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L’ouvrage porte sur l’histoire de l’enseignement de l’histoire. Dû à une situation originale, le Québec est perçu comme société coloniale, dominée par les Britanniques, et comme une société distincte ayant les attributs d’une Nation (une communauté de langue, de foi et de cultures).
Les auteurs opposent deux interprétations historiques : celle d’une bonne-entente avec le colonisateur et celle d’une affirmation nationale contre celui-ci. Selon eux, deux traditions interprétatives s’affrontent de 1832 à nos jours : l’École de Québec bon-ententiste (Université Laval) et l’École de Montréal nationaliste (Université de Montréal). Cette dichotomie s’appréhenderait à travers les manuels d’enseignement d’histoire et des débats intellectuels, de 1832 à nos jours.
Dans un premier chapitre sur la période 1830-1905, le bon-ententisme et le nationalisme québécois sont définis, puis la méthodologie et les indicateurs utilisés pour l’étude des manuels d’histoire sont présentés. Suit ensuite un méticuleux travail, effectué par A. Bureau, de classement des manuels et de leurs auteurs. Malgré l’émergence de la critique nationale portée par F.-X. Garneau (1832), la prédominance du bon-ententisme est constatée.
Dans un deuxième chapitre, C.-P. Courtois aborde la période 1905-1945 selon les sensibilités loyalistes et nationalistes. Il détaille rapidement l’essor de l’enseignement de l’histoire à partir de 1905, expliqué par un renouvellement du nationalisme canadien-français.
Puis, l’auteur compare les positions de L. Groulx et de T. Chapais ainsi que leur influence sur les manuels publiés : si la vision bon-ententiste prédomine toujours dans les manuels d’histoire, les travaux historiques de L. Groulx commencent à percoler.
Justement dans le troisième chapitre sur la période de 1945-1966, du nouveau programme d’enseignement de 1948 au Document C de 1966, C.-P. Courtois constate que L. Groulx conserve une influence majeure sur la construction de l’histoire du Québec.
Dans le chapitre 4, selon O. Lemieux, la commission Parent promeut une orientation sociale de l’enseignement de l’histoire, inspirée de l’École de Québec. Il montre que la commission Parent a délégué la responsabilité de créer un nouveau programme d’histoire plus objectif à une division de l’histoire de la Direction générale des programmes et des examens du ministère de l’Éducation en construction (1964). Le rapport Parent aurait donc eu peu d’influence sur les nouveaux programmes de 1967 et de 1970.
Dans le chapitre 5, le didacticien M. Allard aborde l’évolution des programmes d’études de 1873 à la commission Parent. Il détaille ses recommandations, mettant fin à une « apologétique nationale et religieuse » (rapport Parent), et recommandant la nomination d’un organisateur de l’enseignement de l’histoire. Cette direction élabore rapidement le programme d’histoire de la 11e année : le Document C. Ce dernier marque une « profonde rupture » (p. 193) dans l’enseignement de l’histoire, car « l’histoire sera […] une façon d’aborder la connaissance du passé, non pas en se basant sur une visée idéologique, mais bien sur une approche rationnelle » (p. 193).
Dans un sixième chapitre, A. Bureau reprend son analyse des manuels scolaires d’histoire de 1966 à 2006, du Document C, du programme-cadre de 1970 et de la tentative de réforme du début des années 1980. Il constate, sans l’expliquer, un renouvèlement de la didactique de l’histoire du Québec à partir de 1982.
Sans transition, les chapitres 7, 8 et 9 détaillent la perception des élites québécoises d’après-guerre de l’histoire du Québec dans trois revues intellectuelles.
Dans le chapitre 7, F. Bouvier commente une bibliographie des articles publiés dans l’Action nationale sur ce sujet de 1950 à 2006. Puis, le chapitre 8 analyse les représentations de Cité libre, revue libérale, de l’historiographie canadienne-française. Enfin, les positions marxistes de Parti pris sont détaillées dans le chapitre 9.
La dernière partie, avec les chapitres 10, 11 et 12, conclut sur les débats actuels de l’enseignement de l’histoire. S’inspirant des sciences politiques, le chapitre 11 analyse les grandes phases d’une controverse en éducation selon le modèle de Chateauraynaud. Puis, dans les chapitres 10 et 12, F. Bouvier récapitule les affrontements autour des programmes d’histoire des années 1960 à 2017.
Les six premiers chapitres forment donc un tout essentiel, malgré deux limites importantes : la première est que la disciplinarisation tardive des historiens au Québec (Régimbald, 1997) n’est pas abordée ; la seconde concerne le fait d’isoler l’enseignement de l’histoire et la fabrication des manuels de l’évolution du système éducatif depuis 1838. Ne seraient-ils pas aussi le reflet de rapports de force multilatéraux autour du système éducatif québécois ?
À propos des revues intellectuelles, les trois chapitres semblent montrer l’éclatement de cette dichotomie. Mais aucune conclusion synthétique ne discute les thématiques du livre.
Dans la dernière partie, la confusion entre démarche historique et bilan militant brouille l’élaboration d’une chronologie explicative et sereine des faits significatifs (intervenants, positions, évolutions, etc.) des récents débats autour de l’enseignement de l’histoire du Québec.
Concluant l’ouvrage, cette dernière partie ne propose pas de synthèse sur le rapport entre l’enseignement de l’histoire du Québec et sa contribution à la conquête de l’indépendance du Québec, hier, aujourd’hui et demain ?
Ce fil rouge peu explicité enferme l’enseignement de l’histoire dans une dichotomie rigide, essentiellement conflictuelle, sans inclure les points de vue divergents ou convergents d’autres acteurs essentiels de l’éducation du Québec.
Néanmoins, certains chapitres sont essentiels au développement de la connaissance scientifique de l’histoire de l’éducation au Québec, pour les étudiants en histoire ou en didactique de l’histoire, ou encore les enseignants et les professeurs intéressés par l’enseignement de l’histoire du Québec.