Abstracts
Résumé
L’infiltration-percolation est un procédé extensif de traitement des eaux usées urbaines permettant la dégradation de la matière organique et l’oxydation de l’azote. L’objectif principal de ce travail de recherche est d’étudier l’influence de l’aération du massif filtrant sur les performances épuratoires du procédé d’infiltration-percolation. Les résultats d’analyses ont montré que les colonnes de laboratoire équipées de systèmes d’aération ont favorisé les meilleurs taux d’abattement de la pollution organique et azotée. La matière organique exprimée en termes de DCO (demande chimique en oxygène) a été éliminée à hauteur de 58,35 % et 81,11 % respectivement pour les colonnes d’infiltration dépourvue et pourvue d’un système d’aération centrale et périphérique. Les rendements d’abattement de l’azote ammoniacal ont été respectivement 74,11 % et 92,14 %. Les résultats expérimentaux ont montré aussi que la capacité d’oxydation du filtre dépend de la réoxygénation du massif filtrant. Plus le renouvellement de la phase gazeuse du milieu poreux est assuré, meilleure est la capacité d’oxydation.
Mots-clés :
- infiltration-percolation,
- aération,
- eaux usées,
- traitement,
- capacité d’oxydation
Abstract
Infiltration-percolation is an extensive process for the treatment of urban wastewater, allowing the degradation of organic matter and the oxidation of nitrogen. The main objective of this research is to investigate the influence of the aeration of the filtering mass on the purification performances of the infiltration-percolation process. The results of analyzes showed that the laboratory columns equipped with aeration systems favored the best abatement rates of organic and nitrogen pollution. The organic matter expressed in terms of COD (chemical oxygen demand) was removed at 58.35% and 81.11%, respectively, for the infiltration column without and equipped with a central and peripheric aeration system. The abatement efficiencies of ammoniacal nitrogen were 74.11% and 92.14%, respectively. The experimental results also showed that the oxidation capacity of the filter depends on the reoxygenation of the filter bed. Over the renewal of the gas phase of the porous medium is provided, the better the oxidation capacity.
Keywords:
- infiltration-percolation,
- aeration,
- waste water,
- treatment,
- oxydation capacity
Article body
1. Introduction
En Tunisie, la rareté des ressources en eau, d’une part, et l’augmentation des besoins en eau, d’autre part, nécessite la réutilisation des eaux usées traitées pour satisfaire, en partie, les besoins en eau croissants.
Il est bien connu que les procédés conventionnels de traitement des eaux usées urbaines (boues activées, lits bactériens, lagunage, etc.) permettent d’atteindre des objectifs d’épuration conformes aux normes fixées pour le rejet dans le milieu naturel et même pour l’irrigation de certaines cultures (BANCOLÉ, 1995). Cependant, ces procédés nécessitent des investissements coûteux et engendrent généralement des charges polluantes élevées (30 à 50 g de matière sèche par habitant et par jour), ce qui conduit à des problèmes supplémentaires de traitement et de rejet. Par exemple, en France, la quantité de boues résiduaires des stations d’épuration urbaines générée en 2010 a été de l’ordre de 1,1 million de tonnes de matière sèche (AMORCE, 2012).
Les procédés de géoépuration, basés sur le pouvoir épurateur du sol, sont susceptibles de constituer des solutions adéquates pour résoudre des problèmes de traitement des eaux usées urbaines. Le recours à ces méthodes extensives, dont le coût est faible et l’exploitation est facile, paraît la solution la plus pratique pour les pays en voie de développement à l’instar de la Tunisie. Parmi ces procédés extensifs, nous citerons, en particulier, l’infiltration-percolation. Il s’agit d’une technique d’épuration biologique à biomasse fixée sur un support granulaire fin généralement sableux. Selon le contexte hydrogéologique et les réutilisations envisageables, l’eau traitée peut servir à la recharge des nappes ou être récupérée, par drainage, à la base du massif filtrant. Parmi les applications les plus courantes du procédé d’infiltration-percolation est le traitement tertiaire des effluents des stations d’épuration à boues activées. Ce procédé présente plusieurs avantages, à savoir : excellents résultats sur la DBO5 (demande biochimique en oxygène pendant cinq jours), la DCO et les MES (matières en suspension); nitrification poussée; superficie nécessaire bien moindre que pour un lagunage naturel et capacité de décontamination intéressante. Cependant, la dénitrification et l’abattement du phosphore sont limités. Le phénomène du colmatage représente le problème majeur de ce procédé de traitement. Les coûts d’investissement et du fonctionnement d’une station d’épuration, utilisant ce procédé, de capacité 1 000 équivalent-habitants sont respectivement de l’ordre de 190 000 € et 6 000 € par année. Cependant ces coûts pour une station d’épuration à boues activées de même capacité sont respectivement de l’ordre de 230 000 € et 11 500 € par année (BOUTIN et al., 1997).
