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1. Introduction

Les systèmes endocriniens jouent un rôle essentiel dans la régulation des procédés métaboliques. Une perturbation de n’importe lequel de ces systèmes peut provoquer des effets néfastes sur différents organes et fonctions de l’organisme (WHO, 2002). L’agence de la protection de l’environnement des États-Unis (U.S. EPA) a proposé une définition détaillée d’un perturbateur endocrinien (EDC) : « un perturbateur endocrinien est un agent exogène, qui interfère avec la synthèse, la sécrétion, le transport, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles présentes dans l’organisme, qui sont responsables de la maintenance de l’homéostasie, de la reproduction, du développement et/ou du comportement » (U.S. EPA, 1997).

Les hormones stéroïdiennes naturelles (estrone - E1, 17β-estradiol - βE2, estriol - E3) et synthétiques (17α-ethinylestradiol - EE2) (Tableau 1) correspondent aux EDCs, qui contribuent le plus à l’activité oestrogénique observée dans les effluents domestiques (AERNI et al., 2004; LEUSCH et al., 2005; RODGERS-GRAY et al., 2000) et les eaux réceptrices (BELFROID et al., 1999; TERNES et al., 1999a). Généralement, les xéno-estrogènes, tels que les alkylphénols, exhibent une activité oestrogénique plus faible que les hormones stéroidiennes (Figure 1), même si leur concentration dans les eaux est normalement plus élevée (GUTENDORF ET WESTENDORF, 2001; SPENGLER et al., 2001). Par ailleurs, il a récemment été montré que les estrogènes sécrétés par les humains, via les systèmes d’eaux usées, sont les principaux composés causant la féminisation des poissons (DEPA, 2003). La source la plus susceptible des estrogènes dans l’environnement aquatique est la décharge des effluents municipaux (JÜRGENS et al., 2002), ainsi que le ruissellement urbain et agricole (LAYTON et al., 2000).

Tableau 1

Propriétés physico-chimiques des estrogènes naturels et synthétiques.

Physico-chemical proprieties of natural and synthetic estrogens.

 

Structure

Formule

Masse molaire

(g/mol)

Solubilité dans l’eau

(mg/L)

pKa

Log (Kow)

E1

forme: 015739aro001n.png

C18H22O2

270,37

0,8‑13[1,2]

10,3‑10,8[1]

2,45‑4,54[2,5,6]

βE2

forme: 015739aro002n.png

C18H24O2

272,38

3,9‑13,3[1,2]

10,5‑10,7[1]

3,10‑4,01[2,5,7]

αE2

forme: 015739aro003n.png

C18H24O2

272,38

-

-

4,01[9]

E3

forme: 015739aro004n.png

C18H24O3

288,38

3,2‑13,3[1]

10,4[1]

2,55‑2,81[2,5]

EE2

forme: 015739aro005n.png

C20H24O2

296,41

4,8[2,3]

10,4[4]

3,67‑4,15[2,5,7,8]

[1] HANSELMAN et al., 2003; [2] LAI et al., 2000; [3] LEE et al., 2003; [4] HUBER et al., 2003; [5] SAYLES, 2001; [6] Estimé par NGHIEM et al., 2004; [7] YOON et al., 2003; [8] TERNES et al., 1999b; [9] DEPA, 2003.

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Figure 1

Activités estrogéniques relatives à βE2 de quelques EDCs (compilé de GUTENDORF ET WESTENDORF, 2001).

Relative estrogenic activity to βE2 of some EDCs (compiled from GUTENDORF ET WESTENDORF, 2001).

Activités estrogéniques relatives à βE2 de quelques EDCs (compilé de GUTENDORF ET WESTENDORF, 2001).

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Les êtres humains sécrètent des hormones stéroïdiennes, principalement via les urines (JÜRGENS et al., 2002; YING et al., 2002). Les trois estrogènes naturels (E1, βE2, E3) sont des hormones stéroïdiennes femelles, qui sont produites naturellement par les êtres humains femelles et mâles (Tableau 2). De plus, les estrogènes naturels et synthétiques sont utilisés en large quantité dans les médicaments, comme les contraceptifs. Approximativement 65 % du βE2 ou du E1 (DEPA, 2002) et 26 % du EE2 (REED et al., 1972, cité par JOHNSON et al., 2000) administrés oralement sont sécrétés dans les urines. D’ailleurs, les contraceptifs oraux sont les produits pharmaceutiques les plus vendus dans le monde. Il est évalué que plus de 100 millions de femmes dans le monde (POPULATION REPORTS, 2000), dont plus de 10 millions aux États-Unis (ARCAND-HOY et al., 1998), ont recours aux pilules contraceptives.

En outre, la sécrétion des estrogènes naturels (E1, βE2 et le 17α-estradiol - αE2 (Tableau 1), ainsi que leurs conjugués) par les animaux de ferme représente potentiellement une source importante de pollution de l’environnement (DEPA, 2003; HANSELMAN et al., 2003; KOLODZIEJ et al., 2004; LEE et al., 2003; SARMAH et al., 2005; YING et al., 2002). De plus, l’engrais de bétail contient des quantités significatives en βE2, en E1 et en E3, qui peut, par épandage agricole, potentiellement contaminer les eaux de surface et souterraines (HANSELMAN et al., 2003; LEE et al., 2003).

Tableau 2

Estrogènes sécrétés dans les urines de l’être humain (en µg/L).

Estrogens excretion in human urines (in µg/L).

 

Homme

Femme

Ménopausée

Pendant les menstruations

Enceinte

E1

3,9[3]

4[3]

8[3]

10-100[1]

600[3]

βE2

1,6[3]

2,3[3]

3,5[3]

10-100[1]

259[3]

E3

1,5[3]

1[3]

4,8[3]

10-100[1]

6000[3]

EE2

-

-

-

10-100[1]

-

Estrogène

2-25[2]

5-10[2]

-

-

30 mg/j[1] (principalement du E3)

[1] BARONTI et al., 2000; [2] DEPA, 2003; [3] Estimé par JOHNSON et al., 2000,

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Les quantités d’estrogènes sécrétées par les animaux de ferme dépendent de l’espèce et du type de production animale (Tableau 3). Par conséquent, les évaluations des quantités totales sécrétées sont entourées d’incertitudes, de plus que les différences régionales dans la pratique agricole animale doivent être considérées (DEPA, 2003). Par ailleurs, en raison de la nature de la matrice et de la difficulté qui en résulte pour détecter les estrogènes, très peu d’investigations sont effectuées sur la détermination des concentrations en estrogènes d’origine animale dans le fumier et le sol.

