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1. Introduction

Le niveau de préparation scolaire des enfants lors de l’entrée à l’école est prédictif de leur réussite éducative ultérieure (Pan et coll., 2019 ; Ricciardi et coll., 2021). De nombreux⋅ses chercheurses à travers le monde rapportent des inégalités en matière de préparation scolaire entre les enfants qui entrent à la maternelle 5 ans (Bradbury et coll., 2011 ; Højen et coll., 2019). L’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle menée en 2017 auprès de 81 372 enfants amorçant la maternelle révèle que plus du quart d’entre elles⋅eux ne sont pas prêt⋅e⋅s pour l’école (Simard et coll., 2018). Parmi ces enfants, celles⋅ceux né⋅e⋅s à l’extérieur du Canada, celles⋅ceux dont la langue maternelle n’est pas le français et celles⋅ceux résidant dans un quartier défavorisé sur le plan matériel tendent à présenter un niveau de développement cognitif et langagier inférieur aux autres groupes d’enfants. Les enfants issu⋅e⋅s de familles immigrantes, particulièrement allophones, peuvent dès lors constituer un groupe d’enfants « à risque » de présenter un retard sur le plan des apprentissages lors de l’entrée à l’école, et ce, d’autant plus si elle⋅il⋅s vivent dans un contexte de précarité. Parmi les facteurs pouvant accentuer les écarts en matière de préparation scolaire entre les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s lors de l’entrée à la maternelle, certaines études américaines soulignent le fait que les enfants immigrant⋅e⋅s sont moins susceptibles que les enfants non immigrant⋅e⋅s de fréquenter un service de garde éducatif à l’enfance (SGEE) de qualité avant l’entrée à l’école (Magnuson et Waldfogel, 2005 ; Magnuson et coll., 2006). Pourtant, de nombreuses études montrent que la fréquentation d’un SGEE de qualité est bénéfique pour le développement de tou⋅te⋅s les enfants (Côté et coll., 2013 ; Goble et Pianta, 2017 ; Pianta et coll., 2020). Des études québécoises longitudinales établissent d’ailleurs un lien significatif entre la fréquentation d’un SGEE et la réussite éducative ultérieure des enfants (Larose et coll., 2021 ; Loisier et coll., 2021). Certaines études américaines précisent que la fréquentation d’un SGEE, s’il est de qualité, permet aux enfants immigrant⋅e⋅s d’être mieux préparé⋅e⋅s pour l’école en améliorant leur maitrise de la langue officielle du pays d’accueil, de leurs compétences en littératie et en numératie (Magnuson et coll., 2006 ; Votruba-Dzral et coll., 2015) et de leur capacité à s’autoréguler et à prendre des initiatives à la maternelle (Yazejian et coll., 2015).

Divers motifs peuvent influencer le choix des familles immigrantes de fréquenter ou non un SGEE, notamment l’origine ethnoculturelle des parents (Obeng, 2007), une barrière linguistique entre les parents et les prestataires des SGEE (Poureslami et coll., 2013) et l’exposition à des conditions socioéconomiques défavorables (Nores et Barnett, 2014). L’Enquête montréalaise sur l’expérience préscolaire des enfants de maternelle menée en 2012 auprès de 1 177 enfants rapporte que les enfants immigrant⋅e⋅s de première génération (celles⋅ceux né⋅e⋅s à l’extérieur du Canada) sont proportionnellement moins nombreux⋅ses (60 %) à avoir fréquenté un SGEE avant l’entrée à l’école que les enfants immigrant⋅es de deuxième génération (celles⋅ceux né⋅e⋅s au Canada dont au moins un de leurs parents est né à l’étranger) (82 %) et les enfants non immigrant⋅e⋅s (81 %) (Guay et coll., 2018).

Or, la qualité de l’environnement éducatif fréquenté par les enfants immigrant⋅e⋅s a été moins étudiée que leur taux de fréquentation en SGEE (Espinosa et coll., 2017). Il importe alors, comme le soulignent Boucheron et coll. (2012) et Ciceri et coll. (2004), de documenter le parcours préscolaire des enfants immigrant⋅e⋅s au regard de leur préparation scolaire et de la qualité du SGEE fréquenté. Dans cette perspective, notre étude vise à mieux comprendre l’association entre la qualité de l’environnement éducatif en SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s en voie d’entrer à la maternelle 5 ans. L’appellation « enfants immigrant⋅es » utilisée dans cet article évoque à la fois les enfants immigrant⋅e⋅s de première génération (celles⋅ceux né⋅e⋅s à l’extérieur du Canada) et les enfants immigrant⋅e⋅s de deuxième génération (celles⋅ceux né⋅e⋅s au Canada dont au moins un de leurs parents est né à l’étranger).