Le procédé d’infiltration-percolation vise à assurer la protection du milieu récepteur et à réutiliser les eaux usées traitées surtout pour l’irrigation et la recharge des nappes. Les normes tunisiennes à respecter pour ces deux types de réutilisation sont respectivement NT 106. 03 (NEUBERT et BENABDALLAH, 2003) et NT 106. 02 (MEKNI et SOUISSI, 2016).
L’infiltration-percolation consiste à infiltrer les eaux issues de traitements primaires ou secondaires dans des bassins à faible profondeur creusés dans le sol ou remplis de massifs sableux rapportés. Cette technique d’épuration reproduit l’effet autoépurateur du sol. Les eaux usées prétraitées sont réparties sur un massif filtrant, à l’air libre. En percolant au travers de ce massif, elles sont d’abord débarrassées des matières en suspension par filtration superficielle, puis leur matière organique est dégradée et leurs composés azotés sont oxydés par les bactéries fixées qui se développent au sein du massif. L’épuration nécessite une infiltration en milieu poreux non saturé et le renouvellement de la phase gazeuse de ce milieu par l’air atmosphérique qui apporte l’oxygène indispensable à l’oxydation de la matière organique et de l’azote. Ce renouvellement passe par une infiltration intermittente (BOLLER et al., 1993). La réoxygénation du massif filtrant est assurée par échanges gazeux entre l’atmosphère et les interstices du sable lorsque la plage d’infiltration est dénoyée entre deux alimentations et pendant les phases de repos (ACHAK et al., 2009). Les eaux traitées sont récupérées à la base du filtre par drainage (MOTTIER et al., 2000).
La biodégradation de la matière organique et des composés azotés ne se réalise complètement que si l’oxygène nécessaire aux réactions biochimiques est disponible en quantité suffisante dans le massif filtrant. La capacité d’oxydation d’un système d’infiltration-percolation dépend essentiellement du renouvellement de la phase gazeuse du milieu poreux. L’ajustement du renouvellement de cette phase aux besoins en oxygène est un des clés de cette technique d’épuration. L’aération du massif filtrant est assurée par convection à partir du déplacement des lames d’eau et par diffusion de l’oxygène depuis la surface des filtres. Plusieurs études de recherche (LEFÈVRE, 1988; SCHMITT, 1989; MAKNI, 1995; BANCOLÉ, 2001) ont montré que les systèmes d’infiltration-percolation ne disposent souvent pas de l’oxygène nécessaire à l’oxydation totale de la matière organique et de l’azote ammoniacal contenus dans l’eau infiltrée, d’où l’idée de l’amélioration des conditions d’approvisionnement en oxygène du milieu poreux.
La revue de la littérature montre que la plupart des études de recherche concernant la filière d’infiltration-percolation se sont intéressées essentiellement à l’évaluation de ses performances épuratoires sous différentes conditions expérimentales et à la mise en évidence de ses mécanismes d’épuration. Peu de recherches sont consacrées à l’amélioration de ses performances épuratoires. C’est dans ce contexte que s’intègre cette étude expérimentale. En effet, l’objectif principal de ce travail de recherche est l’étude de l’influence de l’aération du massif filtrant sur les performances épuratoires du procédé d’infiltration-percolation.
2. Matériels et méthodes
2.1. Dispositif expérimental
L’étude expérimentale a été conduite sur trois colonnes (C1, C2 et C3) en PVC (polychlorure de vinyle) de 10 cm de diamètre et 200 cm de hauteur. Le fond de chaque colonne est formé d’une dalle en béton sur laquelle est placé un drain de récupération de l’eau traitée. Sur ce drain sont entassés quelques centimètres de graviers, constituant le massif drainant, surmontés d’un massif filtrant constitué de 150 cm de sable (Figure 1).