D’autre part, le traitement des bétails avec des hormones naturelles ou synthétiques est un procédé fréquemment employé pour production animale dans certains pays, afin de contrôler le cycle oestral, de traiter les problèmes de reproduction et provoquer l’avortement (REFSDAL, 2000). Cependant, cette pratique pourrait considérablement augmenter la génération d’hormones stéroïdiennes dans les urines des bétails (YING et al., 2002).

L’aquaculture représente une autre source d’hormones stéroïdiennes pour les eaux de surface (KOLODZIEJ et al., 2004). En effet, KOLODZIEJ et al. (2004) ont noté que les concentrations en βE2 et E1 observées au niveau des effluents des industries d’aquaculture sont comparables aux concentrations typiquement observées dans les effluents des stations de traitement des eaux usées (STEPs) municipales.

2. Les traitements des stations d’épuration

La présence d’estrogènes dans les eaux de surface a été principalement allouée à leur enlèvement incomplet dans les procédés de traitement des eaux usées (DEPA, 2002; KÖRNER et al., 2000; LAYTON et al., 2000). En effet, bien qu’un enlèvement partiel des estrogènes a lieu, les systèmes conventionnels de traitement des eaux usées ne sont pas généralement conçus pour enlever ce type de composés (FILALI-MEKNASSI et al., 2004a; JÜRGENS et al., 2002).

De récentes recherches ont donc montré que plusieurs affluents et effluents de STEPs (Tableaux 4 et 5) et plusieurs rivières (Tableau 6) à travers le monde contiennent des quantités en estrogènes suffisantes pour induire des effets néfastes chez les poissons. Plusieurs études (HARRIES et al., 1997; WHITE et al., 1994) ont montré que des poissons mâles de rivière produisent de la vitellogénine (VTG), une protéine précurseur du vitellus, quand ils sont exposés à des effluents d’eaux usées ou à des eaux de surface souillées. La VTG est une protéine seulement présente chez les poissons femelles, qui est induite par une activité oestrogénique. Ainsi, sa présence chez les poissons mâles suggère une exposition à des produits chimiques oestrogéniques (JOHNSON et SUMPTER, 2001). Des études sur le terrain employant des cages contenant des truites (Oncorhynchus mykiss), des gardons cyprinicoles sauvages (Rutilus rutilus) (JOBLING et al., 1998) et des flets marins (Platichthys flessus) (ALLEN et al., 1999) ont démontré que l’oestrogénicité persiste dans les eaux réceptrices, et les niveaux présents dans les rivières sont assez élevés pour induire des conséquences sérieuses sur la reproduction des espèces. De plus, les estrogènes naturels et synthétiques semblent être les principaux responsables de la perturbation endocrinienne chez les poissons (DESBROW et al., 1998; ROUTLEDGE et al., 1998). En effet, HANSEN et al. (1998) et PURDOM et al. (1994) ont remarqué que des concentrations en βE2 aussi faibles que 1 ng/L induisent de la VTG chez les truites mâles. Dans l’étude réalisée par PURDOM et al. (1994), le composé EE2 a pu induire de la VTG chez les poissons mâles à partir d’une concentration de 0,1 ng/L. Les différentes limites oestrogéniques pouvant induire de la VTG chez un organisme sont synthétisées dans le tableau 7. Ainsi, les concentrations d’estrogènes relevées dans les rivières (Tableau 6) sont généralement supérieures à la plus faible concentration pouvant induire un effet oestrogénique chez les organismes aquatiques exposés (Tableau 7). De plus, beaucoup de communautés mondiales, dont l’Europe, utilisent, pour leur production d’eau potable, des ressources en eau provenant, en grande partie, des rivières et des nappes phréatiques (FILALI-MEKNASSI et al., 2004a).

Tableau 3

Estimation des concentrations en estrogènes sécrétés par des animaux de ferme.

Assessment of estrogens concentrations excreted by farm animals.

 

 

Estrogène

E1

βE2

αE2

Animaux domestiques

Vache

Selles

30µg/kg[3]

299µg/j

2,7mg/j*[2]

-

-

-

-

-

-

Urine

15µg/L[3]

-

-

-

-

-

-

-

1,3mg/j[3]

-

-

-

13ng/L[1]

-

-

-

Truie

Selles

5,65‑11,3µg/kg

1,13mg/kg*[3]

120µg/j

192µg/j*[2]

-

-

-

-

-

-

Urine

-

-

-

-

-

-

Brebis

Selles

-

23µg/j

52µg/j*[2]

-

-

-

-

-

-

Urine

-

-

-

-

-

-

-

Poule

Selles

-

20µg/j[2]

-

-

-

-

-

-

Urine

-

-

-

-

-

-

-

Déchets

-

-

14‑533ng/g[4]

-

-

44ng/g[4]

-

-

Animal

Fumier

-

-

-

28‑72ng/g[5]

-

-

46‑50ng/g[5]

120‑190ng/g[5]

Pays de l’étude

Pays-Bas

Allemagne

Australie

Pays-Bas

-

Australie

Pays-Bas

* Femelle en gestation [1] ERB et al., 1977, cité par YING et al., 2002, [2] LANGE et al., 2002, [3] OKKERMAN et al., 2003, cité par DEPA, 2003, [4] SHEMESH et SHORE, 1994, cité par YING et al., 2002, [5] VETHAAK et al., 2002, cité par DEPA, 2003.

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Tableau 4

Concentrations en estrogènes à l’affluent des STEPs.

STEPs influent concentration of estrogens.

Lieu d’échantillonnage

Concentrations à l’affluent (ng/L)

Méthode d’analyse

Référence

E1

βE2

αE2

E3

EE2

Paris, France

9,6‑17,6

11,1‑17,4

-

11,4‑15,2

4,9‑7,1

SPE/GC‑MS

CARGOUËT et al., 2004

Danemark

19‑75

6,1‑27

-

-

<1‑4,8

-

DEPA, 2004

Pays-Bas

20‑130

17‑150

<0,7‑15

-

<0,3‑5,9

SPE/GC‑MS‑MS

VETHAAK et al., 2005

Angleterre

1,8‑4,1

<0,3

-

-

<LOD*

SPE/GC‑MS‑MS

FAWELL et al., 2001

Allemagne

66

22,7

-

-

-

SPE/LC‑MS‑MS

JOHNSON et al., 2000

Italie

52

12

-

80

3

SPE/LC‑MS‑MS

BARONTI et al., 2000

Rome, Italie

31

9,7

-

57

4,8

SPE/LC‑MS‑MS

JOHNSON et al., 2000

Rome, Italie

44

11

-

72

-

SPE/LC‑MS‑MS

D’ASCENZO et al., 2003

Italie centrale

15‑60

10‑31

-

23‑48

n.d.

