Article body

1. Introduction

Les centres d’aide en français (CAF) des cégeps offrent différents services pour aider la population étudiante à s’améliorer en français pour satisfaire les attentes collégiales (Cabot et Facchin, 2020). Le service le plus répandu dans les CAF est le tutorat (Barrette, 2016 ; Nolet, 2019), un moyen d’apprentissage planifié par lequel un⋅e élève plus compétent⋅e (la⋅le tuteur⋅rice) offre du soutien scolaire, motivationnel et parfois d’intégration à l’un de ses pairs (la⋅le tutoré⋅e) (Annoot, 2001 ; Clark et Andrews, 2009 ; Gatti et Blary, 2017). Les deux élèves occupent une position d’apprenant⋅e et tirent des gains de leur relation (Désy, 1996 ; Papaïoannou et coll., 2015 ; Topping et Ehly, 2001).

Selon notre recension intégrative des écrits, seules trois recherches empiriques se sont intéressées aux retombées du tutorat dans les CAF. Deux de ces recherches ne présentent pas de résultats significatifs, qu’il s’agisse des effets du tutorat sur l’amélioration des tutoré⋅e⋅s en français (Gélinas, 2001 ; Lefrançois et coll., 2008) ou sur leur estime de soi globale et estime de soi scolaire (Gélinas, 2001). La plus récente recherche compare les performances en français d’élèves fréquentant les CAF et d’élèves ne les fréquentant pas (Cabot, 2022). L’étude s’est déroulée dans quatre CAF, dont trois qui misent sur le tutorat. L’auteure conclut que même si les élèves perçoivent moins d’utilité aux services des CAF en fin de session qu’en début de session, leurs performances dans leurs cours de français sont meilleures que celles des élèves qui ne le fréquentent pas.

Si les recherches empiriques sur les retombées du tutorat sont rares, on n’a aussi qu’une idée vague de ce que font les élèves durant les rencontres de tutorat. On sait qu’au postsecondaire, on jumèle les tuteur⋅rice⋅s à des élèves plus faibles pour les aider dans une discipline scolaire (Barrette, 2015). Pour cela, les tuteur⋅rice⋅s reprennent la matière dans leurs mots, offrent des explications et des exemples supplémentaires et vérifient la compréhension des tutoré⋅e⋅s en les faisant travailler de façon autonome (Désy, 1996). Plusieurs seraient formé⋅e⋅s pour soutenir la métacognition des tutoré⋅e⋅s, mais on ne sait pas si ce soutien est réellement offert et de quelle façon (Barrette, 2015). Ces informations restent générales et ne distinguent pas l’aide fournie lors des rencontres de tutorat selon la discipline. Aussi, même si des récits de pratique existent et nous informent sur les différents programmes de tutorat dans les cégeps (par exemple, Legault, 2014 ; Masse, 2020), aucun écrit ne donne un portrait global de ce que font les tuteur⋅rice⋅s des différents cégeps pour aider les tutoré⋅es à s’améliorer en écriture, notamment les dispositifs didactiques choisis (par exemple, mise-t-on sur des exercices ou de l’écriture modelée ?). Comme certains de ces dispositifs ont de meilleures retombées sur le développement de la compétence scripturale (Capt, 2017 ; Nadeau et Fisher, 2006 ; Routman, 2009), le présent article veut décrire les dispositifs didactiques employés par les tuteur⋅rice⋅s des CAF pour soutenir les tutoré⋅e⋅s en écriture et comprendre ce qui mène à leur choix.

2. Contexte théorique

Un dispositif didactique se compose de procédures, de moyens et de supports matériels organisés dans le but qu’un⋅e élève en tire des apprentissages dans une discipline particulière (Demaizière, 2008 ; Pothier, 2003 ; Weisser, 2010). Selon Demaizière (2008), le terme « dispositif », dont les usages varient, cherche à rendre compte de l’interaction complexe entre les éléments composant une ressource pédagogique ou un système de formation, et entre les individus (enseignant⋅e⋅s, élèves) et ces éléments.

Dans un CAF, le choix des dispositifs didactiques peut être influencé par plusieurs facteurs, notamment par les objectifs du service de tutorat, la formation donnée aux tuteur⋅rice⋅s, les modalités de rencontre (durée, fréquence, etc.) ainsi que par les ressources humaines et matérielles disponibles (Barrette, 2017). Les dispositifs didactiques permettant de développer la compétence scripturale peuvent viser les processus impliqués dans l’écriture, alors que d’autres ciblent surtout l’apprentissage de la grammaire. En effet, comme les élèves des cégeps ont particulièrement de la difficulté au niveau du respect du code écrit (respect des règles de syntaxe, de ponctuation, d’orthographe, etc.) (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2020), les tuteur⋅rice⋅s des CAF peuvent privilégier des dispositifs didactiques qui visent l’apprentissage de la grammaire, soit « un ensemble d’hypothèses proposées en vue de rendre compte du fonctionnement d’une langue ou de certains de ses aspects » (Nadeau et Fisher, 2006, p. 25).

