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1. Introduction

Selon COMPAGNON et D’AUZAC (1986), le caoutchouc naturel provient de la coagulation du latex de plusieurs plantes, principalement de l'hévéa (Heveabrasiliensis, famille des Euphorbiacées), originaire d'Amazonie. Les études de NAON (1994), COMPAGNON et D’AUZAC (1986), montrent que le latex peut être converti en latex centrifugé, feuilles fumées de caoutchouc, feuilles séchées de caoutchouc à l’air et en caoutchouc granulé. D’après ATAGANA et al. (1998), ces procédés utilisent plusieurs substances (l’ammoniac pour empêcher la coagulation précoce du latex après la récolte dans les champs et l’acide formique ou l’acide sulfurique ou encore l’acide acétique pour une coagulation contrôlée) et une quantité importante d’eau (22,7 L∙kg‑1 de caoutchouc séché). Les études récentes de TEKASAKUL (2010) montrent que les effluents générés sont riches en matières organiques et minérales et contiennent spécifiquement des sels inorganiques et organiques, de l’acide formique, de l’ammoniac et du sulfure d’hydrogène à des concentrations supérieures aux normes admises. D’après ARIMORO (2009), BOUGARD (2004), SULAIMAN et al. (2010), le rejet de ces effluents sans traitement dans la nature provoque l’eutrophisation des mangroves et des rivières, la mort de la faune aquatique. De plus, la consommation de ces eaux polluées entraîne la synthèse de nitrosamines cancérigènes et la formation de méthémoglobine chez les nourrissons. La présence du sulfure d’hydrogène est à l’origine des mauvaises odeurs responsables de l’inhibition de certaines voies du tube digestif et respiratoire. Pour améliorer l’élimination de ces polluants, les études récentes de MOHAMMADI et al. (2010) proposent le traitement de ces effluents par voies biologiques en utilisant des techniques de lagunage aérobie, aérobie facultatif et anaérobie facultatif et les fosses d’oxydation. Cependant, ces procédés présentent des faiblesses du fait de leur grande emprise au sol, des durées de traitement longues, des dégagements d’odeurs nocifs et des coûts élevés de fonctionnement et d'entretien (SULAIMAN et al., 2010). Ce pour quoi de nos jours de nombreuses recherches sont menées en vue de la mise sur pied de nouveaux procédés permettant de réduire ces problèmes. Parmi ces procédés on retrouve l’électrolyse (VIJAYARAGHAVAN et al., 2007), la coagulation/floculation (OZBELGE et al., 2002), l’électrocoagulation (EMAMJOMEH et SIVAKUMAR, 2009), l’ultrafiltration (CAGATAYHAN et al., 2003; VEERASAMY et al., 2003; HARUNSYAH et SULAIMAN, 2002; KONIECZNY et BODZEK, 1996), l’osmose inverse (LAU,1994) ou des bioréacteurs à membranes (SULAIMAN et al., 2010). C’est dans cette démarche que s’inscrit le présent travail qui vise à utiliser les biofiltres dans le traitement des effluents de l’industrie du caoutchouc. Mais au cours de la mise en oeuvre de ce procédé, le temps de fixation des microorganismes dans le lit granulaire conditionne l’efficacité du procédé (SERON et al., 2008; KARRABI et al., 2007). Car la destruction des matières organiques n’est possible que si les microorganismes se fixent sur le support filtrant. D’où l’intérêt de cette étude qui vise à évaluer le temps nécessaire aux microorganismes indigènes sélectionnés à coloniser la pouzzolane en fonction du pH.