SPE/LC‑MS‑MS

LAGANÀ et al., 2004

Barcelone, Espagne

<2,5‑115

<5‑30,4

-

<0,25‑70,7

<5

SPE/LC‑MS

PETROVIC et al., 2002

Japon

-

20‑94

-

-

-

SPE/ELISA

NASU et al., 2001

Japon

-

5

-

-

-

SPE/ELISA

BEHNISCH et al., 2001

Canada

19‑78

2,4‑26

-

-

-

SPE/GC‑MS

SERVOS et al., 2005

n.d. : non detecté, * 0,3 ng/L, ELISA : « Enzyme-Linked Immunosorbent Assay », GC-MS : Chromatographie en phase gazeuse - spectrométrie de masse, LC-MS : Chromatographie en phase liquide - spectrométrie de masse, LOD : Limite de détection, SPE : extraction en phase solide.

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Tableau 5

Concentrations en estrogènes à l’effluent des STEPs.

STEPs effluent concentration of estrogens.

Lieu d’échantillonnage

Concentrations à l’effluent (ng/L)

Méthode d’analyse

Référence

E1

βE2

αE2

E3

EE2

Paris, France

6,2‑7,2

4,5‑8,6

-

5,0‑7,3

2,7‑4,5

SPE/GC‑MS

CARGOUËT et al., 2004

Pays-Bas

<0,4‑47

<0,6‑12

<0,1‑5

-

<0,2‑7,5

SPE/GC‑MS‑MS

BELFROID et al., 1999

Suède

5,8

1,1

-

-

4,5

SPE/GC‑MS

LARSSON et al., 1999

Angleterre

1,4‑76

2,7‑48

-

-

<LOD[1]‑4,3

SPE/GC‑MS

DESBROW et al., 1998

Angleterre

6,4‑29

1,6‑7,4

-

2‑4

<LOD[2]

SPE/GC‑MS

XIAO et al., 2001

Allemagne

7

6

-

3

3

SPE/HRGC‑MS

KUCH et BALLSCHMITER, 2001

Allemagne (SO)

<LOD[3]‑18

<LOD[4]‑15

-

-

<LOD[4]‑12

SPE/GC‑MS

SPENGLER et al., 2001

Rome, Italie

17

1,6

-

2,3

-

SPE/LC‑MS‑MS

D’ASCENZO et al., 2003

Italie centrale

5‑30

3‑8

-

n.d.‑1

n.d.

SPE/LC‑MS‑MS

LAGANÀ et al., 2004

Barcelone, Espagne

<2,5‑8,1

<5‑14,5

-

<0,25‑21,5

<5

SPE/LC‑MS

PETROVIC et al., 2002

Japon

2,5‑34

0,3‑2,5

-

-

-

SPE/LC‑MS‑MS

ISOBE et al., 2003

Ontario, Canada

3*

6*

-

-

9*

SPE/GC‑MS‑MS

TERNES et al., 1999a

Canada

1‑96

0,2‑14,7

-

-

-

SPE/GC‑MS

SERVOS et al., 2005

[1] 0,2 ng/L, [2] 0,05 ng/L, [3] 0,7 ng/L, [4] 0,4 ng/L

HRGC-MS : Chromatographie en phase gazeuse à haute résolution- spectrométrie de masse.

* Valeurs médianes données par les auteurs.

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Tableau 6

Concentrations en estrogènes présents dans les rivières.

River water concentration of estrogens.

Lieu d’échantillonnage

Concentrations (ng/L)

Méthode d’analyse

Référence

E1

βE2

αE2

E3

EE2

Paris, France

1,1‑3,0

1,4‑3,2

-

1,0‑2,5

1,1‑2,9

SPE/GC‑MS

CARGOUËT et al., 2004

Pays-Bas

<0,1‑3,4

<0,3‑5,5

<0,1‑3

-

<0,1‑4,3

SPE/GC‑MS‑MS

BELFROID et al., 1999

Angleterre

0,2‑10

<LOD[1]‑7,1

-

<LOD[2]‑3,1

<LOD[3]

SPE/GC‑MS

XIAO et al., 2001

Allemagne

<LOD[4]

<LOD[4]

-

-

<LOD[4]

SPE/GC‑MS‑MS

TERNES et al., 1999a

Rome, Italie

1,5

0,11

-

0,33

0,04

SPE/LC‑MS‑MS

BARONTI et al., 2000

Italie centrale

5‑12

2‑6

-

2‑5

n.d.‑1

SPE/LC‑MS‑MS

LAGANÀ et al., 2004

Espagne (NE)

4,3

6,3

-

8

-

SPE/LC‑MS

PETROVIC et al., 2002

Japon

-

<LOD[5]

-

-

-

SPE/ELISA

BEHNISCH et al., 2001

Japon

0,2‑6,6

0,6‑1,0

-

-

-

SPE/LC‑MS‑MS

ISOBE et al., 2003

USA

27*

9*

30*

19*

73*

LLE/GC‑MS

KOLPIN et al., 2002

California, USA

-

0,05‑0,8

-

-

<0,05‑0,07

SPE/ELISA

HUANG ET SEDLAK, 2001

California, USA

-

0,38

-

-

-

SPE/GC‑MS‑MS

HUANG ET SEDLAK, 2001

[1] 0,03 ng/L, [2] 0,06 ng/L, [3] 0,05 ng/L, [4] 0,5 ng/L, [5] 1 ng/L.

LLE : extraction en phase liquide.

* Valeurs médianes données par les auteurs.

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2.1 Les traitements conventionnels

Très peu de données existent sur le devenir des estrogènes le long des procédés des STEPs (DEPA, 2003; TERNES et al., 1999b). De plus, une grande ambiguïté persiste sur les processus d’enlèvement mis en jeu (Tableau 8), et selon les auteurs, les proportions d’enlèvement entre la sorption et la biodégradation sont variables. Il est donc nécessaire d’approfondir les connaissances concernant les mécanismes d’enlèvement afin d’améliorer l’efficacité des systèmes de traitement existants.

2.1.1 Traitements physiques

Les techniques mécaniques de séparation, comme la sédimentation, provoqueraient un enlèvement significatif des estrogènes de la phase aqueuse vers les boues primaires et secondaires (BIRKETT et LESTER, 2003). La caractéristique principale, qui détermine le devenir d’un contaminant donné dans l’eau, est sa capacité à réagir à des substances particulaires. Ces substances particulaires peuvent être naturelles (argile, sédiments, micro-organismes) ou ajoutées pendant le traitement (boues activées, charbon actif en poudre, résine échangeuse d’ions, coagulants) (SCHÄFER et WAITE, 2002). La solubilité aqueuse, le coefficient de partage organique carbone/eau (KOC) et le coefficient de partage octanol-eau (KOW, Tableau 1) influencent la sorption d’un composé pendant le traitement (BIRKETT et LESTER, 2003). Les valeurs du log(KOW) des estrogènes indiquent que ces composés devraient sensiblement s’adsorber sur les sédiments et les boues (TERNES et al., 2002). Cette hypothèse est confortée par la détection de concentrations élevées en estrogènes dans l’eau provenant de la déshydratation des boues d’épuration (MATSUI et al., 2000) et dans les boues d’épuration digérées (TERNES et al., 2002). En plus de la sorption sur les solides en suspension comme mécanisme d’enlèvement, il est possible que les composés puissent être adsorbés sur des corps gras non polaires ainsi que des lipides présents dans les eaux usées brutes (BIRKETT et LESTER, 2003).

