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1. Introduction

Diverses études réalisées en 1993 sur des systèmes de traitement des eaux usées ont révélé que les technologies intensives basées sur le système de boues activées, qui représentaient 75 % des stations construites en Afrique subsaharienne, sont inadaptées. Cette insuffisance est due à plusieurs facteurs tels le coût d’exploitation élevé, la non‑disponibilité des pièces de rechange, le manque d’expérience et le faible niveau de formation du personnel en charge de la gestion de ces systèmes (CIEH, 1993). Le principal défi consiste à développer des options de traitement qui soient à la fois efficaces et techniquement adaptées aux conditions environnementales et financières des pays africains. De façon évidente, les technologies naturelles d’épuration extensive peu onéreuses constituent des options de traitement adaptées, en particulier devant l’intérêt croissant pour la réutilisation de ces eaux usées en agriculture urbaine dans les pays sahéliens.

On note depuis les années 1980 la concentration, dans certains pays de la sous-région Afrique de l’Ouest, de quelques stations de lagunage à microphytes. Dans bien des cas, les conditions de fonctionnement de ces stations se sont révélées différentes de celles qui ont présidé à leur conception. Par conséquent, il devient ainsi difficile de tirer des enseignements valables sur leur performance. Les modèles de dimensionnement des bassins de lagunage étant calés dans des conditions différentes, une étude dans les conditions climatiques sahéliennes se justifie.

Le Groupe EIER-ETSHER (devenu Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE), sis à Ouagadougou au Burkina Faso), a initié depuis 1989 des recherches sur le fonctionnement des systèmes de lagunage sous climat sahélien. Les premières études sur les performances épuratoires (Guène, 1989; Klutsé, 1995; Radin, 1990) ont été effectuées sur des filières à deux bassins en série composées chacune d’un bassin facultatif et d’un bassin de maturation et des filières à lit bactérien. Cet article rapporte les résultats d’une année d’étude menée de 2004 à 2005 sur une filière de trois bassins en série (Bassin Anaérobie, Bassin Facultatif et Bassin de Maturation).

2. Matériels et méthodes

2.1 Description du site

L’étude a été réalisée à la station pilote expérimentale (220 Équivalent-Habitant) du 2IE (Groupe EIER-ETSHER) à Ouagadougou (Figure 1). Le fonctionnement de cette station est régi par le climat soudano-sahélien de Ouagadougou marqué par une longue période sèche, d’octobre à mai (soit huit mois), avec un ensoleillement important en durée (2 500 heures d’ensoleillement par an) et en intensité (19,5 ‑ 22,7 MJ/m2/J) et des pertes en eau par évaporation variant de 8 mm/j en moyenne. La sollicitation climatique évaporatoire est négligeable par rapport à la configuration géométrique des bassins et les pertes en eau ne présentent pas d’impact significatif sur le pouvoir épuratoire des systèmes de lagunage. La saison pluvieuse est caractérisée par des pluies irrégulières sporadiques. Construite en 1989, et après une dizaine d’années de fonctionnement, cette station a été réaménagée avec une réorganisation des filières de traitement. Cette réorganisation a abouti à un nouvel agencement des bassins de lagunage. L’innovation résulte surtout de l’introduction d’un bassin anaérobie pour servir de traitement primaire des eaux usées brutes en remplacement du décanteur primaire dont les rendements obtenus dans les études antérieures étaient trop bas avec, par exemple, un abattement moyen de la Demande Chimique en Oxygène (DCO) inférieur à 20 %. La station de lagunage du 2IE est ainsi composée de cinq filières (Figure 2) :

  • Filière n°1 : composée en série d’un bassin anaérobie (BA), un bassin facultatif (BF) et un bassin de maturation (BM).

  • Filière n° 2 : composée d’un décanteur primaire, un bassin facultatif, et un bassin de maturation.

  • Filière n° 3 : un décanteur primaire, un lit bactérien rectangulaire, un décanteur secondaire, et un bassin de maturation.

  • Filière n° 4 : un décanteur primaire, un lit bactérien circulaire, un décanteur secondaire, et un bassin de maturation.