Une recension des écrits nous a permis de cibler les dispositifs didactiques de grammaire susceptibles d’être utilisés dans un contexte de tutorat au collégial. Ces dispositifs sont brièvement décrits dans le tableau 1.

Tableau 1

Dispositifs didactiques de grammaire

Dispositifs didactiques de grammaire

-> See the list of tables

Les tuteur⋅rice⋅s des CAF peuvent aussi privilégier des dispositifs didactiques qui visent plus globalement les processus impliqués dans la production d’écrits. À l’instar du modèle de Hayes et Flower (1980), ces processus sont souvent définis comme la planification, la mise en texte et la révision (Carpentier, 2014 ; MEES, 2017 ; Paradis, 2012 ; Plane, 1996). Durant la planification, l’élève interprète la tâche d’écriture à accomplir (Dolz et coll., 2009), puis recherche et organise ses idées en tenant compte des exigences de la tâche comme des caractéristiques du genre textuel (Chartrand et coll., 2015). En effet, l’intention de communication (par exemple, divertir ou informer), la structure du texte, l’emploi particulier du lexique, les marques d’énonciation sont quelques-unes des caractéristiques qui peuvent différer selon que l’élève écrive un rapport de laboratoire ou une dissertation argumentative (Libersan et coll., 2010). La planification est essentielle à la qualité du texte, notamment parce qu’elle permet de tenir compte des attentes de la⋅du lecteur⋅rice et qu’elle favorise une bonne structure du texte et la richesse des idées (Dolz et coll., 2009 ; Préfontaine, 1998). Lors de la mise en texte, l’élève formule ses idées en phrases en mobilisant plusieurs connaissances linguistiques plus ou moins automatisées (Carpentier, 2014 ; MEES, 2017). La mise en texte suppose le découpage du texte (en phrases, en paragraphes, etc.) comme la création de liens entre ces parties (Dolz et coll., 2009). Par la révision, l’élève relit le texte produit et cherche à en améliorer le propos du texte (bonification des idées, ajout d’explications, etc.) et de sa forme (découpage des sections, accords grammaticaux, vocabulaire choisi, effets stylistiques recherchés, etc.) (Dolz et coll., 2009). Les processus de planification, de mise en texte et de révision sont itératifs et interdépendants : une personne peut faire de nombreux allers-retours entre ces processus, et leur consacrer plus ou moins de temps selon ses préférences et sa compétence (Diamond, 2013 ; Préfontaine, 1998).

Une nouvelle recension des écrits nous a permis de cibler les dispositifs didactiques d’écriture susceptibles d’être utilisés dans un contexte de tutorat au collégial, lesquels sont brièvement décrits dans le tableau 2. La synthèse des dispositifs didactiques de grammaire et d’écriture a permis d’élaborer le questionnaire, puis a guidé l’analyse des données.

Tableau 2

Dispositifs didactiques d’écriture

Dispositifs didactiques d’écriture

-> See the list of tables

3. Méthodologie

Pour décrire les dispositifs didactiques employés par les tuteur⋅rice⋅s des CAF pour soutenir les tutoré⋅e⋅s en écriture et comprendre ce qui mène à leur choix, nous avons analysé des données provenant d’une recherche de plus grande envergure portant sur les dispositifs pédagogiques et didactiques employés par les tuteur⋅rices des CAF, ainsi que sur leurs représentations de leur rôle (Thomas, 2021). Cette recherche adoptait un devis mixte séquentiel explicatif (Creswell et Plano Clark, 2011). Les deux collectes de données ont été menées en 2021.

Dans un premier temps, un questionnaire autoadministré sur la plateforme LimeSurvey a été rempli par 116 tuteur⋅rice⋅s oeuvrant dans le CAF de leur cégep ou y ayant oeuvré dans les trois années précédant leur participation. De ce nombre, 15 n’ont pas rempli le questionnaire en entier. Les participant⋅e⋅s ont été recruté⋅e⋅s dans 12 cégeps de tailles variées, localisés dans différentes régions du Québec. La plupart avaient de 17 à 24 ans (94 %) et plus des trois quarts s’identifiaient au genre féminin (76 %). La majorité (72 %) avait reçu une formation de 45 ou 60 heures dans le cadre d’un cours collégial. Une formation courte à l’extérieur d’un cours a plutôt été offerte à 13 % des répondant⋅e⋅s, et 15 % disaient n’avoir reçu aucune formation spécifique. Le questionnaire a été élaboré spécifiquement pour la recherche, à partir de son cadre théorique. Il comprenait 79 items dans sept sections : 1. Profil de la⋅du répondant⋅e ; 2. Représentations du tutorat ; 3. Représentations du rôle attendu de la⋅du tuteur⋅rice ; 4. Représentations du rôle joué de la⋅du tuteur⋅rice ; 5. Représentations du rôle souhaité de la⋅du tuteur⋅rice ; 6. Dispositifs pédagogiques utilisés ; 7. Dispositifs didactiques utilisés. Le questionnaire a fait l’objet d’une validation auprès de trois expertes, puis d’un prétest auprès de trois tutrices de niveau collégial, ce qui nous a permis de modifier certaines formulations.