2. Matériels et méthodes

2.1 Les souches microbiennes utilisées (levures et bactéries)

Les quatre souches microbiennes utilisées ont été sélectionnées des effluents d’une usine de production de caoutchouc naturel. Deux souches de levures (LR et LB) issues des travaux de NSOE et al. (2014), et deux souches de bactéries (BB et BC) extraites des travaux d’AMBA et al. (2011). Les caractéristiques sont consignées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1

Caractéristiques de des levures utilisées (NSOÉ et al., 2014)

Characteristics of the yeasts used (NSOÉ et al., 2014)

Caractéristiques de des levures utilisées (NSOÉ et al., 2014)

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Tableau 2

Caractéristiques des bactéries utilisées (AMBA et al., 2011)

Characteristics of the bacteria used (AMBA et al., 2011)

Caractéristiques des bactéries utilisées (AMBA et al., 2011)

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2.2 Préparation du matériau granulaire

Les échantillons de pouzzolane ont été prélevés à proximité du lac Tison situé à 10 km de la ville de Ngaoundéré (latitude 7°50' et longitude 13°25'). Ils ont ensuite été lavés à l’eau du robinet, séchés à l’air libre, concassés puis tamisés avec une série de tamis normalisés (ISO 3310-1). À l’issue de ces opérations, la fraction de granulométrie 300-400 µm retenue, est nettoyée à l’eau de robinet puis trempée dans une solution d’hydroxyde de sodium de concentration 0,1 M pendant 24 h et rincée abondamment à l’eau distillée jusqu'à l’obtention d’une conductivité de l’eau résiduelle (2 µS∙cm‑1). Une étude de NDI (2007) montre que ces matériaux possèdent des oxydes de fer, d’aluminium, de silice en surface responsable des interactions entre la pouzzolane et les microorganismes.

2.3 Description du pilote de biofiltration

Le pilote de biofiltration utilisé est constitué d’une colonne en PVC de 6 cm de diamètre et de 1 m de hauteur soit un volume total de 2,26 L. Il est muni d’un dispositif de mesure de la perte de charge et d’un dispositif d’échantillonnage à différentes hauteurs du lit. Il est alimenté en écoulement ascendant à l’aide d’une pompe à piston (Gorman-Rupp Industries, Ohio, État-Unis) et la pression à l’entrée du lit est maintenue constante par un orifice placé en tête de colonne comme le montre la figure 1.

Figure 1

Schéma synoptique du pilote de biofiltration

Synoptic diagram of the biofiltration pilot

Schéma synoptique du pilote de biofiltration

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2.4 Étude de l’hydrodynamique du lit

Cette étude a été réalisée en mesurant la variation de la concentration à la sortie du lit d’une solution de NaCl en fonction du volume à la sortie du lit. Le lit est rempli d’eau distillée et une solution de NaCl donc on connaît la conductivité est envoyé dans lit. La conductivité et volume sont mesurés en fonction du temps. La courbe de percée est obtenue en traçant la variation de la concentration réduite à la sortie du lit en fonction du volume réduit de l’effluent C/C0 = f(V/V0), avec C/C0, les concentrations respectivement à la sortie et à l’entrée du lit, et V/V0 = Vr le volume réduit de l’effluent à un débit d’entrée et de sortie donné. Du tracé de la courbe C/C0 = f(Vr), on déduit les caractéristiques de la dispersion, le nombre de Péclet et la porosité ε0 du lit.

2.5 Préparation de la suspension de levures et de bactéries

Les souches de levures et de bactéries ont été cultivées en milieu liquide reconstitué à pH 6,5 (ATAGANA et al., 1996) contenant : extrait de viande 1 g∙L‑1 (Sharlau, réf. 07-075, Espagne), extrait de levure 2 g∙L‑1 (OXOID, code L21, Angleterre), peptone 5 g∙L‑1 (Liofilchem, réf. 610038, Italie), chlorure de sodium 5 g∙L‑1 (Jeulin, réf. 107 115, France). La culture microbienne est centrifugée à 5 000 g pendant 15 min à 4 °C (ATAGANA et al., 1996). Le culot obtenu contenant la biomasse recherchée est suspendue trois fois dans l’eau physiologique et centrifugé à nouveau. Après trois lavages le culot est suspendu dans l’eau physiologique mélangé à du chloramphénicol 250 mg (NAFDAC, réf. A4-0495, Nigéria) pour les levures.