Tableau 7

Les plus basses concentrations observées, induisant de la VTG chez les organismes aquatiques.

The lowest concentrations inducing VTG in aquatic organisms.

 

Niveau (ng/L)

Organismes étudiés

Référence

βE2

1

Truites mâles

PURDOM et al., 1994; HANSEN et al., 1998

1-10

Poissons mâles

ROUTLEDGE et al., 1998; PETROVIC et al., 2002

EE2

1

Poissons tête-de-boule (Pimephales promelas)

PAWLOWSKI et al., 2004

0,1

Poissons mâles

PURDOM et al., 1994; METCALFE et al., 2001

0,1-10

Poissons et organismes aquatiques

ROUTLEDGE et al., 1998; LARSSON et al., 1999

Estrogènes naturels et synthétiques

<0,1

Poissons mâles

DEPA, 2003

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Tableau 8

Ambiguïté sur les processus d’enlèvement des estrogènes.

Issue concerning the removal process of estrogens.

 

Sorption

Biodégradation

Soluble

Référence

E3

-

80-95 %

-

LEE ET PEART, 1998

-

95 %

-

BARONTI et al., 2000

E1

-

(E1)1

-

JOHNSON ET SUMPTER, 2001

βE2

(βE2)1

-

-

JOHNSON ET SUMPTER, 2001

-

90 %

-

TERNES et al., 1999a

28 %

-

-

KOZAK et al., 2001

EE2

68 %

-

-

KOZAK et al., 2001

-

20 %

-

DEPA, 2003

Quantité importante

10 %

Majorité

MASTRUP et al., 2001

Équivalent en βE2

3 %2

87 %2

-

KÖRNER et al., 2000

1Johnson et Sumpter (2001) ne donnent pas un pourcentage précis mais rapporte que βE2 est adsorbé alors que E1 est biodégradé.

2 Sur la base de l’activité estrogénique.

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Les composés organiques à l’état de trace, tels que les hormones stéroïdiennes naturelles, peuvent être également enlevés en utilisant la nanofiltration (NF) ou l’osmose inverse (RO) et peuvent ainsi s’accumuler dans le résidu solide concentré (SCHÄFER et al., 2003). La microfiltration (MF) et l’ultrafiltration (UF) n’enlèvent pas normalement les petits composés polaires, cependant SCHÄFER et WAITE (2002) ont observé que l’enlèvement des contaminants à l’état de trace par des membranes submergées de MF et d’UF était aussi élevé que lors d’un traitement avec du charbon actif en poudre (PAC). Cet enlèvement était élevé pour des valeurs de pH faibles et neutres, alors qu’il était sensiblement plus faible à un pH supérieur à 10,5. Les études de CHANG et al. (2002) sur la MF ont confirmé que des concentrations significatives d’hormones stéroïdiennes naturelles, telles que E1, pouvaient s’accumuler sur les membranes hydrophobes à fibres creuses grâce à la sorption. Par ailleurs, SNYDER (2002) a observé que quand les molécules prennent une charge négative à pH élevé, une répulsion entre la membrane chargée négativement et les anions organiques cause la réduction de l’adsorption lors d’un procédé de NF, et le transport des particules est alors facilité par les membranes. Cependant, il n’y a aucun effet du pH sur la rétention quand les pores sont plus petits que les contaminants, et dans ce cas, la membrane est une barrière efficace indépendamment des interactions chimiques (SNYDER, 2002).

SCHÄFER et al. (2002) ont également montré que la présence de substances particulaires, qui adsorbent de tels contaminants, peut, de manière significative, augmenter la capacité d’une MF, d’une UF, et d’une NF, pour enlever les contaminants à l’état de trace. Ainsi, un prétraitement approprié des eaux usées suivi d’un procédé hybride - MF ou UF combiné avec, par exemple, du PAC, un coagulant ou une résine échangeuse d’ion (MIEX) - pourrait enlever une quantité considérable de contaminants de petite taille, tels que les hormones stéroïdiennes (SCHÄFER et al., 2002). En effet, SCHÄFER et al. (2001) ont montré qu’un procédé hybride couplant une MIEX à une MF a permis une adsorption jusqu’à 70 % de E1. Par ailleurs, ONG et al. (2001) ont signalé que le procédé hybride PAC, couplé à une MF, s’est avéré très efficace pour l’enlèvement de E1 (jusqu’à 90 %) pour les conditions étudiées.

Il est donc important de comprendre les effets de rétention, d’adsorption et de désorption avant de choisir la membrane, qui doit agir comme une barrière fiable aux contaminants (SCHÄFER et WAITE, 2002). De ce fait, des recherches sur les aspects fondamentaux et appliqués du procédé membranaire pourront mener à une optimisation de son efficacité et contribuer à l’amélioration des stratégies de traitements (FILALI-MEKNASSI et al., 2004a).

2.1.2 Traitements chimiques

Des recherches comparatives ont été menées sur les adsorbants utilisés communément dans l’industrie de traitement des eaux, incluant le PAC, le chlorure ferrique (FeCl3) et le MIEX, qui permettent généralement d’enlever des contaminants de petite taille, tels que les hormones stéroïdiennes (SCHÄFER et WAITE, 2002). De plus, Les résultats ont démontré que le FeCl3 et le MIEX ne sont pas très adéquats pour enlever les estrogènes. Par contre, ONG et al. (2001) et SCHÄFER et WAITE (2002) ont montré que le PAC est très efficace vis‑à‑vis de l’enlèvement de E1. Par ailleurs, ZHANG et ZHOU (2005) ont remarqué que la capacité d’adsorption du charbon actif, pour l’enlèvement de E1 et βE2, décroît lorsque que des surfactants et/ou de l’acide humique sont présents.

2.1.3 Traitements biologiques

Dans une étude sur la distribution en E1 et en βE2 dans 18 stations municipales de traitement d’eaux usées à travers le Canada, SERVOS et al. (2005) ont noté que le lit bactérien n’a permis aucun enlèvement significatif du βE2. De plus, SVENSON et al. (2003) ont rapporté que les lits bactériens étaient moins efficaces que les systèmes à boues activées pour l’enlèvement de l’activité oestrogénique, et les taux d’enlèvement les plus élevés ont été obtenus dans les stations de traitement utilisant des procédés combinant des traitements biologique et chimique de la matière organique, de l’azote et du phosphore. Par ailleurs, SERVOS et al. (2005) ont rapporté que les lagunes étaient généralement très efficaces pour l’enlèvement du βE2 (80 % à 98 % d’enlèvement), et que les stations avec un procédé de nitrification avaient permis une augmentation du taux d’enlèvement des hormones et de leur activité oestrogénique.