Dans un deuxième temps, des entrevues semi-dirigées ont eu lieu auprès de six personnes ayant laissé leurs coordonnées dans le questionnaire à cette fin. Elles provenaient de cinq cégeps et avaient plus ou moins d’expérience. Deux tutrices (T2, T5) n’avaient fait qu’une session de tutorat au CAF. Un tuteur (T1) et une tutrice (T3) avaient offert de l’aide pendant deux sessions. La tutrice T4 et le tuteur T6 avaient trois ans d’expérience. Ces deux personnes avaient d’abord été formées au tutorat pendant leurs années collégiales, puis avaient été embauchées par leur CAF une fois leur diplôme collégial obtenu. Les entrevues ont été menées individuellement en visioconférence (durée moyenne de 45 minutes). Les questions du guide d’entretien étaient individualisées selon les réponses au questionnaire. Aussi, une portion de l’entrevue était réalisée par une instruction au sosie (Leroux, 2010 ; Saujat, 2005). Les participant⋅e⋅s devaient décrire ce qu’il faut faire avant, pendant et après une séance de tutorat en s’adressant à l’intervieweuse (qui jouait le rôle de leur sosie) à la deuxième personne et au futur (Leroux, 2010 ; Saujat, 2005). Tout au long de l’instruction, le sosie leur demandait de préciser certains détails et les questionnait sur les obstacles probables et la façon d’agir ou de réagir devant ces obstacles.

Cette recherche a eu lieu à la suite de l’obtention de certificats d’éthique de l’Université de Montréal et des 12 cégeps participants. Comme la recherche comportait des risques nuls ou presque nuls, les élèves de 16 ou 17 ans ont pu consentir elles⋅eux-mêmes à remplir le questionnaire et à participer à la recherche (Université de Montréal, 2014). Deux formulaires d’information et de consentement ont été utilisés dans cette recherche, soit un formulaire pour chaque collecte de données.

Les données analysées ici sont issues de la dernière section du questionnaire (101 répondant⋅e⋅s) et des entrevues (6 participant⋅e⋅s). Pour décrire les dispositifs didactiques employés par les tuteur⋅rice⋅s, des analyses statistiques descriptives (fréquences, moyennes, pourcentage) ont été menées à l’aide du logiciel SPSS (version 25). Pour mieux comprendre ce qui mène à leur choix, une analyse de contenu a été menée sur les verbatims, selon la démarche proposée par Van der Maren (2004). Les verbatims ont d’abord été codés, pour classifier et condenser les données. Pour assurer la fidélité du codage, deux contrecodages (intracodeur et intercodeur) ont été réalisés. Puis, l’observation de la fréquence des codes et des relations existantes a permis d’amorcer l’interprétation qualitative des données.

4. Résultats

Nous présenterons ici les résultats issus des analyses descriptives qui ont servi à décrire les dispositifs didactiques utilisés. Puis, les résultats issus de l’analyse de contenu qui ont permis de mieux comprendre les motifs menant à leur choix.

4.1 Les dispositifs didactiques utilisés

Le tableau 3 présente la fréquence à laquelle les répondant⋅e⋅s (n = 101) révèlent utiliser l’ensemble des dispositifs didactiques issus du cadre de référence. Le questionnaire les sondait aussi sur la fréquence à laquelle les tutoré⋅e⋅s élaborent des plans ou corrigent leurs textes en bénéficiant de leur soutien. Précisons que les dispositifs étaient décrits dans le questionnaire pour assurer une meilleure compréhension des répondant⋅e⋅s.

Les dispositifs didactiques les plus fréquemment employés sont les exercices de grammaire : 86,1 % des répondant⋅e⋅s disent en utiliser souvent (27,7 %) ou très souvent (58,4 %), et seulement 3,0 % n’y auraient jamais recours. Un item portait particulièrement sur les exercices de correction de textes, puisque ces exercices ressemblent davantage à ce qui doit être fait en contexte d’écriture. Les réponses à cet item (23,8 % n’en font jamais et 10,9 % en font rarement) nous laissent penser que les tutoré⋅e⋅s effectuent surtout des exercices qui ciblent une ou quelques notions (exercice à trous, exercice d’identification, etc.).

Tableau 3

Les dispositifs didactiques utilisés

Les dispositifs didactiques utilisés

Note. 1 = Jamais ; 2 = Rarement ; 3 = Occasionnellement ; 4 = Souvent ; 5 = Très souvent

-> See the list of tables

Corriger des textes écrits par les tutoré⋅e⋅s est aussi très fréquent. Près des trois quarts des répondant⋅e⋅s indiquent que souvent (23,8 %) ou très souvent (50,5 %), les tutorée⋅s écrivent un texte avant la rencontre, puis que, pendant cette rencontre, elles⋅ils guident les tutoré⋅e⋅s dans leur correction. Plusieurs codifient les erreurs dans les textes avant le début de la rencontre, puis demandent aux tutoré⋅e⋅s de repérer et de corriger ces erreurs : 41,6 % le font très souvent et 26,7 % le font souvent. Plus de 70 % des tuteur⋅rice⋅s reviennent aussi sur des travaux déjà évalués par un⋅e enseignant⋅e : 39,6 % aident très souvent les tutoré⋅e⋅s à corriger dans leurs textes les erreurs qu’a relevées un⋅e enseignant⋅e et 30,7 % le font souvent.

