Cette triple livraison de RS/SI prend sa source dans un colloque que j’ai organisé en 2006 au Centro Internazionale di Semiotica e Linguistica de l’Université d’Urbino et dont le thème était “Peirce et l’image”. Il ne s’agit pas cependant des actes de ce colloque car non seulement les auteurs ont-ils pu se nourrir des nombreuses discussions lors des 3 jours passés à Urbino pour retoucher leur intervention, mais il s’est aussi ajouté quelques articles d’auteurs qui n’étaient pas présents lors du colloque. L’image est un thème large qui déborde de toute part : image “matérielle” (dont la matérialité est diverse : du dessin ou de la peinture à la photographie, et jusqu’à l’image numérique, etc.); image rhétorique et littéraire (tropes et figures); image “langagière” (p. ex. la théorie du “tableau” du premier Wittgenstein); image mentale, etc. C’est-à-dire qu’il existe toutes sortes d’images lesquelles soulèvent souvent des problématiques fort différentes. De même, l’image touche à une série de disciplines : à la phénoménologie et à la perception, à l’art et à l’esthétique, à la psychologie et à la psychanalyse, à la linguistique, à la philosophie du langage, etc. En fait, on peut dire que toutes les disciplines, dont l’épistémologie, requièrent une théorie de la représentation trouvent l’image sur leur chemin un jour ou l’autre. Les auteurs de ce numéro sont issus principalement de deux milieux disciplinaires différents, soit de la philosophie (Colapietro, DeTienne, Forster, Latraverse), soit du milieu des arts et de l’esthétique (Brunet, Carruana, Chateau, Dymek, Everaert-Desmedt, Lefebvre, Morris, Salabert), mais ils ont tous en commun de conjuguer l’oeuvre de C. S. Peirce tantôt pour examiner la place qu’y occupe l’image (et de ses différents corrélats : perception, esthétique, logique, etc.), tantôt pour analyser des corpus d’images – principalement des oeuvres artistiques – à la lumière de sa sémiotique. On ne s’étonnera guère de trouver ici – et par là j’entends dans presque tout l’ensemble du numéro – deux “concepts” directeurs servant à orienter la réflexion des auteurs : soit, d’une part, la catégorie phénoménologique ou phanéroscopique de la Premièreté, et d’autre part, un des concepts sémiotiques qui lui appartient – mais dans le rapport du signe à son objet —, soit l’icône (avec son extension dans la notion d’hypoicône, et la tripartition de celle-ci en image, diagramme et métaphore). C’est donc en quelque sorte “autour” de ces deux concepts principalement – mais pas exclusivement – que se tissent bon nombre des arguments et des démonstrations qui noircissent les pages qui suivent cette introduction. Présentons-les succinctement, de même que le parcours que nous avons tracé. C’est André DeTienne qui ouvre ce numéro avec un texte qui poursuit une réflexion patiemment mise en chantier dans nos pages il y a de cela quelques années, et dont la prémisse concerne la relation, voire le passage, du continuum phanéronique au continuum sémiotique (RS/SI 2000 (20) 1-2-3). Cela n’est pas une mince affaire et on comprend qu’une telle prémisse puisse soulever la controverse chez ceux qui considèrent que rien, pour Peirce, ne puisse être présent à l’esprit qui ne soit un signe et qui ne profite de la médiation sémiotique. Mais tout le problème réside dans ce qu’il faut entendre par “présent à l’esprit”. Preuves discursives à l’appui, DeTienne montre comment Peirce avait envisagé une awareness directe, c’est-à-dire non médiatisée ou non sémiotique, du phanéron. C’est un mode de présence à l’esprit qui est entièrement indifférencié, une totalité dont on ne saurait rien dire, car tout énoncé, tout jugement à son sujet suppose une activité sémiotique. C’est le cas du jugement perceptuel – que Peirce voyait comme une sorte d’abduction incontrôlable – …
Peirce et l’imagePrésentation Peirce and the ImagePresentation[Record]
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Martin Lefebvre
Université Concordia