Cependant, le procédé à boue activée ne permet pas une complète biodégradation ou conversion en biomasse des composés organiques présents à l’affluent des STEPs. En effet, les estrogènes retrouvés dans les effluents des STEPs sont des sous-produits d’une décomposition incomplète (JOHNSON et SUMPTER, 2001). Les études en batch réalisées par JOHNSON et SUMPTER (2001) ont indiqué que E1 et EE2 ne sont pas complètement éliminés dans un traitement à boue activée, dans les configurations actuelles du procédé. Les données recueillies (Tableaux 9 et 10) suggèrent que les procédés à boue activée peuvent enlever plus de 60 % de βE2, de E3 et de EE2, tandis que les performances d’enlèvement pour E1 apparaissent être plus faibles et beaucoup plus variables. De plus, BARONTI et al. (2000) ont relevé, dans six STEPs employant un système à boues activées, que dans quatre tests sur trente, les concentrations à l’effluent en E1 étaient encore plus élevées que les concentrations à l’affluent.

JOHNSON et SUMPTER (2001) et ONDA et al. (2003) ont conclu qu’il est nécessaire de considérer le procédé de conversion du βE2 en E1. En effet, les résultats en batch obtenus par ESPERANZA et al. (2004) et ONDA et al. (2003) ont indiqué que βE2 était transformé en E1, comme produit intermédiaire. LEE et LIU (2002) ont examiné le devenir du βE2 dans des réacteurs à boues activées aérobies et anaérobies, et ont observé une rapide dégradation du βE2 en E1, mais n’ont pas observé la formation d’autres métabolites majeurs et/ou stables. De plus, chez les humains et les animaux, les estrogènes sont sécrétés dans les urines comme glucuroconjugués ou conjugués sulfatés (JÜRGENS et al., 2002; LAYTON et al., 2000). Sur cette base, JOHNSON et SUMPTER (2001) ont présumé que le comportement anormal du composé E1 libre observé dans leur étude et dans celles de BARONTI et al. (2000) et SHORE et al. (1993), était le résultat d’une déconjugaison microbienne du conjugué E1 - estrone‑3‑sulfate (E1‑3S) - pendant le traitement à boues activées de la STEP. En effet, un certain nombre d’études ont suggéré que la déconjugaison pourrait se produire à travers les procédés microbiens dans les STEPs (ALLEN et al., 1999; DESBROW et al., 1998; JÜRGENS et al., 2002; LAYTON et al., 2000; TERNES et al., 1999b; TYLER et ROUTLEDGE, 1998) et dans les rivières (ALLEN et al., 1999). La figure 2 représente une schématisation simplifiée du cheminement du βE2 et de E1 durant un procédé biologique.

Tableau 9

Enlèvement des estrogènes durant un procédé à boue activée de STEPs.

Estrogens removal during activated sludge process of STEPs.

 

Concentrations (ng/L)

Enlèvement (%)

Type de matrice

Références

Affluent

Effluent

βE2

11

1,6

86

Eaux usées municipales

D’ASCENZO et al., 2003

9,7

4

59

Eaux usées domestiques

JOHNSON et al., 2000

28,1

1,2

96

Eaux usées domestiques

ONDA et al., 2003

-

-

100

Eaux usées municipales

TERNES et al., 1999b

E1

44

17

61

Eaux usées municipales

D’ASCENZO et al., 2003

31

24

23

Eaux usées domestiques

JOHNSON et al., 2000

43,1

12,3

69

Eaux usées domestiques

ONDA et al., 2003

-

-

83

Eaux usées municipales

TERNES et al., 1999b

E3

72

2,3

97

Eaux usées municipales

D’ASCENZO et al., 2003

57,3

11,7

80

Eaux usées domestiques

JOHNSON et al., 2000

381,5

5,6

99

Eaux usées domestiques

ONDA et al., 2003

EE2

4,8

1,4

71

Eaux usées domestiques

JOHNSON et al., 2000

-

-

78

Eaux usées municipales

TERNES et al., 1999b

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Par ailleurs, la forme des estrogènes influence considérablement le pouvoir oestrogénique du composé. MATSUI et al. (2000) ont comparé l’activité oestrogénique de divers estrogènes. Les auteurs ont conclu que les potentiels oestrogéniques des formes conjuguées des estrogènes sont visiblement très inférieurs aux activités oestrogéniques des formes non conjuguées. Le clivage du glucuroconjugué pendant le traitement peut donc considérablement augmenter l’activité oestrogénique de l’effluent (SERVOS et al., 2005). Cependant, la conjugaison augmente sa solubilité dans l’eau et ainsi ces composés deviennent plus mobiles dans l’environnement que les hormones libres correspondantes (KOZAK et al., 2001).

De même, l’hormone synthétique EE2 est métabolisée dans le corps humain avant sa sécrétion. Elle se retrouve alors surtout sous la forme conjuguée (CARR et al., 1998; JÜRGENS et al., 2002). Dans un système à boues activées, TURAN (1995) n’a rapporté aucun changement dans la concentration en EE2 après plus de 120 heures de traitement. D’autre part, dans des expériences en laboratoire avec des boues activées provenant de STEPs municipales, TERNES et al. (1999b) ont confirmé, sous condition aérobie, la persistance du EE2. Cependant, quand VADER et al. (2000) ont ajouté de l’hydrazine, en tant que donneur externe d’électrons pour fournir de l’énergie réductrice illimitée, la dégradation du EE2 était alors légèrement plus importante. De plus, LAYTON et al. (2000) et VADER et al. (2000) ont constaté que sous des conditions de dénitrification, il n’y avait aucune dégradation du EE2, tandis que des boues nitrifiées oxydaient le EE2 en composés plus hydrophobes (VADER et al., 2000). Par contre, LEE et LIU (2002) ont prouvé, à la suite d’expériences en batch, que le βE2 était, sous des conditions anaérobies, plus persistant que sous des conditions aérobies, mais restait toujours biodégradable. Cependant, DEPA (2004) ont observé que dans un système de boue activée sous conditions anaérobies, les taux de dégradation en E1 et EE2 étaient 10 à 20 fois inférieurs que sous conditions aérobies, alors que la dégradation du βE2 n’était sensiblement pas changée. Par ailleurs, l’enlèvement des estrogènes peut être influencé par le temps de rétention hydraulique (TRH) et l’âge de boues (TRS) employés par les STEPs (BIRKETT et LESTER, 2003; DEPA, 2002). Par ailleurs, SHI et al. (2004) ont étudié la biodégradabilité des estrogènes naturels et synthétiques en employant des boues activées nitrifiées (NAS). Les résultats ont confirmé que le NAS dégrade de manière significative les estrogènes naturels et synthétiques. Parmi les quatre estrogènes, le βE2 a été le plus facilement dégradé et il est clair que E1 n’ait été seulement qu’un sous-produit transitoire et consécutivement dégradé en d’autres composés par le NAS. Concernant le EE2, SHI et al. (2004) ont trouvé le même comportement que rapporté par VADER et al. (2000). SHI et al. (2004) ont aussi montré que les bactéries capables d’oxyder l’ammonium, telles que Nitrosomonas europaea, peuvent contribuer à la dégradation des estrogènes par le NAS. Toutefois, le NAS dégrade les estrogènes et leurs sous-produits, alors que Nitrosomonas europaea ne dégrade que les estrogènes. Ainsi, d’autres micro-organismes pourraient être responsables de la dégradation des sous-produits. En effet, E1 a été produit quand le NAS a dégradé le βE2, alors que E1 n’a pas été produit durant la dégradation du βE2 par Nitrosomonas europaea. Ainsi, la dégradation du βE2 par la formation intermédiaire de E1 est considérée être provoquée par d’autres bactéries hétérotrophes et non pas par des bactéries nitrifiantes, telles que Nitrosomonas europaea.