2.6 Fixation des microorganismes dans les lits de pouzzolane

Une solution physiologique préparée à pH expérimental est envoyée dans le lit de pouzzolane, permettant de conditionner le lit de hauteur 75 cm au pH requis de l’expérience. Une suspension de levure dont on connaît la concentration est introduite dans le bac d’alimentation (B) contenant un liquide physiologique à pH étudié. La rétention des microorganismes en fonction du temps dans le lit de pouzzolane a été réalisée en boucle fermée à pH initial (5, 6, 8) pour les levures et (9, 7, 5) pour les bactéries. À chaque prise d’essai la concentration en levures est déterminée par dénombrement sur boîte de pétrie.

3. Résultats et discussion

3.1 Caractérisation du lit filtrant

La figure 2 présente la courbe de percée obtenue sur les lits de pouzzolanes, le chlorure de sodium est ici utilisé comme traceur. Cette évolution est obtenue en suivant la concentration du NaCl en fonction du volume passé dans le lit de pouzzolane de granulométrie 300-400 µm. Le débit était constant à 2,6 mL∙s‑1 avec une concentration fixe de conductivité (4,5 mS∙cm‑1). Cette courbe traduit l’hydrodynamique du lit de pouzzolane. L’allure non gaussienne de la courbe pourrait traduire un régime laminaire de l’alimentation entre l’eau distillée et la solution de NaCl, ce qui traduirait l’inexistence d’un chemin préférentiel au sein du lit de particules. La courbe de percée donne une porosité de 0,64. On peut en déduire de cette porosité que le rayon hydrodynamique important du lit montre que le matériau choisi possède de bonnes aptitudes d’accumulation de la masse en profondeur. Par conséquent, un mécanisme mettant en jeu les phénomènes de diffusion axiale à lieu dans le lit. De plus, le nombre de Reynolds déduit dans ces conditions est inférieur à 2 000.

Figure 2

Courbe de percée dans les lits de pouzzolane

Breakthrough curve in the pozzolan beds

Courbe de percée dans les lits de pouzzolane

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3.2 Rétention des bactéries

Les figures 3 et 4 représentent respectivement le rapport log C/log C0 des souches BC et BB retenues dans le lit fixe de pouzzolane à différent pH (5, 7, 9) et à débit constant 2,6 mL∙s‑1. Ces courbes présentent globalement deux principales phases : une phase de capture rapide, puis une phase de capture lente. Dans la première phase la rétention des bactéries sur la pouzzolane immergée se fait à un débit constant jusqu’à atteindre un maximum qui se situe autour de la neuvième heure pour la souche BC et de la troisième heure pour la souche BB. Puis une deuxième phase qui commence autour de la dixième heure pour la souche BC et autour de la septième heure pour la souche BB. À pH 9 on observe une faible rétention de la souche BB pendant la première phase. Un relargage des bactéries fixées est observé dans le milieu à partir de la 30e heure à pH 9 et vers la 40e heure à pH 7 pour BB et dès la 35e heure à pH 9 pour BC. En effet, les fractions retenues varient en fonction du temps et du pH. La première phase traduit les phénomènes d’emprisonnement des bactéries dans les cavités de la pouzzolane et aux phénomènes d’adsorption des bactéries sur la pouzzolane qui est chargée négativement. Les variations observées sont influencées par les forces d’interactions (Van der Waals, ioniques) présentes qui sont liées aux propriétés physico-chimiques de la membrane des cellules, de la surface du matériau et du liquide utilisé (ALVES et al., 1999). Les phénomènes observés à la deuxième phase traduisent un encombrement des bactéries qui se sont fixées sur le support et les interactions répulsives entre les cellules qui présentent un potentiel zêta négatif d’où la faible rétention observée. Le pH 5 est celui qui se prête le mieux à la fixation dans la colonne par les souches BC et BB avec un taux de rétention de 74 ± 2 % pour BC et 79 ± 1 % pour BB. Ceci avec un temps de 22 h pour la souche BC et 35 h pour la souche BB. A pH 7 la rétention de la BC est de 67 ± 5 % et de 75 ± 3 % pour BB. Le relargage qui se traduit par une diminution de la quantité de bactéries retenues dans le lit est causé par les phénomènes de répulsion entre les différentes bactéries. Également, le stress des bactéries causé par le changement de pH de la suspension et par le vieillissement des bactéries favorise le relargage. Les résultats obtenus pour la souche BC et BB sont en accord avec ceux obtenus par les études récentes de NDI et al. (2010) qui ont montré que la rétention de Escherichia coli pouvait se faire dans un lit fixe de pouzzolane et l’ajout du coagulant augmentait le pourcentage de rétention.