  • Filière n° 5 : un décanteur primaire, des bassins à macrophytes de pistia stratriote.

Figure 1

Situation géographique du cadre de l’étude.

Geographic location of the 2IE treatment plant.

Situation géographique du cadre de l’étude.

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Figure 2

Schéma général des filières de lagunage de la station expérimentale pilote de 2IE.

Schematic representation of the pilot-scale wastewater stabilization ponds at 2IE.

Schéma général des filières de lagunage de la station expérimentale pilote de 2IE.

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Les caractéristiques des bassins de la filière 1, cadre de l’étude, sont consignées dans le tableau 1.

Tableau 1

Caractéristiques des bassins de lagunage de la filière étudiée.

Characteristics of the series of ponds studied.

Bassin

Profondeur (m)

Surface (m2)

Volume (m3)

Temps de rétention hydraulique (jours)

Bassin anaérobie

2,6

69,7

181,2

3

Bassin facultatif

1,4

415,3

581,4

9,5

Bassin de maturation

0,9

336,9

303,2

5,5

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La station est alimentée par les eaux usées produites sur le campus du 2IE (en sont exclues les eaux usées issues des laboratoires). Le débit journalier admis à l’entrée de la filière 1 est en moyenne de 55 m3/j. Au cours de l’étude, les charges organiques volumiques admises (mesurées en demande biologique en oxygène après cinq jours (DBO5)) ont varié de 104 à 225 g DBO5m‑3j‑1 avec une charge moyenne de 105,2 g DBO5 m‑3j‑1. Cette variation de charge est liée aux activités fluctuantes de consommation d’eau du campus, marquées par des périodes de départ des élèves pour congés ou vacances et d’arrivées multiples de stagiaires pour des formations continues. Sur le bassin facultatif, les charges surfaciques admises à partir de l’effluent issu du bassin anaérobie vont de 117 à 419 kg DBO5/ha/j, soit en moyenne 288,3 kg DBO5/ha/j.

2.2 Méthodologie d’échantillonnage et de mesure

La méthode d’échantillonnage adoptée est de type composite avec des mesures bihebdomadaires sur une période de dix mois (octobre 2004 – juillet 2005). Les points de prélèvement ont été effectués à l’entrée et à la sortie de chaque bassin, ce qui a permis de suivre la part d’épuration de chaque bassin, et la capacité épuratoire de l’ensemble de la filière. Les paramètres physico-chimiques globaux (Température (T°), pH, Oxygène (O2) dissous, conductivité électrique) ont été mesurés in situ au moyen d’une sonde multiparamètres (multiline P4). Les mesures ont été faites sur des échantillons ponctuels prélevés trois fois par jour (matin entre 7 h - 8 h, midi entre 12 h ‑ 13 h et l’après-midi entre 17 h - 18 h). Les paramètres physico-chimiques et biologiques (la DBO5, la DCO, les matières en suspension (MES), l’azote, le phosphore) ont été mesurés sur des échantillons composites journaliers constitués en proportions égales d’échantillons ponctuels prélevés à l’entrée et à la sortie du bassin. Les fréquences d’analyse ont varié d’un paramètre à un autre, compte tenu de la disponibilité du matériel d’analyse. Les analyses bactériennes (coliformes fécaux) et parasitologiques (kystes de protozoaires et oeufs d’helminthes) ont également été effectuées suivant les méthodes citées dans le tableau 2.

Tableau 2

Paramètres analysés et méthodes d’analyse.

Parameters and methods used in analysis.

Paramètres

Unités

Méthodes d’analyse

Matière En Suspension (MES)

(mg/L)

AFNOR T90-105

Demande Chimique en Oxygène (DCO)

(mgO2/L)

Standard methods. 18e édition

Demande Biologique Oxygène (DBO5)

(mgO2/L)

Standard methods. 18e édition

Sulfate

(mg/L)

HACH 8051* méthode 8051 Sulfaver 4

Azote Total Kjeldahl (NTK)

(mgN/L)

AFNOR T90-110

Azote Ammoniacal N-NH4+

(mgN/L)

AFNOR T90-015

Azote Nitrique N-NO3-

(mgN/L)