Les dispositifs offrant du soutien durant l’ensemble du processus d’écriture sont moins utilisés (écriture modelée, écriture partagée et écriture guidée). En effet, seuls 9,0 % des répondant⋅e⋅s modèlent souvent ou très souvent leur démarche d’écriture, et 6,0 % écrivent à partir des idées des tutoré⋅e⋅s. S’il est plus fréquent d’offrir un soutien accru aux tutoré⋅e⋅s pendant l’écriture d’un texte, il n’y a que le tiers des répondant⋅e⋅s qui font souvent ou très souvent de l’écriture guidée. Soulignons aussi que près de la moitié des tuteur⋅rice⋅s (49,5 %) n’élaborent jamais de plans de rédaction avec les tutorée⋅s. Il reste que 14,9 % le font souvent, et 7,9 %, très souvent.

Deux autres dispositifs didactiques sont peu exploités. Ainsi, 90,1 % des répondante⋅s ne font jamais de jogging d’écriture, et 66,3 %, de l’Écriture zéro faute. C’est 21,8 % des répondant⋅e⋅s qui font au moins occasionnellement de l’Écriture zéro faute.

C’est 39,7 % des répondant⋅e⋅s qui indiquent que, souvent (24,8 %) ou très souvent (14,8 %) : « La ou le tutoré⋅e observe certains phénomènes grammaticaux dans des phrases et émet des hypothèses. Puis, elle ou il vérifie ces hypothèses pour en tirer des apprentissages. » Notons aussi que les dictées traditionnelles sont plus souvent utilisées que les dictées métacognitives : 61,4 % des répondant⋅e⋅s recourent aux dictées traditionnelles au moins occasionnellement, ce taux descendant à 38,6 % pour les dictées métacognitives.

4.2 Les motifs guidant le choix des dispositifs didactiques

Lors des entrevues, nous avons questionné les participant⋅e⋅s (n = 6) sur les motifs les poussant à choisir ou à rejeter un dispositif, selon leurs réponses au questionnaire (par exemple, « Dans ton questionnaire, tu indiques que vous faites très souvent des exercices. Dans quel contexte faites-vous des exercices ? »). Aussi, tout au long de l’entrevue et particulièrement durant l’instruction au sosie, les participant⋅e⋅s révélaient plus spontanément les motifs les amenant à choisir un dispositif particulier. L’analyse de contenu des verbatims a fait ressortir que le choix des dispositifs didactiques se lie principalement à trois grands thèmes : les attentes du CAF ; les attentes des tutoré⋅e⋅s ; et les représentations et la compétence scripturale des tuteur⋅rice⋅s.

4.2.1 Les attentes des centres d’aide en français

Le choix des dispositifs didactiques peut se lier aux attentes des CAF. Cinq des six participant⋅e⋅s (T1, T2, T3, T4, T6) disent devoir aider les tutoré⋅e⋅s à développer une méthode d’autocorrection. La tutrice T2 affirme que : « l’attente générale [est] d’aider sur le long terme, sur le moyen terme, à faire une méthode de correction et à bien corriger ses textes ». Les tutrices T3 et T4, comme le tuteur T6, indiquent qu’en début de session, les tutoré⋅e⋅s effectuent une rédaction diagnostique servant à identifier leurs difficultés, puis qu’en fin de session, une nouvelle rédaction est faite de façon à mesurer leur progression. Les tutoré⋅e⋅s peuvent écrire sur le sujet de leur choix, sur leurs motifs d’inscription au CAF, sur leur choix de carrière. En ce sens, ces rédactions ne semblent pas relever d’un genre textuel particulier ni devoir respecter des contraintes liées à la structure.

Pour que les tuteur⋅rice⋅s aident les tutoré⋅e⋅s à mieux s’autocorriger, les CAF mettent à leur disposition des dictées et des exercices de grammaire, notamment ceux du Centre collégial de matériel didactique, une ressource mentionnée par cinq participant⋅e⋅s. Outre les exercices et les dictées, la seule autre ressource évoquée lors des entrevues (tutrice T2) est une banque de sujets de rédaction. Les CAF proposent aussi à leurs tuteur⋅rice⋅s des démarches plus ou moins structurées. Par exemple, le tuteur T6 oeuvre dans un CAF où la démarche est très structurée. Selon les faiblesses décelées dans la rédaction diagnostique d’un⋅e tutoré⋅e, il devra revoir avec cette⋅cet élève un certain nombre de notions en suivant un ordre précis et en s’assurant de respecter certaines contraintes (ne pas aborder plus de trois notions par séance, faire écrire l’élève pendant une vingtaine de minutes à chaque séance). Le tuteur T1 et la tutrice T2 (qui proviennent du même CAF) demandent chaque semaine à leurs tutoré⋅e⋅s de corriger les erreurs préalablement codifiées dans un de leurs textes. Comme pour les rédactions diagnostiques, le sujet du texte est alors généralement libre et il n’y a pas de contraintes quant à sa structure : « Ça pouvait être une histoire, un récit, un texte d’opinion. C’était de petits textes, je pense de 150 à 250 mots. […] Le but, vraiment, c’est vraiment l’écriture, l’orthographe […] niveau structure, niveau plan de rédaction, ce n’était pas vraiment pertinent. » (tuteur T1). Ce tuteur indique qu’il peut ensuite fournir aux tutoré⋅e⋅s des exercices de grammaire selon ce qu’il juge le plus utile.