Figure 3

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche BC

Variation of log C/log C0 versus time at different pH values during the retention of strain BC.

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche BC

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Figure 4

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche BB

Variation of log C/log C0 versus time at different pH values during the retention of strain BB

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche BB

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3.3 Rétention des levures

Les figures 5 et 6 représentent respectivement le rapport log C/log C0 des souches LR et LB immobilisées dans le lit fixe de pouzzolane à différent pH (5, 6, 8) et à vitesse constante 2,6 mL∙s‑1. Les courbes présentent deux phases tel qu’observé dans le cas des bactéries. Une phase où la rétention dans le lit évolue de façon linéaire jusqu’à atteindre un maximum qui se situe autour de la 15e heure, quels que soient la souche et le pH. Seulement les quantités immobilisées diffèrent d’une souche à une autre selon le pH. La deuxième phase qui se situe après la 15e heure présente une faible rétention suivie d’un léger plateau à pH 5 et 6. À pH 8, après la 15e heure, la courbe décroît pour LB. La première phase traduit les phénomènes d’emprisonnement des levures dans les pores de la pouzzolane ou aux phénomènes d’adsorption. Ces phénomènes sont dus à la convection et à la diffusion du milieu filtrant dans les lits granulaires de pouzzolane et facilitent ainsi la rétention des cellules dans le lit. Les phénomènes observés à la deuxième phase sont causés par la diffusion des cellules dans le biofilm avant de se fixer soit sur le support soit sur une autre cellule. Le décrochage des levures du lit à pH 8 traduirait la forme ionique de la surface des cellules constituée en majorité des acides aminés et qui varie selon le type d’acide aminé et le pH. L’hydrodynamique du lit pourrait aussi être une cause probable du décrochage des levures par les forces de cisaillement.

Figure 5

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche LB

Variation of log C/log C0 versus time at different pH values during the retention of strain LB

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche LB

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Figure 6

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche LR

Variation of log C/log C0 versus time at different pH values during the retention of strain LR.

Variation de log C/log C0 en fonction du temps à différents pH au cours de la rétention de la souche LR

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4. Conclusion

Il en ressort de cette étude que pour atteindre une rétention des microorganismes dans le lit, il faut attendre un temps qui se situe entre 24 et 28 h selon la souche et le pH. Toutes les souches microbiennes se fixent sur la pouzzolane et le pourcentage de rétention varie en fonction du pH. Le pH 5 est celui qui se prête le mieux à la colonisation de la colonne par les souches BC et BB avec un taux de rétention de 74 ± 2 % pour BC et 79 ± 1 % pour BB, et ce après 28 h et 25 h respectivement pour la souche BC et la souche BB. À pH 7 la rétention de la souche BC est de 67 ± 5 % et 75 ± 3 %. Une période de 25 h est nécessaire pour une rétention des différentes souches LB et LR, et cette dernière est meilleure pour les pH 5 et 6 avec un pourcentage de fixation situé autour de 80 ± 4 %.