HACH 8039 méthode de réduction au cadmium

Phosphore Total PT

(mgP/L)

HACH 8190* méthode de digestion au persulfate acide

Ortho-phosphate P-PO43-

(mgP/L)

HACH 8114* méthode au molybdovadate

Coliformes Fécaux

(ucf/100 mL)

Etalement sur gélose spécifique Chromocult pour coliforme

Oeufs d’helminthes

( Oeuf/L )

Méthode SAF adaptée suivi de l’identification et comptage au microscope

Kystes de protozoaires

( Kyste/L )

Méthode SAF adaptée suivi de l’identification et comptage au microscope

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3 Résultats et discussion

3.1 Caractéristiques de l’influent brut

Les caractéristiques de l’influent brut admis en tête de la filière sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 3

Caractéristiques des eaux usées brutes.

Raw sewage characteristics.

Paramètres

Moyenne

Intervalle

Écart-type

Nombre d’échantillons

Température °C

29,6

18,2 – 35,2

2,69

225

pH

7,47

5,63 – 8,68

0,51

225

O2 dissous

0,89

0.21 – 6.00

0,47

225

Conductivité µS/cm

655

117 – 944

121

225

DCO mg/L

652

295 – 1026

204

75

DBO5 mg/L

489

160 – 800

185

67

MES mg/L

320

112 – 658

121

75

Phosphore total mg/L

15,79

4,10 – 68,00

11,81

75

Orthophosphate mg/L

5,13

2,61 – 9,38

1,65

75

NTK mg/L

209.3

44,80 – 425,60

80,69

19

N-NH4+ mg/L

47,3

17,09 – 86,43

12,21

75

N-NO3- mg/L

4,03

1,10 – 13,10

2,29

73

CF ulog

6,92

5,30 – 7,93

0,53

47

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Les valeurs de la DCO et de la DBO5 restent dans la gamme des valeurs de référence pour les eaux usées d’origine domestique avec un rapport moyen de DCO/DBO5 de 1,37. Ce rapport étant inférieur à 2 permet de conclure qu’il s’agit d’un influent brut facilement biodégradable (Metcalf et Eddy (1991); Gsl Memotec n°19). Avec des coefficients de variation pour la DCO, la DBO5, et les MES respectivement de 31,4 %, 37,5 %, et 38 %, ce qui révèle une situation de forte variabilité de la qualité de l’influent admis en tête de la station. Les valeurs de pH évoluent dans une gamme de 5,63 – 8,68, ce qui est de nature à favoriser le développement bactérien nécessaire à la dégradation biologique des polluants organiques.

Les charges organiques volumiques apportées par les eaux brutes sont conformes aux données de littérature qui rapportent des charges admissibles de 100 à 400 g DBO5/m3/j sur un bassin anaérobie (Arthur, 1983). Au niveau du basin facultatif, les charges surfaciques admises restent pratiquement dans les limites conventionnelles admissibles recommandées pour ce type de bassin, soit 100 - 400 kg DBO5/ha/j (Abis, 2002), exceptés les mois de janvier et février où l’on a observé un dépassement de 4,75 % par rapport à la charge maximale limite recommandée qui est de 400 kg DBO5/ha/j.

3.2 Rendements épuratoires

3.2.1 Élimination de la charge organique

Les figures 3, 4 et 5 présentent respectivement l’évolution des teneurs et des rendements épuratoires pour les MES, la DBO5 et la DCO de l’influent brut à l’entrée de la filière et de l’effluent épuré à la sortie du bassin de maturation.

Figure 3

Variation des concentrations en MES et de son taux d’abattement à travers le système.

Suspended solids (SS) variations and removal efficiency throughout the system.

Variation des concentrations en MES et de son taux d’abattement à travers le système.

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Figure 4

Variation de la DBO5 et de son taux d’abattement à travers le système.

BOD5 variations and removal efficiency throughout the system.

Variation de la DBO5 et de son taux d’abattement à travers le système.

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Figure 5

Variation de la DCO et de son taux d’abattement à travers le système.

COD variation and removal efficiency throughout the system.