Afin de déterminer l’effet de l’aération sur la capacité d’épuration du dispositif d’infiltration-percolation, un tube en PVC, de 3 cm de diamètre perforé d’orifices de 3 mm de diamètre et espacés les uns des autres de 1 cm, a été placé au centre des massifs filtrants des colonnes C2 et C3. Ce tube d’aération, ouvert à son extrémité supérieure, permet la pénétration facile de l’air atmosphérique à l’intérieur de la masse filtrante afin de renouveler l’oxygène consommé par la biomasse épuratrice. Au niveau de la couche supérieure du massif filtrant susceptible d’être, même momentanément, saturée en eau, le tube d’aération ne dispose pas d’orifices.
Afin de mieux favoriser l’oxygénation du milieu poreux, des tubes en PVC de 3 cm de diamètre ont été installés à la périphérie de la colonne C3. Ces tubes sont disposés de façon inclinée et sont espacés les uns des autres de 15 cm (Figure 1).
2.2. Matériau filtrant
Les travaux de BROUSSARD (1985) et LEFÈVRE (1988) ont montré que le sable de maçon convient au traitement des eaux usées par infiltration-percolation. Le matériau utilisé dans cette étude est le sable de Wedhref (Gabès, Sud-Est tunisien). Ses caractéristiques granulométriques sont illustrées dans le tableau 1.
2.3. Effluent à traiter
Durant cette étude expérimentale, nous avons utilisé un effluent secondaire provenant de la station d’épuration de Gabès qui utilise le procédé à boues activées pour le traitement secondaire des eaux usées urbaines. L’échantillonnage a été effectué à partir du décanteur secondaire.
2.4. Mode d’alimentation
Un mode de fonctionnement de quatre jours d’alimentation suivis de trois jours de repos a été adopté durant cette étude expérimentale. Cette alternance des phases d’alimentation et des phases de repos permet de résorber le colmatage des filtres. La charge hydraulique appliquée a été de 27 cm∙j-1.
2.5. Paramètres suivis
Les analyses physicochimiques de l’effluent secondaire et des filtrats issus des différentes colonnes ont été réalisées au Laboratoire Hydro-sciences appliquées de l’Institut Supérieur des Sciences et Techniques des Eaux de Gabès.
Les principaux paramètres suivis sont : MES (matières en suspension), CE (conductivité électrique), pH, turbidité, oxygène dissous, DCO (demande chimique en oxygène), DBO5 (demande biochimique en oxygène pendant cinq jours), NTK (azote total Kjeldahl), N-NH4 (azote ammoniacal) et N-NO3 (nitrates).
3. Résultats et discussion
Les différentes données statistiques des paramètres physicochimiques suivis durant cette étude expérimentale sont exposées dans le tableau 2.
3.1. Dégradation de la matière organique
Afin d’évaluer l’efficacité des systèmes d’infiltration-percolation vis-à-vis la dégradation de la matière organique, deux paramètres chimiques ont été mesurés : la DCO la DBO5.
La variation de la DCO de l’influent et des effluents des colonnes de laboratoire est illustrée dans la figure 2. La DCO moyenne à l’entrée des colonnes d’infiltration-percolation a été d’environ 202 mg O2∙L-1. Les teneurs moyennes résiduelles dans les filtrats recueillis à la base des colonnes C1, C2 et C3 ont été respectivement 84,15, 48,41 et 38,16 mg O2∙L-1, correspondant à des rendements d’abattement respectifs 58,35 %, 76,02 % et 81,11 % (Figure 2).
La matière organique facilement biodégradable, exprimée en termes de DBO5, a été éliminée à hauteur de 75,8 %, 83,39 % et 90,7 % respectivement par les colonnes C1, C2 et C3. Les teneurs résiduelles ont été respectivement 48,76, 33,55 et 18,69 mg O2∙L-1 (Figure 3). D’après ces résultats, il paraît que l’aération des massifs filtrants améliore légèrement l’oxydation des matières organiques (DCO et DBO5).