2. Cadre conceptuel

2.1 Famille immigrante

Selon Statistique Canada (2022), une personne est considérée comme immigrante si elle n’est pas un⋅e citoyen⋅ne canadien⋅ne de naissance. Les personnes nées à l’extérieur du Canada ont un statut d’immigrant⋅e de première génération, alors que les personnes nées au Canada et dont au moins l’un des parents est né à l’extérieur du Canada ont un statut d’immigrant⋅e de deuxième génération. Toujours selon Statistique Canada (2021), les personnes admises à titre d’immigrant⋅e⋅s au Canada sont généralement classifiées dans l’une ou l’autre des catégories d’admission suivantes : Immigrant économique, Immigrant parrainé par la famille, Réfugié ou Autre immigrant. La catégorie Immigrant économique regroupe des personnes immigrantes qui ont été sélectionnées pour leur capacité à contribuer à l’économie canadienne (par exemple, travailleur⋅se⋅s qualifié⋅e⋅s et autonomes, investisseur⋅se⋅s, entrepreneurse⋅s). La catégorie Immigrant parrainé par la famille renvoie aux personnes immigrantes qui ont été parrainées par un⋅e citoyen⋅ne canadien⋅ne ou un⋅e résident⋅e permanent⋅e et qui ont elles-mêmes reçu un statut de résident⋅e permanent⋅e en raison de leur lien avec le « parrain » (par exemple, conjoint⋅e, partenaire, enfant, parent, grand-parent). La catégorie Réfugié comprend les personnes immigrantes qui ont reçu le statut de résident⋅e permanent⋅e en raison d’une crainte d’être persécutée pour divers motifs (par exemple, religion, nationalité, opinions politiques), ou encore, de subir des conséquences graves et personnelles en raison d’une guerre civile, d’un conflit armé ou d’une violation massive des droits de la personne. Enfin, la catégorie Autre immigrant inclut les personnes immigrantes qui ont reçu un statut de résident⋅e permanent⋅e dans le cadre d’un programme particulier (par exemple, cas d’intérêt public ou d’ordre humanitaire). Ces personnes ne font partie d’aucune autre catégorie d’admission d’immigrant⋅e⋅s. D’autres personnes immigrantes peuvent être admises dans le pays d’accueil pour une période déterminée (par exemple, travailleur⋅se⋅s temporaires, étudiant⋅e⋅s étranger⋅ère⋅s, visiteurses) (Direction des politiques et des programmes d’immigration, 2011). Afin de s’adapter à leur nouvel environnement, un processus d’acculturation s’enclenche lorsque les personnes immigrantes sont amenées à redéfinir leur culture d’origine en y intégrant des éléments de la culture de la société d’accueil (Berry et coll., 2006). Cette réorganisation du modèle culturel participe à leur adaptation et à leur intégration dans la société d’accueil. Dès qu’ils s’engagent dans le système éducatif, les enfants issu⋅e⋅s de familles immigrantes sont confronté⋅e⋅s simultanément à un stress d’acculturation et à un stress scolaire susceptibles d’impacter leur réussite éducative ultérieure (Kanouté et coll., 2008). Ces facteurs de stress peuvent se traduire par une perte de repères, des difficultés relatives à l’acquisition et à la maitrise d’une nouvelle langue, une perte de statut social, une perte de soutien de la famille élargie et la modification des rôles dans la famille (Bouteyre, 2004).

2.2 Préparation scolaire

Au Québec, le concept de préparation scolaire s’inscrit dans l’une des treize voies de la réussite éducative du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui soutient que le niveau de développement d’un⋅e enfant à son entrée à l’école conditionne en bonne partie les premières étapes de sa scolarisation (2021). La préparation scolaire est un construit multidimensionnel correspondant au niveau de développement à partir duquel un⋅e enfant est en mesure de réaliser des apprentissages spécifiques à son groupe d’âge et d’assimiler un programme éducatif en vue de satisfaire aux exigences scolaires lors de l’entrée à l’école (Lewit et Schuurmann Baker, 1995). La préparation scolaire s’exprime en termes d’attitudes positives envers l’apprentissage et de compétences physiques, cognitives, sociales et émotionnelles que l’enfant doit avoir acquises lors de l’entrée à l’école en fonction de normes développementales prédéfinies (National Association for the Education of Young Children, 2009). La maturation biologique fait également l’objet d’une attention particulière dans la conceptualisation de la préparation scolaire, faisant émerger certaines politiques éducatives fondées sur l’âge des enfants (Snow, 2006). Par exemple, en contexte québécois, les enfants doivent être âgé⋅e⋅s de 5 ans avant le 30 septembre de l’année scolaire poursuivie pour amorcer la maternelle 5 ans. Pour leur part, les enfants âgé⋅e⋅s de 4 ans peuvent fréquenter la maternelle 4 ans ou un SGEE. Ces deux services éducatifs font toutefois l’objet d’un débat quant au programme éducatif le plus favorable à la préparation scolaire des enfants (Japel et coll., 2017 ; April et coll., 2018). Par ailleurs, certaines familles immigrantes doivent composer avec des valeurs et pratiques éducatives des SGEE québécois qui sont différentes de leurs référents culturels, évoquant ainsi un processus d’acculturation (Charette, 2016 ; Kanouté et coll., 2008).