Variation de la DCO et de son taux d’abattement à travers le système.

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Les rendements moyens d’abattement de la pollution sur la période de suivi sont de 66 % pour les MES, 87 % pour la DBO5 filtrée et 81 % pour la DCO. Pour la DCO et la DBO5, les rendements d’épuration ont été relativement constants dans le temps, restant respectivement dans les intervalles de (60,9 % ‑ 96,1 %] et (65,6 ‑ 96,8 %). L’écart- type et le coefficient de variation des valeurs mesurées sont respectivement de 6,2 et 7,6 % pour la DCO, 7,5 et 8,6 % pour la DBO5 filtrée. Cette constance en matière de rendement épuratoire en DCO et DBO5 filtrée confirme d’avantage la forte robustesse des systèmes naturels d’épuration des eaux usées, qui peuvent supporter des variations de charge organique tant que celle- ci reste dans la gamme de charge admissible. Pour la DBO5 filtrée de l’effluent traité, les performances épuratoires ont été supérieures à 80 % dans 83,8 % des mesures (n = 68). Le rendement moyen de 87 % d’abattement est un abattement satisfaisant relativement de même ordre de grandeur que le rendement prévu (> 90 %) pour une série convenablement dimensionnée de lagunage à microphyte (Mara et Pearson, 1998). L’efficacité du bassin anaérobie comme traitement primaire dans la série s’est traduite par une réduction significative de la pollution organique (DBO5, DCO, MES) avec des performances intrinsèques respectivement de 49,7 %, 40,2 % et 69,5 %. Signalons que dans les études antérieures, le traitement primaire dans le décanteur primaire n’a pas permis d’atteindre un niveau d’abattement satisfaisant : Radin (1990) rapporte des rendements faibles de 38 % pour les MES, et seulement 11 % pour la DCO, Klutsé (1995) rapporte un rendement de 22 % en DBO5 sur une performance globale de 76 % pour la succession ancienne décanteur primaire + BF + BM avec un temps de rétention hydraulique (TRH) de 16,2 jours. La raison fondamentale du faible rendement au niveau du décanteur primaire statique serait un défaut de soutirage régulier de boues. Celles-ci sont entraînées avec des charges trop élevées (1 500 kg/ha/jour selon Klusté, 1995) dans le bassin facultatif qui fonctionnait ainsi en surcharge. Avec l’introduction du bassin anaérobie, l’impact positif relevé est sa capacité de laminage des pics de pollution protégeant ainsi le bassin facultatif contre les à coups de charge.

Pour l’élimination des MES, le système montre de grandes fluctuations pour l’abattement global à la sortie de la station (Figure 3). À la sortie du bassin de maturation, on relève une variation importante des concentrations en MES avec un coefficient de variation de 34,3 % pour une teneur moyenne de 110 mg/L. Le minimum observé est de 4 mg/L et le maximum de 326 mg/L. Les fortes valeurs en MES de l’effluent traité ont été observées surtout en période de chaleur (mars-avril) correspondant à la période de développement abondant du phytoplancton. En effet, la période de bloom algal est caractérisée par une pollution organique de néoformation qui gêne souvent l’abattement de la pollution et peut empêcher l’atteinte des objectifs de qualité en ce qui a trait à la concentration résiduelle en MES. Ce phénomène apparaît surtout dans les bassins facultatifs et de maturation où l’on a observé par moment des teneurs en DCO, DBO5 et MES supérieures pour l’effluent en sortie de ces bassins par rapport à celles des flux entrants. La contribution de la charge algale de néoformation dans la DBO5 totale est contenue dans la DBO5 particulaire qui correspond à la différence entre la DBO5 totale et la DBO5 dissoute. Le tableau 4 présente les teneurs et les proportions de la DBO5 particulaire dans les effluents issus des bassins facultatif et de maturation.

Tableau 4

Concentrations en DBO5 particulaire (DBO5P) et leur proportion par rapport à la DBO5 totale.

Concentrations of particulate BOD5 (calculated as unfiltered BOD5 minus filtered.

