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Homo sapiens, homo traductans, homo semioticans. C’est probablement en ces termes que l’on pourra se rapprocher le plus de la véritable et profonde nature de l’être humain. Son évolution spectaculaire au regard des autres espèces animales est en majeure partie due à ce qu’il ait été en mesure de développer au plus haut point ses capacités sémiotiques, son instinct de traducteur, la notion de traducteur étant entendue ici au sens large. Instinct de survie, instinct de logique, instinct de langage, tous concourent à faire de l’être humain, en son fondement même, un être de traduction. Être en mesure de lire les signes qui nous entourent, les interpréter, les traduire et les comprendre, c’est être en mesure de survivre.
Dans un premier temps, il s’agit avant tout pour l’être humain de la traduction en pensée des signes environnants et qui constituent ce que l’on pourrait appeler l’ontologie extérieure : quelque chose comme la piste faite par les pas des gazelles ou l’oasis dans le désert. Puis, il s’agira ensuite pour lui de traduire cette pensée en paroles, en images pour informer l’Autre, enseigner à ses enfants. La babélisation des langues l’obligera à pousser encore plus loin le développement de cet instinct de traduction. La peur de l’Autre et le besoin de l’Autre, premier de nombreux paradoxes, première de nombreuses tensions, feront de la traduction d’abord et avant tout une obligation. Être en mesure de traduire et donc de comprendre l’Autre c’est à nouveau être en mesure de survivre.
Qu’est-ce donc dès lors que “traduire” ?
Dès les premières lignes des Catégories, le Traité initial de ce que l’érudition considère comme étant son ouvrage liminaire, l’Organon, Aristote considère divers genres de “choses”[1] selon leur homonymie. Il entend par là que certaines choses sont homonymes parce qu’elles ont en commun leur nom, leur dénomination, alors que la notion qu’elles désignent, leur dénotation – ou leur signification telle que l’usage que l’on fait de ces mots la détermine – n’est pas la même. On en prendra pour preuve que les trois dénotations différentes, clef, agrafe et clavicule, seront rendues par la même dénomination en grec ancien : kleis.
De ces termes qu’Aristote appelait les homonymes, on dirait aujourd’hui qu’ils sont polysémiques, qu’ils ont plusieurs référents. Or, il en va de même pour le mot “traduction” qui réfère à un grand nombre de notions toutes plus ou moins apparentées. En plus de “traduire” à partir d’une langue source vers une langue cible - la traduction linguistique -, on peut en effet “traduire” quelqu’un en justice alors qu’une musique “traduira” des émotions, une oeuvre d’art “traduira” une vision du monde ou des sentiments et une action se “traduira” en une réaction; les exemples abondent qui “traduisent” la polysémie du vocable.
Si l’on déplace chacune de ces occurrences spécifiques dans une aire sémantique d’une plus grande généralité, on se rend compte qu’elles tombent toutes sous l’acception plus large et quelque peu cachée, d’un “passage” : passage d’une langue à une autre, passage d’un fait à un jugement sur ce fait, passage d’une émotion à son illustration musicale, passage d’un geste à une conséquence, d’un état à un autre, etc. Et si nous disons “quelque peu cachée” c’est que le terme de traduction ne laisse pas paraître à première vue ce passage.
D’une certaine manière, on pourra voir dans cette notion de passage une instance du régime dialectique de type hégélien, Hegel pour lequel également le “passage” était caché. Pour lui, en effet, c'est le “passage” qui est au centre même du processus de détermination de l’être. C’est l’acte ou le mouvement qui permet à un terme ou à un objet de s’exprimer dans une configuration ou une forme différente de ce qu'est cette détermination premièrement et immédiatement. C’est là la nature même du “traduire”.
“Passage” procède aussi de ce type d’acception générale, sorte de parapluie sémantique auquel Wittgenstein faisait référence en parlant des “airs de famille”. Ici en revanche, contrairement à ce que l’auteur des Investigations philosophiques en disait, nous sommes en mesure d’identifier l’élément qui crée le rapport d’affinité en question, ce qui fait que ces termes présentent tous des “ressemblances familiales”. Ce lien de parenté se situe justement dans la notion de passage, au coeur même du mouvement de transformation.