Concernant la colonne C1, dépourvue de système d’aération, la seule possibilité de renouvellement de la phase gazeuse est assurée par la plage d’infiltration. Dans ce cas, les couches superficielles du massif filtrant jouent un rôle fondamental dans l’abattement de la matière organique puisque le renouvellement d’oxygène s’effectue exclusivement au niveau de ces couches. La diffusion d’oxygène est très faible au niveau des couches inférieures du massif filtrant. Les travaux de BALI (2012) ont montré que la biomasse hétérotrophe responsable de la dégradation de la pollution organique se développe essentiellement dans les premiers 50 cm du massif filtrant. Les flux gazeux échangés entre l’atmosphère et la phase gazeuse du filtre à travers la surface d’infiltration sont déterminants vis-à-vis de l’oxydation de la pollution carbonée véhiculée par l’effluent.
Les résultats d’analyses montrent que les colonnes C2 et C3, équipées des systèmes d’aération présentent des taux d’abattement de la DCO et de la DBO5 supérieurs à ceux de la colonne C1. Ceci indique que l’aération du massif filtrant a amélioré la capacité épuratoire du procédé d’infiltration-percolation. La prolifération de la biomasse aérobie hétérotrophe (responsable de la dégradation de la matière organique) dans toute la masse filtrante, grâce à l’approvisionnement du filtre en oxygène assuré essentiellement par les tubes d’aération, pourrait expliquer l’amélioration des performances épuratoires des filtres aérés.
La colonne C3 permet, grâce à une aération centrale et périphérique, le meilleur rendement d’abattement de la pollution carbonée. Ceci montre vraisemblablement que les tubes d’aération ont favorisé des bonnes conditions de développement de la biomasse hétérotrophe et donc des meilleures performances épuratoires vis-à-vis la dégradation de la matière organique. Les travaux de MOLLE et al. (2004) montrent que l’élimination de la pollution carbonée biodégradable est favorisée par la bonne aération du milieu poreux et la colonisation du massif par les microorganismes épurateurs.
Le fait que l’oxydation de la matière organique, exprimée en termes de DCO, ne soit pas totale ne peut pas être toujours expliqué par un manque d’oxygène dans le milieu poreux. En effet, la teneur en oxygène dissous dans les filtrats issus des colonnes d’infiltration-percolation est généralement supérieure à 2 mg∙L-1. Ceci montre que l’oxygène présent dans le massif filtrant n’est pas entièrement consommé par la biomasse épuratrice. Ces résultats pourraient être expliqués par le fait que soit la DCO résiduelle est constituée des matières organiques très difficilement biodégradables de telle sorte que la biomasse hétérotrophe n’arrive pas à les dégrader même en présence d’oxygène en quantité suffisante dans le milieu poreux, soit le temps de séjour de l’effluent au sein du massif filtrant est insuffisant pour assurer une oxydation complète des matières organiques.
Le rapport DCO/DBO5 donne une estimation de la biodégradabilité de la matière organique d’un effluent donné. Dans cette étude expérimentale, ce rapport a été de l’ordre de 1 ce qui montre que l’effluent appliqué est facilement biodégradable. Le temps de séjour moyen de l’eau usée au sein du milieu poreux a été de l’ordre de 35 min. Ce temps paraît insuffisant pour favoriser une dégradation totale de la pollution carbonée véhiculée par l’effluent.
La présence des teneurs résiduelles en matière organique dissoute facilement biodégradable (DBO5) dans les filtrats confirme que le temps de séjour de l’effluent dans le massif filtrant est insuffisant pour favoriser une dégradation totale de la pollution organique. En effet, quand l’effluent s’infiltre à travers le filtre, toute la charge polluante n’a pas assez du temps pour être complètement oxydée malgré les conditions oxiques du milieu poreux.
3.2. Oxydation de l’azote
L’effluent secondaire appliqué sur les filtres est caractérisé par des concentrations moyennes en azote total Kjeldahl et en azote ammoniacal respectivement égales à 47,88 et 37,4 mg∙L-1. Les rendements d’abattement de NTK des colonnes C1, C2 et C3 ont été respectivement 77,9 %, 81,7 % et 88,24 % (Tableau 2). Les teneurs moyennes résiduelles en N-NH4 dans les filtrats issus des colonnes C1, C2 et C3 ont été respectivement 9,68, 4,76 et 2,94 mg∙L-1 (Figure 4), correspondant à des taux d’abattement respectifs de 74,1 %, 87,27 % et 92,12 %. Des résultats similaires ont été signalés dans les travaux de MAKNI (1995), GUEDIRI (2000), ETURKI (2005) et BALI (2012).
