par point, et Wittgenstein a recours à une profusion d’expressions apparentées (réseaux, mailles, coordonnées) chargées de marquer le fait que, même dans leur détail, les trois termes ont tellement la même structure qu’on doit penser qu’il s’agit de trois façons de considérer la même unité, de la même façon, comme le dit Peirce, que les icônes se substituent complètement à leurs objets.

C’est sur cette base que la proposition est dite être une image du fait ou, si on ne craint pas de passer à la limite en introduisant des entités assez considérables, que le langage est une image du monde. En un sens, cette idée est à l’intuition, mais à l’intuition seulement, triviale, à la limite de la tautologie car comment pourrait-il en être autrement? Comment la falsifier? Le langage ne représente-t-il pas ce que nous appelons le monde et celui-ci n’est-il pas ce que le langage rapporte? Mais avant de la falsifier il faut encore comprendre l’idée, il faut encore savoir de quel type d’image il s’agit et comment fonctionne sa figurativité. On dit généralement que c’est sur une ressemblance, sur un isomorphisme du représentant et du représenté, sur un reflet du second dans le premier que cette figurativité repose, toutes choses que de nombreux passages du Tractatus incitent fortement à penser, car c’est ce que Wittgenstein écrit, c’est ce dont il soutient l’idée même d’une image logique. Je crois cependant que ce n’est pas là le fin mot. L’anecdote voulant que ce soit la représentation d’un accident automobile que Wittgenstein aurait vue dans un journal, illustrant les positions respectives des véhicules, qui aurait déclenché sa conception pictoriale de la proposition fait peut-être partie de la riche mythologie qui l’a rapidement entouré, mais même si elle est vraie, elle n’explique rien par elle-même, car nous ne savons pas pour autant en quel sens ce dessin[5] montre que la proposition est une image, car nous ne voyons pas alors la proposition, nous n’en disposons pas encore, même si nous pouvons assurément dire ce que le dessin illustre. Cela ne nous empêche pas de cheminer tranquillement avec le sentiment de comprendre : Ah! Oui! La proposition est vraiment une image. Ce sentiment n’est pas illusoire et il est même révélateur de ce qu’il se passe, car c’est de lui qu’il s’agit en fin de compte, c’est lui qui fait le travail requis et la seule chose qui soit trompeuse dans l’anecdote est qu’elle escamote une étape, qu’elle ne rapporte pas toute l’histoire.

Une dizaine d’années après avoir achevé le Tractatus, dans un des entretiens qu’il a eus avec des membres du Cercle de Vienne, Wittgenstein raconte le reste de l’histoire :

Quand j’ai écrit : “La proposition est une image logique des faits”,[6] je voulais dire que je pouvais insérer une image dans une proposition (et il s’agissait bien d’un dessin), puis continuer ma proposition. Je puis donc employer une image comme une proposition. Comment cela est-il possible? La réponse s’énonce ainsi : c’est que précisément l’une et l’autre s’accordent d’un certain point de vue, et ce qu’elles ont ainsi en commun, je le nomme image. Ce qui est déjà prendre le terme en un sens plus large. J’ai hérité ce concept d’image de deux côtés : d’une part de l’image dessinée, d’autre part de l’image au sens du mathématicien, laquelle est déjà un concept général. Car le mathématicien parle de reproduction (Abbildung), là où le peintre n’emploierait pas cette expression.

Le terme d’image a quelque chose de bon : Il m’a aidé, et beaucoup d’autres avec moi, à rendre clair quelque chose de commun et le montre : C’est donc de cela qu’il s’agit! Notre sentiment est alors le suivant : Ah! Ah! Maintenant je comprends : proposition et image sont du même genre.

[…] Lorsque pour la première fois ce qu’il y a de commun à la proposition et à l’image m’est devenu clair, j’ai tenté de l’indiquer en usant de tournures toujours nouvelles, comparant une fois la proposition à un tableau vivant (TLP 4.0311), une autre fois à un modèle (ibid. : 4.01; 4.04; 4.446), ou encore je disais : la proposition figure (stellt dar), elle montre (TLP 4.022) comment la chose se comporte, etc.