Certain⋅e⋅s chercheur⋅se⋅s ont élaboré des instruments de mesure standardisés axés sur le dépistage précoce du développement des enfants (Doherty, 1997 ; Janus et Offord, 2007). La passation de ces instruments de mesure permet d’évaluer le niveau de préparation scolaire des groupes d’enfants qui entrent à la maternelle et de les différencier sur la base de leurs caractéristiques sociodémographiques (par exemple, âge, sexe, lieu de naissance, langue maternelle). Certaine⋅s enfants sont en mesure de répondre aux exigences scolaires de manière précoce (Pfeiffer et Petscher, 2008), alors que d’autres présentent des retards susceptibles de reporter leur entrée à l’école (Winsler et coll., 2012). Selon Venet et coll. (2006), la pratique du dépistage précoce devient efficace pour atténuer les difficultés des enfants si elle permet des interventions adéquates et évaluées. Le dépistage permet ainsi de mieux comprendre l’écart existant entre les capacités de l’enfant et le développement normatif des enfants en fonction de l’âge et de la culture (Manningham et Vaillant, 2017 ; Manningham, 2021). Par ailleurs, la préparation scolaire ne doit pas uniquement être centrée sur la pratique du dépistage précoce et l’acquisition de compétences particulières chez les enfants, mais également sur les interactions réciproques entre les enfants, les parents, les écoles et les communautés (Altun, 2018 ; Latham, 2018). Il faut non seulement se demander si l’enfant est prêt⋅e pour l’école, mais également si les environnements dans lesquels elle⋅il évolue soutiennent sa transition scolaire (par exemple, famille, quartier, SGEE, école) (Cantin et coll., 2011).

2.3 Qualité de l’environnement éducatif

La qualité de l’environnement éducatif d’un SGEE s’appuie sur deux dimensions. La qualité structurelle renvoie aux règlementations gouvernementales en termes d’espace intérieur, de mobilier, de ratio éducateur⋅rice-enfants, de taille des groupes d’enfants, ainsi que de formation et d’expérience du personnel (Friendly et Beach, 2005 ; Hartman et coll., 2016). Ces caractéristiques structurelles constituent les conditions environnementales mises en place par l’éducateur⋅rice pour soutenir les interactions avec les enfants afin de favoriser leur développement global (Slot et coll., 2018). Les interactions de l’éducateur⋅rice avec les enfants sont considérées comme la composante ayant l’influence la plus directe sur le développement des enfants dans l’environnement éducatif (Lemay, Lehrer et Naud, 2017). La qualité du processus éducatif repose sur la nature des expériences interactives que vivent les enfants au sein du programme d’activités mis en place et les interactions éducateur⋅rice-enfants et entre les pairs (Philips et coll., 2000). Elle est reliée à la capacité de l’éducateur⋅rice à accompagner les enfants dans leur exploration à l’aide du matériel éducatif offert et de l’aménagement d’un environnement physique et social répondant à leurs besoins développementaux (Bigras et coll., 2010 ; Manningham et Vaillant, 2017). Il devient ainsi la responsabilité de l’éducateur⋅rice de planifier un aménagement de l’environnement éducatif centré sur une connaissance approfondie du développement de l’enfant et sur l’observation de chacun⋅e d’entre elles⋅eux (Japel et Manningham, 2007 ; Manningham, 2021). De leur côté, da Silva et Wise (2006) font ressortir que, pour certains parents, une facilité d’accès au SGEE, une bonne communication entre le personnel et les parents et une sensibilité culturelle élevée de l’environnement éducatif sont d’autres critères de qualité importants. D’autres chercheur⋅se⋅s encouragent l’utilisation du bilinguisme additif dans les environnements éducatifs québécois pluriethniques et plurilingues (Armand, 2012 ; Young et Mary, 2016). Ils considèrent que l’apprentissage du français et celui de la langue maternelle de l’enfant doivent être envisagés de façon complémentaire et harmonieuse afin de favoriser l’inclusion de tou⋅te⋅s les enfants dans le groupe.

Au Québec, certaines études se sont intéressées à la qualité de l’environnement éducatif des SGEE (Fournier et Drouin, 2004 ; Gingras et coll., 2015 ; Japel et coll., 2005). D’autres études se sont centrées uniquement sur la préparation scolaire des enfants (Boucheron et coll., 2008 ; Simard et coll., 2018 ; Simard et coll., 2013). À notre connaissance, une seule recherche québécoise a examiné les effets de la fréquentation d’un SGEE ou d’une prématernelle sur la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s en comparaison aux enfants non immigrant⋅e⋅s (Guay et coll., 2018). Toutefois, l’étude de Guay et coll. (2018) ne prend pas en compte la qualité de l’environnement éducatif fréquenté par les enfants. Le but de notre étude consiste donc à examiner spécifiquement l’association entre la qualité de l’environnement éducatif du SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrantes et non immigrantes en voie d’entrer à la maternelle 5 ans. Pour ce faire, trois objectifs sont poursuivis : 1) décrire le niveau de qualité de l’environnement éducatif des SGEE fréquentés par les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s ; 2) examiner les différences dans le niveau de préparation scolaire des enfants selon qu’elle⋅il⋅s sont immigrant⋅e⋅s ou non immigrant⋅e⋅s ; 3) examiner la relation entre la qualité de l’environnement éducatif du SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s.