Si les CAF mettent de l’avant des notions et des démarches, ils prescrivent aussi des contenus. Cinq des six participant⋅e⋅s (T1, T2, T3, T5, T6) soutiennent qu’il leur est interdit d’aider les tutoré⋅e⋅s avec des tâches ou des contenus propres aux cours de français (compréhension des oeuvres lues, repérage de procédés d’écriture, structure de l’analyse littéraire, formulation des arguments, correction d’un travail à remettre en français). La tutrice T5 doit recommander aux tutoré⋅e⋅s de se tourner vers un autre service d’aide, même s’il s’agit de petites questions qui lui paraissent faciles à répondre. Le tuteur T6, lui, explique qu’il doit indiquer aux tutoré⋅e⋅s de se tourner vers leurs enseignant⋅e⋅s pour tous les contenus et les travaux qui se lient à leurs cours de français.

En bref, les CAF informent les tuteur⋅rice⋅s sur les objectifs du tutorat, leur proposent des ressources, et structurent de façon plus ou moins importante la démarche de tutorat, notamment en prescrivant ou en proscrivant différents dispositifs et contenus.

4.2.2 Les attentes des tutoré⋅e⋅s

Lorsqu’on leur demande directement quelles sont les attentes des tutoré⋅e⋅s, les participant⋅e⋅s évoquent surtout la réduction du nombre d’erreurs grammaticales. La tutrice T4 ajoute certaines demandes pratiques : « Comment on fait une lettre de présentation ? Comment on envoie un courriel ? […] Je dois vouvoyer la personne ? Je dois la tutoyer ? ». La tutrice T5 reconnait aussi que les attentes des tutoré⋅es sont variées et qu’elles peuvent dépasser la maitrise du code grammatical : « J’arrive à mon examen, pis je suis plus capable de rien corriger parce que je suis stressée. »

Plusieurs autres attentes des tutoré⋅e⋅s sont mentionnées pendant l’entrevue, notamment durant l’instruction au sosie. Selon les participant⋅es, les tutoré⋅es veulent de l’aide pour mieux réussir leurs cours, particulièrement ceux de français. Ainsi, la tutrice T3 et les tuteurs T1 et T6 disent que les tutoré⋅e⋅s leur demandent de revenir sur des travaux déjà évalués pour mieux comprendre leurs résultats en français. Il reste que, selon les participant⋅e⋅s, les tutoré⋅e⋅s auraient besoin d’aide en amont. En effet, les tutrices T3, T4, T5 et le tuteur T6 remarquent que les tutoré⋅e⋅s ont de la difficulté à générer des idées et à les organiser dans un plan qui respecte les attentes du genre textuel. Les tutoré⋅e⋅s demandent : « Comment j’utilise mon temps en dissertation ? Comment dans des contextes réels, je dois trouver des idées ? Comment on fait ça, des conclusions partielles ? » (tuteur T6). Les tutrices T3 et T4 témoignent du découragement avec lequel les tutoré⋅e⋅s viennent à elles : « des fois, ils m’arrivent, ils sont comme : "Ouin, je sais que j’ai une dissertation à écrire, là, partielle, en pratique en littérature, je ne sais pas pantoute quoi écrire…" » (tutrice T3).

En somme, même si les tutoré⋅e⋅s souhaitent surtout faire moins de fautes, on constate que leurs attentes envers le tutorat dépassent la maitrise du code écrit. Les tutoré⋅e⋅s veulent de l’aide pour réussir leurs cours de français, que ce soit pour réaliser des travaux à remettre ou pour effectuer des travaux semblables à ce qui est exigé en classe. Or, puisque c’est prescrit par plusieurs CAF, les tuteur⋅rice⋅s sont appelé⋅e⋅s à se positionner entre les attentes du CAF et celles des tutoré⋅e⋅s.

4.2.3 Les représentations et la compétence scripturale des tuteur⋅rice⋅s

Les tuteur⋅rice⋅s cherchent à répondre aux attentes des tutoré⋅e⋅s en considérant les attentes du CAF. Leurs représentations de leur rôle et leur propre compétence scripturale les amènent à répondre différemment à ces attentes et à privilégier certains dispositifs.

