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La crise sanitaire de la COVID-19, déclarée pandémie en mars 2020 par l’Organisation mondiale de la santé, a amené plusieurs pays à adopter des mesures restrictives afin de limiter la propagation du virus. L’une d’elles, le confinement, a engendré la fermeture temporaire de la plupart des établissements d’enseignement supérieur, bouleversant les modalités d’apprentissage et de travail des étudiant⋅e⋅s universitaires, en plus de les isoler physiquement de leur communauté de pratique (terrains de recherche, centres et laboratoires, groupes de pairs, etc.). La redéfinition de leur environnement d’études et de travail a eu des effets indéniables sur ces étudiant⋅e⋅s en formation ainsi que sur leur parcours académique, comme en témoignent les écrits présentés dans l’ouvrage recensé. De façon plus précise, il cherche à comprendre les effets de cette mesure sur cette population en présentant un dossier de huit chapitres. Trois enquêtes menées en France, Belgique, Suisse et Argentine y sont entre autres détaillées, deux qualitatives et une quantitative. Sans s’y restreindre, les recherches proposées portent sur le vécu expérientiel des étudiant⋅e⋅s universitaires, le soutien social, la motivation, l’engagement en formation, la persévérance, le bienêtre, les modalités d’enseignement et de travail (présentiel/distanciel). Ces concepts, dont plusieurs trouvent écho dans la théorie de l’autodétermination, permettent d’articuler les difficultés nouvelles rencontrées par les étudiant⋅e⋅s ainsi que celles qui ont été exacerbées. En outre, l’un des chapitres ne se limite pas à la population universitaire et tend à fournir une analyse des effets psychosociaux du confinement chez l’ensemble de la population. Au terme, l’ouvrage est complété par deux recensions ainsi qu’une section varia comportant trois textes qui traitent respectivement des activités émotionnelles, des pratiques évaluatives et de la mémoire autobiographique.

Cet ouvrage, dont la pertinence et la rigueur de l’écriture méritent d’être soulignées, se révèle essentiel afin de documenter et analyser une période charnière vécue par les étudiant⋅e⋅s. Les effets attribuables à cette crise sanitaire ainsi que la redéfinition des sphères personnelles, professionnelles et académiques ont marqué et continueront de marquer au cours des prochaines années le parcours de certain⋅e⋅s étudiant⋅e⋅s, en particulier vis-à-vis les retards scolaires encourus et les abandons. À cet effet, certains chapitres intègrent des extraits d’entretiens évocateurs qui rendent compte de ces retards et abandons ainsi que de nombreux effets, entre autres psychologiques (stress, anxiété, etc.), vécus dans chacune de ces sphères interreliées. La complémentarité des chapitres de ce collectif constitue également une force, puisque certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s adoptent une vision élargie des difficultés rencontrées par les étudiant⋅e⋅s, alors que d’autres témoignent de situations précises et singulières, ce qui est susceptible de mener à une compréhension nuancée des expériences vécues lors de cette période. Quelques auteur⋅e⋅s témoignent aussi des effets profitables de cette situation exceptionnelle en ce qui concerne les changements organisationnels, ce qui constitue une réalité encore trop peu documentée. Par exemple, il est évoqué que ce contexte a permis à certain⋅e⋅s étudiant⋅e⋅s de se recentrer sur leurs objets de recherche, de redéfinir leurs priorités intellectuelles et d’accorder davantage de temps à la rédaction de leur mémoire ou leur thèse, en l’absence d’autres obligations. Cet ouvrage propose ainsi un tour d’horizon riche en nuances à propos de la thématique abordée.

Par ailleurs, deux considérations au sujet de cet ouvrage peuvent être énoncées. D’une part, les chapitres fournissent des indications limitées quant au contexte de confinement dans lequel les données ont été collectées, notamment en ce qui concerne le moment, la durée et le type (total/partiel). Ces informations nous apparaissent pourtant déterminantes afin de mener une réflexion approfondie sur la question du confinement et d’établir des comparatifs entre les différents pays puisque cette mesure a connu des variations importantes selon le lieu où elle a été appliquée. D’autre part, malgré la pertinence manifeste des recherches menées, il importe de demeurer prudent quant à la généralisation des données puisque dans la plupart des cas, il s’agit d’un échantillonnage intentionnel, sélectionné dans un environnement homogène et, qui plus est, de petite taille, se chiffrant entre dix et cinquante-cinq participant⋅e⋅s. Il est ainsi possible de croire que certains effets du confinement aient été omis, peu abordés ou surreprésentés.