3. Méthodologie

3.1 Participants

Le recrutement des participant⋅e⋅s s’est effectué par le biais des gestionnaires de centres de la petite enfance (CPE) affiliés à un regroupement des centres de la petite enfance du territoire entourant la ville de Québec. Une lettre explicative et un formulaire de consentement exposant la nature du projet de recherche ont été transmis à l’ensemble des éducateur⋅rice⋅s responsables de groupes d’enfants âgé⋅e⋅s de 4 à 5 ans. Quatorze éducatrices, réparties dans 11 CPE, ont pris part à l’étude. L’ensemble des éducatrices sont nées au Canada, à l’exception d’une d’entre elles qui est née au Chili. Elles sont âgées de 33 à 59 ans et ont, en moyenne, 21,86 années d’expérience dans le domaine de la petite enfance (écart-type = 7,19). Quatre éducatrices détiennent un diplôme d’études universitaires, neuf ont un diplôme d’études collégiales dans le domaine de la petite enfance et une possède un diplôme d’études secondaires. Les éducatrices participant à l’étude ont ensuite acheminé une lettre explicative et un formulaire de consentement exposant la nature du projet de recherche à tous les parents dont les enfants respectent les critères d’inclusion suivants : 1) fréquenter un CPE au moins 20 heures par semaine ; 2) être âgé⋅e⋅s de 4 ou 5 ans. Un total de 76 enfants ont participé à l’étude. Le tableau 1 présente le portrait sociodémographique des enfants selon qu’elle⋅il⋅s sont immigrant⋅e⋅s ou non immigrant⋅e⋅s. Les informations sur le statut de résidence et le temps écoulé au Canada des familles immigrantes n’ont pas été recueillies.

Tableau 1

Portrait sociodémographique des enfants

Portrait sociodémographique des enfants

= moyenne, ÉT = écart-type, n = nombre, % = pourcentage

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3.2 Instruments de mesure

La qualité de l’environnement éducatif des SGEE a été évaluée à l’aide de l’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire révisée (EEEP-R), une traduction française de l’Early Childhood Environment Rating Scale - Revised (ECERS-R ; Harms et coll., 1998). L’EEEP-R est une grille d’observation complétée par un⋅e observateur⋅rice qualifié⋅e (voir section déroulement, ci-dessous) comportant 470 descripteurs permettant d’évaluer 43 dimensions de l’environnement éducatif. Ces dimensions sont regroupées en sept sous-échelles : 1) Mobilier et aménagement ; 2) Soins personnels ; 3) Langage et le raisonnement ; 4) Activités ; 5) Interactions ; 6) Structure du service ; 7) Parents et le personnel. La grille d’observation permet d’obtenir un score moyen de la qualité de l’environnement éducatif pour chaque sous-échelle et un score total moyen de qualité. Plus précisément, la qualité de l’environnement éducatif est mesurée selon une échelle de type Likert variant de 1 à 7 (échelle qualitative). Elle est ensuite subdivisée en 4 niveaux (échelle quantitative) : inadéquat (1) ; minimal (3) ; bon (5) et excellent (7). Un niveau de qualité égale ou supérieur à bon (5) atteste d’un environnement où la santé et la sécurité des enfants sont assurées tout en proposant un environnement éducatif stimulant pour leur développement. Selon Harms et coll. (2005), l’EEEP-R présente une excellente cohérence interne (α de 0.92) et une bonne fidélité interjuges (r de 0.86).

Le niveau de préparation scolaire des enfants, quant à lui, a été évalué à l’aide de l’Instrument de mesure du développement de la petite enfance (IMDPE ; Janus et Offord, 2007). L’IMDPE est souvent utilisé dans le contexte scolaire (maternelle 5 ans). Il peut toutefois être utilisé dans le contexte des SGEE afin de soutenir les forces et d’identifier les besoins des enfants en voie d’entrer à l’école. Il s’agit d’un questionnaire de 103 items rempli par le personnel enseignant à la maternelle, ou le personnel éducateur à la petite enfance, portant sur la capacité des enfants âgée⋅s de 4 à 6 ans à répondre aux attentes développementales propres à leur âge dans cinq domaines de développement : 1) Santé physique et le bienêtre ; 2) Compétence sociale ; 3) Maturité affective ; 4) Développement cognitif et langagier ; 5) Habiletés de communication et connaissances générales. Les items renvoient à des comportements observables et à la capacité de l’enfant à exécuter des actions, telles que : tenir un crayon ou un pinceau ; raconter une histoire ; compter jusqu’à 20 ; jouer avec plusieurs enfants. Les items sont évalués sur une échelle de type Likert (très bon ou bon, moyen, faible ou très faible, ou ne sais pas) ou dichotomique (oui ou non, ou ne sais pas). Ils sont ensuite recodés sur une échelle de 0 à 10, afin de calculer un score moyen pour chacun des cinq domaines de développement. L’IMDPE est une mesure populationnelle et non individuelle. Il dresse un portrait du développement de groupes d’enfants présentant une même caractéristique (par exemple, sexe, lieu de naissance, statut socioéconomique). L’IMDPE présente de bons indices de cohérence interne pour chaque domaine de développement (α varie de 0.84 à 0.96) et une fidélité interjuges acceptable entre le personnel enseignant à la maternelle et le personnel éducateur à la petite enfance (r varie entre 0.53 et 0.80).