D’abord, les représentations que les participant⋅e⋅s ont de leur rôle les amènent à répondre davantage aux attentes du CAF ou à celles des tutoré⋅e⋅s. Deux participant⋅e⋅s (T1, T2) croient devoir surtout satisfaire les attentes du CAF. Par exemple, durant son entrevue, le tuteur T1 ne remet jamais en question la démarche et les ressources proposées par le CAF. Il soutient : « les enseignants nous ont bien formés, nous ont bien orientés sur la façon dont il fallait aider les élèves ». Ainsi, il trouve légitime de ne pas répondre aux questions des tutorée⋅s relatives aux cours de français. D’autres participant⋅e⋅s (T3, T4, T5 et T6) préfèrent d’abord répondre aux attentes des tutoré⋅e⋅s, notamment à leurs besoins plus immédiats. Ainsi, la tutrice T5 met de côté sa planification lorsque les tutoré⋅e⋅s lui demandent de l’aide pour corriger un travail : « S’il y a de la matière qui saute ou qu’on a fait un exercice de moins, mais qu’à cet examen-là, à ce travail-là, il a reçu tous ses points pour son français, c’est tant mieux. » Pour répondre aux demandes des tutoré⋅e⋅s, certain⋅e⋅s participante⋅s abordent des contenus liés aux cours de français, même si cela leur est interdit. Par exemple, lorsque les tutoré⋅e⋅s lui demandent de l’aide pour planifier leurs dissertations, la tutrice T4 répond favorablement : « J’essaie de leur dire : "Qu’est-ce que tu vois ici, à quoi ça te fait penser ?" J’essaie de voir leurs stratégies pour qu’ils puissent eux-mêmes trouver leurs idées, mais en les guidant un peu. »

Ensuite, le choix des dispositifs est influencé par la compétence scripturale des tuteur⋅rice⋅s, notamment leurs connaissances et leurs opinions sur l’écriture. Premièrement, lorsqu’on les questionne sur le choix d’un dispositif particulier, les participant⋅es peuvent répondre que ces dispositifs se prêtent mieux à l’apprentissage d’une notion en particulier. Par exemple, les tutrices T4 et T5 disent préférer la démarche inductive lorsqu’elles abordent l’emploi du deux-points ou de la virgule. La tutrice T5, elle, privilégie l’écriture guidée lorsqu’elle travaille auprès d’élèves ayant de grandes difficultés avec la syntaxe, puisque « partir de zéro » lui parait plus aidant. De la même façon, les connaissances que les participant⋅e⋅s ont du processus d’écriture les amènent à privilégier certains dispositifs. Ainsi, la tutrice T4 recourt à certaines méthodes apprises à l’université (par exemple, les cartes conceptuelles) pour aider les tutoré⋅e⋅s à planifier leurs textes puisqu’elle reconnait que la planification est un processus essentiel à l’écriture. Deuxièmement, les opinions des participant⋅e⋅s guident leurs choix. Pour la tutrice T2, l’écriture est une activité scolaire. Elle juge qu’il est utile de préparer ses deux tutoré⋅e⋅s à leur prochain cours de français en leur demandant d’écrire des textes s’apparentant au genre de l’analyse littéraire, vu dans les cours de français. La tutrice T3 croit plutôt qu’« écrire, c’est fait pour créer, pour exprimer ce qu’on veut ». Elle invite ses tutoré⋅e⋅s à écrire sur leur passion ou à relater une anecdote, et évite l’analyse littéraire, un genre qu’elle déteste :

Moi-même, qui écris beaucoup, je suis arrivée au cégep, fallait j’écrive une analyse littéraire […] j’haïssais ça, j’écrivais mes textes, pis je regardais : j’avais trop de marqueurs de relation, j’avais trop de froufrous, il fallait tout que je réefface pis que je reformule.

En bref, pour choisir des dispositifs didactiques, les tuteur⋅rice⋅s sont influencé⋅e⋅s par leurs représentations de leur rôle, leurs connaissances et leurs opinions issues de leurs expériences.

5. Discussion

Cette recherche visait à décrire les dispositifs didactiques utilisés par les tuteur⋅rice⋅s des CAF et à comprendre ce qui mène à leur choix. D’abord, il est apparu que les dispositifs de correction et les exercices de grammaire sont les dispositifs didactiques les plus souvent utilisés par les tuteur⋅rice⋅s, ce qui se lie aux attentes des CAF et des tutoré⋅e⋅s. Les CAF proposent des ressources et des démarches qui visent la réduction du nombre de fautes liées au code écrit. Les tutoré⋅e⋅s se rendent au CAF en ayant en tête que, pour s’améliorer en français, il faut faire moins de fautes. Il est vrai que la maitrise du code écrit est essentielle pour réussir des études collégiales. Notamment, pour obtenir le diplôme d’études collégiales, les élèves doivent réussir l’épreuve uniforme de français, une dissertation sur table de 900 mots à partir d’extraits littéraires et d’une consigne (MEES, 2020). Or, année après année, environ 15 % des élèves échouent à cette épreuve en raison du critère « Maitrise de la langue » qui exige de faire moins de 30 fautes de langue pour 900 mots.