McGuinness 1991 : 165

Comme on le voit, le mot “image” dans cet extrait est profondément ambivalent, car est image ce qui est comparé à la proposition mais est aussi image ce que l’image (dessinée, précise Wittgenstein) et la proposition ont en commun parce qu’elles s’accordent “d’un certain point de vue”. Ce qu’il faut avant tout voir, c’est que l’insertion de l’image dans la proposition suppose déjà une image du deuxième type, c’est-à-dire qu’il nous faut savoir comment “insérer”, pour reprendre le mot de Wittgenstein, l’image dans la proposition, c’est-à-dire encore disposer d’une image plus abstraite permettant de voir la coïncidence, coïncidence qui n’est pas plus fortuite ou empirique que celle de la proposition et du fait qu’elle extrait. Notons aussi que l’image peinte et l’image mathématique sont, telles que Wittgenstein les présente, deux aspects d’une même chose, deux façons de voir l’abstraction commune qui permet de les penser solidairement, ce qui constitue un travail logiquement distinct. L’image dont il s’agit en fin de compte n’est ainsi ni dessinée ni formelle ni simplement reproductive : elle est la mise en relation à partir d’un certain point de vue (dont, comme nous le verrons, celui d’une échelle) de deux modes de représentation, partageant — parce que le produisant — un objet commun. Notons pour finir l’usage du mot “Abbildung” que fait Wittgenstein, qu’il identifie du côté mathématique et qui est celui qu’il utilise pour nommer la possibilité de la liaison des éléments de l’image (TLP 2.15)[7]. Ce terme, dont la traduction n’est d’emblée pas simple, fait l’objet d’un petit commentaire terminologique par Peirce. Dans des “Notes on Symbolic Logic and Mathematics” (CP 3.609), il a une remarque sur le mot “imaging”, remarque qui est au plus près de la question qui m’occupe :

(Imaging) Un terme qu’on a proposé pour traduire “Abbildung” dans son usage logique. Pour saisir sa signification, il est indispensable d’être familier avec l’histoire des significations de “Abbildung”, mot utilisé en 1845 par Gauss pour désigner ce qu’on appelle en anglais “map-projection” […] En mathématiques, “Abbildung” est traduit par “représentation”, mais ce mot est déjà occupé (preëmpted) en logique. Puisque Bild est toujours traduit par “image”, “imaging” répondra très bien à “Abbildung”.

Dans ce passage, que j’ai tronqué d’un petit développement cartographique intéressant, il y a une indication précieuse sur le sens que Peirce donne au mot “imaging”,[8] en en retraçant l’origine chez Gauss (Hertz utilise le mot en un sens voisin), celui d’une projection géométrique, qui est cela même qui fait la conception wittgensteinienne de la proposition : le “Bild” du Tractatus est la projection géométrique d’une image du signe propositionnel, et non du signe propositionnel lui-même, car la projection engage nécessairement une abstraction supplémentaire, qui tient à la possibilité reconnue d’une similitude. Une carte géographique, le plan d’un édifice, la représentation d’un itinéraire ne peuvent être associés immédiatement à leurs objets et requièrent une échelle, la connaissance du mode de figuration (un ensemble d’habitudes), de même que la reconnaissance des finalités de la représentation.

En remplaçant l’idée familière mais malheureusement impraticable voulant que la proposition soit une image par l’idée moins familière selon laquelle l’image correspond au mode de traitement des signes et de leurs objets, on peut en outre faire converger plusieurs éléments en apparence disparates du Tractatus : la description du monde au moyen d’un filet géométrique aux mailles de diverses formes, la comparaison de la proposition à une règle graduée dont seules les extrémités touchent le réel,[9] etc. La figurativité (Bildhaftigkeit) de la proposition est ainsi abstraite, comme Peirce dit du fait qu’il l’est, aux deux sens majeurs du mot “abstrait”, à savoir extrait et rendu schématiquement, c’est-à-dire avec un traitement en aval, qui en permet la corrélation. La forme projetée est ainsi l’expression “squelettisée”, pour utiliser une expression peircéenne (CP 2.778)[10], de ce que doivent avoir en commun le signe propositionnel, la proposition et le fait, qui ne se trouve dans aucun en particulier et qui ne se “voit” certainement pas par les yeux.

C’est pourquoi Wittgenstein insiste sur le caractère non intuitif, non immédiat de l’image :

À première vue, la proposition ne semble pas – disons telle qu’elle est imprimée sur le papier – être une image de la réalité dont elle traite. Mais les notes de musique ne semblent pas non plus à première vue être une image de la musique, ni nos signes phonétiques (ou nos lettres) une image de notre langage parlé. Et cependant ces langages de signes se révèlent même au sens ordinaire être des images de ce qu’ils représentent (darstellen)

TLP 4.011

Peirce de son côté :

Beaucoup de diagrammes ne ressemblent en apparences (in looks) pas du tout à leur objet; ce n’est que dans les relations de leurs parties que leur ressemblance (likeness)[11] consiste.