3.3 Déroulement

Un questionnaire sociodémographique a été remis aux parents des enfants à l’automne 2018 pour obtenir des données sur l’âge, le sexe, le lieu de naissance et la langue parlée à la maison de l’enfant ainsi que sur le lieu de naissance et le niveau de scolarité des parents ainsi que leur revenu familial brut par année. Le niveau de préparation scolaire des enfants a été évalué à deux reprises par les éducatrices à l’aide de l’IMDPE : à l’automne 2018 (temps 1) et au printemps 2019 (temps 2). Les éducatrices ont reçu une courte formation sur l’utilisation de l’IMDPE. L’évaluation de la qualité de l’environnement éducatif des SGEE a été réalisée à l’aide de l’EEEP-R. La doctorante qui a mené ce projet de recherche a reçu une formation d’une durée de cinq jours par une experte dans le domaine de la petite enfance. La formation reçue comprenait une partie théorique (développement de l’enfant, cadre législatif québécois dans les SGEE et principes sous-jacents de la grille d’observation) et une partie pratique (observations avec juge experte). Les pratiques sur le terrain ont permis d’établir deux accords interjuges satisfaisants (corrélations intragroupes de 0.83 et 0.81). Les observations de chaque environnement éducatif ont eu lieu en avant-midi et ont duré, en moyenne, trois heures. Un questionnaire sociodémographique a été rempli par les éducatrices pour obtenir des données sur leur âge, leur lieu de naissance, leur nombre d’années d’expérience dans le domaine de la petite enfance et leur niveau de scolarité.

3.4 Méthodes d’analyse de données

3.4.1 Objectif 1

Des analyses statistiques descriptives (moyennes, écarts-types) ont été effectuées dans le but de décrire le niveau de qualité de l’environnement éducatif des SGEE (= 14 groupes) fréquentés par les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s, selon les sept sous-échelles et le score total moyen de qualité de l’EEEP-R. Des analyses préliminaires ont également été menées afin de déterminer s’il existe des différences significatives entre les caractéristiques sociodémographiques des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s.

3.4.2 Objectif 2

Des analyses descriptives (moyennes et écarts-types) suivies d’analyses de la variance ont été réalisées afin de vérifier s’il existe des différences significatives entre les moyennes des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s dans les cinq domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au deuxième temps de mesure (T2), soit juste avant l’entrée à l’école. Considérant le fait que certain⋅e⋅s enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s peuvent fréquenter un même groupe en SGEE, un effet aléatoire du groupe a été pris en compte dans les cinq modèles d’analyse de la variance. L’effet aléatoire permet de corriger la non-indépendance et l’hétérogénéité des données d’observation.

3.4.3 Objectif 3

Des analyses multiniveaux ont finalement été menées afin d’examiner la relation entre la qualité de l’environnement éducatif du SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s. Plus précisément, cinq modèles de régression linéaire incluant un effet aléatoire du groupe ont été élaborés pour les cinq domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au T2. Une méthode de sélection ascendante des variables a été utilisée pour élaborer les modèles. L’ensemble des analyses statistiques a été réalisé à l’aide du logiciel IBM SPSS (2021).

3.5 Considérations éthiques

Les parents ont été assurés que les renseignements recueillis au sujet de la préparation scolaire de leur enfant ne peuvent être partagés entre les intervenants du SGEE ni au futur établissement scolaire de leur enfant. Ces renseignements ne peuvent en aucun cas avoir un impact sur l’admission de l’enfant à la maternelle et être utilisés dans un contexte autre que celui du projet de recherche. Tous les questionnaires sur la préparation scolaire et les grilles d’observation sur la qualité de l’environnement éducatif sont conservés dans un classeur sous clé jusqu’en juin 2024. Les données numériques sont conservées sur un ordinateur portable muni d’un code d’accès.

4. Résultats

4.1 Qualité de l’environnement éducatif du SGEE

L’objectif 1 a pour but de décrire le niveau de qualité de l’environnement éducatif des SGEE fréquentés par les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s selon les sept sous-échelles et le score total moyen de qualité de l’EEEP-R. Le tableau 2 montre qu’en moyenne les enfants se trouvent dans des environnements éducatifs caractérisés par un niveau de qualité d’ensemble minimal (3) à bon (5). D’une part, les sous-échelles Soins personnels et Activités présentent le niveau de qualité le plus faible (M = 2,9), d’autre part, les sous-échelles Langage et raisonnement, Interactions et Structure du service présentent les niveaux de qualité les plus élevés (M = 4,1 à 4,3).