Pourtant, est-ce que bien écrire se limite à respecter le code écrit ? Une recherche inédite menée dans un cégep a montré que non (Rouleau, 2017). Une trentaine d’enseignant⋅e⋅s de neuf disciplines ont identifié les qualités d’un excellent texte. Le respect du code écrit (orthographe lexicale, orthographe grammaticale, syntaxe et ponctuation) n’est que la septième qualité la plus souvent évoquée. Pour ces enseignant⋅e⋅s, ce qui fait l’excellence d’un texte, c’est d’abord son inscription du texte dans la discipline enseignée, son contenu, sa structure, son lexique, sa cohérence et son registre de langue. On peut supposer que, sur le marché du travail, les erreurs de conjugaison et d’épellation sont aussi moins importantes que le contenu du message. Dans un sondage mené auprès de 2 860 entreprises ou organismes embauchant des diplômé⋅e⋅s de la formation technique collégiale, les répondant⋅es indiquent rechercher des employé⋅e⋅s capables d’exprimer leurs idées clairement et efficacement, et que les compétences rédactionnelles des élèves des cégeps devraient être améliorées en ce sens (MEES, 2018). Ajoutons ici que des logiciels de plus en plus performants corrigent les erreurs relatives au code écrit, mais qu’ils ne sont pas capables d’évaluer la structure du texte, la cohérence des idées, la clarté du vocabulaire (Caron-Bouchard et coll., 2011), donc l’expression claire et efficace des idées.

D’ailleurs, si l’objectif des CAF est d’amener les élèves à faire moins de fautes, on peut douter de la pertinence même des dispositifs didactiques utilisés lors des rencontres de tutorat. D’abord, les dispositifs les plus souvent employés, les exercices de grammaire, peuvent avoir de faibles retombées sur la compétence scripturale parce que les élèves transfèrent peu leurs apprentissages dans les contextes où elles⋅ils écrivent (Capt, 2017 ; Nadeau et Fisher, 2006). Ensuite, parce qu’elles stimulent la réflexion métalinguistique, les dictées métacognitives sont aussi réputées avoir des retombées plus intéressantes sur la compétence scripturale que les dictées traditionnelles (Fisher et coll., 2015 ; Nadeau et Fisher, 2006). Pourtant, les tuteur⋅rice⋅s sondé⋅e⋅s utilisent plus souvent les dictées traditionnelles. Enfin, en ce qui concerne les dispositifs de correction, la recherche a montré que les rencontres de tutorat se centrent souvent sur la correction de textes. Les entrevues ont mis en lumière que les textes écrits ont rarement une structure imposée : il s’agit de textes plutôt libres sur un sujet général. Or, ces textes pourraient sous-évaluer les difficultés en écriture des tutoré⋅e⋅s, donc ne pas y répondre efficacement. En effet, ces textes ne ressemblent pas à ceux qui sont exigés par les études collégiales. Dans le cadre de leurs cours, les élèves doivent démontrer leurs apprentissages en se conformant à des consignes et à des normes relatives à la discipline et au genre textuel (Libersan et coll., 2010 ; Rouleau, 2017). En outre, les élèves doivent souvent lire avant d’écrire (Blaser, 2009). L’analyse littéraire, la recherche documentaire, la dissertation philosophique, le rapport de laboratoire sont autant de contextes où la lecture de textes sources précède l’écriture. Ces tâches d’écriture variées sont donc bien plus complexes que celles qu’on propose dans le cadre du tutorat parce qu’elles sollicitent non seulement la compétence scripturale, mais aussi la compétence en lecture et des connaissances sur les genres textuels et les normes disciplinaires. Or, on sait que les tâches d’écriture plus complexes peuvent provoquer de la surcharge cognitive, et qu’une personne en surcharge cognitive ne parvient plus à effectuer des opérations qu’elle maitrise habituellement (Blain et Lafontaine, 2010 ; Hayes, 1996 ; Plane, 1996 ; Rivard, 2012). En ce sens, faire écrire les tutoré⋅e⋅s sur des sujets libres et qui ne relèvent pas d’un genre particulier peut ne pas rendre compte de l’ensemble de leurs difficultés ni y répondre.

Il apparait aussi légitime de se demander si les dispositifs didactiques utilisés rejoignent les besoins de l’ensemble des tutoré⋅e⋅s. En effet, la compétence scripturale se compose non seulement d’un ensemble de connaissances sur le code linguistique, mais aussi de connaissances sur la démarche d’écriture et les stratégies pour contrôler son processus (Carpentier, 2014). Par exemple, certaines personnes ont une connaissance limitée de la démarche d’écriture : elles voient l’écriture comme un processus linéaire et ne sont donc pas portées à la révision ou à la réécriture (Plane, 1996). D’autres négligent de faire un plan détaillé, mais en bénéficieraient puisque la mise en oeuvre d’un trop grand nombre d’opérations lors de la mise en texte est trop exigeante (Rivard, 2012). Ainsi, il faut enseigner formellement aux élèves la planification, la mise en texte et la révision pour les amener à prendre pleinement compte de ce qu’est la démarche d’écriture, des nombreuses décisions que cette démarche implique, des stratégies et des connaissances variées qui doivent être mobilisées, et surtout, du temps exigé par l’ensemble de cette démarche (MEES, 2017 ; Paradis, 2012 ; Préfontaine, 1998 ; Routman, 2009). Or, les dispositifs qui favorisent cet enseignement formel sont peu employés par les tuteur⋅rice⋅s des CAF (planification de l’écriture, écriture modelée, partagée et guidée).