L’augmentation du rendement d’abattement de l’azote oxydable observée au niveau des filtres C2 et C3 pourrait être expliquée par une amélioration des conditions d’oxydation de ce paramètre dans le milieu poreux. En effet, la colonne C3, équipée d’un système d’aération centrale et périphérique, assure les meilleurs rendements d’élimination de NTK et de N-NH4. Ceci montre que les tubes d’aération permettent d’augmenter les ressources d’approvisionnement du massif filtrant en oxygène ce qui favorise l’oxydation de l’azote par la biomasse fixée sur le support granulaire. En présence des conditions oxiques tout au long de la colonne d’infiltration, cette biomasse épuratrice colonise toute la masse filtrante, d’où une meilleure efficacité vis-à-vis l’abattement de l’azote oxydable. La colonne C1, non équipée d’un système d’aération, a le plus faible rendement d’abattement de ce paramètre. En effet, le renouvellement de l’oxygène n’est assuré que par des échanges gazeux entre l’atmosphère et le massif filtrant à travers la plage d’infiltration, ce qui réduit vraisemblablement l’expansion de la biomasse épuratrice. Cette dernière se développe préférentiellement au niveau des couches supérieures du filtre. Les travaux de recherche de BALI et al. (2010, 2011) montrent que la biomasse responsable de l’oxydation de la pollution azotée apportée par l’effluent se concentre essentiellement au niveau de la partie supérieure du massif filtrant.
Des faibles teneurs en nitrates, oscillant entre 1,5 et 6 mg∙L-1, ont été enregistrées dans l’effluent appliqué sur les systèmes d’infiltration-percolation (Tableau 2). Les filtrats recueillis à partir des colonnes C1, C2 et C3 présentent des concentrations importantes en N-NO3. La teneur moyenne de ce paramètre a été respectivement 24,7, 30,2 et 34,4 mg∙L-1. L’augmentation de la teneur en nitrates dans les effluents des colonnes est expliquée par le processus de nitrification qui consiste à transformer l’azote ammoniacal en azote nitrique grâce aux microorganismes autotrophes fixés sur le support granulaire du filtre. L’oxygène est l’élément limitant le déroulement de ce processus. Les nitrites (N-NO2), produit intermédiaire de la nitrification, se trouvent généralement à des teneurs inférieures à 1 mg∙L-1 (ZHOUA et al., 2018). Le bilan d’azote peut être établi en tenant compte des teneurs de NTK et de N-NO3 dans l’effluent appliqué et l’eau traitée. Il a été de l’ordre de 31,6 %, 24,5 % et 22,4 % concernant respectivement les colonnes C1, C2 et C3. Les teneurs résiduelles en N-NH4 dans les filtrats de différentes colonnes d’infiltration confirment que la nitrification n’était pas totale. Autrement dit, l’azote ammoniacal n’a pas été complètement oxydé en nitrates.
La plus grande teneur moyenne en nitrates a été enregistrée dans le filtrat de la colonne C3. Ceci signifie vraisemblablement que l’oxydation de l’azote ammoniacal au niveau de ce système d’infiltration est plus poussée que celle dans les deux autres systèmes. Il apparaît donc d’après ces résultats que l’aération du massif filtrant joue un rôle important dans la nitrification. En effet, grâce au système d’aération centrale et périphérique, la flore nitrifiante peut se développer et coloniser toute la masse filtrante, d’où une meilleure oxydation de l’azote ammoniacal.
L’oxygène nécessaire à la nitrification peut provenir, soit directement à partir des flux gazeux échangés entre l’atmosphère et les interstices du sable à travers la plage d’infiltration, soit grâce aux tubes d’aération. La présence d’oxygène en quantité suffisante (>4 mg∙L-1) dans le massif filtrant devrait, logiquement, assurer une oxydation complète de l’azote ammoniacal et donc sa transformation en nitrates, mais ce n’était pas le cas. En effet, des teneurs résiduelles en N-NH4 ont été enregistrées dans les filtrats issus des colonnes d’infiltration. La teneur moyenne en oxygène dissous dans le filtrat de la colonne C3 a été 4 mg∙L-1. Cette teneur est suffisamment élevée pour s’assurer que l’oxygène disponible dans le massif n’est pas entièrement utilisé par la biomasse autotrophe responsable de la dégradation de l’azote ammoniacal. Dans ces conditions, il est vraisemblable que le temps de séjour de l’effluent dans le milieu poreux est insuffisant pour assurer une oxydation totale de l’azote.