On Reasoning in General” MS 595 [Je traduis.]

Ce qu’il y a de diagrammatique dans une image est son minimum représentationnel, ce sans quoi elle ne pourrait se lier à son objet (“Basis of Pragmaticism”, CP 554),[12] ni a fortiori saisir aucune situation. Pour ce qui est du détail, le diagramme est un être déficient dans la représentation qu’il offre mais cette déficience ne saurait être évaluée à la mesure d’une représentation complète – qui n’est qu’un phantasme inatteignable, dont l’effet de fascination a été combattu de tout temps, c’est-à-dire au moins depuis Poinsot, phantasme sémiotiquement mortifère dont l’effet est que toute représentation, ratant par nécessité quelque chose, apparaît être un ersatz. Cette déficience doit plutôt être évaluée à la mesure d’une sélection obligée dans les modes de présentation. Pour savoir ce qu’une proposition ainsi comprise permet de saisir, il faut, prendre en compte deux idées communes à Peirce et à Wittgenstein.

La première est la complétude relative nécessaire de toute image, au sens qu’indique Wittgenstein au paragraphe 5.156 : “Une proposition peut bien être une image incomplète d’une certaine situation, mais elle est toujours une image complète”, c’est-à-dire une image complète de quelque chose. Il en va là de la nature du signe en général, puisqu’on ne saurait même concevoir une représentation figurative qui capturerait l’intégralité d’un objet réel. Si on se rappelle que l’objet n’est accessible que par les signes qui le représentent, si les objets en question sont les objets des signes, alors il suit que l’objet d’une représentation schématique (ou diagrammatique) ne peut pas être incomplet, bien qu’il puisse toujours être déterminé plus avant par la médiation d’une nouvelle représentation.

Une des difficultés du Tractatus est l’absence quasi totale d’exemples, y compris pour les concepts les plus importants.[13] Dans le cas de l’image, il y en a quelques-uns, dont celui-ci : ‘aRb’ (TLP 3.1432).[14] C’est le radical figuratif, l’état le plus simple de ce que Peirce nomme un “potisigne”, qui décrit la possibilité la plus élémentaire :

  1. Il comporte plus d’un élément, c’est-à-dire qu’il présente la multiplicité et l’articulation nécessaires à la proposition.[15] Ni ‘a’ ni ‘b’, pris séparément, ne peuvent, par manque et de la multiplicité et de la relation, constituer une image, bien qu’ils peuvent tenir lieu (vertreten) de toute chose. Quant à ‘R’, il ne tient lieu de rien, pas plus que les constantes logiques, dans le Tractatus, ne représentent quoi que ce soit.

  2. Ce que dépeint ‘aRb’, son objet, est la possibilité de n’importe quelle paire définie selon n’importe quelle relation.

  3. L’objet dont ‘aRb’ est une image complète n’est pas “bestimmt” (déterminé), pour utiliser un mot que Peirce affectionne, mais il n’est pas complètement quelconque, car il se différencie de tous les états de choses possibles dont le type d’indétermination est assez différent pour être pensé comme différent, c’est-à-dire autrement déterminé.

La seconde idée a trait à la saisie du singulier. On le sait, Peirce est le premier à avoir montré l’impossibilité d’une identification qui n’ait pas recours à un index.[16] Pour que la proposition arrive à réaliser les prétentions qui sont les siennes, à savoir se raccorder finalement à une situation possible, il lui faut intégrer un index, ou quelque chose qui lui soit apparenté. Il s’agit d’un autre terrain vierge dans l’exégèse du Tractatus, dont l’exploration est plus complexe que ce que je peux ici me permettre, et je me contenterai de mentionner un seul élément, qui figure au paragraphe 2.15, où Wittgenstein écrit que la proposition comporte des corrélations, telles des antennes (Fühler), par lesquelles elle atteint la réalité.[17] Rien dans le texte n’indique qu’il s’agit là de fragments de l’expression, de signes visibles ou audibles (mais rien n’oblige un index peircéen à avoir une phénoménalité sensible),[18] et il faudrait faire preuve de cécité intellectuelle pour ne pas voir que ces antennes jouent le rôle d’index, sont des index. Dans un passage des Carnets 1914-1916, Wittgenstein écrit :

Et si la description du monde par des propositions générales est comme un pochoir, les noms l’épinglent au monde de façon qu’il s’y superpose en tous points.

