TraductionPrésentationTranslationPresentation[Record]

  • Jean-François Doré and
  • Patricia Godbout

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  • Jean-François Doré
    Université du Québec à Montréal

  • Patricia Godbout
    Université de Sherbrooke / University of Sherbrooke

  • Translated by
    Anton Iorga

Dans un premier temps, il s’agit avant tout pour l’être humain de la traduction en pensée des signes environnants et qui constituent ce que l’on pourrait appeler l’ontologie extérieure : quelque chose comme la piste faite par les pas des gazelles ou l’oasis dans le désert. Puis, il s’agira ensuite pour lui de traduire cette pensée en paroles, en images pour informer l’Autre, enseigner à ses enfants. La babélisation des langues l’obligera à pousser encore plus loin le développement de cet instinct de traduction. La peur de l’Autre et le besoin de l’Autre, premier de nombreux paradoxes, première de nombreuses tensions, feront de la traduction d’abord et avant tout une obligation. Être en mesure de traduire et donc de comprendre l’Autre c’est à nouveau être en mesure de survivre. Dès les premières lignes des Catégories, le Traité initial de ce que l’érudition considère comme étant son ouvrage liminaire, l’Organon, Aristote considère divers genres de “choses” selon leur homonymie. Il entend par là que certaines choses sont homonymes parce qu’elles ont en commun leur nom, leur dénomination, alors que la notion qu’elles désignent, leur dénotation – ou leur signification telle que l’usage que l’on fait de ces mots la détermine – n’est pas la même. On en prendra pour preuve que les trois dénotations différentes, clef, agrafe et clavicule, seront rendues par la même dénomination en grec ancien : kleis. De ces termes qu’Aristote appelait les homonymes, on dirait aujourd’hui qu’ils sont polysémiques, qu’ils ont plusieurs référents. Or, il en va de même pour le mot “traduction” qui réfère à un grand nombre de notions toutes plus ou moins apparentées. En plus de “traduire” à partir d’une langue source vers une langue cible - la traduction linguistique -, on peut en effet “traduire” quelqu’un en justice alors qu’une musique “traduira” des émotions, une oeuvre d’art “traduira” une vision du monde ou des sentiments et une action se “traduira” en une réaction; les exemples abondent qui “traduisent” la polysémie du vocable. Si l’on déplace chacune de ces occurrences spécifiques dans une aire sémantique d’une plus grande généralité, on se rend compte qu’elles tombent toutes sous l’acception plus large et quelque peu cachée, d’un “passage” : passage d’une langue à une autre, passage d’un fait à un jugement sur ce fait, passage d’une émotion à son illustration musicale, passage d’un geste à une conséquence, d’un état à un autre, etc. Et si nous disons “quelque peu cachée” c’est que le terme de traduction ne laisse pas paraître à première vue ce passage. D’une certaine manière, on pourra voir dans cette notion de passage une instance du régime dialectique de type hégélien, Hegel pour lequel également le “passage” était caché. Pour lui, en effet, c'est le “passage” qui est au centre même du processus de détermination de l’être. C’est l’acte ou le mouvement qui permet à un terme ou à un objet de s’exprimer dans une configuration ou une forme différente de ce qu'est cette détermination premièrement et immédiatement. C’est là la nature même du “traduire”. “Passage” procède aussi de ce type d’acception générale, sorte de parapluie sémantique auquel Wittgenstein faisait référence en parlant des “airs de famille”. Ici en revanche, contrairement à ce que l’auteur des Investigations philosophiques en disait, nous sommes en mesure d’identifier l’élément qui crée le rapport d’affinité en question, ce qui fait que ces termes présentent tous des “ressemblances familiales”. Ce lien de parenté se situe justement dans la notion de passage, au coeur même du mouvement de transformation. Dans cet esprit, le “traduire” au sens large est donc à son fondement essentiellement, un …

Appendices

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