Dans cet esprit, le “traduire” au sens large est donc à son fondement essentiellement, un passage. Il en ira de même pour toutes les instances spécifiques, notamment en ce qui a trait à la traduction linguistique. C’est du moins ce que l’on constate, d’une part en remontant l’étymologie latine du terme et, d’autre part, en allant voir du côté de la notion de traduction telle qu’on la concevait en Grèce ancienne. “Traduire” est emprunté au latin traducto, de trans, “au-delà” et ducto, “mener”, la traductio étant l’action de faire passer d’un point à un autre. Le mot “traduction” proprement dit, au sens de faire passer d’une langue à une autre, venant de translatio, “transporter ailleurs”, à toutes fins utiles synonyme, l’anglais ayant gardé cette dernière forme alors que le français lui a préféré celle de traducto.
C’est cette même idée de passage que l’on retrouve chez les Grecs anciens, alors que le traducteur est l’ermèneus, le disciple d’Hermès, le dieu messager des dieux qui faisait passer leurs paroles aux humains, le dieu passeur des âmes de la Terre aux Enfers, le dieu gardien des routes et des carrefours, donc des passages. Mais Hermès est aussi le dieu voleur, le dieu hypocrite et le dieu menteur dont la parole ne dit pas ni toujours ni nécessairement le vrai. Déjà on voit poindre avant l’heure et avec un certain amusement le célèbre traduttore traditore, ce traducteur traître au texte d’origine, voire à la pensée même de son auteur.
“Traduire” est donc la mise en acte de ce mouvement de passage d’un état de fait à un autre, mouvement immatériel on s’entend, qui se confond avec la notion de sémiose telle que Peirce la conçoit, c'est-à-dire un processus triadique de relations entre un representamen, un interprétant et un objet représenté. Ainsi le “Même”devient “Autre” tout en restant le même. Ce mouvement de passage est la différance derridienne par excellence, ce mouvement de transformation agissant et produisant qui entre en conflit avec son point d’origine tout en le continuant et le maintenant vers autre chose.
L’essence même du “Traduire” est donc sémiotique, au point où l’un et l’autre se confondent. Ainsi le crime traduit en justice est-il évalué à l’aune de l’appareil sémiotique judiciaire. De la même manière les émotions et les pensées trouvent leurs déterminations dans divers systèmes sémiotiques, qu’ils soient linguistiques, musicaux ou picturaux. À cet égard, la traduction linguistique peut être vue comme étant doublement sémiotique puisqu’elle fait passer un texte d’une langue à une autre, d’un système sémiotique linguistique à un autre. Elle est ainsi sémiose de sémiose.
Fondamentalement, donc, sémiotiser c’est toujours-déjà faire de la traduction. C’est traduire en signes, qu’ils soient écrits, parlés, dessinés ou autres, une pensée. Mais traduire, c’est aussi transposer dans d’autres systèmes sémiotiques des paroles, des écrits, des dessins, etc. Sémiotique et traduction sont-elles de ce fait des soeurs siamoises? Peut-on observer, pour paraphraser la question que posait Kevin Shelton à l’égard de la sémiologie, “la constance de la présence de la traduction dans le cours de l’histoire humaine?” (2005 : 4)
Tout acte de traduction consiste d’abord à s’approprier un univers, physique ou mental, qui nous est étranger, pour ensuite le transférer dans un univers différent. L’acte de traduction linguistique ne sera pas différent. Selon l’idée de Francis Affergan (1994), autant, sinon plus, que faire s’équivaloir deux systèmes linguistiques, traduire c’est transformer une ontologie, celle de l’Un, dans l’ontologie de l’Autre. Dans le cas de la traduction proprement dite, et pour paraphraser Antonin Artaud, disons que l’auteur a son double, le traducteur, qui devient lui-même son propre double.
Voulant rester “Même”, c’est-à-dire fidèle au texte d’origine, sans pour autant jamais le pouvoir, le texte traduit est dans l’obligation de devenir “Autre” tout en restant concurremment même par rapport au texte de départ et de faire un passage qui est obligatoirement transformation puisque les deux systèmes linguistiques diffèrent, sans pour autant que ce passage ne transforme l’essence de l’objet initial. Beau paradoxe qui a alimenté de nombreuses réflexions sur la nature, voire la possibilité même de la traduction linguistique. Si on l’inscrit dans le schéma jakobsonien des fonctions du langage, le traducteur, qui dans un premier temps est le destinataire du texte de départ, devient, en second lieu, le destinateur d’un autre texte de départ qui est le même, sans pour autant être le même; d’où paradoxe, voire schizophrénie.