Tableau 10

Évaluation de l’activité oestrogénique durant différents procédés de traitement de STEPs (compilé de SVENSON et al., 2003).

Assessment of the estrogenic activity during different STEPs treatment processes (compiled from SVENSON et al., 2003).

Procédé de traitement utilisé

Concentration en ng estradiol équivalent /L

Efficacité d’enlèvement (%)

Traitement biologique

Précipitation

Affluent

Effluent

-

Directe, Al

11,9

12,4

-

-

Directe, Al

10,8

12,7

-

-

Directe, Fe(III)

5,45

5,9

-

-

Directe, chaux

4,15

1,1

74

Boue activée

Pré, Fe(III)

29,8

12,3

59

Boue activée

Simultanée, Al

5

0,3

94

Boue activée

Simultanée, Al

10,2

4,3

58

Boue activée

Simultanée, Fe(III)

5

1,6

68

Boue activée

Simultanée + post, Fe(III)

12,5

1,45

88

Boue activée

Pré + post, Al

8

2,55

68

Boue activée & biosorption

Post, Al

6,05

1,2

80

Boue activée & enlèvement de l’azote

Post, Al

3,85

<0,1

>97

Boue activée & enlèvement de l’azote

Pré, Fe(II)

19,5

<0,1

>99

Lit bactérien/ Boue activée

Pré + post, Al

6,95

<0,1

>99

Lit bactérien

Pré, Al

6,75

1,7

75

Lit bactérien

Post, Al

22,35

14,85

34

Lit bactérien

Post, Al

3,05

10,75

-

Bio rotor

Post, Fe(III)

1,6

5,25

-

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Figure 2

Biodégradation et sorption du 17α-estradiol et de l’estrone.

Biodegradation and sorption of 17α-estradiol and estrone.

Biodégradation et sorption du 17α-estradiol et de l’estrone.

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D’autre part, comme les estrogènes sont des composés organiques hydrophobes de faible volatilité (Tableau 1), la sorption dans les boues pourrait jouer un rôle important dans l’enlèvement de ces composés durant le traitement biologique. En général, pour les composés les plus hydrophobes, comme le EE2, la sorption dans les boues semble jouer un rôle important dans l’enlèvement de ces composés présents en solution, tandis que pour les composés relativement faiblement hydrophobes, comme E3, la biodégradation serait le facteur privilégié (JOHNSON et SUMPTER, 200l). Dans une récente étude danoise sur les procédés d’enlèvement des estrogènes dans les boues activées (DEPA, 2004), les résultats ont indiqué qu’environ 35‑45 % de E1 et 55‑65 % du βE2 et EE2 peuvent être absorbées sur les boues. Cependant, lorsque FUERHACKER et al. (1999) ont employé du βE2 marqué pour étudier le devenir de ce composé dans les STEPs, ils ont conclu qu’à de faibles concentrations, la majorité du βE2 marqué est restée dans la phase liquide, et ainsi les propriétés physico-chimiques, telles que le kOW, n’ont pas reflété la situation pour des concentrations de l’ordre du ng (FUERHACKER et al., 1999).

Le bioréacteur membranaire a prouvé son efficacité pour enlever les contaminants organiques et inorganiques, ainsi que des entités biologiques provenant des eaux usées (CICEK, 2002). Comme les estrogènes se lient rapidement à la matière organique, le bioréacteur à membrane peut fournir un environnement approprié à la biodégradation des estrogènes. En effet, le bioréacteur membranaire contient une quantité élevée en matière organique et en matières particulaires et colloïdales, ainsi que des concentrations élevées en biomasse. En outre, la possibilité de maintenir des TRS élevés dans le bioréacteur membranaire permet d’avoir une culture bactérienne diverse, incluant des organismes à croissance lente, capables de briser les molécules organiques complexes (CICEK et al., 1999). Ainsi, certaines configurations du bioréacteur membranaire permettraient donc de retenir et de biodégrader les estrogènes naturelles et synthétiques (CICEK, 2002).

2.2 Les traitements dits avancés

Plusieurs études ont aussi évalué le potentiel des traitements dits avancés (tels que la chloration, l’ozonation) pour enlever les estrogènes des effluents de STEPs. Ces procédés de décomposition devraient être plus favorisés que les procédés de séparation (tels que l’adsorption sur charbon actif, la sédimentation et la filtration sur membrane), qui concentrent les estrogènes dans les boues (NAKAGAWA et al., 2002).

2.2.1 Procédé de chloration

HU et al. (2003) et MORIYAMA et al. (2004) ont prouvé que le βE2 et le EE2, respectivement, réagissent rapidement avec le HOCl et sont complètement enlevés (Tableau 11). De plus, KOBUKE et al. (2002) ont rapporté que l’activité oestrogénique diminuait en raison de la chloration. Cependant, plusieurs produits chlorés sont formés, et certains produits chlorés sont cancérigènes et/ou mutagènes (MORIYAMA et al., 2004). HU et al. (2003) ont principalement observé la formation du 4‑chloro‑E2, 2,4‑dichloro‑E2 et 2,4‑dichloro‑E1, et d’autres composés non identifiés durant le traitement du βE2 avec le chlore. Les auteurs ont conclu que les sous-produits de la réaction présentaient une activité oestrogénique. D’ailleurs, MORIYAMA et al. (2004) ont confirmé la formation de deux sous-produits dans les solutions fortement chlorées après 60 minutes de traitement d’une solution de EE2 (4Cl‑EE2, 1‑6 mol % ; 2,4‑diCl‑EE2, 3‑25 mol %). L’activité oestrogénique du 4‑Cl‑EE2 était semblable à celle du EE2, et l’activité du 2,4‑diCl‑EE2 était d’environ 10 fois inférieure.

