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L’ouvrage dirigé par Françoise Lorcerie constitue une réflexion profonde sur les racines et la signification de la diversité non pas comme concept, mais plutôt comme « catégorie politique ». S’appuyant sur des réalités belges, françaises, québécoises et suisses, ce collectif est constitué de 22 chapitres et s’articule en trois grandes sections. Le premier segment relève quelques repères organisationnels des quatre contextes. L’interprétation de la diversité est alors étudiée et située pour jeter les bases sur lesquelles s’appuient les chapitres subséquents. Les auteur⋅e⋅s évoquent également le contexte social particulier du Québec et son rapport singulier à la diversité. Le second, s’intitulant Des processus sociaux associés à la diversité, est principalement orienté vers le monde scolaire et relève certains défis dans la documentation du phénomène, dû notamment, au caractère sensible des enjeux inhérents à la diversité et du vécu des personnes concernées. Enfin, la troisième section aborde la formation à la diversité chez les acteur⋅rice⋅s scolaires en discutant des leviers et des obstacles rencontrés. Des thématiques, comme l’inclusion, les mesures antidiscriminatoires, la radicalisation, la revanche sociale, le racisme, l’ambivalence des familles immigrées envers l’école et les trajectoires scolaires soutiennent l’exploration des ramifications de ce phénomène. Elles exposent également le désir des auteur⋅e⋅s d’aborder ce sujet dans sa complexité, sans l’édulcorer.

Ce collectif confronte la⋅le lecteur⋅rice à plusieurs vocables mettant en exergue le fossé séparant les individus compris dans la diversité et les « autres ». Ces référents à l’altérité, comme la dualité entre la « majorité » et la « minorité » (Lorcerie, introduction), le « eux » et le « nous » (McAndrew et Audet, chapitre 1), ou encore la « diversité interne » et la « diversité externe » (Ogay, chapitre 2) renforcent la définition proposée par Lorcerie en préambule. En effet, la directrice de l’ouvrage propose trois principales composantes pour comprendre la diversité. Ainsi, cette qualification peut faire référence à l’immigration récente, aux individus qui ne seraient pas compris dans le « nous » national, mais aussi à la perception des natif⋅ve⋅s à l’égard des personnes qui seraient différentes d’elles⋅eux.

Dans cette publication, une place importante est accordée aux défis vécus par les milieux scolaires qui constituent des acteurs de première ligne au vu de ces enjeux sociopolitiques. Par exemple, le rôle particulier de l’école dans l’inclusion de tou⋅te⋅s les élèves est discuté. Principalement dans la troisième section du livre, il est question de pratiques pouvant être mises en place en contexte scolaire qui favorisent l’inclusion des élèves et qui peuvent, dans une certaine mesure, atténuer les effets des scissions entre les groupes. Ces propositions font suite au constat d’un manque de formation et de ressources pour soutenir les enseignant⋅e⋅s qui est formulé dans la seconde section. En ce sens, au fil des chapitres, nous découvrons le rôle de médiateur⋅rice assumé par l’enseignant⋅e, qui compose avec la diversité et qui tisse des liens entre le connu et l’inconnu pour l’élève, entre le « eux » et le « nous » pour la société.

Des comparaisons avec d’autres élèves aux parcours diversifiés, singulièrement ceux en situation de handicap ou rencontrant des difficultés d’apprentissage ou d’adaptation, sont également tentées. Si l’hétérogénéité dans la diversité est abordée en début d’ouvrage pour atténuer la perspective dichotomique qui distingue les natif⋅ve⋅s des « autres », les auteur⋅e⋅s doivent déconstruire ce groupe composite d’individus ayant des caractéristiques qui leur sont propres. Dans cette comparaison entre les enfants compris⋅es dans la « diversité » et les autres qui possèdent des caractéristiques qui sont susceptibles de les marginaliser, il est abordé au septième chapitre (Verhoeven et Dubois Shaik) le cas des élèves cumulant plusieurs désavantages sociaux, économiques ou culturels. Si cette catégorisation peut favoriser une réponse plus appropriée aux besoins de l’enfant, un bon nombre d’obstacles peut entraver le processus d’attribution des ressources de soutien. Par ailleurs, plusieurs de ces enjeux sont documentés dans le corpus scientifique sur ces thématiques. Il est notamment question de la barrière linguistique, des référents culturels ou encore de la disponibilité cognitive de l’élève qui faussent les évaluations diagnostiques et qui laissent béants les réels besoins des enfants. Cela dit, malgré l’orientation du livre qui surpasse le seul contexte de l’école, cet ouvrage aborde peu les représentations culturelles des difficultés d’apprentissage entretenues par la famille qui diffèrent parfois de celles véhiculées dans la culture d’accueil. Or, ces questions sont d’importance pour orienter la différenciation pédagogique effectuée pour soutenir les apprentissages des élèves ayant des caractéristiques particulières. Une représentation systémique intégrée des différents points de vue scolaires aurait pu enrichir l’exploration des ramifications de la diversité à l’école proposée dans l’ouvrage.

En somme, le collectif dirigé par Lorcerie ne se limite pas à la présentation d’une mosaïque de résultats de recherche, mais il s’agit plutôt d’une réflexion étayée sur la diversité abordant les réalités de quatre régions. Un effort de présentation des contextes sociopolitiques est senti dans la lecture des chapitres et celui-ci permet à la⋅au lecteur⋅rice d’adopter un point de vue macroscopique sur un phénomène qui ne doit pas être dénué de sa complexité. Cet ouvrage d’une grande qualité questionne et discute des sujets parfois évités avec une remarquable justesse. Celui-ci saura être apprécié par les chercheur⋅se⋅s et les praticien⋅ne⋅s qui s’interrogent sur des thématiques connexes à la diversité. Cette publication leur permettra d’alimenter leurs réflexions en s’appuyant sur une perspective prismatique et internationale de la question.