 

DBO5 P mg/L

DBO5 P /DBO5 Totale en %

Bassin

Intervalle

Moyenne

Intervalle

Moyenne

Bassin facultatif

10 ‑ 235

66

9 ‑ 84

45

Bassin maturation

5 ‑ 190

55

4 ‑ 85

47

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La DBO5 particulaire atteint des valeurs beaucoup plus importantes dans le bassin facultatif que dans le bassin de maturation, respectivement (10 – 235 mg/L) et (5 – 190 mg/L).

Les concentrations résiduelles en DBO5 filtrée de l’effluent traité varient entre 10 et 220 mg/L, à comparer au seuil maximum de 25 mg/L suggéré par la réglementation européenne (Council of the European Communities, 1991). En dépit des fortes charges algales souvent observées aussi bien dans le bassin facultatif que dans le bassin de maturation, la qualité de l’effluent à la sortie en matière de MES répond fréquemment aux normes de rejet recommandées par la directive de l’Union Européenne (< 150 mg/L). Ceci est le cas dans 76 % des mesures effectuées (n = 75).

3.2.2 Élimination des nutriments

L’élimination de l’azote a été analysée sous trois formes, à savoir : l’azote total kjeldahl, l’azote ammoniacal et l’azote nitrique. Pour le phosphore, c’est le phosphore total et les ortho-phosphates qui ont été analysés. Les figures 6, 7, 8 et 9 présentent respectivement les concentrations en phosphore et en azote (moyenne, minimum et maximum) mesurées durant la période de l’étude dans les effluents bruts (EB) et les effluents issus de chaque bassin (BA, BF et BM). Les figures 10 et 11 présentent respectivement l’évolution des rendements épuratoires en azote et en phosphore durant cette période.

Figure 6

Variation des teneurs en ortho-phosphates à travers le système.

Ortho-phosphates variation throughout the system.

Variation des teneurs en ortho-phosphates à travers le système.

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Figure 7

Variation des teneurs en phosphore total à travers le système.

Total phosphorus variation throughout the system.

Variation des teneurs en phosphore total à travers le système.

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Figure 8

Variation des teneurs en azote ammoniacal à travers le système.

Ammonia nitrogen variation throughout the system.

Variation des teneurs en azote ammoniacal à travers le système.

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Figure 9

Variation des teneurs en nitrate à travers le système.

Nitrate nitrogen variation throughout the system.

Variation des teneurs en nitrate à travers le système.

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Figure 10

Rendements épuratoires en phosphore durant la période de l’étude.

Phosphorus removal efficiency during the study period.

Rendements épuratoires en phosphore durant la période de l’étude.

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Figure 11

Rendements épuratoires en azote ammoniacal et en nitrate durant la période de l’étude.

Ammonia and nitrate nitrogen removal efficiencies during the study period.

Rendements épuratoires en azote ammoniacal et en nitrate durant la période de l’étude.

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Les teneurs résiduelles moyennes en phosphore total et ortho-phosphates de l’effluent à la sortie de la filière sont respectivement de 12,5 mg/L et 4,6 mg/L. Ces valeurs sont très élevées par rapport à la limite tolérable de 0,1 mg/L en phosphore total pour un rejet d’effluents dans un milieu sensible à l’eutrophisation (Ayers et Westcot, 1985; WHO, 1989). Le niveau d’élimination du phosphore est faible et instable avec un rendement d’élimination moyen de 17,2 % pour le phosphore total et 19,2 % pour les ortho-phosphates. Des rendements négatifs en phosphore ont souvent été observés, notamment durant les périodes chaudes de mars à mai où il s’effectue des remontées de boues dans les bassins, et plus particulièrement dans le bassin anaérobie.

