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La réalité augmentée désigne un ensemble de méthodes permettant de générer des sons et des images numériques à l’aide d’un système ou d’une plateforme informatique. Ces sons et images se superposent dans la réalité physique grâce aux appareils numériques (pour l’essentiel, les téléphones intelligents et les tablettes) munis d’applications conçues pour informer, divertir et partager des informations. Depuis une décennie, les recherches sur la réalité augmentée montrent un intérêt marqué pour les différents usages qu’en font les acteur⋅rice⋅s de l’industrie touristique, des institutions muséales et des sites patrimoniaux. Dans cet ouvrage dirigé par Geroimenko, professeur en sciences informatiques à la British University au Caire, nous prenons conscience des différents processus menant à la conception de systèmes utilisant la réalité augmentée et leur application pour l’amélioration de l’expérience des visiteur⋅se⋅s dans des environnements informels d’apprentissage.
L’ouvrage propose 17 chapitres divisés en trois sections : aspects généraux et la réalité augmentée dans l’industrie touristique (six chapitres) ; réalité augmentée pour les musées (cinq chapitres) et réalité augmentée et patrimoine (six chapitres). L’ensemble des contributions nous plonge, d’un côté, dans une revue de littérature sur le pouvoir attractif et sur l’apport de cette technologie dans la transformation de l’offre de service de l’industrie touristique mondiale, et de l’autre, sur l’expérimentation de cette technologie aux quatre coins de la planète. Il en découle alors une série de réflexions sur le potentiel et les limites de la réalité augmentée comme outil éducatif et comme stratégie de marketing, ainsi que sur les voies à privilégier pour de futures recherches.
Les chapitres peuvent être lus « dans le désordre », ce qui permet à la⋅au lecteur⋅rice de cibler les titres et résumés correspondant à ses intérêts et champs de recherche. L’ouvrage s’adresse donc autant aux chercheur⋅se⋅s qu’aux étudiant⋅e⋅s universitaires et membres/responsables d’institutions muséales ou de sites patrimoniaux. Le directeur de l’ouvrage souligne que l’industrie touristique, les musées et sites patrimoniaux sont interreliés et qu’il espère que la⋅le lecteur⋅rice jugera de la richesse des contributions à partir de la multiplicité des expériences et réflexions sur l’usage de la réalité augmentée dans ces environnements informels d’apprentissage.
Au fil de la lecture, nous voyons que de plus en plus d’institutions cherchent à intégrer les technologies dans leur offre culturelle. La pandémie de la COVID-19 est venue accélérer cette offre, mais les institutions qui se démarquent sont celles ayant les moyens de financer la conception et la mise en oeuvre de la réalité augmentée. Par exemple, aux États-Unis, environ 1 % des musées propose une application mobile aux visiteur⋅se⋅s pour l’explorer, ce qui est très peu. De plus, pour accéder à ces systèmes numériques, il faut posséder un téléphone intelligent ou une tablette.
Alors, à quoi la réalité augmentée peut-elle servir si très peu d’institutions culturelles en font usage ? Les fonctions sont nombreuses. Elle accompagne la scénographie dans les musées, elle facilite la visualisation d’artéfacts et d’édifices historiques aujourd’hui au stade de vestiges, elle permet aux visiteur⋅se⋅s de s’engager dans la comparaison d’un lieu historique à différentes époques grâce à la superposition d’images historiques. Dans tous les cas, l’objectif demeure la création d’un environnement intéressant et captivant offrant une expérience satisfaisante pour les visiteur⋅se⋅s.
Bien que l’emploi de la réalité augmentée puisse susciter l’intérêt des utilisateur⋅rice⋅s, il est difficile de saisir les conditions optimales pour en tirer les bénéfices souhaités sur le plan cognitif et affectif. S’il est possible de remplacer le tour guidé réalisé par un⋅e humain⋅e par une activité de réalité augmentée, comme il est suggéré, cette intelligence artificielle remplit-elle ses objectifs auprès des visiteur⋅se⋅s ? Les auteur⋅e⋅s des recherches empiriques sont peu loquaces sur les effets de la réalité augmentée pour l’apprentissage. Il y est surtout question de l’intérêt et du niveau d’engagement (émotionnel et physique) des participant⋅e⋅s. Nous restons sur notre appétit puisqu’il est difficile de voir comment les dispositifs créés avec la réalité augmentée permettent aux visiteur⋅se⋅s d’interagir avec les artéfacts ou les édifices historiques qu’elle⋅il⋅s rencontrent pour mieux les (re)placer dans leur contexte d’origine.
Cependant, cela n’affecte pas notre plaisir d’imaginer les façons dont la réalité augmentée pourrait servir en éducation comme une extension à l’étude d’une réalité sociale et à l’élaboration d’une séquence d’apprentissage en classe d’histoire ou de géographie.
La rencontre avec les recherches empiriques ouvre le champ des possibles pour exploiter cette avenue du numérique comme valeur ajoutée pour l’apprentissage de l’histoire et de la géographie du primaire jusqu’à l’université. Il reste alors à réfléchir à quelles conditions l’usage de cette technologie dans les milieux d’enseignement peut contribuer à l’émergence de la pensée. Le rôle de l’enseignant⋅e demeure le même, c’est-à-dire celui d’un⋅e guide médiateur⋅rice pour éviter que les apprenant⋅e⋅s ne voient le « donné » de ces technologies comme des vérités absolues, court-circuitant ainsi toute forme de pensée critique. Cet ouvrage collectif nous convainc que la réalité augmentée peut être un outil de travail, mais le monde de l’éducation gagnerait aussi à en faire un objet de travail.