1971 [en date du 31 mai 1915]

Et il ajoute que les noms et les objets simples (dont je rappelle qu’ils sont indéfinissables à l’extérieur de leur fonction) sont requis pour assurer la “déterminité” (Bestimmtheit) du sens. Les propositions générales sont des propositions non indexicalisées, c’est-à-dire des propositions dont, pourrait-on dire, toutes les antennes ont été rentrées.

La figurativité de la proposition est ainsi nécessairement :

  1. Abstraite, à la fois au sens où elle doit être relayée par des dispositifs supplémentaires pour saisir un état de choses particulier et au sens où l’image qu’elle fournit est une image complète d’une représentation incomplète qui peut toujours être déterminée davantage.

  2. Médiate, en ce qu’un traitement de la part d’une instance quelconque est requis pour que des éléments du signe propositionnel soient (a) identifiés (b) comme ayant une forme (c) permettant de diriger une projection vers une situation (d) de même forme, (e) ce qui est affaire de reconnaissance et de jugement.

Au paragraphe 4.01, Wittgenstein n’écrit pas seulement “La proposition est une image de la réalité” – phrase fréquemment utilisée pour contraster globalement la conception du langage qu’on trouve dans le Tractatus contre une autre formulation lapidaire : “La signification, c’est l’usage”,[19] censée, elle, condenser toute la philosophie du langage tardive –, il ajoute aussi “La proposition est un modèle de la réalité telle que nous nous la figurons”.[20] Cette phrase est moins souvent citée, ce qui est dommage, car elle interprète au sens peircéen la première et marque le caractère médiat de la représentation : c’est telle que nous la pensons que la proposition est une image de la réalité, ou c’est tel que nous nous le représentons que le monde est saisi par notre langage.

Les esprits frileux peuvent craindre et les esprits fiévreux espérer voir apparaître ici le gouffre de la subjectivité et le solipsisme dont il peut s’assortir. Il convient de jeter une petite laine sur les épaules des uns et des seaux d’eau glacée sur les têtes des autres : un tel subjectivisme résume les conditions normales et partagées de la représentation et le “nous” dont il est question n’est pas une quelconque individualité existant tout armée antérieurement à son travail sémiotique, mais, pour ainsi dire, la subjectivité standard que requiert le traitement de la part diagrammatique de la représentation. Le processus d’extraction ou de création du diagramme n’est pas intérieur, psychique, intime, et toute description qu’on en donne ne peut rien faire d’autre que répéter, autrement, le diagramme lui-même. Ce trait constant de la conception de la proposition chez Wittgenstein est fondamental pour toute l’entreprise intellectuelle de Peirce, jusqu’aux graphes existentiels. Si on insiste pour dire qu’il s’agit néanmoins d’une expérience personnelle, si on ne s’aperçoit pas qu’invoquer une telle expérience c’est convoquer un rouage postiche qui ne joue aucun rôle dans l’interprétation (cf. Recherches philosophiques, § 132),[21] il suffira de faire valoir que ce n’est pas le contenu de cette expérience qui importe mais la forme d’une expérience possible.

Notons de plus que cette deuxième phrase renferme une interprétance supplémentaire, qui contribue à la polysémie de l’imagerie wittgensteinienne car il y est question d’un modèle de la réalité, c’est-à-dire moins d’une approximation au sens vague ou tâtonnant qu’une élaboration idéalisée d’un objet abstrait. Ce sens a sa source chez Ernst Mach, auquel Peirce reproche justement de prendre trop de distance relativement à l’observation et de favoriser de manière abusive un principe d’économie unique.

Wittgenstein soutient en outre que la forme partagée par le langage et la réalité, forme commune sans laquelle la proposition ne pourrait représenter ou reproduire la situation, ne peut être dite (TLP 4.041)[22] mais qu’elle se montre. Je ne peux non plus donner ici de cette distinction cruciale le traitement soigneux qu’elle mérite, et je me contenterai de parer rapidement à une objection qui se présente immédiatement : si le représentant et le représenté sont liés en une unité, de ce qu’une même forme les associe, cette forme doit pouvoir être exprimée. La parade comporte deux moments :

  1. “Dire” au sens du Tractatus, mais probablement pas en un quelconque sens peircéen, c’est affirmer, en visant un jugement dont l’issue est la vérité ou la fausseté (selon le principe de bipolarité de la proposition), une réalité présentée comme extérieure à sa représentation. C’est-à-dire qu’une fois réalisée la triade fondamentale, il reste encore à la proposition à être comparée (et vice versa)[23] à la réalité dont elle a la forme. Or, il ne se trouve pas dans le monde d’entités purement formelles quant auxquelles une représentation serait en relation de représentation.