Les résultats des mesures des nutriments azotés présentent des niveaux d’abattement variés par bassin. C’est le cas par exemple de l’azote ammoniacal dont la teneur présente une légère augmentation dans le bassin anaérobie (Figure 8). Dans ce bassin, l’azote organique est hydrolysé en azote ammoniacal, la concentration en azote ammoniacal de l’effluent sortant peut être supérieure à celle de l’influent brut entrant. Dans notre étude, l’azote ammoniacal a évolué de 47,3 mg/L en moyenne dans l’influent brut à 51,2 mg/L en moyenne dans l’effluent à la sortie du bassin anaérobie, soit une augmentation moyenne d’environ 8,2 % dans ce bassin. Silva et al. (1995) et Mara et al. (2001) rapportent un pourcentage d’augmentation des teneurs en azote ammoniacal de 29,2 % sur un bassin anaérobie au nord-est du Brésil. À l’inverse, dans le bassin de maturation, l’élimination de l’azote est de mise, avec un abattement de 29,8 % en moyenne. En effet, les valeurs de pH variant de 7,8 à 10,3 dans ce bassin justifient amplement l’abattement de l’azote par « stripping ». Pour un temps de rétention hydraulique (TRH) total de 18 jours, le rendement cumulatif en azote ammoniacal obtenu pour l’ensemble de la filière est évalué à 38,4 % en moyenne. Selon les données de littérature, le rendement d’élimination de l’azote ammoniacal dans une filière de lagunage à microphyte est très variable. Certains auteurs aboutissent à des valeurs de rendement plus faibles, moins de 10 % (Silvaet al., 1987; Tomset al., 1975) et d’autres à des valeurs élevées de l’ordre de 95 % (Middlebrookset al., 1982) en fonction de la configuration du système et des caractéristiques de fonctionnement des bassins en série. Les valeurs de rendement les plus élevées rapportées par Middlebrookset al. (1982) sont expliquées par un TRH plus important (227 jours) dans une série de bassins de faible profondeur (1,2 m). Santos et Oliveira (1987) ont obtenu au Portugal un rendement moyen annuel de 52,4 % sur une filière en série comprenant un bassin anaérobie (TRH de 1,7 jours), un bassin facultatif (TRH de 17,3 jours) et un bassin de maturation (TRH de 9,7 jours). Silva (1982) rapporte sur une filière de cinq bassins en série (un bassin anaérobie, un bassin facultatif et trois bassins de maturation) des rendements de 32 %, 48 %, et 81 % respectivement pour des TRH de 8,5 jours, 17 jours, et 29,1 jours.

La charge en nitrate de l’influent brute entrant dans le système montre des concentrations variant de 1,10 mg/L à 13,10 mg/L avec une moyenne de 4,03 mg/L. Selon Metcalf et Eddy (1991), les nitrates sont typiquement absents dans les effluents domestiques non traités. Dans notre cas, leur présence en faible concentration pourrait être le fait d’une légère nitrification de l’effluent dans le réseau de conduite en écoulement gravitaire, et éventuellement dans la bâche de relevage d’où sont collectées les eaux usées non traitées avant être pompées vers le bassin anaérobie. Le long de la filière, l’évolution des teneurs en nitrate montre une diminution allant de 4 mg/L en moyenne dans l’effuent brut à 2,2 mg/L dans l’effluent traité. Cette évolution en décroissance des teneurs en nitrate semble être en accord avec les résultats de Ferrara et Acvi (1982) qui ont démontré avec évidences que, normalement, la nitrification ne se réalise pas de manière sensible dans les bassins de stabilisation.

Quant à l’efficacité globale du système en matière d’élimination de l’azote total kjeldahl (NTK), les mesures ont abouti à des performances moyennes d’élimination de 76 %. Ce résultat est de même ordre de grandeur que ceux suggérés par différents auteurs (70 % à 90 %) (Mara et Pearson, 1998). L’effluent traité présente en sortie des teneurs moyennes en azote total kjeldahl de l’ordre de 47,37 mg/L. Cette teneur résiduelle est très élevée par rapport à la limite tolérable de 5 mg/L d’azote total kjeldahl proposée par Ayers et Westcot (1985), et l’OMS (1989) pour un rejet d’effluent dans les écosystèmes sensibles à l’eutrophisation.

3.2.3 Élimination de la pollution bactérienne et parasitaire

L’abattement de la pollution bactérienne et parasitaire a été étudié avec comme indicateurs d’une part, les coliformes fécaux, et d’autre part, les oeufs d’helminthes et les kystes de protozoaire. Le tableau 5 présente les valeurs moyennes, maxima, minima d’Unités Format Colonies (UFC). Les mesures ont été effectuées sur 47 échantillons durant la période de l’étude sur l’eau brute et l’effluent à la sortie de chaque bassin.

