Hofstetter, R., Droux, J. et Christian, M. (dir.). (2020). Construire la paix par l’éducation : réseaux et mouvements internationaux au XXe siècle. Genève au coeur d’une utopie. Éditions Alphil/Presses universitaires suisses

C’est au colloque « Genève, une plateforme de l’internationalisme éducatif » — un projet de paix et de réconciliation porté par la Société des Nations —, qu’est né le concept de cet ouvrage qui traite du 20^e siècle à partir des années 1920. Ici, 15 auteur⋅e⋅s (sept issu⋅e⋅s d’universités suisses, sept de France et un d’Espagne) posent un regard dynamique et diversifié sur les parcours et réseaux d’acteur⋅rice⋅s majeur⋅e⋅s de l’Éducation nouvelle. L’introduction brosse le paysage du développement de ce mouvement novateur aux « élans éducatifs internationalistes » porté par l’« esprit de Genève », qui incarnerait le pacifisme, le militantisme et l’humanisme des années 1920. L’ouvrage s’organise en deux parties : la première se penche sur les « individus et réseaux, individus en réseaux », la seconde questionne « Genève, une plateforme de l’internationalisme éducatif ? ». Les chapitres de la première partie exposent et mettent en relation les apports d’acteur⋅rice⋅s majeur⋅e⋅s de l’Éducation nouvelle. On traite de la pédagogie de Jaques-Dalcroze, théosophe et pédagogue ; du jumelage intellectuel de Piaget et Cousinet ; de la pédagogie de Freinet en marge de l’Éducation nouvelle ; de l’amitié entre Ferrière et Geheeb ; de l’internationalisme de Montessori, questions de diffraction et de diffusion ; du « Plan de Dalton » et de la pédagogie de Winnetka arbitrés par Piaget. Les chapitres de la deuxième partie proposent un changement d’angle d’analyse : ils se penchent plus spécifiquement sur le rôle international de Genève, son Institut Rousseau, le Bureau international de l’éducation, l’établissement des droits universels pour les enfants portés par la création du Comité international de la Croix-Rouge, l’importance des diplômées genevoises dans les mouvements féminins et les organisations internationales entre 1923 et 1939, l’organisation mondiale pour l’éducation préscolaire au prisme des initiatives locales, nationales et transnationales, l’influence des pédagogues de Genève en Catalogne et enfin l’idée internationaliste de l’esprit de Genève à la Cité internationale universitaire de Paris. Cet ouvrage est utile pour qui s’intéresse à l’histoire vivante de l’Éducation nouvelle. L’originalité des sources et la richesse iconographique (photos d’individus isolés ou en groupe, reproductions de lettres, d’affiches, etc.) illustrent de manière vivante le foisonnement d’idéaux, d’idées, de tensions et de concurrences aussi, qui ont caractérisé l’Éducation nouvelle du début du 19^e siècle, avec ses valeurs pacifistes et ses dynamiques réformistes de l’entredeux guerres (et au-delà). La lecture des différents chapitres nous éloigne des idées réductrices parfois attribuées aux acteur⋅rice⋅s convoqué⋅e⋅s ici ; leurs réseaux, leurs engagements, leurs idéaux, leurs controverses et leur internationalité les rendent profondément humains et proches de nos préoccupations contemporaines. Le présent livre, coordonné par d’éminent⋅e⋅s spécialistes du mouvement de l’Éducation nouvelle, est circonscrit aux réseaux européens. Un prolongement portant sur l’internationalité du mouvement, ses réseaux hors de l’Europe et sur la manière dont s’en sont saisies d’autres cultures nourrirait assurément avec bonheur une suite à cet ouvrage collectif.