La traduction procède donc d’une tension antagoniste entre le “Je” et l’“Autre” rimbaldien, tension jamais tout à fait résolue et sans cesse à dénouer de nouveau, d’où les retraductions, les relectures, les réinterprétations. Toute traduction, qu’elle soit intralinguistique, inter-linguistique ou intersémiotique (revoici Jakobson), est confrontée à cette dichotomie gémellaire issue de la rencontre de l’Autre.
C’est de manière générale, plus spécifiquement à cet aspect du traduire, celui de la traduction linguistique, que s’intéresse ce numéro de RS/SI. Le sujet, bien sûr, est vaste et complexe comme en fera foi la diversité des articles qui sont ici présentés. Tous, d’une manière ou d’une autre, sont placés sous le signe du “passage”. Dans “Le même et l’autre (bis)”, Charles LeBlanc repasse en fait des notions qu’il avait déjà abordées ailleurs, notamment dans la revue parisienne La Traductière. Lui qui préfère habituellement exposer sa pensée dans la forme plus longue de l’essai, nous livre ici quelques réflexions visant notamment à recentrer le propos traductologique sur la traduction comme lecture. C’est également à un exercice de lecture que nous convie Patricia Godbout dans “L’expérience de l’origine : John Glassco, traducteur de Saint-Denys Garneau” : celui de la version anglaise d’un poème de Regards et jeux dans l’espace par le traducteur anglo-montréalais John Glassco à la lumière de l’interprétation de ce poème qu’a proposée le critique Jacques Blais.
Le voyage qu’a effectué le concept de différance de Jacques Derrida vers l’anglais, mais aussi le portugais et le finnois est examiné avec beaucoup de minutie par René Lemieux dans “Force et signification à l’épreuve de la traduction : la différance derridienne et son transport à l’étranger”. L’auteur accompagne cette étude de considérations théoriques, entre autres sur le concept de l’intraduisible. Si le passage traductif peut se faire au-delà des frontières physiques, il peut également se faire au-delà des frontières temporelles. Ainsi, le rôle fondamental joué par la traduction dans la réappropriation contemporaine du passé achéménide de l’Iran est présenté dans un texte important par Annie Brisset et Nazila Khalkhali. Dans leur article “Quand l’altérité revient au même : la Perse antique et ses traductions dans l’Iran moderne”, les auteures mettent les aléas de l’accès à ce savoir préislamique en rapport avec la situation qui prévaut actuellement en Iran.
John Mowitt de son côté fait une incursion dans le monde de la transmutation intersémiotique en examinant celle-ci sous l’angle de la remédiation, concept des études médiatiques. C’est dans cette perspective qu’est examinée finement, dans son article intitulé “Avuncular Listening : The Unsuspected”, la tension entre deux médias – la radio et le cinéma – telle qu’elle est représentée dans un film de Michael Curtiz datant de 1947. Pier-Pascale Boulanger signe quant à elle dans le présent numéro un article intitulé “La sémiose du texte érotique”, où elle propose l’étude attentive de textes érotiques en traduction. Cette analyse permet de mettre en relief l’importance de l’identification des finalités d’un texte que le traducteur se doit de prendre en compte afin d’en mesurer les effets dans la version traduite.
Sathya Rao pour sa part fait une incursion dans le monde du théâtre. Dans “L’actualité de Michel Tremblay traducteur et adaptateur : derrière le miroir de l’idéologie”, l’étude de la production traductive du dramaturge québécois Michel Tremblay est l’occasion pour l’auteur d’un réexamen de la lecture sociocritique qu’on a faite de son oeuvre. Enfin, l’impossibilité théorique de la traduction, mais toujours-déjà contredite par son exercice, est examinée cette fois par Jean-François Doré à l’aune de la pratique traductive intensive au fil des siècles des textes homériques, dans une contribution intitulée “D’Homère l’aède à Homer… Simpson, ou l’exercice périlleux de la fidélité”.
La dernière contribution se situe “hors dossier”, mais uniquement parce qu’elle se trouve dans la marge, pour reprendre le concept derridien. Si, en effet, il ne traite pas directement de traduction, l’article de Cécile Menieu-Cosculluela s’interroge sur la pertinence que font des chiffres les opérateurs linguistiques zéro, phase 1 et phase 2, en proposant de les “traduire” par les catégories peirciennes de premièreté, deuxièmeté et troisièmeté et donc les faire reposer sur un fondement sémiotique.