Tableau 5

Variation des coliformes fécaux ( UFC/100 mL ) à travers le système.

Results for faecal coliforms (CFU/100 mL) in samples of raw sewage water and effluent from each pond.

Échantillon

Moyenne géométrique

Intervalle

n

Eaux usées brutes

1,6×107

2×105 – 8,6×107

47

Effluent Bassin Anaérobie

2,6×106

1,2×105 – 7,5×106

47

Effluent Bassin Facultatif

4,1×105

4×104 – 1,7×106

47

Effluent Bassin Maturation

5,4×103

1×103 – 3,4×105

47

n= nombre d’échantillons analysés

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Les eaux usées brutes présentent des charges en coliformes fécaux variant de 2 × 105 à 8,6 × 107 ufc avec une valeur moyenne de 1,6 × 107 ufc. Cette charge est du même ordre de grandeur que celle généralement rencontrée dans les effluents urbains (Lazarovaet al., 1998; Nigimet al.; 2002). Sur la base de la classification adoptée par Metcalf et Eddy (1991), cette charge correspondrait à la composition bactériologique type des effluents bruts d’eaux usées de la catégorie de charge faible à moyenne. Dans l’effluent traité à la sortie de la filière, la teneur résiduelle en coliformes fécaux est en moyenne de 5,4 × 103 ufc, avec un minimum de 1 × 103 ufc et un maximum de 3,4 × 105 ufc. Il a ainsi été enregistré au cours de la période de l’étude des valeurs élevées d’abattement de la charge en coliformes fécaux avec un maximum de 4,9 ulog en mai, période de forts ensoleillements et de grandes températures. Selon les directives de l’OMS, les eaux épurées ne peuvent faire l’objet de réutilisation en irrigation non restrictive que pour des charges en coliformes fécaux inférieures à 1 000 ufc/100 mL (WHO, 1989). Ainsi, les résultats issus de cette étude menée sous climat sahélien restent peu satisfaisants pour l’élimination des coliformes fécaux (selon cette directive) malgré un temps de séjour moyen de 18 jours dans les trois bassins. Les résultats de cette étude sont toutefois légèrement meilleurs par rapport à ceux obtenus par Maderaet al. (2002) sur une filière similaire en climat tropical humide en Colombie. Avec un temps de séjour total de 12 jours, les auteurs rapportent des concentrations résiduelles en coliformes fécaux de l’ordre 6,6 × 103 ufc.

Sur le plan de la pollution parasitaire, les analyses ont révélé sur les eaux usées brutes, la présence d’oeufs d’helminthes parasites (Ankylostome, Ascaris, Tricocéphale), des larves d’anguillules et des kystes de protozoaires (Entamoeba coli, Entamoeba histolytica). La charge de l’eau brute en oeufs d’helminthes et de larves est faible, de l’ordre de 1 en moyenne par litre. Pour les kystes d’ascaris, la valeur obtenue est de deux unités en moyenne par litre, tandis que pour les kystes d’Entamoeba coli, les valeurs obtenues varient de 6 à 272 kystes par litre. Le tableau 6 présente les valeurs moyennes pour les indicateurs de pollution parasitaire.

Tableau 6

Évolution des concentrations en parasites à travers le système.

Concentration of parasites (helminth eggs and protozoa cysts) in raw wasterwater and effluent from each pond.

Parasites

Eaux brutes

Bassin Anaérobie

Bassin Facultatif

BM

 

 

 

Moyenne

Intervalle

Moyenne

Intervalle

Moyenne

Intervalle

moyenne

n

Ankylostome

(oeuf/litre)

1

0 ‑ 4

0

0

0

0

0

25

Ascaris

(oeuf/litre)

2

0 ‑ 10

1

0 ‑ 4

1

0 ‑ 1

0

25

Tricocéphale

(oeuf/litre)

1

0 ‑ 1

0

0

0

0

0

25

Anguillule

(larve/litre)

1

0 ‑ 5

0

0

0

0

0

25

E coli

(kyste/litre)

20

6 ‑ 272

3

0 ‑ 8

0

0

0

25

E histolytica

(kyste/litre)

21

2 ‑ 55

1

0 ‑ 3

0

0

0

25

BM = Bassin de maturation, E coli= entamoeba coli, E histolitica= Entamoeba histolitica.