  2. À supposer que cela ne soit pas le cas, c’est-à-dire que cette forme puisse être extraite puis représentée (pas simplement “reproduite”), sa représentation devrait à son tour revendiquer une forme commune avec son représenté, et ainsi de suite ad infinitum.

Il y a quelque chose de familier dans ces représentations médiatrices qui reprennent des représentations antérieures pour les élaborer, les développer, les faire croître, mais le rapprochement tentant avec Peirce sur ce terrain tourne vite court, car ce que Wittgenstein, dans son refus de la possibilité même de l’explicitation d’une représentation représentative de représentation, vise à éradiquer, c’est le germe du métalangage, dont une excroissance pour lui particulièrement digne de condamnation était la théorie des types développée par Russell pour résoudre quelques paradoxes nés d’un manque d’attention portée à la forme logique. Il demeure quand même que, si indicible qu’elle soit, la forme de la reproduction doit pouvoir être vue puisqu’elle se montre, mais la voir ne signifie rien d’autre qu’identifier en la produisant la forme qui nous permet de comprendre et de progresser au-delà des mots.

Dans le manuscrit 619, un de ces textes autobiographiques trop peu nombreux, où Peirce raconte sa découverte de Kant et de Whateley, la constitution du “Metaphysical Club”, son amitié avec Paine, quand il introduit le diagramme, il le fait en ces mots :

Je dois ici mentionner que j’ai une déficience naturelle pour ce qui est des aptitudes linguistiques. Quand un nouvel élément d’argot devient à la mode, je suis la dernière personne à en découvrir la signification et quand j’y arrive c’est parce que j’ai demandé à quelqu’un de me l’expliquer. J’ai très souvent de tels doutes au sujet de la teinte de signification d’un mot ordinaire, comme “lovely”, que je suis obligé de la pourchasser dans des concordances et des poèmes et il se passe rarement un jour que je n’aie recours une ou deux fois aux citations de l’Oxford Dictionary. Malheureusement pour moi, cet ouvrage ne semble pas avoir été conçu pour quelqu’un d’aussi déficient que moi et des citations familières qui ont souvent eu une influence décisive sur ces teintes de signification, les associations de mots en sont absentes. Je pense ne jamais réfléchir en mots : j’utilise des diagrammes visuels, d’abord parce que cette manière de penser est mon langage naturel et ensuite parce que je suis convaincu que c’est le meilleur système pour les fins que je poursuis. […] Mes “graphes existentiels” ont une ressemblance remarquable avec mes pensées sur tout sujet de philosophie[24]

Je traduis

Cet extrait est remarquable – et troublant – à plus d’un titre. Je dois d’abord dire que, comme éditeur du volume 7 des Writings – qui présentera les plus intéressants des quelque 16 000 documents de toutes tailles que Peirce a rédigés entre 1883 et 1909 pour le Century Dictionary & Cyclopedia, un ouvrage consacré aux mots – à tous les mots – anglais, je suis dans un premier temps un peu perplexe, car beaucoup de ces documents font état d’une finesse sémantique exceptionnelle, d’une sensibilité aux conditions d’usage dont il n’est pas beaucoup d’exemples dans l’histoire de la lexicographie, encore moins de la part d’un philosophe. Peirce était au premier chef responsable de rubriques logiques, philosophiques et scientifiques mais il s’est très fréquemment avancé sur le terrain du langage dit “ordinaire” et il n’est pas rare qu’il se risque à commenter des expressions argotiques. On pourrait penser que les qualités de finesse dont Peirce fait montre dans ce travail se sont développées en réaction au peu de dispositions naturelles qu’il avait au départ, mais on peut aussi soupçonner qu’il y a là aussi un brin de coquetterie. Quoi qu’il en soit, Peirce présente le diagramme comme un mode de représentation alternatif, une béquille qu’il a développée pour compenser un handicap linguistique et qui est devenue son mode naturel, celui dans lequel il réfléchit.