Comme on le constatera, ces contributions, aussi diversifiées soient-elles et peut-être justement à cause de cette grande diversité, ces contributions, donc, offrent des avenues de réflexion dont les thèmes et préoccupations se recoupent : celles du Même et de l’Autre, du Même dans l’Autre, de l’altérité dans le temps et l’espace, de la lecture et de la relecture, ainsi que des périls du voyage quand on transporte, d’une langue en autre, des choses aussi délicates à manipuler que le désir, la poéticité ou l’instabilité d’un concept. Elles montrent également à l’envi que traduction et sémiotique, peu importe l’angle sous lequel on les considère, sont le miroir l’une de l’autre, reviennent in fine au Même.
Homo sapiens, homo traductans, homo semioticans. It is probably in these terms that we will get closest to the true and profound nature of the human being. Its spectacular evolution in comparison to other animal species is in great part due to the fact that he has been able to fully develop its semiotic capacities and its translator’s instinct, the notion of translator being used here in the general sense of the term. Survival instinct, logical instinct, linguistic instinct, all of these add up to make of the human being, in its very core, a being of translation. The ability to read the signs that surround us, to interpret them, to translate them and understand them, is indeed an ability to survive.
Firstly, it consists in the human being’s translation in thought of the signs that surround him, which constitute what we might call exterior ontology : something similar to the hoof prints of gazelles or the oasis in the desert. The next step will be to translate these thoughts into words, into images to inform the Other, to teach its children. The babelisation of tongues will push even further the development of the translator’s instinct. The fear of and the need for the Other, the first of many paradoxes, as well as the first of many tensions, ensure that translation is first and foremost an obligation. The ability to translate, and therefore to understand, the Other, is once again the ability to survive.
What does it mean, then, to “translate”?
From the very first lines of the Categories, the initial treatise which erudition considers as his liminal work, the Organon, Aristotle considers various types of “things” according to their homonymic relation[1]. He means by this that certain things are homonyms because they have in common their name and their denomination, whereas the notion which they designate, their denotation - or their significance such as it is determined by the use we make of these words - is not the same. As proof of this, the three different denotations, key, hook and collar bone, are rendered by the same denomination in ancient Greek : kleis.
Of these terms which Aristotle called homonyms, we would say today that they are polysemic, namely that they have several referents. The same thing goes for the word “translation”, which refers to a vast number of notions all more or less related. Above and beyond linguistic translation – the translation of a source language towards its target language – it may be said that a particular piece of music can “translate” emotions, that a work of art will “translate” a vision of the world, or feelings, and that an action will “translate” into a reaction. In French, moreover, it is possible to “translate” someone into justice (traduire en justice). There is a flurry of examples which “translate” the polysemic nature of this word.
If we situate each of these specific occurrences whithin a more general semantic field, we then realize that they all fall under the larger and somewhat veiled meaning of a “passing” (passage) : passing from one language to another, passing from a fact to a judgement on this fact, passing from an emotion to its musical illustration, passing from an act to its consequence, from one state to another, etc. And if we say “somewhat veiled”, it is because the translated term does not show, at first glance, this passing.
In a manner of speaking we will be able to see in this notion of passing an instance of the dialectic regime of a Hegelian type, the “passage” to Hegel being equally veiled. Indeed, to him, the “passage” is at the very core of the process of determination for a being. It is the act or the movement which allows a term or an object to express itself in a different configuration or form than what this determination is, primarily and immediately. This is the very nature of “translating”.
“Passage” also refers to this type of general acceptation, a semantic umbrella of sorts, to which Wittgenstein was referring to when he spoke of “family resemblances”. Here, however, as opposed to what the author of the Philosophical Investigations was saying, we are able to identify the element creating the affinity relation, which is the reason for the “family resemblances” between all these terms. This relational link can effectively be found in the notion of passage, at the very core of the movement of transformation.
In this spirit, “translating” in the general sense is therefore essentially passing, a passage. The same goes for all the specific instances, notably those that relate to linguistic translation. Or at least this is what we notice, first by looking up the Latin etymology of the word, and then by looking at the notion of translation as conceived by the ancient Greeks. The French “Traduire”, (“to translate” in English), is borrowed from the Latin traducto, from trans, “beyond”, and ducto, “to lead”, the traductio being the action of getting something to pass from one point to another. The French word “traduction,” properly speaking, in the sense of the passage from one language to another, coming from translatio, “to transport elsewhere”, both being essentially synonyms, English having kept the latter form while French has favoured that of traducto.