Le fait que la colonne C1 présente la plus faible teneur en N-NO3 pourrait être expliqué par une nitrification moins poussée que celle se déroulant au niveau des colonnes C2 et C3. Ce processus aérobie se déroule essentiellement au niveau des couches superficielles du filtre où l’approvisionnement du milieu en oxygène est assuré par des échanges gazeux avec l’air atmosphérique uniquement à travers sa surface d’infiltration.
3.3. Capacité d’oxydation des filtres
Les résultats d’analyses montrent que les performances épuratoires du procédé d’infiltration-percolation vis-à-vis l’abattement de la pollution organique et azotée dépendent, en partie, des conditions du renouvellement de la phase gazeuse du massif filtrant. Il ressort des essais réalisés qu’une aération centrale et périphérique favorise les meilleurs taux d’abattement des matières organique et azotée véhiculée par l’effluent. Plus l’approvisionnement du milieu poreux en oxygène est assuré, meilleure est l’oxydation de la charge polluante.
La capacité d’oxydation d’un système d’infiltration-percolation correspond à la différence entre la demande totale en oxygène (DTO) de l’effluent appliqué et celle du filtrat recueilli (SCHMITT, 1989).
La demande totale en oxygène (DTO) de l’effluent permet d’apprécier les besoins totaux en oxygène nécessaires pour assurer, d’une part, la dégradation complète des matières organiques et, d’autre part, l’oxydation des composés azotés (ACHAK et al., 2009). Elle est calculée en utilisant la formule suivante (BRISSAUD et al., 1989) :
La figure 5 illustre les capacités d’oxydation des systèmes d’infiltration-percolation utilisés. Équipée d’un système d’aération centrale et périphérique, la colonne C3 possède la plus haute capacité d’oxydation qui est de l’ordre de 357 mg O2∙L-1, alors que la colonne C1, dépourvue de système d’aération, en possède la plus faible (288 mg O2∙L-1). Ces résultats mettent en évidence le rôle de l’aération du massif filtrant dans les performances épuratoires du procédé d’infiltration-percolation. En effet, l’oxygénation du milieu poreux améliore sensiblement la capacité d’oxydation de ce procédé de traitement. Lorsque les ressources en oxygène sont insuffisantes pour oxyder la charge polluante, le rendement épuratoire du procédé d’infiltration se dégrade (LEFÈVRE, 1988; SCHMITT, 1989; MAKNI et al., 1994). D’après l’AGENCE DE L’EAU (1993), la capacité d’oxydation totale d’un système d’infiltration-percolation est égale à la somme de ses capacités diffusive et convective. Ces dernières représentent respectivement les apports diffusif et convectif par unité de volume d’eau usée infiltrée.
Une théorie simplifiée de l’infiltration-percolation, basée sur la DTO traitable en fonction de la charge hydraulique appliquée, a été établie grâce aux travaux de LEFÈVRE (1988), SCHMITT (1989) et BRISSAUD et LESAVRE (1993). Cette théorie représente la base de dimensionnement des ouvrages d’infiltration-percolation. Ces travaux montrent que la capacité d’oxydation d’un système d’infiltration doit être supérieure ou égale à la DTO de l’effluent appliqué pour pouvoir assurer une épuration adéquate et la durabilité du procédé. Ils montrent aussi que la capacité d’oxydation diminue avec l’augmentation de la charge hydraulique journalière appliquée. En effet, avec des charges hydrauliques supérieures ou égales à 50 cm∙j-1 la capacité d’oxydation est faible et elle est essentiellement convective. Dans le cas contraire (charge hydraulique < 50 cm∙j-1), la capacité d’oxydation du filtre est grande et elle est essentiellement diffusive.
En se basant sur ces informations, les capacités d’oxydation des systèmes d’infiltration utilisés dans cette étude sont essentiellement diffusives, car la charge hydraulique appliquée était de 27 cm∙j-1. L’apport diffusif d’oxygène concernant les colonnes C2 et C3 provient exclusivement des tubes d’aération alors qu’il est assuré uniquement par la plage d’infiltration dans le cas de la colonne C1.