Tableau 2

Qualité de l’environnement éducatif des SGEE selon l’EEEP-R

Qualité de l’environnement éducatif des SGEE selon l’EEEP-R

M = moyenne, ÉT = écart-type

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4.2 Préparation scolaire des enfants

L’objectif 2 vise à examiner les différences de moyennes en matière de préparation scolaire entre les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s en fonction des cinq domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au T2. Le tableau 3 révèle une seule différence significative entre les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s dans le domaine du Développement cognitif et langagier. Les enfants immigrant⋅e⋅s montrent un niveau de préparation scolaire inférieur aux enfants non immigrant⋅e⋅s dans ce domaine de développement.

Tableau 3

Préparation scolaire des enfants au temps 2 selon l’IMDPE

Préparation scolaire des enfants au temps 2 selon l’IMDPE

M = moyenne, ÉT = écart-type, F = statistique du test, ddl = degrés de liberté, *p ˂ .05

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4.3 Qualité de l’environnement éducatif et préparation scolaire

L’objectif 3 vise à examiner la relation entre la qualité de l’environnement éducatif des SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s. Le tableau 4 révèle que les sous-échelles Mobilier et aménagement, Soins personnels, Langage et raisonnement et Parent et personnel de l’EEEP-R sont corrélés significativement avec un ou plusieurs domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au T2. Le tableau 4 montre également que les cinq domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au T1 sont corrélés significativement avec un ou plusieurs domaines de développement de l’IMDPE mesurés au T2. L’absence de colinéarité entre les variables et les hypothèses de normalité et d’homogénéité de la variance des résidus a été vérifiée.

Tableau 4

Corrélations intervariables selon les cinq domaines de développement de l’IMDPE au temps 2

Corrélations intervariables selon les cinq domaines de développement de l’IMDPE au temps 2

**p ˂ .01, *˂ .05

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Cinq modèles de régression linéaire incluant un effet aléatoire du groupe ont été élaborés selon les cinq domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE mesurés au T2, et ce, à partir d’une méthode de sélection ascendante des variables. Voici les cinq modèles finaux :

  1. Santé physique et bienêtre

    Les résultats révèlent que le Développement cognitif et langagier (T1) et l’effet aléatoire du groupe expliquent 40 % de la variance de la Santé physique et du bienêtre (T2) (R² conditionnel = 0.40). Le Développement cognitif et langagier (T1) (β = 0.09 ; p ˂ 0.05) est lié positivement à la Santé physique et au bienêtre (T2).

  2. Compétence sociale

    Les résultats indiquent que la Maturité affective (T1), combinée à la Compétence sociale (T1) et à l’effet aléatoire du groupe, explique 71 % de la variance de la Compétence sociale (T2) (R² conditionnel = 0.71). La Maturité affective (T1) (β = 0.38 ; p ˂ 0.01) et la Compétence sociale (T1) (β = 0.40 ; p ˂ 0.01) sont liées positivement à la Compétence sociale (T2).

  3. Maturité affective

    Les résultats montrent que la Maturité affective (T1), combinée à la sous-échelle Mobilier et aménagement, à la Compétence sociale (T1) et à l’effet aléatoire du groupe, explique 64 % de la variance de la Maturité affective (T2) (R² conditionnel = 0.64). La Maturité affective (T1) (β = 0.49 ; p ˂ 0.01), la sous-échelle Mobilier et aménagement (β = 0.68 ; p ˂ 0.01) et la Compétence sociale (T1) (β = 0.28 ; p ˂ 0.05) sont liées positivement à la Maturité affective (T2).

  4. Développement cognitif et langagier

    Les résultats indiquent que le Développement cognitif et langagier (T1), combiné à la Maturité affective (T1), à la sous-échelle Mobilier et aménagement et à l’effet aléatoire du groupe, explique 67 % de la variance du Développement cognitif et langagier (T2) (R² conditionnel = 0.67). Le Développement cognitif et langagier (T1) (β = 0.60 ; p ˂ 0.01), la Maturité affective (T1) (β = 0.23 ; p ˂ 0.05) et la sous-échelle Mobilier et aménagement (β = 0.58 ; p ˂ 0.05) sont liés positivement au Développement cognitif et langagier (T2).

  5. Habiletés de communication et connaissances générales

    Les résultats révèlent que les Habiletés de communication et connaissances générales (T1), combinées à la sous-échelle Mobilier et aménagement et à l’effet aléatoire du groupe, explique 47 % de la variance des Habiletés de communication et connaissances générales (T2) (R² conditionnel = 0.47). Les Habiletés de communication et connaissances générales (T1) (β = 0.52 ; p ˂ 0.01) et la sous-échelle Mobilier et aménagement (β = 0.42 ; p ˂ 0.05) sont liées positivement aux Habiletés de communication et connaissances générales (T2).