It is this same notion of passage which we find in ancient Greece, where the translator is the ermeneus, the disciple of Hermes, the divine messenger of the gods who brought their words to humans, the god who ferried souls from the Earth to Hell, the god who watched over roads and crossroads, thus the god of passages. But Hermes is also the thief god, the hypocritical and lying god whose word is not always truthful. Already, we see appearing before his time and with a certain amusement the infamous traduttore traditore, this translator who is a traitor to the original text, even to the very thought of its author.
“To translate” is thus the applied act of this movement of passing from one state of things to another, an immaterial movement to be sure, one which blends in with the notion of semiosis such as Peirce conceives it, which is to say a triadic process of relations between a representamen, an interpretant and a represented object. And so the “Same” becomes “Other” while staying unchanged. This movement of passing is the perfect example of Derridean différance, this acting and producing movement of transformation which comes into conflict with its point of origin while perpetuating it and maintaining it towards something else.
The very essence of “translating” is thus semiotic, to the point where they blend together. As such, the criminal “translated” into justice (in French traduit en justice) is evaluated through the judicial semiotic apparatus. In the same way, emotions and thoughts find their determinations in various semiotic systems, whether linguistic, musical or pictorial. From this perspective, linguistic translation can be seen as doubly semiotic since it facilitates the passage from one language to another, from one linguistic semiotic system to another. It then becomes a semiosis of a semiosis.
Semiotization is always already the act of translating. It is translating into signs, whether they be written, spoken, drawn or otherwise, a thought. But translating is also a transposition into other semiotic systems, of words, of writs, of drawings, etc.Are semiotics and translation then Siamese twins? Can we observe, to paraphrase the question that Kevin Shelton asked about semiology, “a constant presence of translation throughout human history?” (2005 : 17)
All translation acts first consist in the appropriation of a universe, physical or mental, which is foreign to us, and then in its transfer into a different universe. The act of linguistic translation is no different. Following the thought of Francis Affergan (1994), one could say that more than making equivalent two linguistic systems, translating is the transformation of an ontology, that of the One, into the ontology of the Other. In the case of translation proper, and to paraphrase Antonin Artaud, let us say that the author has a doppelgänger, the translator, who himself becomes his own double.
Wanting to stay the “Same”, which is to say, true to the original text, which is impossible, the translated text has the obligation to become “Other” while simultaneously staying the same in relation to the original, to facilitate a passage which is necessarily a transformation - since both linguistic systems differ - and yet to still avoid this passage’s transformation of the essence of the initial object. We are thus faced with a wonderful paradox that has fuelled a number of reflections on the nature of linguistic translation, even its very possibility. If we inscribe it in the Jakobsonian schema of the functions of language, the translator, who, at first, is the receiver of the source text, then becomes the sender of another source text which is the same, while being different, thus creating a paradox, or even a schizoid state.
The phenomenon of translation thus proceeds from an antagonistic tension between the “I” and the Rimbaldian “Other”, a tension never fully resolved and which must incessantly be unravelled again, all of this explaining the re-translations, the re-readings, the reinterpretations. All translations, whether they be intralinguistic, inter-linguistic or intersemiotic (Jakobson again), are confronted with this gemellary dichotomy which occurs with the meeting of the Other.
Broadly speaking, it is this aspect of translating, that of linguistic translation, that constitutes the common concern to most of the contributions to this issue of RS/SI. The subject, of course, is vast and complex, as the diversity of articles presented here attests to. All of them, in one way or another, are inscribed under the sign of the “passage”. In “Le même et l’autre (bis)”, Charles LeBlanc re-explores notions which he had previously discussed elsewhere, notably in the Parisian journal La Traductière. Usually preferring to expose his thoughts in the more lengthy essay format, he shares with us here a few of his reflections, aiming notably to redirect our attention towards translation as reading. Patricia Godbout also invites us to a reading experience in “L’expérience de l’origine : John Glassco, traducteur de Saint-Denys Garneau” : that of an English version of a poem from Regards et jeux dans l’espace by the Anglo-Montrealer translator John Glassco, in light of the interpretation of this poem suggested by the critic Jacques Blais.