2.2.2 Procédé d’ozonation et les procédés d’oxydation dits avancés (AOPs)

KOSAKA et al. (2000), NAKAGAWA et al. (2002) et TERNES et al. (2003) ont pu considérablement éliminer divers estrogènes pendant un traitement à ozonation (Tableau 11). De plus, HUBER et al. (2003) ont déterminé, durant des expériences en laboratoire, les constantes de vitesse du EE2 pour le procédé d’ozonation (kO3 - 7 109 M‑1s‑1) et pour l’AOP (KOH - 9,8 109 M‑1s‑1). Cependant, les estrogènes coexistent avec d’autres composés organiques et inorganiques, dont les concentrations sont relativement élevées dans les eaux. La réaction avec le radical hydroxyle (HO) est moins sélective, puisque le HO est inefficacement consommé par les composés organiques et inorganiques. Ainsi, les efficacités d’enlèvement des estrogènes dépendent des concentrations en estrogènes, des composés coexistants et de leurs réactivités avec l’ozone et le HO. Dans son étude, KOSAKA et al. (2000) ont prouvé que le βE2 est fortement réactif avec l’ozone, puisque ce composé a deux groupes hydroxyles, groupes fonctionnels réactifs envers l’ozone. De plus, KOSAKA et al. (2000) ont également conclu que la décomposition du βE2 a été peu affectée par la présence de l’acide humique.

Tableau 11

Enlèvement des estrogènes durant un traitement dit avancé.

Estrogens removal during advanced treatment processes.

 

 

Enlèvement (%)

T

Dose ajoutée

[EDC]

Référence

Ozonation

E1

>80

18 min

5 mg O3/L

0,015 μg E1/L(1)

TERNES et al., 2003

E1, βE2

95

10 min

5 mg O3/L

9,7-28 ng E1/L(2)

3,0-21 ng βE2/L(2)

NAKAGAWA et al., 2002

Chloration

βE2

100

10 min

1,46 mg/L de sodium hypochlorite

50 μg βE2/L(3)

HU et al., 2003

βE2

(a)

36 H

1,5 mg/L de Chlore

10-7 M de βE2(3)

LEE et al., 2004

EE2

100

5 min

1mmol/L de Chlore

0,2 mmol EE2/L(3)

MORIYAMA et al., 2004

TiO2 + UV

βE2

98

3,5 H

TiO2 immobilisé

0,05-3 μmol βE2/L(3)

COLEMAN et al., 2000

βE2

99

30 min

1,0 g/L de TiO2 en suspension

10-6 M deβE2(3)

OHKO et al., 2002

100(b)

3 H

T : Temps de réaction, (a) Élimination complète de l’activité oestrogénique, (b) Complètement décomposé en CO2, (1) Effluent d’une STEP municipale, (2) Eaux usées provenant d’un traitement secondaire, (3) Eau synthétique.

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En outre, les sous-produits d’ozonation sont encore inconnus (TERNES et al., 2003). Cependant, TERNES et al. (2003) ont rapporté que l’ozonation augmente généralement le nombre de groupes fonctionnels et la polarité de la molécule. En effet, les estrogènes hydroxylés devraient ainsi perdre leur affinité avec le récepteur d’estrogène, et donc réduire considérablement les activités oestrogéniques des eaux usées, mais cette supposition reste à être prouvée (TERNES et al., 2003). Dans l’étude de HUBER et al. (2003) sur les cheminements de dégradation, il est accepté qu’une majeure partie des réactions avec les radicaux OH aurait lieu sur les cycles benzènes, ayant pour résultat le clivage des cycles phénoliques. Sur la base de cette information, HUBER et al. (2003) ont pu conclure que les modifications provoquées par l’ozonation ou les AOPs devraient être suffisantes pour éliminer les effets oestrogéniques du EE2. Cependant, les réactions avec l’ozone et les radicaux OH pendant un procédé d’ozonation n’auront pas comme conséquence la minéralisation complète du EE2 (HUBER et al., 2003).

2.2.3 Réactions de photolyse

Des réactions de photolyse ont été intensivement étudiées pour éliminer les estrogènes de l’environnement aqueux (COLEMAN et al., 2000; LIU et LIU, 2004; OHKO et al., 2002; SEGMULLER et al., 2000, Tableau 11). LIU et LIU (2004) ont examiné la photolyse directe, par une lampe à ultraviolet et une lampe à mercure à haute pression (UV‑Vis), du βE2 et du E1 à des concentrations de l’ordre du mg/L. Cependant, ces concentrations ne représentent pas les concentrations environnementales de ces composés (ng/L). Ils ont pu prouver que la photolyse des estrogènes cause le clivage et l’oxydation des cycles benzènes formant ainsi des composés contenant des groupes carbonyles. D’ailleurs, OHKO et al. (2002), dans son étude sur la dégradation du βE2 par photolyse au bioxyde de titane (TiO2), ont montré que le cycle phénol de la molécule βE2 devrait être le point de départ de l’oxydation photocatalytique du βE2. De plus, puisque les produits intermédiaires n’ont pas de cycle phénol, OHKO et al. (2002) ont conclu que leurs activités oestrogéniques sont négligeables.

2.3 Les traitements enzymatiques

Le traitement des déchets industriels, des eaux usées, des boues et des sols, contaminés par des phénols et d’autres composés aromatiques, par des enzymes telles que des peroxydases (POD, AURIOL et al., 2005; FILALI-MEKNASSI et al., 2004b; KINSLEY et NICELL, 2000; SAKUYAMA et al., 2003; SUZUKI et al., 2003; WAGNER et NICELL, 2002) ou des oxydases polyphénoliques (PPO, BEVILAQUA et al., 2002; FUKUDA et al., 2001; IKEHATA et NICELL, 2000; SUZUKI et al., 2003; TSUTSUMI et al., 2001) est une nouvelle et intéressante stratégie. De plus, ce procédé de traitement a été efficacement appliqué pour l’enlèvement de phénols et produits phénoliques dans les eaux usées (COOPER et NICELL, 1996; EDWARDS et al., 1999; WADA et al., 1995). Les enzymes peuvent agir avec une grande spécificité sur les composés aromatiques, qui peuvent être ensuite enlevés par précipitation ou transformés en d’autres produits (CAZA et al., 1999; KARAM et NICELL, 1997). Cependant, peu de données existent sur l’oxydation enzymatique des estrogènes.