Il ressort de ces données que la colonne C3, grâce à son système d’aération permettant les flux diffusifs les plus importants (en comparaison avec les colonnes C1 et C2), assure la capacité d’oxydation la plus poussée. La colonne C1 possède la capacité la plus faible puisque l’approvisionnement du massif en oxygène est assuré uniquement par sa surface d’infiltration.
Ces constatations confirment les résultats des suivis de la DCO, de la DBO5 et des teneurs en NTK, N-NH4, N-NO3 et O2 dissous. En effet, ces résultats montrent vraisemblablement que la colonne C3 offre les meilleures conditions d’oxydation des matières organique et azotée véhiculées par l’eau usée. Plus l’aération du massif est importante, plus la capacité d’oxydation du filtre est poussée.
Malgré la bonne aération de la colonne C3, nous avons enregistré une DTO résiduelle significative de l’ordre de 63,9 mg O2∙L-1. Ceci pourrait être expliqué par la grande charge polluante contenue dans l’effluent à traiter (421 mg O2∙L-1) qui, apparemment, dépasse la capacité d’oxydation que dispose le massif filtrant. En d’autres termes, l’oxydation de la pollution n’était pas complète probablement parce que la DTO de l’effluent était supérieure à la DTO traitable. Même en favorisant toutes les conditions optimales de l’épuration, le système d’infiltration-percolation s’avère incapable d’oxyder complètement la pollution quand l’effluent à traiter possède une DTO supérieure à la DTO traitable par ce système.
Le passage de l’échelle laboratoire à l’échelle réelle d’une approche donnée est une étape cruciale. En effet, il est rarement réalisé. Il est préférable de tester à l’échelle pilote les expérimentations du laboratoire. La conception d’un petit bassin d’infiltration-percolation de quelques mètres carrés de surface, équipé d’un système d’aération centrale et périphérique serait nécessaire afin de valider les résultats d’expériences obtenus à l’échelle de colonnes du laboratoire. Après validation de ces résultats, il serait facile de passer à l’échelle réelle en construisant des grands bassins d’infiltration-percolation dimensionnés en fonction de la charge hydraulique à traiter.
La surface d’infiltration (S) dépend de la charge hydraulique appliquée. Cette dernière est fonction du nombre d’équivalent-habitant (EH). En effet, la surface d’infiltration peut être calculée en utilisant l’expression suivante (BOUTIN et al., 1997) : S (m2) = nombre EH x 1,5.
L’augmentation de la charge hydraulique appliquée entraînerait le colmatage rapide du massif filtrant. Le colmatage superficiel, dû à l’accumulation des MES sur la plage d’infiltration, et le colmatage interne, dû au développement du biofilm microbien, entraîneraient une diminution des capacités d’infiltration et d’oxygénation du milieu poreux et par conséquent diminution du rendement épuratoire de ce procédé de traitement.
La longévité des bassins d’infiltration-percolation dépend étroitement de leur dimensionnement (garnissage des bassins, épaisseur du massif filtrant, surface d’infiltration, système de répartition de l’effluent, système de drainage, etc.), de la qualité et la quantité de l’effluent à traiter, du mode de fonctionnement (phases d’alimentation et phases de drainage) et de la gestion du colmatage (alternance des phases de fonctionnement et de repos). Dans les conditions idéales, la longévité des filtres peut atteindre 20 ans.
4. Conclusion
L’étude expérimentale à l’échelle de laboratoire du procédé d’infiltration-percolation a été menée dans le but de déterminer l’influence de l’aération du massif filtrant sur les performances épuratoires de ce procédé.
Il ressort des résultats d’expériences qu’une aération centrale et périphérique du massif filtrant assure les meilleurs rendements d’abattement des matières organiques et azotées contenues dans l’eau usée infiltrée. Plus l’apport diffusif en oxygène est assuré, meilleure est la dégradation de la charge polluante.
L’évaluation de la capacité d’oxydation des systèmes d’infiltration-percolation utilisés dans cette étude expérimentale montre que cette capacité est influencée par le renouvellement de la phase gazeuse du milieu poreux. En effet, plus l’approvisionnement du massif en oxygène est assuré, meilleure est la capacité d’oxydation du filtre.
Appendices
Références bibliographiques
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