The odyssey which Derrida’s concept of différance has undergone in its English translation, but also in the Portuguese and Finnish ones, is closely examined by René Lemieux in “Force et signification à l’épreuve de la traduction : la différance derridienne et son transport à l’étranger”. The author enriches this study with theoretical considerations on the concept of untranslatability, amongst others. If the translational passage can be undertaken above and beyond physical frontiers, it can also be undertaken beyond temporal ones. Thus the fundamental role played by translation in the contemporary re-appropriation of the Achaemenid past of Iran is presented in an important article by Annie Brisset and Nazila Khalkhali. In their contribution “Quand l’altérité revient au même : la Perse antique et ses traductions dans l’Iran moderne”, the authors put the difficult circumstances of accessing this pre-Islamic knowledge in relation to the current situation in Iran.
John Mowitt, for his part, explores the world of intersemiotic transmutation by examining this phenomena from the angle of remediation, a concept borrowed from media studies. It is from this perspective that he minutely examines, in his article titled “Avuncular Listening : The Unsuspected”, the tension between two medias, radio and cinema, as it is represented in a Michael Curtiz film dating back to 1947. As for Pier-Pascale Boulanger, in her article titled “La sémiose du texte érotique” she carefully studies translated erotic texts. This analysis highlights the importance of identifying the finalities of a text which the translator has to take into account in order to measure its effects in the translated version.
Sathya Rao delves into the world of theatre. In “L’actualité de Michel Tremblay traducteur et adapteur : derrière le miroir de l’idéologie”, his study of the translation production of the Québécois playwright Michel Tremblay gives him the opportunity to re-examine the sociocritical reading of Tremblay’s works. Finally, the theoretical impossibility of translation, always already contradicted by its practice, is examined by Jean-François Doré in the light of the intensive translational practice, over time, of Homeric texts, in an essay entitled “D’Homère l’aède à Homer... Simpson, ou l’exercice périlleux de la fidélité”.
The final contribution is not included in this dossier, but only because it is in its margins, to use the derridean concept. If, effectively, it does not directly concerns itself with translation, the contribution of Cécile Menieu-Cosculluela questions the relevance of linguistic operators zero, phase 1 and phase 2’s use of numbers, proposing to “translate” them by the Peircian categories of firstness, secondness and thirdness, and as such to rest them upon a semiotic foundation.
As one will have realized, these contributions, diverse as they may be, and perhaps precisely because of this diversity, offer avenues of reflection whose themes and preoccupations are interwoven : those of the Same and the Other, of the same in the Other, of otherness in time and space, of reading and re-reading, as well as the perils of the odyssey when one carries, from one language to another, things as delicate to manoeuver as desire, poetics, or the instability of a concept. They show us as well that translation and semiotics, regardless of the angle from which we consider them, are mirror images of one another, and are ultimately the Same.
Appendices
Note
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[1]
Toute la pensée du Stagirite étant essentiellement matérialiste, il ne s’intéresse dans un premier temps aux mots ou aux “noms” qu’en tant qu’ils se rattachent aux choses et ce, de manière “accidentelle” au sens aristotélicien. Ainsi ce passage laisse supposer que ce ne sont pas les mots qui seront homonymes ou synonymes, mais bien les choses. Cependant, la conception très matérialiste de l’univers qui habite Aristote trouve également une correspondance dans sa conception du langage et il considère que les mots, et même les sons et les bruits, sont aussi des objets.
Bibliographie
- AFFERGAN, F. (1994) “Textualisation et métaphorisation du discours anthropologique”, in Communications, Centre Edgar Morin (EHESS-CNRS) et les éditions du Seuil, volume 58, no 1, p. 31-44, reproduit in Persée, http://www.persee.fr
- SHELTON, K. B. (2005) “Sémiotique et religion”, in RS/SI, volume 25, nos 2-3, p. 4.
Appendices
Note
-
[1]
Aristotle being a materialist, words are of interest to him inasmuch as they relate to things and in an Aristotelian accidental fashion. From this passage one must suppose that it is not words that are synonyms but things. However, in Aristotle’s extremely materialistic conception of the universe, words, sounds and noises are also considered as objects.
Bibliography
- AFFERGAN, F. (1994) “Textualisation et métaphorisation du discours anthropologique”, in Communications, Centre Edgar Morin (EHESS-CNRS) and les éditions du Seuil, volume 58, no 1, p. 31-44, reproduced in Persée, http://www.persee.fr
- SHELTON, K. B. (2005) “Sémiotics and Religion”, in RS/SI, volume 25, nos 2-3, p. 17.