SUZUKI et al. (2003) ont rapporté l’application de l’enzyme peroxydase de manganèse (MnP) et du système laccase (enzyme oxydase poly-phénolique)-médiateur pour le traitement du βE2 et du EE2. Ils ont pu considérablement réduire la concentration en βE2 et EE2 et leur activité oestrogénique, après une heure de traitement. De plus, comme aucun métabolite dans le mélange n’a été trouvé, SUZUKI et al. (2003) ont suggéré que la réduction des activités oestrogéniques du βE2 et EE2 pourrait être due au clivage du cycle aromatique de ces composés (SUZUKI et al., 2003). Cependant, comme l’utilisation de l’enzyme MnP demande des concentrations élevées en Mn(III), son application dans le traitement des eaux usées semble irréalisable (KARAM et NICELL, 1997). Par ailleurs, AURIOL et al. (2005) ont montré que dans une eau synthétique à pH 7 et à 25 ± 1 oC, l’enzyme peroxydase de raifort (HRP - initiale activité de 0,02 U/mL) a permis d’atteindre 92‑100 % d’enlèvement en E1, βE2, E3 et EE2 en une heure de traitement. En outre, les expériences en eaux usées ont montré que le procédé de traitement enzymatique semble réalisable, cependant pour une même activité initiale en HRP, l’enlèvement des quatre estrogènes était considérablement plus faible (19‑37 %) dans l’eau usée que dans l’eau synthétique (AURIOL et al., 2005). Les auteurs ont supposé que cette diminution dans l’enlèvement des estrogènes pourrait être due à l’inhibition de l’enzyme ou à la consommation de l’oxydant par des composés organiques présents dans l’eau usée.

3. Discussion et conclusion

Ainsi, il est généralement observé qu’un traitement primaire seul ne permet pas, ou très peu, l’enlèvement des estrogènes des eaux usées, tandis qu’un traitement secondaire à boue activée réduit de manière significative les quantités d’estrogènes (BARONTI et al., 2000; D’ASCENZO et al., 2003; JOHNSON et SUMPTER, 2001; ONDA et al., 2003; SVENSON et al., 2003). D’ailleurs, le TRS semble avoir une influence positive sur la capacité du système à boues activées à éliminer les estrogènes. Il s’avère que le βE2 et le E3 sont très efficacement enlevés dans les boues activées, alors que le taux d’enlèvement en E1 et en EE2 est plus faible et variable. Cependant, le procédé à boue activée ne permet pas d’atteindre des concentrations à l’effluent en estrogènes, qui respectent les niveaux seuils (0,1 ng/L) déterminés comme produisant des effets oestrogéniques chez les organismes aquatiques (Tableaux 9 et 10). Par exemple, SERVOS et al. (2005) ont rapporté que la dégradation des estrogènes dans des réacteurs aérobies en batch contenant une boue d’épuration était très rapide (95 % d’enlèvement en βE2 et E1, en moins de 24 heures), cependant, même après 120 heures de traitement, une activité oestrogénique a pu être détectée.

Par ailleurs, basés sur la littérature, les deux principaux procédés d’enlèvement des estrogènes des eaux usées sont la sorption et la dégradation dans un système à boues activées. Dans le cas où les contaminants sont adsorbés sur les boues activées, ils s’accumulent dans les déchets solides des STEPs. Et ainsi, l’application des boues sur les champs agricoles peut causer une contamination potentielle des sols et des eaux souterraines (TERNES et al., 1999a). En effet, MATSUI et al. (2000) ont trouvé que pendant la déshydratation des boues de différentes STEPs au Japon, de grandes quantités d’estrogènes ont été libérées dans la phase aqueuse. Dans d’autres cas, ces contaminants, dissous ou liés aux composés organiques naturels dissous, sont facilement transportés par la STEP (SCHÄFER et al., 2002) et se retrouvent ainsi dans les effluents de STEPs et polluent les eaux de surface.

Incontestablement, étant donné que les estrogènes présentent une activité oestrogénique à très faible concentration (0,1 ng/L), les techniques actuellement appliquées dans le traitement des eaux usées sont inadéquates pour enlever de manière significative les estrogènes (COLEMAN et al., 2000; JIANG et al., 2005; TERNES et al., 2003). Par conséquent, des technologies plus évoluées, telles que les procédés de chloration, d’ozonation, les procédés de décomposition, ont été développées. En effet, ces procédés montrent un potentiel élevé pour l’enlèvement des estrogènes. Cependant, peu de données existent et la plupart des études ont été effectuées avec des eaux synthétiques, contenant des concentrations en estrogènes largement supérieures aux concentrations trouvées dans l’environnement (Tableau 11). Ainsi, d’autres investigations devraient être menées pour déterminer si ces techniques sont également efficaces pour l’enlèvement d’estrogènes, à des concentrations de l’ordre du ng/L et en utilisant des eaux contenant d’autres particules, telles que dans le cas des eaux usées. De plus, la majorité des traitements dits avancés forment des sous-produits cancérigènes ou dont leur activité oestrogénique est soit inconnue, soit identique ou plus élevée que l’activité du composé mère (HU et al., 2003; MORIYAMA et al., 2004). Ainsi, des procédés de traitement plus efficaces, tout en intégrant le concept du « low‑cost », devraient être développés pour réduire le rejet des estrogènes et de leurs sous-produits dans l’environnement.

Un nouveau procédé de traitement à considérer pour les estrogènes serait les systèmes enzymatiques. Ces procédés montrent un potentiel pour l’enlèvement des composés aromatiques, tels que les estrogènes dans les eaux usées. De plus, les systèmes de traitement enzymatique ont de nombreux avantages par rapport aux autres traitements dits conventionnels (KARAM et NICELL, 1997; FLOCK et al., 1999). Entre autres, ces procédés requièrent un faible besoin d’énergie et ne présentent aucun danger pour l’environnement. Cependant, KARAM et NICELL (1997) ont rapporté que l’utilisation de certaines enzymes, comme traitement additionnel, peut considérablement augmenter le coût global du traitement. Toutefois, plusieurs recherches actuelles développent la production d’enzymes en utilisant des eaux usées, des boues et d’autres biomasses municipales et industrielles, comme substrat de base (IKEHATA et al., 2004; TYAGI et al., 2002). Le développement de ces techniques de production d’enzymes permettra de réduire le coût global du traitement enzymatique, et rendre ainsi ce procédé de traitement rentable pour l’enlèvement des estrogènes des eaux usées. Par ailleurs, très peu de données existent sur la dégradation enzymatique des estrogènes naturels et synthétiques. Ainsi, d’autres recherches dans ce domaine sont nécessaires.