Ce qui me semble déterminant, c’est le fait que le diagramme n’est pas une manière d’organiser autrement ce que des mots auraient déjà fait, une sorte de radicalisation par épuration de relations fixées verbalement, mais une représentation relationnelle d’éléments dans lesquels les mots n’interviennent pas. Dans le Tractatus, il se trouve une autre distinction si rapide qu’elle passe souvent inaperçue, qui sépare le signe propositionnel de son expression linguistique. Wittgenstein affirme (TLP 3.14) que le signe propositionnel tient à ce que ses éléments, les mots, ont une relation déterminée les uns aux autres, et, quelques paragraphes plus loin (ibid. : 3.143), il est spécifié que dans la proposition imprimée, par exemple, aucune différence essentielle n’apparaît entre le signe propositionnel et les mots mais, en TLP 3.1431 (c’est-à-dire censément le paragraphe qui précise le précédent), il est dit que l’essence du signe propositionnel se voit plus clairement si on l’imagine composé d’objets spatiaux, plutôt que de signes écrits (TLP 3.1431).[25] Il y a à cet égard une sorte d’indécision de la part de Wittgenstein, le même flottement qui l’amène sur un plan à définir la proposition élémentaire comme la représentation projective d’un état de choses et sur un autre plan à dire que ces propositions élémentaires sont p, q, r, etc.[26] On peut y voir un symptôme de la difficulté générale qui frappe toute représentation de l’abstrait : d’une part, une représentation graphique est un moyen d’expression d’un contenu, qui devrait donc en être indépendant; de l’autre, c’est la seule façon d’avoir accès à ce qui est représenté. C’est de là que la conception de la pensée qu’on trouve dans le Tractatus tient sa particularité : d’une part, “La pensée est la proposition pourvue de sens” (TLP 4), c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’identité à l’extérieur de la production de l’image d’une situation possible – puisque est sensée la proposition qui peut être vraie ou fausse –, de l’autre, “La méthode de projection est le penser du sens de la proposition” (TLP 3.11), c’est-à-dire que penser la proposition, c’est construire puis projeter une image diagrammatique d’une proposition vers son objet.

Ce sont là, rapidement esquissées, les lignes principales d’une lecture peircéenne de cet aspect central du Tractatus. Dans “Sundry Logical Conceptions”, dans un des quelques passages où il définit l’hypoïcône, Peirce écrit :

Les hypoïcônes peuvent être grossièrement divisées selon le mode de premièreté[27] dont elles participent. Celles qui participent des qualités simples, ou la premièreté première, sont des images; celles qui représentent les relations, surtout dyadiques, ou considérées être telles, des parties d’une chose par des relations analogues de leurs propres parties, sont des diagrammes; celles qui représentent le caractère représentatif d’un representamen en représentant un parallélisme dans quelque autre chose sont des métaphores

EP 2 : 274

Selon ces distinctions, l’image du Tractatus est clairement beaucoup moins une image qu’une intégration de diagramme et de métaphore. Certes, elle doit tenir sa puissance représentative d’une qualité qu’elle a, mais celle-ci n’est pas simple au sens de Peirce et ne pourrait concerner, dans la triade wittgensteinienne, que le signe propositionnel dans son apparence immédiate et non la proposition, née dans la projection du signe vers la situation. Or, nous avons vu que la proposition ne peut être liée figurativement à une situation que si elle est elle-même soumise à une autre image, qui les fait coïncider. L’image est un diagramme par la composition double et l’isomorphisme sur lesquels Wittgenstein revient sans cesse, mais elle est de l’ordre de la métaphore car elle suppose qu’on se représente aussi le caractère représentatif de la liaison. En développant cette idée, on devrait parvenir à prendre la pleine mesure de ce qui fait la grande originalité de la conception de la pensée qu’offre le Tractatus, dans le contexte intellectuel où elle est survenue, un contexte dans lequel Peirce n’a joué aucun rôle explicite.

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Socrate ne tranche pas entre la position d’Hermogène et celle de Cratyle et il feint d’hésiter. La question d’une rectitude fondée sur la ressemblance n’est pas résolue, d’avoir été posée dans des termes qui excluent d’emblée une réponse, en établissant une alternative qui l’écartèle : ou bien le nomothète a saisi la nature des choses telles qu’elles sont indépendamment de son pouvoir et de son activité, ou bien la relation est arbitraire et ne capture par conséquent rien des choses, si ce n’est la possibilité de les nommer. Les créations étymologiques du dialogue montrent à l’échelle de la relation de dénomination ce que le diagramme montre au niveau de la projection reproductive : des médiations figuratives surviennent entre le representamen et l’objet, qui les unissent, parce que c’est ainsi que notre pensée fonctionne, par l’incessante construction-production des conditions diverses, plus ou moins générales, qui nous permettent d’établir et de reconnaître les relations dont nous avons besoin pour nous y retrouver.