La compétence scripturale comporte aussi les sentiments et les opinions qu’une personne a envers les différents genres textuels et qui l’amènent à être plus ou moins engagée dans sa tâche d’écriture et à y consacrer plus ou moins de temps (Carpentier, 2014). Ainsi, certaines personnes ne savent pas bien gérer leur stress pendant une tâche d’écriture ou ressentent des émotions négatives (angoisse, ennui) pendant la planification, la mise en texte ou la révision, ce qui peut nuire à leur engagement dans ces processus (Blain et Lafontaine, 2010). Ces affects peuvent se lier à la valeur qu’elles accordent à l’écrit ou à leurs croyances issues de leurs expériences antérieures (Blain et Lafontaine, 2010 ; Hayes, 1996). Enchainer les exercices de grammaire pendant les rencontres de tutorat ne permet pas aux élèves de parler des émotions ressenties lors de l’écriture d’un texte ni de leurs croyances concernant l’écriture. Pourtant, il semble que la relation de tutorat pourrait être un moment privilégié pour ces discussions. D’abord, plusieurs élèves s’inscrivent au tutorat pour poser leurs questions à un pair plutôt qu’à un⋅e enseignant⋅e, se sentant alors plus libres d’avouer leurs faiblesses et de nommer leurs doutes (Désy, 1996). Aussi, chaque tuteur⋅rice ayant participé aux entrevues s’est dit⋅e sensible à ce que vivent les tutoré⋅e⋅s et à ce qui entraine des répercussions sur leurs performances en français, notamment leur faible motivation en français et la faible valeur accordée à la langue. Si les rencontres de tutorat misaient davantage sur les dispositifs où les élèves écrivent ensemble, elles pourraient devenir propices à des discussions autour des croyances, des émotions et de la motivation des élèves lors de l’écriture de textes, ce qui peut avoir des effets sur leur compétence scripturale.

6. Conclusion

Pour décrire les dispositifs didactiques utilisés par les tuteur⋅rice⋅s des CAF des cégeps et comprendre ce qui mène à leur choix, nous avons analysé des données recueillies en 2021 auprès de 101 tuteur⋅rice⋅s de 12 cégeps. Il est apparu que les tuteur⋅rice⋅s misent surtout sur des exercices de grammaire et sur la correction de textes puisque le mandat que leur confie le CAF est d’amener les tutoré⋅e⋅s à mieux s’autocorriger, ce qui est aussi une attente des tutoré⋅e⋅s. Or, ces dispositifs peuvent sous-estimer les difficultés des tutoré⋅e⋅s et ne pas y répondre adéquatement. Il serait donc pertinent de revoir la formation et l’encadrement offerts aux tuteur⋅rice⋅s, de même que les ressources mises à leur disposition. On devrait valoriser les dispositifs qui ont des retombées plus intéressantes sur la compétence scripturale (par exemple, favoriser les dictées métacognitives plutôt que traditionnelles, privilégier des exercices qui exigent un raisonnement grammatical complet). On pourrait aussi mettre à la disposition des tuteur⋅rice⋅s des ressources leur permettant de faire vivre des situations authentiques d’écriture aux tutoré⋅e⋅s, donc des dispositifs où la lecture de textes disciplinaires précèderait l’écriture (résumer un article de vulgarisation scientifique, se positionner devant un éditorial journalistique, faire le pastiche d’un poème, etc.). Par ces dispositifs, on pourrait non seulement agir sur toutes les dimensions de la compétence scripturale (les croyances, les émotions, les connaissances et les stratégies pour planifier, mettre en texte et réviser, etc.), mais aussi offrir un soutien plus important aux tutoré⋅e⋅s qui en ont besoin. En partageant des expériences d’écriture variées et nombreuses avec les tuteur⋅rice⋅s, les tutoré⋅e⋅s pourraient observer les stratégies qu’une personne compétente en écriture mobilise pour planifier, mettre en texte et réviser. Cela leur permettrait aussi de prendre conscience qu’écrire un bon texte exige du temps, des efforts, et que c’est un processus marqué d’allers-retours et ponctué de doutes. Enfin, ces dispositifs didactiques se rapprocheraient davantage de ce que font les élèves dans le cadre des cours collégiaux, donc permettraient de mieux diagnostiquer leurs difficultés pour mieux y remédier.

forme: 2348191.jpg
Valérie Thomas
Étudiante au doctorat, Université de Montréal

forme: 2348192.jpg
Geneviève Carpentier
Professeure, Université de Montréal