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On peut noter qu’au stade primaire du traitement déjà (au niveau du bassin anaérobie) les oeufs d’Ankylostomes et de Tricocéphale sont entièrement éliminés, les autres parasites y sont partiellement éliminés à hauteur de 60 % à 100 % pour les oeufs d’ascaris, 80 % à 100 % pour les kystes d’Entamoéba coli et 90 % à 100 % pour les kystes d’Entamoeba Histolitica. Sur l’ensemble des échantillons analysés (n = 25), l’effluent à la sortie de la filière est resté exempt de parasites, soit un rendement constant de 100 %. La nouvelle filière de trois bassins en série (avec un traitement primaire dans un bassin anaérobie) a permis d’obtenir des rendements optimaux d’élimination de la charge parasitaire par rapport à une ancienne configuration de deux bassins en séries testée par Klutséet al. (1995) dans les mêmes conditions climatiques sahéliennes. Sur des eaux usées domestiques préalablement traitées par un décanteur primaire puis soumises à épuration pendant 16,2 jours dans une série de lagunage (constituée d’un bassin facultatif et d’un bassin de maturation) l’auteur rapporte des rendements globaux de 94 % d’élimination des oeufs d’helminthe et de kyste de protozoaire. L’approche évolutive dans la conception des installations dans notre étude montre bien l’importance d’un traitement primaire dans un bassin anaérobie dans la réduction de la pollution parasitaire sous climat sahélien. Vu les teneurs résiduelles en coliformes fécaux, l’effluent en sortie de la filière de trois bassins en série de 2IE peut être classé en catégorie B (recommandation de l’OMS pour la réutilisation agricole des eaux usées, 1989); C’est‑à‑dire que cette réutilisation ne peut être envisagée que pour les céréales, les fourrages, les arbres fruitiers et les cultures industrielles.

4. Conclusion

L’étude a permis d’évaluer les performances épuratoires d’une série de trois bassins de lagunage à microphytes sous climat sahélien. Les résultats présentent des rendements épuratoires satisfaisants pour l’élimination des matières en suspension en accord avec les normes de rejet des effluents de lagunage recommandées par l’Union Européenne. L’élimination de la DBO5 reste partielle et les valeurs résiduelles de la DBO5 filtrée sont en grande partie au‑dessus des niveaux recommandés par l’Union Européenne.

L’élimination des nutriments (en azote et en phosphore) est très faible. Les concentrations résiduelles restent très élevées dans l’effluent traité et pourraient constituer un grand risque d’eutrophisation pour des rejets dans un écosystème aquatique. Cependant, ils constitueront un apport intéressant de fertilisation en nutriments azotés et phosphorés dans le cas d’une réutilisation en agriculture urbaine.

L’abattement de la pollution bactérienne est peu satisfaisant. La charge résiduelle moyenne en coliformes fécaux dans l’effluent traité reste encore relativement élevée (5,4 × 103 ufc/100 ml) par rapport à la directive OMS (≤ 1 000 ufc/100 mL) pour une irrigation non restrictive. Le rendement épuratoire enregistré est de 100 % pour l’élimination des parasites (oeufs d’helminthes et kystes de protozoaire). L’absence totale de parasites dans l’effluent traité durant toute la période de l’étude permet de le classer en catégorie B du classement OMS des eaux, pour une irrigation restrictive notamment. Elles sont donc seulement adaptées pour des produits destinés au bétail ou pour des cultures fruitières. Pour des usages qui sortent de cette catégorie comme le maraîchage (activité couramment menée à Ouagadougou), il convient de mettre en place un système de traitement quaternaire comme la filtration sur gravier après le bassin de maturation. Le 2IE entame cette étude dès l’année 2007.