5. Discussion des résultats

Le premier objectif visait à décrire le niveau de qualité de l’environnement éducatif des SGEE fréquentés par les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s en fonction des sept sous-échelles et du score total moyen de qualité de l’EEEP-R. Les résultats révèlent que les enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s de notre échantillon se trouvent dans des environnements éducatifs caractérisés par un niveau de qualité d’ensemble minimal (3) à bon (5). Les deux sous-échelles présentant les plus faibles niveaux de qualité sont les Activités et les Soins personnels (respectivement M = 2,9). Plus spécifiquement, les enfants de notre échantillon tendent à fréquenter des environnements éducatifs dont le niveau de qualité est minimal en matière d’accessibilité et de variété du matériel proposé (sous-échelle Activités) et de mesures d’hygiène et de sécurité pour les enfants (sous-échelle Soins personnels). Nos résultats convergent avec ceux de l’Enquête québécoise sur la qualité des services de garde éducatifs (Fournier et Drouin, 2004 ; Gingras et coll., 2015) et ceux de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec concernant la qualité des services de garde (Japel et coll., 2005). Ces études québécoises font ressortir que la majorité des SGEE présentent une qualité éducative minimale, c’est-à-dire qu’ils satisfont minimalement aux principes de base du programme éducatif à la petite enfance. Plus particulièrement, les activités et le matériel sont peu diversifiés et adaptés à l’âge des enfants en lien avec leur développement langagier. Il est à noter que certaines études américaines soulignent que les enfants immigrant⋅e⋅s sont plus susceptibles de fréquenter des SGEE de faible qualité en comparaison aux enfants non immigrant⋅e⋅s, et ce, tout particulièrement lorsqu’elle⋅il⋅s sont exposé⋅e⋅s à des conditions socioéconomiques défavorables (Magnuson et Waldfogel, 2005 ; Nores et Barnett, 2014). Les enfants immigrant⋅e⋅s de notre échantillon ne présentent pas ce type de profil. En effet, 70 % de leurs parents ont un niveau de revenu familial supérieur à 60 000$ par année et 89 % des mères et 78 % des pères détiennent un niveau de scolarité universitaire. Il est donc probable que la majorité de leurs parents appartiennent à la catégorie Immigrant économique, lesquels sont sélectionnés sur la base de leur formation, leur expérience professionnelle, leur âge et leur connaissance de la langue officielle du pays d’accueil (Bohon et Conley, 2015).

Le deuxième objectif avait pour but d’examiner les différences en matière de préparation scolaire entre les enfants immigrante⋅s et non immigrante⋅s selon les cinq domaines de développement de l’IMDPE mesurés au T2. Nos résultats indiquent que les enfants immigrant⋅e⋅s de notre échantillon présentent un niveau de développement cognitif et langagier (par exemple, intérêt et habiletés en lecture, en écriture et en mathématiques, utilisation adéquate du langage) significativement plus faible que les enfants non immigrant⋅e⋅s peu avant leur entrée à l’école (T2). Bien que les enfants immigrant⋅e⋅s de notre échantillon soient majoritairement de deuxième génération (82 % d’entre elles⋅eux sont né⋅e⋅s au Canada et ont au moins un parent né à l’extérieur du Canada), nos résultats concordent avec ceux rapportés dans les enquêtes québécoises sur le développement des enfants à la maternelle. Ces enquêtes soutiennent que les enfants immigrant⋅e⋅s de première génération et les enfants allophones performent en deçà des autres enfants dans le domaine du développement cognitif et langagier lorsqu’elle⋅il⋅s entrent à la maternelle 5 ans (Boucheron et coll., 2012 ; Boucheron et coll., 2008 ; Simard et coll., 2018 ; Simard et coll., 2013). Cette performance peut s’expliquer par le fait que ces enfants, qui ne maitrisent pas ou peu le français, sont évalué⋅e⋅s dans un contexte d’apprentissage francophone en vertu de la Charte de la langue française (Loi 101). De plus, l’instrument de mesure utilisé ne permet pas de préciser si les difficultés observées dans le domaine du développement cognitif et langagier sont associées plus spécifiquement aux aptitudes langagières (par exemple, reconnaissance des mots, formulation des phrases, prononciation) ou aux aptitudes cognitives (par exemple, reconnaissance des nombres et des formes géométriques, compréhension des notions de temps). Par ailleurs, il est également possible qu’un stress d’acculturation puisse, en partie, expliquer les difficultés observées concernant l’intérêt et les habiletés en lecture et en écriture, et ce, tout particulièrement dans le contexte d’une nouvelle langue (Bouteyre, 2004). Il peut y avoir un décalage entre le capital humain et socioculturel des familles immigrantes (par exemple, maitrise insuffisante du français, difficulté à décoder la culture et les exigences scolaires de la société d’accueil) et celui des familles natives du Québec (Charette, 2016 ; Kanouté et coll., 2008). Afin de favoriser la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s, et ultimement leur réussite scolaire, il s’avère essentiel de transmettre des informations aux familles immigrantes sur le système scolaire québécois (Kanouté et coll., 2008) et d’améliorer les compétences interculturelles du personnel à la petite enfance lors de leur formation continue (Boily et Bissonette, 2019).

Le troisième objectif visait à examiner la relation entre la qualité de l’environnement éducatif du SGEE et la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s. La présente étude génère des connaissances nouvelles au regard de la contribution du mobilier et de l’aménagement de l’environnement éducatif à la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s. Selon les analyses réalisées, la sous-échelle Mobilier et aménagement de l’EEEP-R, combinée à un ou plusieurs domaines de développement de la préparation scolaire de l’IMDPE au T1 et à l’effet aléatoire du groupe, prédit la maturité affective, le développement cognitif et langagier et les habiletés de communication et connaissances générales de l’IMDPE au T2 pour l’ensemble des enfants de notre échantillon. D’un côté, la sous-échelle Mobilier et aménagement réfère aux caractéristiques matérielles relatives à l’espace (par exemple, superficie, éclairage) et au mobilier (par exemple, état, quantité) (qualité structurelle). D’un autre côté, elle dirige l’attention vers les besoins développementaux des enfants, en considérant l’aménagement des espaces communs et des aires de jeu spécifiques, de façon à offrir aux enfants une variété d’expériences éducatives et interactives (par exemple, autonomie, socialisation, motricité) (qualité du processus éducatif). Ainsi, la sous-échelle Mobilier et aménagement fait référence à la sensibilité de l’éducateur⋅rice, au sens où cette personne a la responsabilité d’organiser l’environnement physique et social de manière à répondre aux besoins développementaux des enfants (Bigras et coll., 2010 ; Manningham et Vaillant, 2017). Nos analyses révèlent également que le niveau de préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrantes au T1 est prédictif de leur niveau de préparation scolaire au T2. Dans cette perspective, une mesure préventive telle que le dépistage précoce des enfants âgé⋅e⋅s de 4 ans en SGEE permettrait d’identifier plus rapidement les indices de difficultés dans le développement des enfants et de leur offrir une stimulation et des interventions adaptées (Venet et coll., 2006 ; Manningham, 2021). À ce propos, rappelons que l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, menée en 2013 et en 2017, soutient que les enfants né⋅e⋅s à l’extérieur du Canada, les enfants dont la langue maternelle n’est pas le français et les enfants résidant dans un quartier très défavorisé sur le plan matériel sont plus susceptibles de présenter un niveau de développement cognitif et langagier inférieur aux autres groupes d’enfants lors de l’entrée à l’école (Simard et coll., 2018 ; Simard et coll., 2013). Par ailleurs, il importe également de souligner les forces et les capacités des enfants et de favoriser l’établissement de relations harmonieuses avec celles⋅ceux-ci et leur famille, afin d’éviter de s’inscrire dans une approche déficitaire de la transition vers la maternelle (Lehrer, 2018 ; Parazelli, Auclair et Brault, 2022).

6. Conclusion

Le but de cette étude consistait à examiner le rôle de la qualité de l’environnement éducatif du SGEE sur la préparation scolaire des enfants immigrant⋅e⋅s et non immigrant⋅e⋅s en voie d’entrer à la maternelle 5 ans. Un premier constat est le fait que l’ensemble des enfants de notre étude se trouvent dans des environnements éducatifs caractérisés par un niveau de qualité minimal (3) à bon (5). Un deuxième constat révèle que le niveau de développement cognitif et langagier des enfants immigrant⋅e⋅s peu avant leur entrée à l’école (T2) est inférieur à celui des enfants non immigrant⋅e⋅s de notre échantillon. Un troisième constat concerne la sous-échelle Mobilier et aménagement, qui, lorsque combinée à un ou plusieurs domaines de développement de la préparation scolaire au T1 et à l’effet aléatoire du groupe, est prédictive de la maturité affective, du développement cognitif et langagier et des habiletés de communications et connaissances générales de tou⋅te⋅s les enfants au T2.

Par ailleurs, certaines limites de l’étude font obstacle à la généralisation des résultats. D’abord, l’étude a été menée auprès d’un petit échantillon d’enfants (= 76) et d’un nombre restreint d’environnements éducatifs à la petite enfance (n = 14). Ensuite, l’instrument de mesure utilisé pour examiner la préparation scolaire des enfants évalue les aptitudes langagières et les aptitudes cognitives dans un même domaine de développement, soit le développement cognitif et langagier. Ce faisant, il n’est pas possible de déterminer si les difficultés observées chez les enfants immigrant⋅e⋅s relèvent davantage de la sphère langagière ou de la sphère cognitive. Il importe également de considérer l’absence de variabilité sur le plan de la défavorisation matérielle et sociale des SGEE fréquentés par les enfants. Enfin, la composition de l’échantillon comporte à peine 18 % d’enfants immigrant⋅e⋅s de première génération dont la langue parlée à la maison est autre que le français, alors que ce sont précisément ces enfants qui sont les plus « à risque » de présenter un retard lors de l’entrée à l’école. De plus, les informations sur le statut de résidence et le temps écoulé au Canada de ces enfants n’ont pas été recueillies. Il serait alors pertinent que les recherches futures répliquent cette étude auprès de profils distincts d’enfants immigrant⋅e⋅s (par exemple, immigré⋅e⋅s récemment, réfugié⋅e⋅s, parrainé⋅e⋅s par la famille) et de services éducatifs variés (par exemple, CPE, SGEE en milieu familial, maternelle 4 ans).

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Sabrina Bolduc
Docteure en psychopédagogie, Université Laval

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Suzanne Manningham
Professeure retraitée, Université Laval